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05/03/2010 | BELGIQUE | N°C.08.0433.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 mars 2010, C.08.0433.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

3928



NDEG C.08.0433.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

S. B., agissant en qualite de curateur à la faillite de la societeanonyme Menuiserie Mosane, dont le cabinet est etabli à Hannut, rueVasset, 2c,

defendeur en

cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 octob...

Cour de cassation de Belgique

Arret

3928

NDEG C.08.0433.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

S. B., agissant en qualite de curateur à la faillite de la societeanonyme Menuiserie Mosane, dont le cabinet est etabli à Hannut, rueVasset, 2c,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 octobre 2007par la cour d'appel de Liege.

Le conseiller Christine Matray a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 7, 8 et 9 de la loi du 16 decembre 1851, dite loi hypothecaire,remplac,ant le titre XVIII du livre III du Code civil ;

- article 44, specialement alinea 2, de la loi du 17 juillet 1997 relativeau concordat judiciaire ;

- articles 16, 62 à 72 et 99 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites ;

- principe general du droit selon lequel la renonciation ne se presume paset ne peut se deduire que de faits qui ne sont susceptibles d'aucune autreinterpretation.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate, tant par ses motifs propres que par les motifs dujugement dont appel qu'il s'approprie, que Menuiserie Mosane a obtenu lebenefice du sursis provisoire, vise aux articles 13 et suivants de la loidu 17 juillet 1997, par un jugement du tribunal de commerce de Huy du 19mai 1999 ; qu'elle a obtenu le benefice du sursis definitif, vise auxarticles 31 et suivants de la meme loi, par un jugement du 17 novembre1999 du meme tribunal ; que ce sursis a ete revoque par un jugement du 5janvier 2000 du meme tribunal et la faillite de Menuiserie Mosanedeclaree, le defendeur etant designe en qualite de curateur ; que ledemandeur, poursuites et diligences du receveur des contributions directesà Liege 6, a declare à la faillite une creance d'un montant de101.342,99 euros, privilegiee à concurrence d'un montant de 101.293,41euros ; que la creance ainsi declaree a ete « consacree dans leproces-verbal de verification des creances » (deux declarations decreance complementaires du demandeur ont ete ulterieurement admises aupassif par jugements), l'arret, saisi, par l'appel du demandeur dujugement du tribunal de commerce de Huy du 14 juin 2006, de lacontestation, par le demandeur, du compte et du projet de repartitionsoumis par le curateur à l'assemblee generale des creanciers parapplication de l'article 79 de la loi du 8 aout 1997, le demandeur faisantvaloir que, pour partie, la creance qu'il avait declaree et qui avait eteadmise au passif privilegie de la faillite dans le proces-verbal deverification des creances etait une dette de la masse payable avant touterepartition, deboute le demandeur et approuve le compte et le projet derepartition presentes par le curateur par les motifs suivants :

« (Le demandeur) considere que, à concurrence de 23.882,49 euros, sacreance, admise au passif privilegie de la faillite de la societe anonymeMenuiserie Mosane, doit en realite etre consideree comme une dette de lamasse puisqu'il s'agit d'une dette de precompte professionnel afferente àla periode du sursis provisoire de la societe et que, des lors, elle doitetre acquittee au meme titre que les creances du commissaire au sursis etde l'Office national de securite sociale.

Certes, le creancier de la masse n'est pas vise par l'obligation dedeclarer sa creance imposee par l'article 62 de la loi sur les faillites,laquelle ne concerne que les creanciers dans la masse (I. Verougstraete,Manuel de la faillite et du concordat, 2003, n DEG 701). Il n'est donc pasdavantage tenu par les modalites de contredit prevues par l'article 69 ouencore le delai de prescription prevu par l'article 72 pour faire valoirsa creance.

Il reste qu'en l'espece, (le demandeur) a revendique, sans reserve, lesdroits d'un creancier dans la masse beneficiant d'un privilege special enprocedant à de telles declarations de creance, la premiere de celles-ci,qui a trait à la somme litigieuse, ayant ete consacree dans leproces-verbal de verification des creances. (Le demandeur) a donc faitreconnaitre sa qualite de creancier privilegie dans la masse.

