La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/04/2010 | BELGIQUE | N°C.09.0418.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 avril 2010, C.09.0418.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

585



N° C.09.0418.F

ETABLISSEMENT IDEAL DECOR, société anonyme dont le siège social est établià Gembloux, chaussée de Charleroi, 67-69,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est faitélection de domicile,

contre

 1. R. A. et

 2. B. N.,

défendeurs en cassation,

représentés par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation,d

ont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il estfait élection de domicile,

 3. F. C.,

défenderesse en cassation.

I. La pr...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

585

N° C.09.0418.F

ETABLISSEMENT IDEAL DECOR, société anonyme dont le siège social est établià Gembloux, chaussée de Charleroi, 67-69,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est faitélection de domicile,

contre

 1. R. A. et

 2. B. N.,

défendeurs en cassation,

représentés par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il estfait élection de domicile,

 3. F. C.,

défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 4 mars 2009par le tribunal de première instance de Charleroi, statuant en degréd'appel.

Le président Christian Storck a fait rapport.

L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

Articles 860, 861 et, pour autant que de besoin, 38 et 42, 5°, du Codejudiciaire

Décisions et motifs critiqués

Le jugement attaqué « reçoit les appels principal et incident, dit l'appelprincipal non fondé, constate que l'appel incident est devenu sans objet,confirme en conséquence le jugement dont appel [qui déclare l'oppositionde la demanderesse irrecevable, car tardive], [et] condamne la[demanderesse] aux dépens d'appel liquidés à 1.100 euros » et ce, par tousses motifs et spécialement par les motifs suivants :

« Les [deux premiers défendeurs] soutiennent que l'opposition de la[demanderesse] ne serait pas recevable au motif qu'introduite par citationsignifiée le 15 janvier 2005, elle a été formée en dehors du délai d'unmois à dater de la signification du jugement rendu par défaut intervenuele 4 octobre 2004 ;

La [demanderesse] soutient quant à elle que le jugement par défaut a étéirrégulièrement signifié à son précédent siège social, ce qui l'a empêchéed'introduire son recours dans le délai légal, l'intéressée n'ayant euconnaissance du fait qu'une procédure judiciaire avait été poursuivie àson encontre et qu'un jugement avait été prononcé à sa charge qu'àl'occasion de la signification de l'itératif commandement du 15 décembre2004 qui constitue le premier document signifié à son siège social. Cetteirrégularité rendrait selon elle l'acte de signification nul, de sorte queson opposition aurait été introduite dans le délai légal ;

Il appert à la lecture de l'exploit de signification du jugement rendu pardéfaut que l'huissier instrumentant a eu recours à une signification `pardépôt' telle qu'elle est prévue à l'article 38 du Code judiciaire ;

Selon cette disposition, lorsque la signification n'a pu être faite `àpersonne' ou `à domicile', celle-ci consiste dans le dépôt par l'huissierde justice au domicile ou, à défaut de domicile, à la résidence dudestinataire, d'une copie de l'exploit sous enveloppe fermée. Au plus tardle jour ouvrable qui suit la présentation de l'exploit, l'huissier dejustice adresse soit au domicile, soit, à défaut de domicile, à larésidence du destinataire, sous pli recommandé à la poste, une lettresignée par lui, mentionnant la date et l'heure de la présentation ainsique la possibilité, pour le destinataire en personne ou le porteur d'uneprocuration écrite, de retirer une copie conforme de cet exploit enl'étude de l'huissier de justice, pendant un délai maximum de trois mois àpartir de la signification ;

En application de l'article 42, 5°, du Code judiciaire, la signification àune société ayant la personnalité civile doit être faite à son siègesocial et ce n'est qu'à défaut de siège social qu'elle peut être faite ausiège d'opération ;

En l'espèce, il appert de l'exploit de signification que celle-ci estintervenue à l'adresse sise à Chapelle-lez-Herlaimont, rue Barella, 33-35,soit au précédent siège social de la [demanderesse]. En effet, à l'époquede cette signification, soit le 4 octobre 2004, la [demanderesse] avaittransféré son siège social à Gembloux, chaussée de Charleroi, 67-69, et cetransfert avait fait l'objet d'une publication aux annexes du Moniteurbelge du 23 mai 2003, intégrée dans les données de la Banque-carrefour desentreprises, ainsi qu'il appert clairement et sans aucune ambiguïté del'extrait de la banque de données consultée par l'huissier instrumentant,versé à la pièce 5 du dossier des [deux premiers défendeurs] ;

