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26/03/2010 | BELGIQUE | N°D.09.0002.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 mars 2010, D.09.0002.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1926



NDEG D.09.0002.F

H. A.-M.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

ORDRE DES PHARMACIENS, dont le siege est etabli à Saint-Gilles, avenueHenri Jaspar, 94,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee,

67, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre la ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1926

NDEG D.09.0002.F

H. A.-M.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

ORDRE DES PHARMACIENS, dont le siege est etabli à Saint-Gilles, avenueHenri Jaspar, 94,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre la sentence rendue le 8 janvier2009 par le Conseil d'appel d'expression franc,aise de l'Ordre despharmaciens.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

Le procureur general Jean-Franc,ois Leclercq a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente trois moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- article 159 de la Constitution ;

- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- article 20, S: 1er, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967relatif à l'Ordre des pharmaciens ;

- articles 3, 6, 19 et 27 de l'arrete royal du 29 mai 1970 reglantl'organisation et le fonctionnement des conseils de l'Ordre despharmaciens ;

- article 3, S: 1er, de l'arrete royal du 18 juillet 1969 fixant lesregles relatives aux elections des membres des conseils provinciaux, desconseils d'appel et du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens.

Decisions et motifs critiques

La sentence attaquee declare recevable les poursuites disciplinairescontre la demanderesse.

Cette decision se fonde sur les motifs suivants :

« Le fait pour le bureau du conseil provincial du Hainaut de n'avoir pasdesigne un rapporteur en debut d'instruction n'a aucune influence sur lavalidite des actes d'instruction accomplis par le pharmacien instructeur.Il n'est pas susceptible de rendre nulle la procedure subsequente.L'article 20 de l'arrete royal nDEG 80 ne precise pas que le rapporteurdoit etre une personne autre que la personne chargee de l'instruction etne s'oppose pas à ce que `le membre du conseil charge de l'instructionfasse rapport au conseil' (article 64 du reglement d'ordre interieur del'Ordre national des pharmaciens). A cet egard, la (demanderesse)arguerait en vain de l'absence de valeur legale du reglement d'ordreinterieur et de l'absence de preeminence de celui-ci sur le texte del'article 20, S: 1er, de l'arrete royal nDEG 80. En l'espece, lepharmacien instructeur D. a bien fait rapport au conseil provincial en luisoumettant le 30 novembre 2006 les pieces du dossier (...). A l'audienceprecitee, il a ete acte que le `dossier sera envoye à chacun des membresdu conseil afin que ceux-ci puissent en prendre connaissance' et àl'audience du 21 decembre 2006, que `le conseil decide la comparutiondisciplinaire pour le 25 janvier 2007 à 17 heures en vertu de l'article6, S: 2, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordredes pharmaciens pour se defendre de la prevention (voir supra : l'objetdes poursuites)'. Il s'en deduit que les deliberations à la suite durapport ont abouti à la conclusion qu'un debat contradictoire s'imposaitet que la phrase du proces-verbal du 21 decembre 2006 constitue lamotivation suffisante à fonder le seul point concerne à trancher, plusspecialement la suite à donner à la procedure (...). Par ailleurs, leproces-verbal du 21 decembre 2006 qui enonce sans ambiguite les noms desmembres du conseil provincial qui ont pris part à la decision (...) estsigne par le president et le secretaire et n'a pas fait l'objet d'uneinscription de faux, en sorte, d'une part, qu'on ne peut considerer que ladecision est entachee de nullite et, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu defaire droit aux demandes de production de pieces. Sur la base d'unelecture partiale du proces-verbal, la (demanderesse) excipe d'unecomposition irreguliere du conseil provincial ».

Griefs

Premiere branche

L'article 20, S: 1er, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967precite dispose : « Le conseil provincial agit soit d'office, soit à larequete du Conseil national, du ministre qui a la Sante publique dans sesattributions, du procureur du Roi ou de la commission medicale, soit surplainte d'un pharmacien ou d'un tiers. Le bureau met l'affaire àl'instruction. Il instruit lui-meme ou designe dans le sein du conseil uneou plusieurs personnes chargees d'instruire conjointement avecl'assesseur. Il designe un rapporteur. (...) Dans les cas de plainte, lebureau s'efforce d'amener l'accord des parties et dresse eventuellement unproces-verbal de conciliation. Quand l'instruction est terminee, le bureauou le rapporteur fait rapport au conseil ».

