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08/01/2010 | BELGIQUE | N°C.09.0002.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 janvier 2010, C.09.0002.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

451



N° C.09.0002.F

COMMUNE DE SENEFFE, représentée par son collège communal, dont lesbureaux sont établis à Seneffe, rue Lintermans, 21,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il estfait élection de domicile,

contre

 1. D. V. et

 2. V. M,

défendeurs en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est d

irigé contre l'arrêt rendu le 10 septembre2008 par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller Albert Fettweis a fait rapport.

L'avocat général Thierry W...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

451

N° C.09.0002.F

COMMUNE DE SENEFFE, représentée par son collège communal, dont lesbureaux sont établis à Seneffe, rue Lintermans, 21,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il estfait élection de domicile,

contre

 1. D. V. et

 2. V. M,

défendeurs en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 10 septembre2008 par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller Albert Fettweis a fait rapport.

L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse présente deux moyens libellés dans les termes suivants :

Premier moyen

Disposition légale violée

Article 1068, alinéa 2, du Code judiciaire

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt, après avoir relevé que « (le jugement entrepris) condamna (lademanderesse) à réaliser une station d'épuration pour mettre fin à lapollution dans les étangs en provenance de la cité Saint-Georges pour le15 octobre 2007 au plus tard, sous peine d'une astreinte de 500 euros parjour de retard à dater du 16 octobre 2007, et dit pour droit que, fautepour les parties de convenir amiablement de la date effective de la fin dela réalisation desdits travaux, cette constatation sera réalisée parl'expert judiciaire F. S. requise à cette fin par la partie la plusdiligente, expert qui aura à convoquer les deux parties pour effectuer cesconstatations », confirme le jugement [entrepris] en toutes sesdispositions, réserve à statuer pour le surplus des demandes, rouvre lesdébats et renvoie la cause au rôle particulier, aux motifs que :

« Il ressort de l'historique de la constitution d'une station d'épurationet de collecteurs du Graty (à jour au 6 juin 2007) que, le 16 décembre2002, soit plus de deux ans après la citation introductive d'instance,l'intercommunale I.D.E.A. a été désignée comme auteur de projet ; (...) lecollège a décidé le 9 novembre 2004 de ne pas donner suite àl'adjudication (...) ; cependant, en sa séance du 5 décembre 2005, leconseil communal approuva le projet définitif des travaux de constructionde la station d'épuration (...) ; le collège désigna, en sa séance du 11mai 2007, l'association momentanée W.-D. comme adjudicataire de cestravaux pour la somme de 856.747,06 euros (…) ; le retard d'exécution dela station d'épuration révèle un comportement fautif de la (demanderesse)(…) ; comme l'a souligné à bon droit le premier juge, une transaction aété signée en novembre 2003 par laquelle l'expert judiciaire devait venirconstater la réalisation des travaux au plus tard le 1^er juin 2005 ;(...) lors de la mise en état de la cause devant le premier juge, (lademanderesse) estima, sur la base d'un délai d'exécution de 120 joursouvrables, la fin des travaux pour le début du mois d'octobre 2007 ; (...)au cours des plaidoiries en degré d'appel, il est apparu que la fin destravaux serait prévue au cours du dernier trimestre de l'année 2008 ;(...) dans ces circonstances, il y a lieu de dire pour droit que lestravaux de constitution de la station d'épuration n'ont pas été conçus etréalisés dans un délai raisonnable ».

Griefs

Si l'article 1068, alinéa 1^er, du Code judiciaire dispose que « toutappel d'un jugement définitif ou avant dire droit saisit du fond du litigele juge d'appel », l'alinéa 2 de cette disposition précise que « (le juged'appel) ne renvoie la cause au premier juge que s'il confirme, mêmepartiellement, une mesure d'instruction ordonnée par le jugemententrepris ».

En vertu de ce texte, le juge d'appel qui confirme, même partiellement,explicitement ou implicitement, une mesure d'instruction ordonnée par lejugement [entrepris] doit renvoyer la cause au premier juge et ne peutlégalement se réserver la suite de la procédure.

En effet, l'appel d'un jugement avant dire droit ne saisit pas le juged'appel du fond du litige lorsque ce juge confirme la mesure d'instructionordonnée par le premier juge, même si le jugement entrepris comporte desdispositions définitives et si l'appel n'est pas dirigé contre la mesured'instruction.

C'est, dans une telle hypothèse, l'ensemble de la cause, y compris leschefs de demande qui ne sont pas concernés par la mesure d'instruction,qui devra être renvoyée au premier juge, si celle-ci est confirmée.