Il ne peut nullement être reproché à la [demanderesse] d'avoir entretenuune quelconque confusion quant à la localisation précise de son siègesocial qui aurait induit en erreur l'huissier instrumentant. Ce dernieravait du reste parfaitement connaissance de l'adresse correcte du siègesocial, qui était d'ailleurs mentionnée sur l'exploit, mais a cependantpréféré procéder à la signification litigieuse à une adresse qu'il pensaitêtre celle d'un siège d'exploitation de la [demanderesse] ;

La signification du jugement par défaut, opérée à une adresse qui n'étaitpas le siège social de la [demanderesse], était donc irrégulière ;

Cependant, en application de l'article 861 du Code judiciaire, le juge nepeut déclarer nul un acte de procédure erronément signifié à une adressequi n'est pas le siège social d'une société que si l'omission oul'irrégularité dénoncée nuit aux intérêts de cette société ;

En l'espèce, l'huissier instrumentant a, le lendemain de la significationlitigieuse, adressé le courrier recommandé prévu à l'article 38 du Codejudiciaire au siège social de la [demanderesse], qui ne conteste pasl'avoir reçu ;

L'envoi de cette lettre recommandée tend à assurer la prise deconnaissance effective et utile par le signifié de l'information qui leconcerne, même si l'enveloppe contenant la copie de l'exploit ne lui a pasété remise (en ce sens G. de Leval, `Du nouveau dans les significations etles notifications', J.T., 1985, 726) ;

Or, le courrier recommandé adressé à la [demanderesse] signalait, d'unepart, qu'un exploit de signification avait été déposé à l'adresse sise àChapelle-lez-Herlaimont, rue Barella, 33-35, où [la troisièmedéfenderesse], épouse séparée voire divorcée du sieur T., administrateurdélégué de la [demanderesse], exploitait personnellement un commerce et,d'autre part, que la copie de l'exploit pouvait être retirée en l'étude del'huissier ;

Il était donc loisible à la [demanderesse] de faire les démarchesnécessaires auprès de l'étude de l'huissier instrumentant afin de prendreconnaissance de l'acte signifié en temps utile, ce qu'elle n'allègue pasavoir fait, pas plus qu'elle n'allègue que l'étude de l'huissier auraitfait obstacle à la remise de la copie de l'acte litigieux en temps utile ;

Si la [demanderesse], ainsi qu'elle le soutient, n'était effectivement pasinformée du contenu de l'acte signifié par le courrier recommandé, il n'endemeure pas moins que ledit courrier la renseignait quant à la nature del'acte en faisant explicitement mention d'un exploit de signification, cequi aurait dû la conduire à s'informer dans les meilleurs délais de soncontenu. Et, dans la mesure où la nature de l'acte était spécifiée dans lecourrier recommandé, la mention selon laquelle la copie de l'exploitpouvait être retirée en l'étude de l'huissier dans un délai de trois moisn'était pas de nature à créer dans son chef une confusion légitime quant àla nécessité de prendre connaissance dans les meilleurs délais du contenude l'acte signifié afin d'apprécier le cas échéant l'opportunitéd'introduire en temps utile un recours contre l'acte signifié ;

Ainsi donc, la [demanderesse] ne démontre pas à suffisance de droit quel'irrégularité constatée dans le cadre de la signification du jugementprononcé par défaut à son encontre le 7 septembre 2004 a nui à sesintérêts puisqu'elle a eu en l'espèce la possibilité de prendreconnaissance de l'acte signifié en temps utile et donc d'introduire sonrecours dans le délai légal, ce qu'elle n'a pas fait en raison de sapropre incurie ;

C'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté l'exception denullité soulevée par [la demanderesse] quant à la signification dujugement par défaut et a dit par conséquent que l'opposition n'était pasrecevable ;

C'est également à juste titre qu'ayant constaté que l'opposition étaitirrecevable, le premier juge a débouté les [deux premiers défendeurs] deleur demande incidente ;

L'appel principal n'étant pas fondé, l'appel incident formé à titresubsidiaire par les [deux premiers défendeurs] est devenu sans objet ».

