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23/04/2010 | BELGIQUE | N°F.09.0033.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 avril 2010, F.09.0033.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

4640



NDEG F.09.0033.F

V. D. A.,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Marc Baltus, avocat au barreau de Bruxelles,dont le cabinet est etabli à Saint-Gilles, rue de Bordeaux, 49,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait elec

tion de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 22 octo...

Cour de cassation de Belgique

Arret

4640

NDEG F.09.0033.F

V. D. A.,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Marc Baltus, avocat au barreau de Bruxelles,dont le cabinet est etabli à Saint-Gilles, rue de Bordeaux, 49,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 22 octobre 2008par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Gustave Steffens a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente trois moyens, dont le deuxieme est libelle dans lestermes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 32, 49 et 53, specialement 1DEG, du Code des impots sur lesrevenus 1992, dans leur version applicable aux exercices en litige ;

* articles 1102 et 1134 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret decide que le demandeur ne peut deduire à titre de fraisprofessionnels les tantiemes d'administrateur qu'il a du retrocederconformement à une convention du 29 avril 1993 bien qu'il admette que cestantiemes ont ete regulierement declares par le demandeur comme revenusprofessionnels, et que cette retrocession etait la contrepartie de l'appuidonne au demandeur par le cocontractant pour lui permettre d'obtenir sonmandat d'administrateur, et partant les tantiemes litigieux.

L'arret justifie cette decision par les motifs suivants :

« Le 29 avril 1993, une convention a ete conclue entre Diligentia -actionnaire d'Interbrew - et [le demandeur] - administrateur de Diligentia- aux termes de laquelle ce dernier s'engageait à retroceder à laditesociete Diligentia `le montant brut des tantiemes et remunerations enespeces (ci-apres : les tantiemes) qu'il percevra (...) en tantqu'administrateur de la societe anonyme Interbrew' (article 1er).

L'article 2 de la convention prevoyait qu'en contrepartie de cetengagement, Diligentia s'engageait à apporter son entier support [audemandeur] en vue du renouvellement de son mandat d'administrateurd'Interbrew.

(...) [Le demandeur] n'a perc,u d'Interbrew aucune autre somme que lestantiemes qu'il a retrocedes integralement à Diligentia. A l'audience, ilest confirme que l'interesse n'a pas rec,u de jetons de presence lorsqu'ilassistait aux conseils d'administration d'Interbrew, ce dernierconsiderant comme un honneur d'avoir ete choisi par les familles (...)pour etre leur porte-parole.

[Le demandeur] exerc,ait son mandat d'administrateur de Diligentia àtitre gratuit.

Le mandat d'administrateur d'Interbrew du contribuable a ete renouvelenotamment les 8 avril 1995 et 13 mai 1998. (...)

Diligentia a comptabilise les sommes rec,ues et a ete imposee surcelles-ci. (...)

La cour [d'appel] ne partage pas le point de vue du [demandeur] pour lesmotifs suivants.

La circonstance que [le demandeur], administrateur d'Interbrew, seconsidere egalement comme le porte-parole de tiers auxquels reviendraientla totalite des tantiemes qui lui ont ete payes est sans incidence enl'espece.

En effet, les tantiemes de l'administrateur doivent etre consideres commele fruit de son travail personnel et non comme les interets de capitauxinvestis dans l'affaire par des tiers, dont cet administrateur auraitobtenu la confiance ; qu'à ce titre, les tantiemes alloues àl'administrateur doivent donc etre soumis à l'impot qui les frappe, sansqu'il y ait à considerer la destination ulterieure des sommes ainsitouchees.

Par ailleurs, [le demandeur] invoque en vain les dispositions de l'article49 du Code des impots sur les revenus 1992.

La question, dans le present dossier, n'est pas de savoir si, en l'absencede l'appui des familles - actionnaires de Diligentia -,[le demandeur]aurait ou non ete designe comme administrateur d'Interbrew, mais bien si,grace aux tantiemes retrocedes, [il] a acquis ou conserve des revenusimposables.

Or, [il] n'a jamais soutenu et ne propose pas de demontrer qu'il a acquisou conserve des revenus grace à la retrocession invoquee.

Il admet en effet que, comme prevu par la convention du 29 avril 1993, ila reverse l'integralite des tantiemes. Le premier juge a releve des lorsà juste titre que, àpres deduction du montant des retrocessions, lemontant des tantiemes provenant de la societe Interbrew (etait)systematiquement reduit à neant dans son chef'. [Le demandeur] n'a rec,uaucun jeton de presence d'Interbrew, ni aucune somme autre que lestantiemes retrocedes.

