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05/03/2010 | BELGIQUE | N°C.08.0562.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 mars 2010, C.08.0562.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1162



1030



NDEG C.08.0562.F

N. J.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

C. C.,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 9 juin 2008 parla cour d'appel de Mons.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente trois moyens libelles dans les termes suivants :

...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1162

1030

NDEG C.08.0562.F

N. J.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

C. C.,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 9 juin 2008 parla cour d'appel de Mons.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente trois moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 203, S: 1er, 203bis, 213, 1315, 1319, 1320, 1322, 1349 et 1353du Code civil ;

- articles 870 et 1280 du Code judiciaire ;

* article 171, 5DEG, du Code des impots sur les revenus 1992 ;

- arrete royal du 10 avril 1992 portant coordination des dispositionslegales relatives aux impots sur les revenus ;

- article 149 de la Constitution ;

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense.

Decisions et motifs critiques

L'arret condamne le demandeur à payer à la defenderesse 1DEG au titre desa participation aux frais d'entretien, d'education et de formation desenfants communs, les sommes de 657 euros pour J. et 597 euros pour H. àcompter du 1er septembre 2005 ; 2DEG 71,42 p.c. des frais extraordinairesdes enfants, et 3DEG 620 euros par mois à partir du 1er septembre 2005 àtitre de participation aux charges du menage, par tous ses motifsconsideres ici comme integralement reproduits et plus particulierement,quant aux ressources du demandeur, par les motifs que :

« Quant au montant des parts contributives :

Les debats devant la cour [d'appel] et les pieces soumises permettentd'evaluer les ressources mensuelles de chacune des parties, toutes primesincluses, à un minimum de 4.500 euros pour (le demandeur) et de 1.800euros pour (la defenderesse) ;

La reduction de ressources invoquee par (le demandeur), à compter du 1erdecembre 2007, n'est etayee de maniere certaine par aucune piece produite,(celui-ci) ayant admis à l'audience qu'il avait quitte ses fonctions àla caserne des pompiers de ... et qu'il etait desormais commandant en chefde celle de ... ;

Il ne produit aucune piece attestant de son licenciement au sein del'A.I.T.I., l'article de presse produit en piece 19 de son dossier,envisageant l'hypothese et ses consequences sur le processus deliquidation de ladite association, ne pouvant etre considere comme unepiece probante ;

La somme de 4.500 euros sera des lors retenue pour determiner laproportion des facultes contributives de chacune des parties dans leursressources nettes globales ;

Quant aux frais extraordinaires :

Pour respecter les principes de proportionnalite de la prise en charge desfrais exposes pour leurs enfants (...), les frais extraordinaires serontrepartis en tenant compte de la part de chacune des parties dans leursressources globales ;

Quant à la `provision alimentaire' :

Ainsi qu'expose ci-avant, la faculte contributive globale des parties doitetre estimee à un minimum de 6.300 euros par mois ;

Apres financement du cout net des enfants, obligation prioritaire qui leurincombe, le solde que (le demandeur) et (la defenderesse) sont en mesured'affecter à leurs depenses personnelles doit etre estime à (6.300 -1.755 euros), soit 4.545 euros ;

En sollicitant la somme de 620 euros par mois, (la defenderesse) conduità etablir entre les ressources et charges estimees des partiesl'equilibresuivant :

* Disponible (du demandeur) : 4.500 - 1.253 - 620 = 2.627 euros parmois ;

* Disponible de (la defenderesse) : 1.800 - 483 + 620 = 1.937 euros ;

La demande de (la defenderesse) apparait ainsi de nature à assurer unerepartition particulierement raisonnable des ressources des parties, touten permettant (au demandeur) de conserver, compte tenu du differentiel desremunerations respectives, des facilites budgetaires plus importantes ».

Griefs

En vertu des articles 203 et 203bis du Code civil, la proportion danslaquelle chacun des parents doit intervenir dans l'hebergement,l'entretien, la surveillance, l'education et la formation de leurs enfants- et, partant, la part de contribution aux frais que l'un des parents peutreclamer à l'autre - doit etre fixee en fonction de leurs facultesrespectives.