En l'espèce, le premier juge, après avoir condamné la demanderesse àexécuter les travaux de construction d'une station d'épuration et fixé ladate ultime de réalisation de l'ouvrage au 15 octobre 2007, a confié àl'expert judiciaire S. une mission complémentaire consistant à constater,à défaut d'accord entre les parties, l'achèvement des travaux relatifs àla station d'épuration, à la requête de la partie la plus diligente et lesparties dûment convoquées et entendues.

L'arrêt confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,c'est-à-dire également en tant que le premier juge a chargé l'expertjudiciaire de vérifier l'achèvement effectif des travaux de constructionde la station d'épuration et la date de cette réalisation, ce qui, parailleurs, devait permettre, d'une part, de déterminer le montant dû autitre de l'astreinte et, d'autre part, de déterminer les dommages-intérêtsdont la demanderesse resterait redevable. Il devait renvoyer, dès lors,l'ensemble de la cause au premier juge. En se réservant la connaissance dela suite de la procédure, l'arrêt viole l'article 1068, alinéa 2, du Codejudiciaire.

Second moyen

Disposition légale violée

Article 149 de la Constitution

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt, déclarant l'appel non fondé, confirme en toutes ses dispositionsle jugement [entrepris] qui avait condamné la demanderesse à payer auxdéfendeurs un euro provisionnel relatif au dommage consécutif à lanon-réalisation des travaux requis par le déversement des eaux usées de lachaussée de Familleureux, au seul motif que l'appel principal n'est pasfondé en ce qu'il critique la décision entreprise qui a, par ailleurs,considéré que la demanderesse n'a pas réalisé, dans le délai raisonnable[déterminé] par la transaction conclue par les parties, les travauxd'épuration des eaux usées provenant de la cité Saint-Georges, sedéversant dans le ruisseau le Graty et le parc des défendeurs et ayantpollué les douves et l'étang, propriété de ces derniers.

Griefs

Par sa requête d'appel, la demanderesse a critiqué le jugement entreprisen ce qu'il avait déclaré recevable et, en tout cas, fondée la demandenouvelle des défendeurs relatives à l'égouttage de la chaussée deFamilleureux et l'avait condamnée à leur payer la somme provisionnelled'un euro, et a fait valoir que, « en ce qui concerne les eaux usées enprovenance de la chaussée de Familleureux, dès le 17 mars 2004, ladivision de la nature et des forêts de la Région wallonne a délimité unezone dans le parc du château de Feluy dans laquelle une station de pompagepourrait être installée.

Le 9 février 2005, le fonctionnaire délégué a transmis à l'administrationcommunale le dossier de permis d'urbanisme introduit par l'I.D.E.A. pourune construction de station d'épuration de pompage dans la propriété (dudéfendeur). Le 22 mars 2005, le collège informa l'I.D.E.A. que le permisd'urbanisme ne serait soumis à l'enquête publique qu'après la réception del'accord (du défendeur) sur l'implantation.

Le 29 avril 2005, un arrêté ministériel d'expropriation est pris par leministre compétent de la Région wallonne (Moniteur belge, 31 mai 2005).

Le 17 mai 2005, en l'absence d'accord écrit (du défendeur), le collègemaintient sa décision d'installer la station de relevage sur le domainepublic à l'endroit défini sur le terrain en présence de l'I.D.E.A. ; ilréaffirme sa volonté de voir avancer le dossier rapidement. Dans cetteoptique, la réalisation d'une emprise ferait perdre du temps dans lafinalisation du projet.

Le 7 juin 2005, l'I.D.E.A. précisera que cette implantation dans la voirieinduira inévitablement la mise en oeuvre à chaque entretien de mesuresparticulières de protection des travailleurs et donc des coûtssupplémentaires, la circulation étant de plus perturbée pour l'accès auxécoles.

L'I.D.E.A. rappelle l'arrêté d'expropriation et l'accord de la division dela nature et des forêts de la Région wallonne.

Au début du mois de juillet 2005, une réunion était prévue entrel'I.D.E.A. et (le défendeur), qui ne s'est pas tenue.

Le 5 juillet 2005, le collège a décidé d'organiser l'enquête publique sansdélai.

Du 7 juillet au 22 août 2005 se tint l'enquête publique qui a suscité unelettre de remarques de la part (du défendeur).

Le 30 août 2005, le collège a émis un avis défavorable et a demandé que lastation soit implantée sur le domaine public.

Le 8 septembre 2005, l'avis du collège et le procès-verbal d'enquête ontété transmis au fonctionnaire délégué.