L'article 27 de l'arrete royal du 29 mai 1970 reglant l'organisation et lefonctionnement des conseils de l'Ordre des pharmaciens dispose : « Danstous les cas ou une enquete est ordonnee à charge d'un pharmacien, il luien est donne connaissance dans le plus bref delai. Des la cloture del'instruction, le president porte l'affaire à l'ordre du jour d'uneprochaine seance du conseil. Le conseil decide, le rapporteur entendu etpar decision motivee, soit de classer l'affaire sans suite, soitd'ordonner une enquete complementaire, soit de faire comparaitre lepharmacien ».

Il ressort de ces dispositions que lorsque l'enquete est terminee, cen'est pas le pharmacien charge de l'instruction qui fait rapport auconseil mais le rapporteur nomme par le bureau ou le bureau lui-meme. Cesdispositions ont pour but la garantie du proces disciplinaire equitable austade de la phase preparatoire en confiant à des personnes differentesl'instruction et le rapport.

En l'espece, la sentence attaquee considere que le rapporteur peut etre lapersonne qui a ete chargee de l'instruction, conformement à l'article 64du reglement d'ordre interieur du Conseil national de l'Ordre despharmaciens. Toutefois, ce reglement, qui n'a pas ete approuve par unarrete royal, ne peut prevaloir sur les dispositions precitees des deuxarretes royaux precites.

En decidant que les poursuites sont recevables, bien que la decision duconseil provincial de faire comparaitre la demanderesse du chef d'unmanquement disciplinaire n'ait pas ete precedee du rapport fait par unrapporteur autre que le pharmacien instructeur, la sentence attaquee violeles articles 20, S: 1er, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967 et27 de l'arrete royal du 29 mai 1970 precites.

En appliquant l'article 64 du reglement d'ordre interieur du Conseilnational de l'Ordre des pharmaciens, alors que celui-ci n'est pas conformeaux arretes royaux precites, la sentence viole en outre l'article 159 dela Constitution.

Deuxieme branche

Le proces-verbal de la seance du conseil provincial du Hainaut du 30novembre 2006 relate : « M. le pharmacien D., instructeur, estime soninstruction terminee, depose le dossier constitue et se retire. Ce dossiersera envoye à chacun des membres du conseil afin que ceux-ci puissent enprendre connaissance ».

Il ressort de ce proces-verbal que l'instructeur a depose son dossier sansfaire de rapport à la seance du conseil provincial du 30 novembre 2006.

En considerant que « le pharmacien instructeur D. a bien fait rapport auconseil provincial en lui soumettant le 30 novembre 2006 les pieces dudossier », alors que selon le proces-verbal de cette date, il n'y a paseu de rapport, la sentence attaquee donne de ce proces-verbal uneinterpretation inconciliable avec ses termes et viole la foi due à cetacte (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

En assimilant le depot du dossier de l'instruction au rapport prevu auxarticles 20, S: 1er, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967 et 27de l'arrete royal du 29 mai precites, la sentence attaquee viole en outrelesdites dispositions.

Troisieme branche

La decision du conseil provincial de l'Ordre des pharmaciens d'ordonner lacomparution disciplinaire d'un pharmacien, conformement à l'article 27 del'arrete royal du 29 mai 1970 reglant l'organisation et le fonctionnementdes conseils de l'Ordre des pharmaciens, est de nature juridictionnelle.Les regles qui determinent la composition de ce conseil lorsqu'il prendune telle decision sont d'ordre public.

En vertu de l'article 3, S: 1er, de l'arrete royal du 18 juillet 1969fixant les regles relatives aux elections des membres des conseilsprovinciaux, des conseils d'appel et du Conseil national de l'Ordre despharmaciens, le conseil provincial du Hainaut de l'Ordre des pharmaciensest compose de huit membres effectifs et de huit membres suppleants. Selonl'article 3 de l'arrete royal du 29 mai 1970 reglant l'organisation et lefonctionnement des conseils de l'Ordre des pharmaciens, « pour siegervalablement, outre l'assesseur, les deux tiers au moins des membres ayantvoix deliberative doivent etre presents », ce qui implique qu'un nombreminimum de six membres est exige aux seances du conseil provincial. « Lesdecisions du conseil provincial sont prises à la majorite des voix »(article 6 de l'arrete royal du 29 mai 1970). « En cas d'empechement demembres effectifs, leurs fonctions sont assumees par les suppleants »(article 19 dudit arrete royal).

