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28/01/2010 | BELGIQUE | N°C.09.0036.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 janvier 2010, C.09.0036.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.09.0036.N

S. Y.

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. S. F.

2. S. M.,

3. S. G.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 2 octobre 2008par la cour d'appel de Gand.

Le conseiller Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general delegue Andre Van Ingelgem a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans le

s termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 887, alinea 2, 888, alinea 1er, 2052, ali...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.09.0036.N

S. Y.

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. S. F.

2. S. M.,

3. S. G.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 2 octobre 2008par la cour d'appel de Gand.

Le conseiller Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general delegue Andre Van Ingelgem a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 887, alinea 2, 888, alinea 1er, 2052, alinea 2, et, pour autantque de besoin, article 2044 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque declare l'appel des defendeurs admissible et fonde, annulele jugement entrepris, declare la demande initiale des defendeurs fondee,declare non fondee la demande reconventionnelle de la demanderesse et ditque la demanderesse est tenue d'executer la convention de transaction du 3novembre 2000.

Cette decision est fondee sur les motifs suivants :

« 2. Conformement à l'article 888, alinea 1er, du Code civil, l'actionen rescision, fondee sur les motifs enonces par l'article 887 du Codecivil (notamment une lesion de plus du quart) est admise contre tout actequi a pour objet de faire cesser l'indivision entre coheritiers (ce qui nesignifie pas necessairement entre tous les heritiers) encore qu'il futqualifie de vente, d'echange et de transaction par les parties.

Par de justes motifs, le premier juge a qualifie, aux pages 6 et 7 dujugement entrepris, la convention du 3 novembre 2000 redigee et signee parles parties de transaction au sens de l'article 2044 du Code civil. Enoutre, l'article 2052 du Code civil, dispose que les transactions nepeuvent etre annulees pour cause de lesion.

La question se pose des lors de savoir si, à la lumiere de la conventionde transaction du 3 novembre 2000, la demanderesse est dejà autorisee àcritiquer la transaction tendant à regler les successions litigieusesentre elle et les defendeurs pour cause de lesion de plus du quart.

La reponse à la question de savoir si une action en rescision peut encoreetre introduite contre une convention de transaction qui contient unpartage, a partage la jurisprudence et la doctrine pendant plus de deuxsiecles en fonction de l'interpretation tantot stricte tantot large qui aete donnee à l'article 888, alinea 1er, du Code civil.

3. Selon la cour d'appel, le 3 novembre 2000 les parties ont conclu unereelle transaction, et pas simplement une convention qualifiee telle, ence qui concerne les points litigieux importants pouvant surgir ouexistants entre eux à propos des successions respectives de leurs parentsdecedes, specialement eu egard à la circonstance que le 25 septembre2000, Dany Van Impe a conclu son rapport d'expertise en constatant que lademanderesse ne pouvait expliquer la destination de la somme de1.030.663,14 euros (41.576.848 francs) en especes et en effets, provenantdu capital de feu ses parents.

Il n'existe aucun doute quant à l'intention des parties lors de laredaction et de la signature de la convention de transaction du 3 novembre2000.

Au debut de la convention de transaction, il est fait reference de maniereexplicite à cette circonstance de fait, ce qui implique qu'elle a eteclairement elaboree à la suite d'un probleme bien precis, les partiesayant cherche une solution en se faisant des concessions reciproques pourle litige existant ou à naitre entre les defendeurs, d'une part, et lesdemanderesses, d'autre part, et relatif au partage des heritages de leursparents decedes

En outre, il ne peut pas etre serieusement conteste qu'il y a eu desconcessions reciproques. Il a ete convenu dans la convention detransaction elle-meme que, d'une part, la demanderesse cedait de maniereirrevocable tous ses droits successoraux au benefice des defendeurs,chacun pour un tiers, alors que, d'autre part, les defendeurs renonc,aientde maniere irrevocable à toute action à l'egard de la demanderesse àpropos de sa gestion du patrimoine parental.

Par ces concessions reciproques, les parties à la convention detransaction ont declare avoir mis fin aux contestations et litiges surgisentre elles et precise que `la presente convention (...) contient unreglement forfaitaire qui est accorde et accepte par chaque partie à sespropres risques apres avoir ete judicieusement informee par le notaireJean-Louis Sabbe à Blankenberge'.

Une telle convention de transaction ne peut plus etre attaquee.