Le montant de la pension alimentaire alloue au cours d'une instance endivorce, sur la base de l'article 1280 du Code judiciaire, en execution dudevoir de secours prevu par l'article 213 du Code civil, doit egalementetre fixe en fonction des revenus des parties.

En vertu des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire, ilappartient à la partie, qui reclame à l'autre sa contribution aux fraisd'entretien et d'education des enfants et sa participation aux charges dumenage, d'etablir le montant des ressources de l'autre partie lorsquecelles-ci sont contestees.

Dans ses conclusions d'appel, le demandeur invitait la cour d'appel àfixer ses ressources comme suit :

- jusqu'au mois d'aout 2006, 3.890 euros, deduction faite d'une provisionpour le paiement des impots des personnes physiques,

- jusqu'au mois de decembre 2006, 4.185 euros, dont à deduire la partd'impot des personnes physiques à venir,

- à partir du mois de mars 2007, 3.047,26 euros,

- à partir du 1er decembre 2007, 3.071,11 euros.

Premiere branche

A defaut d'indiquer sur quelle piece de la procedure ou quelle piece desdossiers des parties il se fonde pour attribuer au defendeur desressources mensuelles nettes s'elevant à « un minimum de 4.500 euros »,l'arret ne permet pas à la Cour de verifier si les juges se sont fondessur des elements regulierement verses aux debats ou connus d'eux descience personnelle et n'est, partant, pas regulierement motive (violationde l'article 149 de la Constitution) ni legalement justifie (violation desarticles 1315, 1349 et 1353 du Code civil et 870 du Code judiciaire ainsique du principe general du droit relatif au respect des droits de ladefense).

Par voie de consequence, l'arret ne permet pas à la Cour d'exercer soncontrole sur la legalite de la decision au regard des regles relatives àla determination des parts contributives de chacun des parents dans lesfrais d'entretien et d'education des enfants et à la contribution auxcharges du mariage (violation de l'article 149 de la Constitution et, parvoie de consequence, des articles 203, S: 1er, 203bis, 213 du Code civilet 1280 du Code judiciaire).

Deuxieme branche

Il ne ressort d'aucune piece de la procedure, ecrits emanant du demandeurou proces-verbaux d'audience, que le demandeur aurait declare avoir desressources mensuelles d'un minimum de 4.500 euros. S'il doit etreinterprete en ce sens qu'il se fonde, pour retenir ce montant au titre deressources nettes mensuelles, sur les conclusions du demandeur et sesdeclarations à l'audience, l'arret donne des pieces de la procedureemanant du demandeur et des proces-verbaux d'audience une interpretationinconciliable avec leurs termes, violant, partant, la foi qui leur est due(violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

S'il doit etre interprete en ce sens qu'il se fonde sur les conclusionsd'appel de la defenderesse pour determiner les revenus nets du demandeur,l'arret meconnait les regles relatives à la charge de la preuve desfacultes contributives du demandeur qui pesaient sur la defenderesse(violation des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire).

Troisieme branche

Pour ce qui concerne les revenus de l'annee 2004, il ressort del'inventaire du dossier des parties que le demandeur a produit ladeclaration des parties à l'impot des personnes physiques, deposeeegalement par la defenderesse, et l'avertissement-extrait de role -exercice 2005.

Il ressort de ces pieces que le revenu professionnel du demandeurimposable globalement pour cette annee 2004 est de 79.767,04 euros. Il yest egalement fait mention d'un revenu imposable distinctement de 6.063,05euros. L'impot de l'Etat est de 35.420,86 euros. A cela s'ajoute une taxecommunale de 8 p.c., soit, pour le demandeur, une taxe de 2.833,66 euros.L'impot s'eleve ainsi à un total de 38.254,52 euros. Le revenu net fiscalest des lors de 41.512,52 euros par an ou 3.459,37 euros par mois et nonde 4.500 euros.

S'il doit etre interprete en ce sens qu'il determine les facultescontributives du demandeur en fonction notamment des revenus de l'annee2004 et se fonde, pour decider que le revenu minimum mensuel net dudemandeur etait de 4.500 euros, sur lesdites pieces, l'arret y lit ce quine s'y trouve pas et n'y lit pas ce qui s'y trouve, violant, partant, lafoi qui leur est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Codecivil).