Cette derniere disposition n'autorise pas à porter le nombre de membrespresents à une seance du conseil provincial au-delà du quorum fixe parl'article 3 de l'arrete royal du 29 mai 1970 par l'adjonction de membressuppleants.

En l'espece, le proces-verbal de la seance du conseil provincial du 21decembre 2006, au cours de laquelle le conseil a decide de la comparutionde la demanderesse indique que, outre le magistrat-assesseur, « sontpresents » M. G., president, M. V. d. V., vice-president, M. D.,secretaire, M. B., Mme E., M. H., M. T. et M. V., membres, M. T., M. D.,M. H. et M. N., membres suppleants, ce qui faisait un nombre total dedouze pharmaciens presents.

Le proces-verbal indique ensuite que « siegent en leur qualite de membresles pharmaciens G., D., B. faisant fonction de vice-president, E., V. etD. », ce qui faisait au total six pharmaciens, et que « sont sortants :les pharmaciens V. d. V., H. et T. ».

Il ressort des constatations de ce proces-verbal qu'avec la presence dessix pharmaciens indiques comme siegeant « en leur qualite de membres »,le quorum prevu par les articles 3, S: 1er, de l'arrete royal du 18juillet 1969 et 3 de l'arrete royal du 29 mai 1970 etait atteint, en sorteque rien ne justifiait à la seance la presence de trois membressuppleants qui ne sont pas indiques comme « sortants », à savoir lespharmaciens T., H. et N..

En considerant cependant que la composition du conseil provincial à laseance du 21 decembre 2006 etait reguliere, la sentence attaquee viole lesarticles 3, S: 1er, de l'arrete royal du 18 juillet 1969, 3, 6 et 19 del'arrete royal du 29 mai 1970.

Deuxieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 1er, 14, S:S: 1er et 2, 15, S: 2, 21, alinea 1er, et 23, alinea1er, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre despharmaciens ;

- article 15 de l'arrete royal du 29 mai 1970 reglant l'organisation et lefonctionnement des conseils de l'Ordre des pharmaciens ;

- article 6, S: 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'hommeet des libertes fondamentales, signee à Rome le 4 novembre 1950 etapprouvee par la loi du 13 mai 1955 ;

* principe general du droit relatif au respect de l'egalite des armes.

Decisions et motifs critiques

La sentence attaquee dit etablis six griefs mis à charge de lademanderesse et lui inflige une sanction disciplinaire.

Cette decision se fonde sur les motifs suivants :

« La (demanderesse) se plaint à tort d'une violation du principe duproces equitable, du principe d'impartialite, du principe de l'egalite desarmes et des droits de la defense au motif qu'(elle) n'accede pas auxmemes sources de documentation jurisprudentielle que les autres parties auproces. Il ne peut etre deduit de l'obligation faite au Conseil nationalde `tenir à jour un repertoire des decisions disciplinaires qui ne sontplus susceptibles de recours et qui ont ete prises par les conseilsprovinciaux et les conseils d'appel ; d'adapter s'il y a lieu, le Code dedeontologie en vue d'en completer ou d'en preciser les dispositions surbase de cette jurisprudence' ni des notifications prevues aux articles 29,alinea 5, et 36 de l'arrete royal du 25 mai 1970 reglant l'organisation etle fonctionnement des conseils de l'Ordre des pharmaciens en vue depermettre l'exercice des voies de recours, ni de la communication prevueà l'article 38 du meme arrete royal, que le Conseil national, qui n'estpas partie à la cause, et le president du Conseil national ainsi que lemagistrat-assesseur ont soit une `possibilite de consulter toutes lesdecisions qui existent', soit une `connaissance' de toutes les decisionset beneficieraient ainsi d'un privilege. (...) La (demanderesse) excipe envain d'une inegalite des armes deduite du fait que le Conseil national aarrete la procedure devant le conseil d'appel et les conseils provinciauxdes lors que le Conseil national n'est pas partie à la cause. (...) La(demanderesse) s'est vu offrir la possibilite de defendre sa cause dansdes conditions qui ne la placent pas dans une situation de desavantage parrapport à ses adversaires ».

