Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG S.08.0061.F
L. M.,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Cecile Draps, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11, ou il est faitelection de domicile,
contre
FONDS DES MALADIES PROFESSIONNELLES, etablissement public dont le siegeest etabli à Saint-Josse-ten-Noode, avenue de l'Astronomie, 1,
defendeur en cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 9 janvier 2006par la cour du travail de Mons.
Le president Christian Storck a fait rapport.
Le procureur general Jean-Franc,ois Leclercq a conclu.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 2, 32, 48ter, alinea 1er (apres sa modification par l'article19 de la loi du 22 fevrier 1998 portant des dispositions sociales qui, envertu de son article 20, produit ses effets au 1er janvier [lire : 2decembre ] 1990), 52 et 53 des lois relatives à la reparation desdommages resultant des maladies professionnelles, coordonnees par l'arreteroyal du 3 juin 1970 ;
- articles 1er et 2 de l'arrete royal du 5 novembre 1990 limitant, pourcertaines maladies, les avantages accordes par les lois coordonneesrelatives à la reparation des dommages resultant des maladiesprofessionnelles, en ce qui concerne les victimes exposees au risqueprofessionnel de ces maladies pendant une periode au cours de laquelleelles ne tombaient pas sous l'application des lois coordonnees ;
- articles 1er à 11 de l'arrete royal du 15 juin 1971 determinant lamaniere dont sont introduites et examinees par le Fonds des maladiesprofessionnelles les demandes d'indemnisation et de revision desindemnites acquises, avant son abrogation par l'arrete royal du 26septembre 1996 determinant la maniere dont sont introduites et instruitespar le Fonds des maladies professionnelles les demandes de reparation etde revision des indemnites acquises.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque - apres avoir enterine le rapport d'expertise concluantqu'à la date du 9 juin 1986 et ulterieurement le demandeur etait atteintd'une maladie osteoarticulaire d'origine vibratoire et fixant le tauxd'invalidite physique à 11 p.c. et apres avoir evalue les facteurssocio-economiques à 5 p.c. à partir du 9 juin 1986 et le montant dusalaire de base - « dit pour droit qu'en application de l'article 48terde l'arrete royal du 3 juin 1970 (instaure par l'arrete royal du 5novembre 1990), (le demandeur) aura droit à 8,32 p.c. du montant desindemnites et allocations lui revenant (...) à partir du 2 decembre1990 » pour tous ses motifs consideres ici comme integralementreproduits.
Griefs
En vertu des articles 2 et 32 des lois coordonnees sur les maladiesprofessionnelles, le benefice de la reparation des dommages resultantd'une maladie professionnelle est garanti aux personnes qui ont eteexposees au risque professionnel de ladite maladie pendant tout ou partiede la periode au cours de laquelle elles ont eu la qualite de travailleursalarie.
Par exception, l'article 48ter des lois coordonnees vise au moyen permetau Roi de prevoir, « pour les maladies professionnelles qu'Il citenommement, que, lorsqu'une personne atteinte d'une de ces maladiesprofessionnelles remplit les conditions de l'article 32 et a egalement eteexposee au risque professionnel de cette maladie pendant une periode aucours de laquelle elle n'appartient pas à une des categories de personnesvisees à l'article 2 (...), les indemnites et allocations serontaccordees par le Fonds des maladies professionnelles à concurrence d'unprorata qu'Il determine, calcule et arrete de maniere definitive à ladate de prise de cours de la premiere indemnisation ».
L'article 1er de l'arrete royal du 5 novembre 1990 execute cet article48ter. Lorsque l'exposition au risque a eu lieu pour partie pendant desperiodes pour lesquelles la victime n'avait pas la qualite de travailleursalarie, la reparation est ainsi limitee à concurrence du prorata quecette disposition determine.
En vertu de l'article 2 de l'arrete royal precite, celui-ci ne s'appliquequ'à toutes les premieres demandes ou demandes en revision ou revisionsd'office qui n'ont pas encore fait l'objet d'une decision à la date deson entree en vigueur.
En vertu de l'article 52 des lois coordonnees, il appartient au defendeurde statuer sur chaque demande de reparation qui lui est soumise dans lesformes et de la maniere determinees par le Roi, soit en l'espece parl'arrete royal du 15 juin 1971, et de revoir à la demande ou d'office sadecision lorsque des modifications sont intervenues dans l'etat de santede la victime, tandis que l'article 53 des lois coordonnees prevoit que letribunal du travail connait des contestations sur les decisions dudefendeur.
Il se deduit de ces dispositions que - independamment de l'hypothese de larevision qui suppose une modification dans l'etat de sante du demandeur etest donc etrangere au cas d'espece - la reparation integrale d'une maladieprofessionnelle est due par le defendeur lorsqu'il a, avant l'entree envigueur de l'arrete royal du 5 novembre 1990, statue sur la demanded'indemnisation. La circonstance que le defendeur a illegalement rejete lademande d'indemnisation, contraignant ainsi la victime à contester sadecision devant les juridictions du travail, n'a pas pour consequence queces juridictions pourraient appliquer l'article 1er de l'arrete royal du 5novembre 1990 à une indemnisation que le defendeur eut du accorderintegralement compte tenu de la date de sa decision.