Quatrieme branche

Il ressort de l'inventaire des dossiers des deux parties que celles-ciont, quant aux revenus du demandeur pour l'annee 2005, depose leurdeclaration commune à l'impot des personnes physiques. Il ressort decette declaration que le revenu imposable globalement du demandeur est de86.493,25 euros. L'impot de l'Etat est de 36.477,65 euros. La taxecommunale est de 2.913,21 euros. Le total de l'impot sur les revenusimposables globalement s'eleve des lors à 39.395,86 euros, en sorte quele revenu net afferent à l'exercice est de 47.097,39 euros par an ou3.924,78 euros par mois et non 4.500 euros.

S'il doit etre interprete en ce sens qu'il determine les facultescontributives du demandeur en fonction notamment des revenus nets del'annee 2005 et se fonde, pour les fixer à 4.500 euros, sur ladeclaration commune à l'impot des personnes physiques que les deuxparties ont deposee, l'arret y lit ce qui ne s'y trouve pas et n'y lit pasce qui s'y trouve, violant, partant, la foi qui lui est due (violation desarticles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Cinquieme branche

Ainsi qu'il a dejà ete expose dans la quatrieme branche du moyen, ilressort de l'inventaire des dossiers des deux parties que celles-ci ont,quant aux revenus du demandeur pour l'annee 2005, depose leur declarationcommune à l'impot des personnes physiques. Il ressort de cettedeclaration que le revenu imposable globalement du demandeur est de86.493,25 euros. L'impot de l'Etat est de 36.477,65 euros. La taxecommunale est de 2.913,21 euros. Le total de l'impot sur les revenusimposables globalement s'eleve des lors à 39.395,86 euros, en sorte quele revenu net afferent à l'exercice est de 47.097,39 euros par an ou3.924,78 euros par mois et non 4.500 euros.

Sans doute cette declaration fait-elle egalement mention de revenusimposables distinctement (arrieres) qui s'elevent à 31.412,66 euros.L'impot - taxe communale incluse - est de 13.977,38 euros. Si l'on tientcompte des revenus imposables distinctement, le revenu net est, pourl'annee 2005, de 56.831,14 euros par an, soit 4.735,92 euros par mois.

Toutefois, conformement à l'article 171, 5DEG, du Code des impots sur lesrevenus 1992, les revenus imposables distinctement au titre d'arrieres nesont pas des revenus afferents à l'annee fiscale concernee. Ils nepeuvent des lors etre pris en consideration pour fixer des partscontributives et une contribution aux charges du mariage, a fortiorilorsque les condamnations de sommes ne sont pas limitees à la seule anneefiscale pour laquelle des arrieres ont ete perc,us. En effet, en prenantles revenus imposables distinctement en consideration, le juge surevaluela contribution d'un des epoux et sous-evalue la contribution de l'autredans les frais d'entretien et d'education des enfants, en violation desarticles 203 et 203bis du Code civil, et aux charges du mariage, enviolation de l'article 213 du meme code.

S'il doit etre interprete en ce sens qu'il determine les facultescontributives du demandeur en prenant en consideration les arrieresimposables distinctement pour l'annee 2005, l'arret viole l'article 171,5DEG, du Code des impots sur les revenus 1992 et les articles 203, 203biset 213 du Code civil.

Sixieme branche

Concernant les revenus 2006, le demandeur a produit la declaration derevenus et l'avertissement-extrait de role.

Il ressort de ces deux pieces que le revenu imposable globalement avantdeduction de 80 p.c. de la rente alimentaire est de 83.353,98 euros. Apresdeduction de 80 p.c. de la rente alimentaire, le revenu imposableglobalement est de 72.827,98 euros. L'impot de l'Etat sur ce revenu est de30.756,49 euros et l'impot communal de 8 p.c. de ce montant, soit un impottotal de 33.217 euros. Si l'on neutralise le benefice fiscal, le revenunet s'eleve annuellement à 50.136,98 euros ou, par mois, à 4.178 euros.Si on ne neutralise pas le benefice fiscal, il s'eleve à 39.610,98 euros,soit, par mois, à 3.300 euros. Dans les deux hypotheses, il n'atteint pas4.500 euros.