La réalisation des travaux supposait dès lors la délivrance du permisd'urbanisme et la mise en vigueur de l'arrêté d'expropriation.

Il se déduit de ces considérations que c'est à tort que (la demanderesse)a été condamnée à payer un euro à titre provisionnel tant s'agissant dudommage consécutif à la non-réalisation de la station d'épuration dans undélai raisonnable que de la non-réalisation de travaux requis par ledéversement des eaux usées de la chaussée de Familleureux ».

Et, par ses conclusions d'appel, la demanderesse a soutenu que :

« Selon les (défendeurs), le dossier relatif à la station de pompageserait àu point mort' depuis le 8 septembre 2005.

En réalité, le 8 septembre 2005, l'avis du collège et le procès-verbald'enquête ont été transmis au fonctionnaire délégué.

Le 7 mars 2006, à la suite de nouvelles considérations techniquesapportées au dossier par l'I.D.E.A., le collège communal a revu sadécision du 30 août 2005 et a émis un avis favorable sur le projet.

Une nouvelle enquête publique s'est tenue du 1^er au 16 juin 2006. A cetégard, on soulignera que les (défendeurs) ne sont pas de bonne foi enprétendant être dans l'ignorance de l'état d'avancement du projet puisqu'àl'occasion de cette enquête publique, (le défendeur) a déposé uneréclamation.

Comme les (défendeurs) le savent, le 26 septembre 2006, le fonctionnairedélégué a délivré le permis d'urbanisme en vue de la construction d'unestation de relevage enterrée pour eaux usées résiduelles à la chaussée deFamilleureux à Feluy dans leur propriété.

Les travaux de pose du collecteur dans la chaussée de Familleureux et deconstruction de la station de pompage ont été confiés à la sociétéEurovia ; au début du mois de juin 2007, l'ordre de commencer les travauxa été donné à l'entrepreneur et le délai d'exécution est de 150 joursouvrables.

Il suit de ces considérations que l'appel est bien fondé ».

Par aucune considération quelconque, l'arrêt ne rencontre cette défensecirconstanciée, développée de manière autonome en ce qui concerne lestravaux relatifs aux eaux d'égouttage de la chaussée de Familleureux,l'arrêt se bornant à affirmer que les travaux de la station d'épurationdes eaux de la cité Saint-Georges n'ont pas été effectués dans le délairaisonnable imposé par la convention de transaction, à déclarer l'appel dela demanderesse non fondé et à confirmer le jugement entrepris en toutesses dispositions.

Il n'est pas régulièrement motivé et viole l'article 149 de laConstitution.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

En vertu de l'article 1068, alinéa 2, du Code judiciaire, le juge d'appelne renvoie la cause au premier juge que s'il confirme, même partiellement,une mesure d'instruction ordonnée par le jugement entrepris.

La décision par laquelle le premier juge, après avoir condamné une partieà exécuter des travaux dans un délai déterminé sous peine d'une astreinte,dit pour droit que, faute pour les parties de convenir à l'amiable de ladate effective de la fin des travaux, cette constatation sera réalisée parun expert judiciaire requis à cette fin par la partie la plus diligente,ne constitue pas une mesure d'instruction au sens de l'article 1068 duCode judiciaire.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le second moyen :

Par aucune considération l'arrêt ne répond à la requête d'appel et auxconclusions de la demanderesse, reproduites dans le moyen, soutenant quec'est à tort qu'elle a été condamnée par le premier juge à payer un euro àtitre provisionnel pour la non-réalisation des travaux requis par ledéversement des eaux usées de la chaussée de Familleureux.

Le moyen est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué en tant que, par confirmation du jugement entrepris,il condamne la demanderesse à payer aux défendeurs un euro provisionnelrelatif au dommage consécutif à la non-réalisation des travaux requis parle déversement des eaux usées de la chaussée de Familleureux ; 

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtpartiellement cassé ;

Condamne la demanderesse à la moitié des dépens et réserve le surplus deceux-ci pour qu'il y soit statué par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Bruxelles.

Les dépens taxés à la somme de quatre cent cinquante-deux euros nonantecentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président Christian Storck, les conseillers Didier Batselé,Albert Fettweis, Christine Matray et Sylviane Velu, et prononcé enaudience publique du huit janvier deux mille dix par le présidentChristian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+------------------------------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Velu | Ch. Matray |
|------------------------+-----------------------+-----------------------|
| A. Fettweis | D. Batselé | Chr. Storck |
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8 JANVIER 2010 C.09.0002.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.09.0002.F
Date de la décision : 08/01/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-01-08;c.09.0002.f ?
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