Il ressort de l'expose des faits et antecedents de la cause de l'arret du16 janvier 2002 que la demande d'indemnisation a ete introduite le 9 juin1986 et que le defendeur a statue sur cette demande en la rejetant le 23fevrier 1988, soit avant la promulgation et l'entree en vigueur del'arrete royal du 5 novembre 1990.
L'arret attaque enterine le rapport d'expertise, reconnaissant ainsi audemandeur le droit à l'indemnisation d'une maladie professionnelle àpartir de la date de la demande, soit le 9 juin 1986, sur la base d'untaux d'incapacite physiologique de 11 p.c. et de facteurssocio-economiques fixes à 5 p.c. Il en ressort ainsi que lorsque ledefendeur a statue le 23 fevrier 1988, c'est illegalement qu'il a refused'indemniser le demandeur à une epoque ou aucune limitation desindemnites n'etait prevue lorsque l'exposition au risque s'etait produitepartiellement pendant une periode pendant laquelle la victime n'etait pasun travailleur salarie.
Il ressort egalement de l'arret attaque que l'hypothese d'une aggravationou d'une amelioration de l'etat de sante de la victime et, partant, d'unerevision, est etrangere au cas d'espece.
En appliquant la limitation contenue dans l'article 1er de l'arrete royaldu 5 novembre 1990 à l'indemnisation due par le defendeur à partir du 2decembre 1990, l'arret attaque viole toutes les dispositions legalesreprises au moyen.
III. La decision de la Cour
L'article 32 des lois relatives à la reparation des dommages resultantdes maladies professionnelles, coordonnees le 3 juin 1970 dispose, en sonpremier alinea, que la reparation des dommages resultant d'une maladieprofessionnelle ou d'une maladie au sens de l'article 30bis est duelorsque la personne, victime de cette maladie, a ete exposee au risqueprofessionnel de ladite maladie pendant tout ou partie de la periode aucours de laquelle elle appartenait à une des categories de personnesvisees à l'article 2 ou pendant la periode au cours de laquelle elle aete assuree en vertu de l'article 3.
L'article 48ter, alinea 1er, de ces lois, tant dans sa version anterieureà sa modification par la loi du 22 fevrier 1998 que dans celle envigueur, en vertu de celle-ci, depuis le 2 decembre 1990, permet au Roi,pour les maladies professionnelles qu'Il mentionne, de limiter lesindemnites et allocations accordees par le Fonds de la maniere qu'Ildetermine lorsque la victime, qui remplit les conditions de l'article 32,a egalement ete exposee au risque professionnel de cette maladie pendantune periode au cours de laquelle elle n'appartenait pas à une descategories de personnes visees à l'article 2 ou n'etait pas assuree envertu de l'article 3.
Pris en execution de l'article 48ter, l'arrete royal du 5 novembre 1990limitant, pour certaines maladies, les avantages accordes par les loiscoordonnees relatives à la reparation des dommages resultant des maladiesprofessionnelles, en ce qui concerne les victimes exposees au risqueprofessionnel de ces maladies pendant une periode au cours de laquelleelles ne tombaient pas sous l'application des lois coordonnees, est entreen vigueur le 2 decembre 1990. Aux termes de son article 2, il s'appliqueà toutes les premieres demandes, demandes en revision ou revisionsd'office qui n'ont pas encore fait l'objet d'une decision à la date deson entree en vigueur.
La decision visee par cette disposition est celle par laquelle le Fondsdes maladies professionnelles statue, conformement à l'article 52 deslois precitees, sur les demandes de reparation ou de revision ou sur labase de son pouvoir de revision d'office.
L'arret attaque constate que le demandeur a introduit une demande dereparation le 9 juin 1986 et que, par sa decision du 23 fevrier 1988, ledefendeur lui a refuse le benefice de cette reparation.
Des lors que la decision du defendeur a ete prise avant l'entree envigueur de l'arrete royal du 5 novembre 1990, l'arret, qui limite lemontant des avantages accordes au demandeur à partir du 2 decembre 1990,ne justifie pas legalement sa decision.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque en tant qu'il dit pour droit que le demandeur« aura droit à 8,32 p.c. du montant des indemnites et allocations luirevenant sur la base d'un taux d'invalidite physique fixe à 11 p.c. àpartir du 2 decembre 1990 » ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Vu l'article 53, alinea 2, des lois coordonnees le 3 juin 1970, condamnele defendeur aux depens ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Bruxelles.
Les depens taxes à la somme de cent vingt-huit euros septante-deuxcentimes envers la partie demanderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le president de section PaulMathieu, les conseillers Christine Matray, Martine Regout et MireilleDelange, et prononce en audience publique du dix mai deux mille dix par lepresident Christian Storck, en presence du procureur generalJean-Franc,ois Leclercq, avec l'assistance du greffier Marie-JeanneMassart.
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| M-J. Massart | M. Delange | M. Regout |
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| Chr. Matray | P. Mathieu | Chr. Storck |
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10 MAI 2010 S.08.0061.F/1