Griefs

Premiere branche

En vertu de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordredes pharmaciens, les organes de l'Ordre des pharmaciens sont les conseilsprovinciaux, les conseils d'appel et le Conseil national (article 1er) ;le Conseil national comporte deux sections (article 14, S: 1er, alinea1er) ; chaque section du Conseil national elit dans son sein un presidentchoisi par ses membres (article 14, S: 2) ; les decisions rendues par unconseil provincial sont susceptibles d'appel de la part du president duConseil national conjointement avec l'assesseur (article 21, alinea 1er) ;les decisions des conseils d'appel peuvent etre deferees à la Cour decassation par le president du Conseil national conjointement avecl'assesseur (article 23, alinea 1er). Selon l'article 15 de l'arrete royaldu 29 mai 1970 reglant l'organisation et le fonctionnement de l'Ordre despharmaciens, « les presidents, vice-presidents et secretaires dessections, assistes de l'assesseur, assurent la coordination des deuxsections du Conseil national ; ensemble, ils constituent le bureau ».

Il resulte des dispositions precitees que le president du Conseilnational, agissant conjointement avec l'assesseur, qui interjette appeld'une decision du conseil provincial ou forme un pourvoi contre unedecision du conseil d'appel, agit necessairement en qualite derepresentant du Conseil national, organe de l'Ordre des pharmaciens, lepresident du Conseil national n'etant lui-meme pas un organe de l'Ordre.Des lors, le Conseil national est partie à la cause devant le conseild'appel lorsque, comme en l'espece, le president du Conseil national,agissant conjointement avec l'assesseur, a interjete appel d'une decisiondu conseil provincial en matiere disciplinaire et a pris des conclusionsdevant le conseil d'appel.

Or, pour considerer que de la circonstance que le Conseil national (a) al'obligation de tenir un repertoire des decisions disciplinaires qui nesont plus susceptibles de recours et (b) a arrete la procedure devant leconseil d'appel, il ne se deduit ni une inegalite des armes ni uneviolation du droit au proces equitable, la sentence attaquee se fonde surla consideration que le Conseil national « n'est pas partie à la cause». La sentence attaquee viole des lors les articles 1er, 14, S:S: 1er et2, 21, alinea 1er, 23, alinea 1er, de l'arrete royal nDEG 80 du 10novembre 1967 precite et l'article 15 de l'arrete royal du 29 mai 1970precite, ainsi que le principe general du droit relatif au respect del'egalite des armes et l'article 6, S: 1er, de la Convention europeennedes droits de l'homme en tant qu'il consacre le droit au proces equitable.

Seconde branche

Selon l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967 precite, le Conseilnational de l'Ordre des pharmaciens comporte deux sections, l'uned'expression franc,aise et l'autre d'expression neerlandaise (article 14,S: 1er, alinea 1er) ; le Conseil national a pour tache « de tenir à jourun repertoire des decisions disciplinaires qui ne sont plus susceptiblesde recours et qui ont ete prises par les conseils provinciaux ou lesconseils d'appel ; d'adapter, s'il y a lieu, le code de deontologie en vued'en completer ou d'en preciser les dispositions sur la base de cettejurisprudence » (article 15, S: 2, 1DEG). Selon l'article 15 de l'arreteroyal du 20 mai 1970 precite figurant sous le titre « Dispositionsgenerales relatives au Conseil national », « les presidents,vice-presidents et secretaires de section, assistes de l'assesseur,assurent la coordination des activites des deux sections du Conseilnational ; ensemble, ils constituent le bureau ».

Il resulte de ces dispositions que les presidents des sections du Conseilnational ont acces au repertoire des decisions disciplinaires qui ne sontplus susceptibles de recours.