L'admission des creances `lie definitivement le creancier produisant, lecurateur et les autres creanciers. Il ne sera plus possible ulterieurementde revenir sur cette admission (...). Les consequences de l'irrevocabilite(...) excluent qu'une demande supplementaire fondee sur la meme creancepuisse etre admise (...). La creance ne peut plus etre contestee ni quantà son montant, ni quant aux suretes qui y sont attachees, ni quant àl'opposabilite des operations qu'elle recouvre' (I. Verougstraete, nos 719et 720). Ces principes ne rec,oivent exception qu'en cas de dol ou defraude, de violation d'une regle d'ordre public et d'erreur materielle (I.Verougstraete, op. cit., nDEG 722) : `dans les conditions ou un jugementpourrait etre rectifie, il nous semble qu'une admission pourrait egalementfaire l'objet d'une rectification. Mais, pour le surplus, l'enseignement(de l'arret de la Cour de cassation du 13 juin 1985) (...) exclut l'ideeque l'erreur puisse remettre en question l'admission d'une creance' (I.Verougstraete, op. cit., nDEG 722).

La declaration (du demandeur) ne peut etre qualifiee d'erreur purementmaterielle, mais resulte d'une erreur de droit portant sur sa qualite decreancier de (ou dans) la masse. Des lors que sa demande actuelle tend à`obtenir une autre consecration juridique de sa creance, cette fois autitre de dette de la masse, nonobstant l'admission dejà obtenue commedette dans la masse à laquelle il pretend renoncer pour autant que debesoin', le principe de l'irrevocabilite de l'admission s'opposeprecisement à une telle pretention (Liege, 23 juin 2005, J.L.M.B., 2006,p. 348). C'est ce motif, et non l'absence de declaration au titre de dettede masse dans un delai requis, qui justifie le rejet de sa demande.

(Le demandeur) ne peut davantage se prevaloir d'une violation de l'ordrepublic en ce que l'article 44 de la loi sur le concordat judiciaire,lequel confere le caractere de dette de masse aux creances nees pendant lesursis provisoire, ne serait pas respecte : `la defense que certainescreances sont privilegiees et que cette reglementation touche à l'ordrepublic (...) n'est pas pertinente. Ce ne serait que si le privilege oul'hypotheque etaient eux-memes fondes sur une convention qui viole l'ordrepublic que l'admission pourrait etre remise en cause' (I. Verougstraete,op. cit., nDEG 721).

Enfin, si le principe de l'irrevocabilite de l'admission ne fait pasobstacle à ce que la creance puisse etre ulterieurement reduite(I. Verougstraete, op. cit., nDEG 720), par exemple en cas de degrevementd'impot, il ne peut s'agir que d'un element exterieur à l'admission meme,et non du fait d'une nouvelle appreciation quant à la creance, laquelleest prohibee. (Le demandeur) ne peut donc etre suivi en ce que, `d'unpoint de vue strictement comptable, la dette admise comme dette de lamasse viendrait à eteindre la dette erronement admise comme dette dans lamasse'.

La pretendue discrimination que (le demandeur) pretend discerner dans lechef du creancier de la masse, selon qu'il aurait ou non produit unedeclaration de creance, est inexistante, la situation denoncee trouvant saseule origine dans l'erreur de droit commise par (le demandeur) qui s'estabstenu de declarer sa qualite de creancier de la masse.

(Le demandeur) ne peut donc etre admis à contester, lors de la redditiondes comptes, la qualite de sa creance admise dans le proces-verbal deverification des creances ».

Griefs

Aux termes de l'article 44, specialement alinea 2, de la loi du 17 juillet1997, les actes accomplis par le debiteur au cours de la procedure [deconcordat] avec la collaboration, l'autorisation [ou] l'assistance ducommissaire au sursis sont consideres lors de la faillite comme des actesdu curateur, les dettes contractees pendant le concordat etant comprisescomme dettes de la masse faillie.

Ces dettes, comme les dettes contractees par le curateur apres ladeclaration de faillite, sont payables avant toute repartition.

Selon l'enseignement de votre arret du 26 novembre 1981, le creancierserait meme en droit d'en poursuivre l'execution à charge de l'actif dela faillite.

Le creancier de la masse n'est pas tenu de declarer sa creanceconformement aux articles 62 et suivants de la loi du 8 aout 1997.

Ces regles sont d'ordre public.

Il s'ensuit que la declaration et l'admission ulterieure de la creance dela masse declaree au passif de la faillite dans le proces-verbal deverification des creances est en realite sans objet. A tout le moins, ladeclaration et l'admission consecutive d'une telle creance dans leproces-verbal de verification des creances ne sauraient-elles priver lecreancier de son droit, precisement du droit que cette creance soit payeeavant toute repartition.