S'il doit etre interprete en ce sens qu'il determine les facultescontributives du demandeur sur la base notamment de ses revenus pourl'annee 2006 et se fonde, pour les fixer à 4.500 euros nets par mois, surla declaration de revenu et l'avertissement-extrait de role pour cetteannee, l'arret lit dans ces pieces ce qui ne s'y trouve pas et n'y lit pasce qui s'y trouve, violant, partant, la foi qui leur est due (violationdes articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Septieme branche

En toute hypothese, ainsi qu'il ressort des troisieme, quatrieme etsixieme branches du moyen tenues ici pour reproduites, si l'arret retientun revenu mensuel net moyen du demandeur en se fondant sur lesdeclarations des parties à l'impot des personnes physiques et lesavertissements-extraits de role deposes, il meconnait la foi due à cespieces en y lisant ce qui ne s'y trouve pas et en n'y lisant pas ce quis'y trouve. En effet, la moyenne des revenus nets mensuels qui y sontindiques n'atteint pas, meme en prenant en consideration les revenusimposables distinctement et en ne prenant pas en consideration ladeduction fiscale, la somme de 4.500 euros nets en moyenne par mois. Danscette hypothese, la moyenne des trois annees s'eleve à 148.480,64 eurossoit 4.124,46 euros par mois (violation des articles 1319, 1320 et 1322 duCode civil). Dans cette lecture, l'arret meconnait egalement la notionlegale de presomption des lors qu'il deduit une moyenne inexacte deschiffres mentionnes dans lesdites pieces (violation des articles 1349 et1353 du Code civil).

Huitieme branche

Les facultes contributives d'une partie doivent, tant pour fixer sa partdans les frais d'entretien et d'education des enfants conformement auxarticles 203 et 203bis du Code civil que pour determiner le montant dudevoir de secours du sur la base de l'article 213 du meme code, etredeterminees en faisant abstraction des retenues sociales et de l'impot.S'il doit etre interprete en ce sens que les 4.500 euros mensuels qu'ilattribue au demandeur ne sont pas des revenus nets apres deduction descharges sociales et fiscales, l'arret viole les articles 203, 203bis et213 du Code civil.

Deuxieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 203, S: 1er, 203bis et 1315 du Code civil ;

- articles 870 et 1280 du Code judiciaire ;

- article 149 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

L'arret condamne le demandeur à payer à la defenderesse 1DEG au titre desa participation aux frais d'entretien, d'education et de formation desenfants communs, les sommes de 657 euros pour J. et 597 euros pour H. àcompter du 1er septembre 2005 ; 2DEG 71,42 p.c. des frais extraordinairesdes enfants, par tous ses motifs consideres ici comme integralementreproduits et plus particulierement, quant aux charges des parties, parles motifs qu'« aucune des parties n'etablit devoir supporter des fraisexceptionnels de nature à reduire leur capacite contributive : lescharges qu'elles alleguent correspondent aux depenses usuelles des menagesprises en compte par les etudes de Roland Renard ».

Griefs

Aux termes de l'article 203, S: 1er, du Code civil, les pere et mere sonttenus d'assumer, à proportion de leurs facultes, l'hebergement,l'entretien, la surveillance, l'education et la formation de leurs enfants; aux termes de l'article 203bis du Code civil, c'est la contributiondeterminee sur la base de l'article 203, S: 1er, que l'un des parents peutreclamer à l'autre.

Pour determiner la faculte respective des pere et mere, le juge doit tenircompte notamment des charges qui pesent sur chacun d'eux.