Pour considerer neanmoins que la demanderesse se plaint à tort d'uneviolation du principe du proces equitable et du principe de l'egalite desarmes, la sentence attaquee se fonde, en substance, sur le motif que del'obligation faite au Conseil national de tenir à jour un repertoire desdecisions disciplinaires, il ne se deduit pas que le president du Conseilnational a lui-meme la possibilite de consulter ces decisions et en aconnaissance. La sentence viole ainsi les articles 14, S: 1er, alinea 1er,15, S: 2, 1DEG, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967 precite etl'article 15 de l'arrete royal du 20 mai 1970 precite, ainsi que leprincipe general du droit relatif au principe de l'egalite des armes etl'article 6, S: 1er, de la Convention europeenne des droits de l'homme, ence qu'il consacre le droit au proces equitable.

Troisieme moyen

Dispositions legales violees

- article 12, S: 3, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967 relatifà l'Ordre des pharmaciens ;

- articles 1er, 14, S:S: 1er et 2, 21, alinea 1er, et 23, alinea 1er, del'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre despharmaciens ;

- article 15 de l'arrete royal du 29 mai 1970 reglant l'organisation et lefonctionnement des conseils de l'Ordre des pharmaciens ;

- article 6, S: 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'hommeet des libertes fondamentales, signee à Rome le 4 novembre 1950 etapprouvee par la loi du 13 mai 1955.

Decisions et motifs critiques

La sentence attaquee prononce à charge de la demanderesse la sanctiondisciplinaire de la suspension du droit de pratiquer la profession depharmacien pendant quinze mois, apres avoir considere que la demanderessea beneficie d'un proces equitable notamment aux motifs suivants :

« Le membre delegue par le Conseil national a rendu un avis sur chacunedes preventions libellees à charge de la (demanderesse) en se basant surle dossier transmis au conseil d'appel (...). Le fait que l'avis pourraitcontenir l'une ou l'autre inexactitude, des interrogations dont la(demanderesse) n'aperc,oit pas la pertinence dans le debat disciplinaireet des propos qu'elle estime injurieux et diffamatoires n'est pas denature à entrainer la nullite de l'avis et à empecher le conseil d'appelde statuer, d'autant que l'avis n'est pas prescrit à peine de nullite ouen vue de garantir les droits de la defense et ne lie pas le conseild'appel. De ce que selon l'article 12, S: 3, de l'arrete royal nDEG 80 du10 novembre 1967, un membre du Conseil national delegue à cet effetassiste de droit aux seances du conseil d'appel, il ne se deduit pas`qu'il fait partie de droit de la composition du siege appele à statuer'.En effet, la presence du delegue n'est pas obligatoire pour que le conseild'appel siege valablement et elle est en tout etat de cause exclue austade de la deliberation. Des lors que le role du delegue du Conseilnational ne se confond ni avec celui du president du Conseil national etdu magistrat-assesseur, auxquels il incombe eventuellement d'interjeterappel conjointement, ni avec celui de leur avocat qui est de defendre leurappel en developpant les moyens de droit necessaires, ni avec celui duConseil national qui n'est pas partie au proces, ni, en fait et en droit,avec des fonctions de ministere public, la (demanderesse) soutient en vainque la presence du delegue ne satisfait pas aux exigences d'independance,d'impartialite et d'egalite et au droit à un proces equitable et qu'ellene serait pas jugee par une juridiction organiquement impartiale ».

Griefs

Premiere branche

Aux termes de l'article 12, S: 3, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre1967 relatif à l'Ordre des pharmaciens, « un membre du Conseil nationalqui est delegue à cet effet, assiste de droit aux seances de chaqueconseil d'appel en vue d'y exprimer l'avis du Conseil national sur desquestions de principe ou des regles de deontologie soulevees à l'occasiondu cas examine ».

En l'espece, l'avis qui a ete donne par le membre delegue du Conseilnational, Mme L., à la seance du conseil d'appel du 26 juin 2008n'abordait ni des questions de principe ni des regles de deontologie. Enrevanche, cet avis concernait les faits reproches à la demanderesse etdonnait les appreciations suivantes : « cette affaire est un veritableimbroglio de mensonges, d'arrangements douteux, de contradictions,d'oublis etonnants qui meritent à eux seuls dejà la sanction rec,ue par(la demanderesse) » et que « tout ceci a un parfum de corruption, demensonges ... de malhonnetete ... un peu Cosa Nostra ... qui font penserqu'à certains tout est permis, qu'ils sont au-dessus des lois et pourfinir ils sont rattrapes par elles et s'etonnent alors de devoir payer lesconsequences de leurs actes ». L'avis concluait en ces termes : « Toutceci merite une sanction tres severe et dissuasive, laissee àl'appreciation des membres du conseil d'appel ».