Griefs

La théorie des nullités est consacrée par les articles 860 à 867 du Codejudiciaire.

L'article 860, alinéa 1^er, du Code judiciaire dispose que, « quelle quesoit la formalité omise ou irrégulièrement accomplie, aucun acte deprocédure ne peut être déclaré nul si la nullité n'est pas formellementprononcée par la loi ».

L'article 861 du Code judiciaire dispose que « le juge ne peut déclarernul un acte de procédure que si l'omission ou l'irrégularité dénoncée nuitaux intérêts de la partie qui invoque l'exception ».

L'article 862, § 1^er, du Code judiciaire précise que « la règle énoncée àl'article 861 n'est pas applicable à l'omission ou à l'irrégularitéconcernant :

1° les délais prévus à peine de déchéance ou de nullité ;

2° la signature de l'acte ;

3° l'indication de la date de l'acte lorsque celle-ci est nécessaire àl'appréciation des effets de celui-ci ;

4° l'indication du juge qui doit connaître de la cause ;

5° le serment imposé aux témoins et aux experts ;

6° la mention que la signification des exploits et des actes d'exécution aété faite à personne ou selon un autre mode fixé par la loi ».

Le deuxième paragraphe de cette disposition énonce que, « dans les casprévus au paragraphe 1^er et sous réserve de l'application de l'article867, la nullité ou la déchéance est prononcée, même d'office, par le juge».

Il résulte de ces dispositions que, pour que la nullité d'un acte deprocédure puisse être prononcée, il faut d'abord que la sanction de lanullité soit formellement prévue par la loi (article 860 du Codejudiciaire) et ensuite qu'il soit prouvé que l'omission ou l'irrégularitédénoncée a lésé les intérêts de la partie qui l'invoque, en lui causant unpréjudice (article 861 du Code judiciaire). Il n'y a donc pas de nullitésans texte ni de nullité sans grief, sauf à cet égard les hypothèseslimitativement prévues par l'article 862, § 1^er, pour lesquelles le jugepeut prononcer la nullité, automatiquement et de plein droit.

Après avoir constaté 1. que l'huissier instrumentant avait eu recours àune signification par dépôt, telle qu'elle est prévue par l'article 38 duCode judiciaire, pour procéder à la signification du jugement rendu pardéfaut le 7 septembre 2004 par le juge de paix de Seneffe, 2. que cettesignification consiste notamment « dans le dépôt par l'huissier de justiceau domicile ou, à défaut de domicile, à la résidence du destinataire,d'une copie de l'exploit sous enveloppe » et 3. qu'aux termes de l'article42, 5°, du Code judiciaire, « la signification à une société ayant lapersonnalité civile doit être faite à son siège social et que ce n'estqu'à défaut de siège social qu'elle peut être faite au sièged'opération », le jugement attaqué décide que « la signification dujugement par défaut, opérée à une adresse qui n'était pas le siège socialde la [demanderesse], était donc irrégulière ».

Le jugement attaqué décide toutefois qu'« en application de l'article 861du Code judiciaire, le juge ne peut déclarer nul un acte de procédureerronément signifié à une adresse qui n'est pas le siège social d'unesociété que si l'omission ou l'irrégularité dénoncée nuit aux intérêts decette société ». Il énonce qu'en l'espèce, « l'huissier instrumentant a,le lendemain de la signification litigieuse, adressé le courrierrecommandé prévu à l'article 38 du Code judiciaire au siège social de la[demanderesse] qui ne conteste pas l'avoir reçu », qu'« il était doncloisible à la [demanderesse] de faire les démarches nécessaires auprès del'étude de l'huissier instrumentant afin de prendre connaissance de l'actesignifié en temps utile, ce qu'elle n'allègue pas avoir fait, pas plusqu'elle n'allègue que l'étude de l'huissier aurait fait obstacle à laremise de la copie de l'acte litigieux en temps utile ». Le jugementattaqué décide en conséquence que « la [demanderesse] ne démontre pas àsuffisance de droit que l'irrégularité constatée dans le cadre de lasignification du jugement prononcé par défaut à son encontre le 7septembre 2004 a nui à ses intérêts puisqu'elle a eu en l'espèce lapossibilité de prendre connaissance de l'acte signifié en temps utile etdonc d'introduire son recours dans le délai légal, ce qu'elle n'a pas faiten raison de sa propre incurie ». Il déclare partant irrecevablel'opposition de la demanderesse, comme étant tardive.