En effet, d'une part, si l'admission d'une creance dans le proces-verbalde verification est, en regle, irrevocable, il n'en est ainsi ques'agissant des creances dans la masse, lesquelles sont legalement soumisesà declaration par application des articles 62 et suivants de la loi surles faillites. Ce principe est etranger aux creances de la masse qui,comme dit plus haut, ne sont pas visees par ces textes. L'irrevocabilitene porte que sur le principe et le quantum des creances soumises àdeclaration (et, eventuellement, sur le privilege qui leur est attache).Il ne saurait priver le creancier de la masse de la priorite qui lui estreconnue independamment de toute admission de sa creance.

En tout etat de cause, le principe de l'irrevocabilite de l'admission dansle proces-verbal de verification des creances ne peut conduire àmeconnaitre une regle d'ordre public.

D'autre part, le creancier de la masse n'a pas renonce à ce droit par sadeclaration. La renonciation, en effet, ne se presume pas et ne peut sededuire que de faits qui ne sont susceptibles d'aucune autreinterpretation.

Il s'ensuit que l'arret, qui ne denie pas que la creance du demandeur,comme celui-ci le soutenait, etait, pour la partie indiquee, une creancede la masse mais deboute neanmoins le demandeur de sa contestation, nejustifie pas legalement sa decision. L'arret meconnait, ce disant, lanotion de creance ou dette de la masse, laquelle n'est pas soumise à laprocedure de declaration et est payable avant toute repartition auxcreanciers privilegies et chirographaires (violation des articles 7, 8 et9 de la loi hypothecaire, 44, specialement alinea 2, de la loi du 17juillet 1997 et 16 et 99 de la loi du 8 aout 1997), la notion d'admissionde creance dans le proces-verbal de verification (violation des articles62 à 72 de la loi du 8 aout 1997), à laquelle ne sont pas soumises lescreances ou dettes de la masse, et le principe de l'irrevocabilite d'unetelle admission (violation des memes dispositions legales), etranger auxcreances ou dettes de la masse et qui, de surcroit, ne peut conduire à lameconnaissance d'une regle d'ordre public.

S'il considere que le demandeur, en declarant sa creance conformement auxarticles 62 à 72 de la loi du 8 aout 1997, a renonce à son droit quecelle-ci, etant une dette de la masse à concurrence du montant indiquedans sa contestation, soit payee dans cette mesure avant touterepartition, l'arret meconnait le principe general du droit vise au moyen.

III. La decision de la Cour

L'article 44, alinea 2, de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordatjudiciaire dispose que les actes accomplis par le debiteur au cours de laprocedure avec la collaboration, l'autorisation ou l'assistance ducommissaire au sursis sont consideres lors de la faillite comme des actesdu curateur, les dettes contractees pendant le concordat etant comprisescomme dettes de la masse faillie.

En vertu des articles 62 et 99 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites,pour participer à une repartition ou pour exercer personnellement undroit de preference quelconque, les creanciers dans la masse sont tenus dedeposer au greffe du tribunal de commerce la declaration de leurs creanceset les frais et depens de l'administration de la faillite sont payes auxcreanciers de la masse avant toute repartition.

Il ne ressort ni de ces dispositions ni d'aucune autre que le creancier dela masse, au sens de l'article 44, alinea 2, precite, qui aurait declareet fait admettre sa creance au proces-verbal de verification des creancesserait, en raison de l'irrevocabilite de cette admission, prive du droitd'etre paye avant toute repartition.

L'arret considere que le demandeur a « fait reconnaitre sa qualite decreancier privilegie dans la masse », ce qui le « lie definitivement »,que sa declaration « resulte d'une erreur de droit portant sur sa qualitede creancier de (ou dans) la masse », qu'une nouvelle appreciation de lacreance serait « prohibee » et que « le principe de l'irrevocabilite del'admission s'oppose à [la] pretention du demandeur ».

L'arret ne justifie pas legalement son refus de reconnaitre la creance dudemandeur comme dette de la masse.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Christine Matray, Sylviane Velu et Martine Regout, et prononce en audiencepublique du cinq mars deux mille dix par le president Christian Storck, enpresence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Regout | S. Velu |
|-----------------+------------+-------------|
| Chr. Matray | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

5 MARS 2010 C.08.0433.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.08.0433.F
Date de la décision : 05/03/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-03-05;c.08.0433.f ?
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