Dans ses conclusions d'appel, le demandeur invitait la cour d'appel, pourfixer sa capacite contributive, à tenir compte de ses charges. Ilindiquait ainsi avoir des charges de 1.279 euros par mois jusqu'en mars2006, 1.529 euros par mois jusqu'en aout 2006, montant auquel s'ajoutaità partir de cette date 500 euros de frais de deplacement non rembourses,et encore, à partir de decembre 2006, 83 euros d'assurance omnium, 130euros de communications GSM et 26 euros d'assurance soins de sante. Ilalleguait que son loyer etait passe de 700 à 750 euros par mois en juin2007. Il invitait la cour d'appel à tenir compte de cette charge etsoutenait que la defenderesse n'avait par contre plus de charges delogement, des lors qu'elle avait deserte l'immeuble conjugal dont elleavait sollicite la jouissance exclusive et s'etait installee dans unemaison appartenant à ses parents, le loyer ressortant du bail qu'elleproduisait etant manifestement fictif.

Premiere branche

La prise en consideration des charges de chacun des parents n'est paslimitee aux charges exceptionnelles qui ne peseraient que sur l'un d'eux.Il appartient au juge de prendre en consideration les depenses usuelles dechacun des parents.

En decidant de ne pas prendre en consideration les charges des parties aumotif qu'il ne s'agit pas de charges exceptionnelles de nature à reduireleur capacite contributive, des lors « qu'elles correspondent auxdepenses usuelles des menages prises en compte par les etudes de RolandRenard », l'arret viole, partant, les articles 203 et 203bis du Codecivil.

Seconde branche

A tout le moins, à defaut d'indiquer pour quel motif il considere lescharges des deux parties comme « des depenses usuelles des menages »alors que le demandeur soutenait qu'il etait le seul à assumer unedepense de loyer, l'arret n'est pas regulierement motive et ne permet pasà la Cour d'exercer son controle sur la legalite de la decision au regarddes articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire relatifs à lacharge de la preuve et des articles 203 et 203bis du meme code relatifs àla fixation des parts contributives (violation de ces dispositions et del'article 149 de la Constitution).

Troisieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 213, 217 et 221 du Code civil ;

- article 1280 du Code judiciaire ;

- article 149 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

L'arret condamne le demandeur à payer à la defenderesse 620 euros parmois à partir du 1er septembre 2005 à titre de participation aux chargesdu menage, par tous ses motifs consideres ici comme integralementreproduits et plus particulierement que :

« Ainsi qu'il a ete expose ci-avant, la faculte contributive globale desparties doit etre estimee à un minimum de 6.300 euros par mois.

Apres financement du cout net des enfants, obligation prioritaire qui leurincombe, le solde que (le demandeur) et (la defenderesse) sont en mesured'affecter à leurs depenses personnelles doit etre estime à (6.300 -1.755 euros), soit 4.545 euros.

En sollicitant la somme de 620 euros par mois, (la defenderesse) conduità etablir entre les ressources et charges estimees des partiesl'equilibresuivant :

- Disponible (du demandeur) : 4.500 - 1.253 - 620 = 2.627 euros par mois ;

- Disponible de (la defenderesse) : 1.800 - 483 + 620 = 1.937 euros.

La demande de (la defenderesse) apparait ainsi de nature à assurer unerepartition particulierement raisonnable des ressources des parties, touten permettant (au demandeur) de conserver, compte tenu du differentiel desremunerations respectives, des facilites budgetaires plus importantes ».

Griefs

La pension allouee au cours d'une instance en divorce par le president dutribunal de premiere instance, sur la base de l'article 1280 du Codejudiciaire, est une modalite d'execution du devoir de secours qui, envertu de l'article 213 du Code civil, est impose à chacun des epoux.

En vertu de l'article 221 du Code civil, chacun des epoux contribue auxcharges du mariage selon ses facultes.

Le montant de cette pension doit etre fixe en tenant compte des besoins etdes ressources de chacun des epoux et doit etre evalue, non pas enfonction du train de vie des epoux durant la vie commune, mais de maniereà permettre à l'epoux beneficiaire de mener le train de vie qui seraitle sien s'il n'y avait pas eu de separation.

De plus, en vertu de l'article 217 du Code civil, chaque epoux perc,oitseul ses revenus et les affecte par priorite à sa contribution auxcharges du mariage et peut en utiliser le surplus à des acquisitions debiens justifiees par l'exercice de sa profession, l'excedent etant soumisaux regles de leur regime matrimonial. Il resulte de cette disposition quela contribution aux charges du mariage n'implique pas un partage demaniere egale des revenus des epoux entre eux.