En statuant sur les preventions reprochees à la demanderesse sans ecarterdes debats l'avis precite qui ne repondait pas au prescrit de l'article12, S: 3, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967, mais contenaitdes propos injurieux à l'egard de la demanderesse et une incitation àlui infliger une sanction « tres severe et dissuasive », aux motifs quel'avis du delegue du Conseil national ne lie pas le conseil d'appel et quele role de ce delegue ne se confond « ni en fait ni en droit avec desfonctions de ministere public », le conseil d'appel meconnait le droit dela demanderesse à ce que sa cause soit entendue equitablement. Lasentence attaquee viole des lors l'article 12, S: 3, de l'arrete royalnDEG 80 du 10 novembre 1967, ainsi que l'article 6, S: 1er, de laConvention europeenne des droits de l'homme.

Seconde branche

Il resulte des articles 1er, 14, S:S: 1er et 2, 21, alinea 1er, et 23,alinea 1er, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967 relatif àl'Ordre des pharmaciens et de l'article 15 de l'arrete royal du 29 mai1970 reglant l'organisation et le fonctionnement de l'Ordre desPharmaciens, que le Conseil national est partie à la cause devant leconseil d'appel lorsque, comme en l'espece, le president du Conseilnational agissant conjointement avec l'assesseur a interjete appel d'unedecision du conseil provincial en matiere disciplinaire et a pris desconclusions devant le conseil d'appel.

En considerant que la demanderesse n'est pas victime d'une violation dudroit au proces equitable, des lors que le Conseil national « n'est paspartie au proces », la sentence attaquee viole les dispositions legalesprecitees, ainsi que l'article 6, S: 1er, de la Convention europeenne desdroits de l'homme, en tant que cette disposition consacre le droit auproces equitable.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Suivant l'article 20, S: 1er, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre1967 relatif à l'Ordre des pharmaciens, le bureau du conseil provincialmet l'affaire à l'instruction, il instruit lui-meme ou designe dans lesein du conseil une ou plusieurs personnes chargees d'instruireconjointement avec l'assesseur, il designe un rapporteur et, quandl'instruction est terminee, le bureau ou le rapporteur fait rapport auconseil.

Conformement à l'article 27 de l'arrete royal du 29 mai 1970 reglantl'organisation et le fonctionnement des conseils de l'Ordre despharmaciens, des la cloture de l'instruction, le president porte l'affaireà l'ordre du jour d'une prochaine seance du conseil et celui-ci decide,le rapporteur entendu et par decision motivee, soit de classer l'affairesans suite, soit d'ordonner une enquete complementaire, soit de fairecomparaitre le pharmacien.

Ces dispositions n'excluent pas que le rapport au conseil soit fait par lepharmacien qui a instruit l'affaire.

L'article 64 du reglement interieur de l'Ordre des pharmaciens est, deslors, conforme aux arretes royaux precites en ce qu'il permet au membre duconseil charge de l'instruction de faire rapport au conseil.

Le moyen, qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit.

Quant à la deuxieme branche :

Le proces-verbal de la seance du conseil provincial du Hainaut du 30novembre 2006 indique que « le pharmacien D., instructeur, estime soninstruction terminee, depose le dossier constitue et se retire » et que« ce dossier sera envoye à chacun des membres du conseil afin queceux-ci puissent en prendre connaissance ».

En considerant que « le pharmacien-instructeur D. a bien fait rapport auconseil provincial en lui soumettant le 30 novembre 2006 les pieces dudossier », la sentence attaquee ne donne pas de ce proces-verbal uneinterpretation inconciliable avec ses termes et, partant, ne viole pas lafoi qui lui est due.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.

Pour le surplus, ni l'article 20, S: 1er, de l'arrete royal nDEG 80 du 10novembre 1967 ni l'article 27 de l'arrete royal du 29 mai 1970, precites,n'interdisent à l'instructeur de faire rapport au conseil en luisoumettant les pieces du dossier d'instruction.