En decider autrement impliquerait qu'en matiere de partage, une conventionde transaction ne puisse jamais avoir de consequence et soit interdite. Ilest socialement inacceptable que des divergences de vue et des conflitsfamiliaux en matiere de partage ne puissent etre, soit evites, soitresolus par une transaction pour eviter un proces.

Contrairement à ce que le premier juge a decide, la cour d'appel estimedes lors que la demanderesse n'est pas autorisee à attaquer la conventionde transaction qu'elle a conclue le 3 novembre 2002 sur la base desarticles 887 et 888 du Code civil ».

« 5. Conclusion

La demanderesse reste liee par les dispositions de la convention detransaction du 3 novembre 2000 conclue et signee par les parties, et quidoit etre executee de bonne foi.

Dans cette mesure, la demande initiale des defendeurs est des lors fondee.

Premier grief

Violation des articles 887, alinea 2, 888, alinea 1er, 2052, alinea 2 et,pour autant que de besoin, article 2044 du Code civil.

1.1. Il ressort clairement des considerations de l'arret attaque que lajuridiction d'appel admet que la « transaction » litigieuse du 3novembre 2000 contient un partage au sens des articles 887 et 888, alinea1er, du Code civil, eu egard à ce qui suit.

Apres avoir cite ces dispositions legales, il pose en effet la questionjuridique suivante : « La question se pose, des lors, de savoir si, à lalumiere de la convention de transaction du 3 novembre 2000, lademanderesse est autorisee ou non à critiquer la transaction reglant lessuccessions litigieuses entre elle et les defendeurs sur la base d'unelesion de plus du quart. La reponse à la question de savoir si une actionen rescision peut encore etre introduite contre une convention detransaction qui contient un partage a partage la jurisprudence et ladoctrine depuis deux siecles en fonction de l'interpretation tantotstricte tantot large qui a ete donnee à l'article 888, alinea 1er, duCode civil ». La juridiction d'appel constate en outre que la conventionde transaction constate, d'une part, que la demanderesse cede de maniereirrevocable tous ses droits successoraux aux defendeurs et que, « par latransaction du 3 novembre 2000, la demanderesse a cede de maniereirrevocable tous ses droits successoraux dans les successions de sesparents au profit des defendeurs, chacun pour un tiers ».

Il repond à la question posee de la maniere suivante : « une telleconvention de reelle transaction ne peut plus etre attaquee. En deciderautrement impliquerait qu'une convention de transaction en matiere departage ne puisse avoir de consequence et soit interdite ».

Il n'etait pas conteste en l'espece que la « transaction » litigieusetendait à faire cesser l'indivisibilite entre les coheritiers etconstituait un acte de partage au sens des articles 887 et 888, alinea1er, du Code civil.

1.2. Les dispositions legales suivantes sont applicables en l'espece.L'article 887 du Code civil est libelle comme suit :

« Les partages peuvent etre rescindes pour cause de violence ou de dol.Il peut aussi y avoir lieu à rescision lorsqu'un des coheritiers etablit,à son prejudice, une lesion de plus d'un quart. La simple omission d'unobjet de la succession ne donne pas ouverture à l'action en rescisionmais seulement à un supplement à l'acte de partage ».

L'article 888 du meme code dispose que :

« L'action en rescision est admise contre tout acte qui a pour objet defaire cesser l'indivision entre coheritiers encore qu'il fut qualifie devente, d'echange et de transaction, ou de toute autre maniere.

Mais apres le partage, ou l'acte qui en tient lieu, l'action en rescisionn'est plus admissible contre la transaction faite sur les difficultesreelles que presentait le premier acte, meme quand il n'y aurait pas eu àce sujet de proces commence ».

1.3. Ces dispositions legales confirment le principe selon lequell'egalite des lots releve de l'existence meme du partage. Afin d'assurercette egalite, à tout le moins dans une mesure raisonnable, à l'egard detous les coheritiers, l'article 887 du Code civil accorde au coheritierqui subit une lesion de plus du quart, une action en rescision.

L'article 888, alinea 1er, du meme code declare, afin d'encore mieuxgarantir les droits dudit coheritier, que tout acte qui a pour objet defaire cesser l'indivision, quelle que fut sa qualification, peut etrerescinde pour cause de lesion de plus du quart.

Il ressort de ce qui precede que l'objectif poursuivi par le legislateurne serait pas atteint si la sortie d'indivision etant realisee sous laforme d'une transaction reelle, l'action en rescision etait refusee aucoheritier lese.