Dans ses conclusions d'appel, le demandeur invitait la cour d'appel àprendre ses charges en consideration pour la fixation de la pensionalimentaire pendant l'instance en divorce. Il indiquait ainsi avoir descharges de 1.279 euros par mois jusqu'en mars 2006, 1.529 euros par moisjusqu'en aout 2006, auxquelles s'ajoutaient à partir de cette date 500euros de frais de deplacement non rembourses et encore, à partir dedecembre 2006, 83 euros d'assurance omnium, 130 euros de communicationsGSM et 26 euros d'assurance soins de sante. Il alleguait que son loyeretait passe de 700 à 750 euros par mois en juin 2007. Il invitait la courd'appel à tenir compte de cette charge et soutenait que la defenderessen'avait par contre plus de charges de logement, des lors qu'elle avaitdeserte l'immeuble conjugal dont elle avait sollicite la jouissanceexclusive et s'etait installee dans une maison appartenant à ses parents,le loyer ressortant du bail qu'elle produisait etant manifestement fictif.

L'arret :

1DEG evalue globalement, comme si les epoux etaient encore en couple, lesolde que ceux-ci peuvent affecter à leurs depenses personnelles ;

2DEG ne tient compte, au titre de charges, que des contributions aux fraisd'entretien et d'education des enfants, negligeant ainsi de determiner lesbesoins personnels de chaque epoux apres la separation ;

3DEG pose en regle, pour fixer le montant du devoir de secours, qu'ilconvient d'etablir entre les ressources et les seules charges relatives àl'entretien et l'education des enfants un « equilibre » et d'assurer une« repartition particulierement raisonnable des revenus des deuxparties ».

Il meconnait ainsi les regles qui regissent la determination de la pensionallouee au cours d'une instance en divorce (violation des articles 213,217 et 221 du Code civil et 1280 du Code judiciaire).

A tout le moins, à defaut de se prononcer sur les charges des partiesapres la separation, il n'est pas regulierement motive et ne permet pas àla Cour d'exercer son controle sur la legalite de la decision (violationde l'article 149 de la Constitution et, pour autant que de besoin, desarticles 213, 217 et 221 du Code civil et 1280 du Code judiciaire).

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

L'arret declare evaluer à un minimum de 4.500 euros, toutes primesincluses, les ressources mensuelles du demandeur sur la base des debatsqui ont eu lieu devant la cour d'appel et des pieces qui lui ont etesoumises. Il apprecie ainsi le montant des revenus du demandeur sans sefonder sur des elements connus de science personnelle.

En indiquant le montant des revenus respectifs des parties qu'il retient,l'arret permet à la Cour d'exercer son controle de legalite sur lacondamnation du demandeur au paiement d'une contribution dans les fraisd'entretien et d'education des enfants et d'une contribution aux chargesdu mariage.

Le demandeur evaluant en conclusions ses ressources à un montantinferieur à 4.500 euros par mois sans designer les elements verses auxdebats sur lesquels il s'appuyait, l'arret n'etait pas tenu de preciserdavantage sur quelles pieces se fonde sa decision.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la deuxieme branche :

Contrairement à ce que le moyen suppose, en cette branche, l'arret nededuit pas le montant des ressources mensuelles minimales du demandeurd'une reconnaissance que celui-ci aurait faite à ce sujet dans sesconclusions ou à l'audience ni des seules affirmations contenues dans lesconclusions de la defenderesse.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la troisieme branche :

Il ne ressort pas de l'arret que la cour d'appel ait pris en considerationles revenus de l'annee 2004.

Le moyen, qui, en cette branche, invoque la violation de la foi due à ladeclaration des parties à l'impot des personnes physiques et àl'avertissement-extrait de role de l'exercice 2005, est, des lors,irrecevable à defaut d'interet.