En décidant ainsi que l'article 861 du Code judiciaire est applicable àl'espèce, le jugement attaqué méconnaît cette disposition ainsi quel'article 860 du même code dès lors que l'utilisation incorrecte d'un modede signification légalement prévu n'est pas prescrite à peine de nullitépar les dispositions du Code judiciaire mais empêche uniquement que ledélai de recours - prévu en l'espèce à l'article 1048 du Code judiciaire -prenne cours (violation des articles 860, 861 et, pour autant que debesoin, 38 et 42, 5°, du Code judiciaire, qui ne prescrivent pas lasanction de la nullité).

En décidant que l'exigence de la démonstration d'un grief, au sens del'article 861 du Code judiciaire, s'imposait en l'espèce et qu'enl'absence d'un tel grief, l'irrecevabilité de l'opposition formée étaitjustifiée, le jugement attaqué n'est pas légalement justifié dès lors qu'àdéfaut de texte légal, le régime des nullités n'est pas applicable àl'espèce en cause, étant une signification effectuée à une adresse autreque celle du siège social de la demanderesse.

III. La décision de la Cour

Pour confirmer le jugement entrepris disant irrecevable comme tardivel'opposition de la demanderesse au jugement du premier juge du 7 septembre2004, le jugement attaqué considère que « la signification [du] jugement[du 7 septembre 2004] à une adresse qui n'était pas le siège social de la[demanderesse] était irrégulière » mais que, « en application de l'article861 du Code judiciaire, le juge ne peut déclarer nul un acte de procédureerronément signifié à une adresse qui n'est pas le siège social d'unesociété que si l'omission ou l'irrégularité dénoncée nuit aux intérêts decette société », ce que, par des motifs que le moyen ne critique pas, iltient pour n'être pas le cas.

La demanderesse avait fait valoir en conclusions « qu'en effectuant lasignification d'un jugement à un endroit où [elle] n'a ni siège social nisiège d'exploitation, l'huissier a manqué à ses obligations et [l'] a misedans l'impossibilité de faire opposition au jugement dans les délaisprévus par le Code judiciaire ; que cet exploit de signification est nulpuisqu'en ne respectant pas [le] Code judiciaire, l'huissier l'a mise dansl'impossibilité de faire valoir ses droits ; que cela [lui] a bel et bienporté préjudice […] [et] qu'il y a dès lors lieu de déclarer l'exploit designification […] nul ».

La demanderesse soutenait de la sorte que la signification du jugementauquel elle a fait opposition devait être déclarée nulle pour êtreentachée d'une irrégularité ayant nui à ses intérêts.

Le moyen, qui, invoquant la violation de dispositions légales qui ne sontni d'ordre public, ni impératives, affirme que l'utilisation incorrected'un mode de signification légalement prévu n'entraîne pas la nullité del'acte mais a pour seul effet que le délai de recours contre la décisionsignifiée ne prend pas cours, est nouveau, partant, irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de huit cent cinquante-cinq eurosseptante-cinq centimes envers la partie demanderesse et à la somme de centquarante-six euros soixante-quatre centimes envers les première etdeuxième parties défenderesses.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président Christian Storck, le président de section PaulMathieu, les conseillers Didier Batselé, Albert Fettweis et Alain Simon,et prononcé en audience publique du seize avril deux mille dix par leprésident Christian Storck, en présence de l'avocat général ThierryWerquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+------------------------------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | A. Simon | A. Fettweis |
|------------------------+-----------------------+-----------------------|
| D. Batselé | P. Mathieu | Chr. Storck |
+------------------------------------------------------------------------+

16 AVRIL 2010 C.09.0418.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.09.0418.F
Date de la décision : 16/04/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-04-16;c.09.0418.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award