En vertu des articles 878, alinea 2, et de l'article 888, alinea 1er,precites, une action en rescision fondee sur une lesion de plus du quartest des lors autorisee contre une transaction qui implique un partageentre coheritiers, ce qui ne signifie pas necessairement entre tous lesheritiers, meme si cette transaction est une reelle transaction au sens del'article 2044 du Code civil.

Ce qui precede est confirme par le texte de l'article 888, alinea 2, envertu duquel apres le partage, ou l'acte qui en tient lieu, l'action enrescision n'est plus admissible contre la transaction faite sur lesdifficultes reelles que presentait le premier acte, meme quand il n'yaurait pas eu à ce sujet de proces commence.

En decidant autrement, apres avoir admis que la transaction litigieusecomporte un partage entre coheritiers et avoir constate que lademanderesse l'a critiquee sur la base d'une lesion de plus du quart, plusspecialement `qu'une telle convention de transaction ne peut plus etreattaquee », l'arret attaque viole, des lors, les articles 887, alinea 2,et 888, alinea 1er, du Code civil en vertu desquels l'action en rescisionest admise sur la base d'une lesion de plus du quart contre une reelletransaction qui comporte un partage entre coheritiers.

1.4. L'arret attaque considere à tort que : « En decider autrementimpliquerait qu'une convention de transaction en matiere de partage nepuisse jamais avoir de consequence et soit interdite. Il est socialementinacceptable que des divergences de vue et des conflits familiaux enmatiere de partage ne puissent etre, soit evites, soit resolus par unetransaction pour eviter un proces ». Il viole ainsi les articles 887,alinea 2, 888, alinea 1er, 2052, alinea 2, et, pour autant que de besoin,l'article 2044 du Code civil.

La regle contenue aux articles 887, alinea 2, 888, alinea 1er, du Codecivil suivant laquelle une action en rescision fondee sur une lesion deplus du quart est admise contre une transaction reelle qui contient unpartage entre coheritiers n'a en principe pas pour consequence qu'uneconvention de transaction en matiere de partage ne puisse jamais avoiraucun effet. Elle decoule du principe suivant lequel l'egalite constituela regle fondamentale du partage et constitue une exception à l'article2052, alinea 2, du Code civil suivant lequel les transactions ne peuventetre attaquees pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lesion.

1.5. La decision attaquee par le moyen qui declare l'action des defendeursdans une certaine mesure fondee et qui rejette la demandereconventionnelle de la demanderesse tendant à l'annulation de latransaction litigieuse pour cause de lesion de plus du quart, et qui estfondee sur les motifs critiques ci-dessus, n'est des lors pas legalementjustifiee (violation des articles 887, alinea 2, 888, alinea 1er, 2052,alinea 2, et, pour autant que de besoin, article 2044 du Code civil).

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

1. L'article 887, alinea 2, du Code civil dispose qu'il peut y avoir lieuà rescision d'un partage lorsqu'un des coheritiers etablit à sonprejudice une lesion de plus du quart.

L'article 888, alinea 1er, du meme code dispose que l'action en rescisionest admise contre tout acte qui a pour objet de faire cesser l'indivisionentre coheritiers, encore qu'il fut qualifie de vente, d'echange et detransaction, ou de toute autre maniere.

2. Sur la base de ces dispositions un coheritier peut critiquer pour causede lesion de plus du quart un transaction qui a pour objectif de fairecesser l'indivision.

3. Les juges d'appel, qui ont constate que les parties « ont voulu mettrefin à des litiges existants ou à naitre en faisant des concessionsreciproques relatives au partage des successions respectives de leursparents decedes à la lumiere du rapport d'expertise sur la destination dela somme de 1.030.663,14 euros (41.576.848 francs) en especes et eneffets », n'ont pu legalement decider que la demanderesse n'est pasautorisee à critiquer ladite convention de transaction sur la base desarticles 887 et 888 du Code civil.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur le surplus des griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs, qui ne sauraient entrainerune cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque sauf en tant qu'il declare l'appel recevable ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Bruxelles.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le conseiller faisant fonction de president Eric Dirix, lesconseillers Eric Stassijns, Beatrijs Deconinck, Alain Smetryns et GeertJocque, et prononce en audience publique du vingt-huit janvier deux milledix par le conseiller faisant fonction de president Eric Dirix, enpresence de l'avocat general delegue Andre Van Ingelgem, avec l'assistancedu greffier Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Christine Matray ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

28 JANVIER 2010 C.09.0036.N/9



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 28/01/2010
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.09.0036.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-01-28;c.09.0036.n ?
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