Quant à la quatrieme branche :

L'arret, qui ne considere pas que la declaration commune des parties àl'impot des personnes physiques de l'exercice 2006 indique un revenumensuel de 4.500 euros minimum pour le demandeur, mais qui tire cetteconclusion de l'ensemble des pieces qui lui ont ete soumises, ne donne pasdu document precite une interpretation inconciliable avec ses termes et,partant, ne viole pas la foi qui lui est due.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la cinquieme branche :

Contrairement à ce que le moyen suppose, en cette branche, il ne ressortpas de l'arret que celui-ci retient les revenus imposables distinctementau titre d'arrieres pour determiner le montant des revenus du demandeur en2005.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la sixieme branche :

L'arret, qui ne considere pas que la declaration commune des parties àl'impot des personnes physiques et l'avertissement-extrait de role del'exercice 2007 indiquent un revenu mensuel de 4.500 euros minimum pour ledemandeur mais qui tire cette conclusion de l'ensemble des pieces qui luiont ete soumises, ne donne pas des documents precites une interpretationinconciliable avec leurs termes et, partant, ne viole pas la foi qui leurest due.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la septieme branche :

Il ressort de la reponse aux troisieme, quatrieme et sixieme branches quele moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la huitieme branche :

Contrairement à ce que le moyen suppose, en cette branche, l'arret neretient pas les revenus du demandeur sans deduction des charges socialeset fiscales.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur le deuxieme moyen :

Quant aux deux branches reunies :

Aux termes de l'article 203, S: 1er, du Code civil, les pere et mere sonttenus d'assumer, à proportion de leurs facultes, l'hebergement,l'entretien, la surveillance, l'education et la formation de leursenfants.

Pour determiner les facultes respectives des pere et mere, le juge doittenir compte notamment des charges qui pesent sur eux.

En considerant qu'« aucune des parties n'etablit devoir supporter desfrais exceptionnels de nature à reduire leur capacite contributive : lescharges qu'elles alleguent correspondent aux depenses usuelles des menagesprises en compte par les etudes de Roland Renard », et en faisantapplication de la methode Renard au cas d'espece, l'arret prend enconsideration les depenses usuelles de chacune des parties.

Par ces considerations souveraines, il motive regulierement et justifielegalement sa decision quant aux facultes respectives des pere et mere.

Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut etre accueilli.

Sur le troisieme moyen :

La pension allouee au cours d'une instance en divorce par le president dutribunal de premiere instance, sur la base de l'article 1280 du Codejudiciaire, est une modalite d'execution du devoir de secours qui, envertu de l'article 213 du Code civil, est impose à chacun des epoux.

En vertu de l'article 221 du Code civil, chacun des epoux contribue auxcharges du mariage selon ses facultes.

Le montant de cette pension doit etre fixe en tenant compte des besoins etdes ressources de chacun des epoux et doit etre evalue de maniere àpermettre à l'epoux beneficiaire de mener le train de vie qui serait lesien s'il n'y avait pas eu de separation.

La contribution aux charges du mariage n'implique pas un simple partagedes revenus des epoux entre eux.

En decidant d'evaluer le montant de la provision alimentaire au profit dela defenderesse, d'une part, en ne retenant comme charges que lescontributions aux frais d'entretien et d'education des enfants communs et,d'autre part, en veillant à assurer « une repartition particulierementraisonnable des ressources des parties », negligeant ainsi de determinerles besoins personnels de chaque epoux apres la separation, l'arret violeles dispositions legales visees au moyen.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il fixe à 620 euros par mois, à compterdu 1er septembre 2005, indexes annuellement, le montant de laparticipation du demandeur aux charges du menage, et qu'il statue sur lesdepens ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Condamne le demandeur à la moitie des depens et reserve le surplus deceux-ci pour qu'il y soit statue par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Les depens taxes à la somme de neuf cent trente-huit euros envers lapartie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Christine Matray, Sylviane Velu et Martine Regout, et prononce en audiencepublique du cinq mars deux mille dix par le president Christian Storck, enpresence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Regout | S. Velu |
|-----------------+------------+-------------|
| Chr. Matray | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

5 MARS 2010 C.08.0562.F/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 05/03/2010
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.08.0562.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-03-05;c.08.0562.f ?
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