Il exerc,ait gratuitement son mandat d'administrateur de Diligentia.

[Le demandeur] ne pretend pas que, grace à la retrocession, il auraitrecueilli ou conserve des revenus provenant d'autres societes ou demembres des familles qu'il dit avoir representes, car il à considerecomme un honneur d'avoir ete choisi par les familles pour etre leurporte-parole'.

Les conditions d'application de l'article 49 du Code des impots sur lesrevenus 1992 ne sont par consequent pas remplies ».

Griefs

Selon les constatations de l'arret, la retrocession etait pour ledemandeur l'execution d'une obligation qui lui etait imposee par laconvention synallagmatique du 29 avril 1993 et elle etait donc lacontrepartie de l'appui indispensable de sa cocontractante pour qu'ilobtienne un mandat d'administrateur d'Interbrew, et l'obtention de cemandat etait une condition pour que le demandeur obtienne les tantiemespayes par cette societe à ses administrateurs, d'ou il suit que laretrocession etait necessaire pour que le demandeur acquiere ou conserveles tantiemes qu'il a declares, cette retrocession etait donc inherente àl'exercice de sa profession et partant une depense professionnelle que ledemandeur pouvait deduire des tantiemes rec,us, en vertu de l'article 49du Code des impots sur les revenus 1992, en sorte que l'arret viole cettedisposition en decidant le contraire.

L'arret meconnait aussi l'effet obligatoire des conventionssynallagmatiques prevu par les articles 1102 et 1134 du Code civil et,partant, viole ces dispositions.

Il viole enfin les articles 32 et 49 du Code des impots sur les revenus1992 en decidant implicitement mais certainement que les remunerations desdirigeants d'entreprise sont imposables sur leur montant brut si lescharges exposees pour les acquerir sont egales au montant brut desremunerations, restriction que la loi ne contient pas.

Les motifs precites de l'arret, pas plus que ses autres constatations, nepeuvent justifier legalement sa decision de refuser la deduction desretrocessions par application de l'article 49 precite (violation de cettedisposition).

En effet

- il importe peu à cet egard que les tantiemes doivent etre considerescomme le fruit du travail personnel de l'administrateur ;

- contrairement à ce qu'il decide, il convenait que le juge du fonddetermine si, en l'absence de l'appui des familles actionnaires deDiligentia, le demandeur eut pu, ou non, etre nomme administrateur de lasociete Interbrew et partant beneficier des tantiemes d'administrateur decette societe, puisque, dans la negative, la depense de retrocessionprevue par la convention avait ete necessaire pour acquerir le revenuimpose ;

- le fait que la retrocession ait ete integrale est sans pertinence carl'importance de la depense necessitee par l'exercice de la professionn'influence pas le caractere deductible ou non de cette depense ;

- le fait que le demandeur n'ait pas rec,u d'Interbrew ou de Diligentiad'autres revenus professionnels que les tantiemes litigieux etait sanspertinence puisque le demandeur se bornait à soutenir que la depenselitigieuse avait ete faite pour obtenir les tantiemes et que c'etait à cetitre qu'elle etait une depense professionnelle deductible de cestantiemes.

III. La decision de la Cour

Sur le deuxieme moyen :

Aux termes de l'article 49, alinea 1er, du Code des impots sur les revenus1992, sont deductibles à titre de frais professionnels, les frais que lecontribuable a faits ou supportes pendant la periode imposable en vued'acquerir ou de conserver les revenus imposables et dont il justifie larealite et le montant au moyen de documents probants ou, quand cela n'estpas possible, par tous autres moyens de preuve admis par le droit commun,sauf le serment.

Il ne resulte pas de cette disposition que la deductibilite des frais estsubordonnee à la condition qu'ils soient inferieurs au montant desrevenus professionnels declares qu'ils ont permis d'acquerir ou deconserver.

L'arret n'a des lors pu, sans violer cette disposition, refuser sonapplication au benefice du demandeur au motif que celui-ci « a reversel'integralite des tantiemes » et que « le premier juge a releve des lorsà juste titre `qu'apres deduction du montant des retrocessions, lemontant des tantiemes provenant de la societe Interbrew (etait)systematiquement reduit à neant dans son chef ' ».

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Albert Fettweis, Christine Matray et Gustave Steffens, et prononce enaudience publique du vingt-trois avril deux mille dix par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Andre Henkes, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+---------------------------------------------+
| P. De Wadripont | G. Steffens | Chr. Matray |
|-----------------+-------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+---------------------------------------------+

23 AVRIL 2010 F.09.0033.F/8


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.09.0033.F
Date de la décision : 23/04/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-04-23;f.09.0033.f ?
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