A cet egard, le moyen, qui, en cette branche, soutient le contraire,manque en droit.

Quant à la troisieme branche :

Le proces-verbal de la seance du conseil du 21 decembre 2006 indique que,lors de l'examen de l' « affaire de la pharmacie ... - pharmacien H.A.-M. », « siegent en leur qualite de membres les pharmaciens G., D., B.faisant fonction de vice-president, E. et V. et D. » et que « sontsortants : les pharmaciens V. D. V., H. et T. ».

Il ressort des constatations de ce proces-verbal, qui n'est pas argue defaux, que la decision d'ordonner la comparution disciplinaire de lademanderesse n'a ete prise que par les six membres du conseil precites, lepharmacien D. siegeant en qualite de suppleant pour completer le siege, àla suite de l'impossibilite pour les pharmaciens effectifs V. D. V., H. etT. de sieger.

Cette decision a donc ete prise par un conseil provincial composeconformement aux dispositions de l'article 3, S: 1er, de l'arrete royal du18 juillet 1969 fixant les regles relatives aux elections des membres desconseils provinciaux et 3 de l'arrete royal du 29 mai 1970 reglantl'organisation et le fonctionnement des conseils de l'Ordre despharmaciens.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Sur le deuxieme moyen :

Quant à la premiere branche :

Aux termes de l'article 21 de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967,les decisions rendues par un conseil provincial en matiere disciplinairesont susceptibles d'appel, soit de la part du pharmacien interesse, soitde la part du president du Conseil national conjointement avecl'assesseur.

Le droit d'interjeter appel du president du Conseil national,conjointement avec l'assesseur, est une competence qui est propre àceux-ci et qui ne releve pas du Conseil national. Ce dernier n'est deslors pas partie à la cause devant le conseil d'appel.

Le moyen, qui, en cette branche, repose sur l'affirmation contraire,manque en droit.

Quant à la seconde branche :

La sentence attaquee considere qu'« il ne peut etre deduit [...] del'obligation faite au Conseil national de `tenir à jour un repertoire desdecisions disciplinaires qui ne sont plus susceptibles de recours et quiont ete prises par les conseils provinciaux et les conseils d'appel [et]d'adapter, s'il y a lieu, le code de deontologie en vue d'en completer oud'en preciser les dispositions sur la base de cette jurisprudence' [...],que [...] le president du Conseil national ainsi que lemagistrat-assesseur ont soit une `possibilite de consulter toutes lesdecisions qui existent', soit une `connaissance' de toutes les decisionset beneficieraient ainsi d'un privilege ».

Le moyen, qui soutient que la sentence attaquee exclut pour le presidentdu Conseil national la possibilite de consulter ces decisions et d'enavoir connaissance, repose sur une lecture inexacte de celle-ci.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur le troisieme moyen :

Quant à la premiere branche :

Aux termes de l'article 12, S: 3, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre1967, un membre du Conseil national qui est delegue à cet effet assistede droit aux seances de chaque conseil d'appel en vue d'y exprimer l'avisdu Conseil national sur des questions de principe ou des regles dedeontologie soulevees à l'occasion du cas examine.

Il ressort des motifs de la sentence attaquee, reproduits au moyen, quel'avis du delegue du Conseil national, qui n'a pas voix deliberative, n'apas affecte l'independance et l'impartialite du conseil d'appel et n'a pasprive la demanderesse du droit à ce que sa cause soit entendueequitablement.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la seconde branche :

Il ressort de la reponse à la premiere branche du deuxieme moyen que lemoyen, en cette branche, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de trois cent cinquante-six eurosquatre-vingt-cinq centimes envers la partie demanderesse et à la somme decent huit euros cinq centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Mathieu, les conseillers DidierBatsele, Albert Fettweis, Sylviane Velu et Martine Regout, et prononce enaudience publique du vingt-six mars deux mille dix par le president desection Paul Mathieu, en presence du procureur general Jean-Franc,oisLeclercq, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+-------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Regout | S. Velu |
|-----------------+------------+------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | P. Mathieu |
+-------------------------------------------+

26 MARS 2010 D.09.0002.F/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 26/03/2010
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : D.09.0002.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-03-26;d.09.0002.f ?
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