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07/12/2009 | BELGIQUE | N°C.08.0516.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 décembre 2009, C.08.0516.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N°C.08.0516.F

ETHIAS DROIT COMMUN, dont le siège social est établi à Liège, rue desCroisiers, 24,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est faitélection de domicile,

contre

FONDS COMMUN DE GARANTIE AUTOMOBILE, dont le siège est établi àSaint-Josse-ten-Noode, rue de la Charité, 33,

défendeur en cassation,

représenté par Maître Michel Mahieu, avocat à

la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est faitélection de domicile.

I. La pr...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N°C.08.0516.F

ETHIAS DROIT COMMUN, dont le siège social est établi à Liège, rue desCroisiers, 24,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est faitélection de domicile,

contre

FONDS COMMUN DE GARANTIE AUTOMOBILE, dont le siège est établi àSaint-Josse-ten-Noode, rue de la Charité, 33,

défendeur en cassation,

représenté par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est faitélection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 26 mai 2008par le tribunal de première instance de Nivelles, statuant en degréd'appel.

Par ordonnance du 10 novembre 2009, le premier président a renvoyé lacause devant la troisième chambre.

Le président de section Paul Mathieu a fait rapport.

L'avocat général Jean-Marie Genicot a conclu.

 

II. Le moyen de cassation

La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- principe général du droit relatif à l'autorité de la chose jugée enmatière répressive,

- article 80, § 1^er, 2°, de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôledes entreprises d'assurances,

- article l9bis-11, § 1^er, 3°, de la loi du 21 novembre 1989 relative àl'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhiculesautomoteurs, telle qu'elle a été modifiée par la loi du 22 août 2002.

Décisions et motifs critiqués

Le jugement attaqué confirme la décision entreprise en ce qu'elle avaitdit non fondée la demande dirigée par la demanderesse contre le défendeuraux motifs « que (la demanderesse) soutient que sa demande dirigée contrele (défendeur) doit être déclarée fondée, dès lors qu'elle allègue que sonassuré aurait été victime d'un cas fortuit;

(...) que le 3° du paragraphe 1^er de l'article 19bis-11 de la loi du 21novembre 1989 oblige (le défendeur) à réparer le préjudice `lorsque aucuneentreprise d'assurances n'est obligée à ladite réparation en raison d'uncas fortuit exonérant le conducteur du véhicule qui a causé l'accident' ;

(...) qu'il appartient à (la demanderesse), pour que son action puisseêtre déclarée fondée, d'apporter la preuve de l'existence du cas fortuitqu'elle invoque; qu'à cet égard, le prononcé «aucune faute, cause du décèsde monsieur V. P., ne pouvant être mise de manière indubitable à charge demonsieur V.» de l'acquittement, par le jugement du 2 avril 2003 par lacinquième chambre du tribunal de police de Nivelles, section de Wavre, deson assuré, ne peut suffire à établir que la glissance, anormale et trèslocalisée, de la chaussée qu'elle invoque était constitutive d'un cas deforce majeure qui ne peut résulter que d'un événement indépendant de lavolonté de son assuré qui n'aurait pu ni le prévoir ni le conjurer;

qu'à ce denier propos, les circonstances dans lesquelles l'accident estsurvenu (à 2 heures du matin, après des libations de plus de deux heureset demi au `Flagrant Délit' - ayant causé un état d'intoxicationalcoolique marqué (1,4 g) - et l'absorption de médicaments (duovant etbécotide, selon les termes de la citation introductive d'instance) ainsique le développement d'une vitesse en toute hypothèse supérieure de 50p.c. à celle autorisée) ne permettent pas d'écarter l'hypothèse que lesieur T. V. aurait pu, fautivement, concourir à la survenance del'accident;

qu'ainsi, l'existence d'un cas fortuit susceptible d'obliger le(défendeur) n'est pas établie ».

Griefs

Le tribunal de police de Nivelles avait décidé, le 2 avril 2003, pouracquitter M. V. au bénéfice du doute du chef de la prévention d'homicideinvolontaire de M. G. V. P., qu' « il est donc établi que la nuit même del'accident, le revêtement présentait une glissance anormale au point quel'infirmière L. a failli tomber et que les verbalisateurs ont dès ledépart fait état de cette situation dans les constatations de leurprocès-verbal. ;

l'origine de cette glissance n'est pas connue et elle n'a pas été révéléepar l'expert Van Lierde ; même si cette origine ne peut être déterminée,il suffit de retenir que la chaussée présentait à l'endroit des faits, àl'heure des faits, une glissance anormale et que cette glissance étaittrès localisée; en définitive, monsieur V. apporte des élémentsexplicatifs à la perte de contrôle de son véhicule, perte qui, même sielle a eu des conséquences tragiques, permet de l'exonérer de saresponsabilité ; en effet, l'explication donnée n'est pas dénuée defondement, au contraire ; la prévention A [l'homicide involontaire] nepeut être déclarée établie, aucune faute, cause du décès de monsieur V. P.ne pouvant être mise de manière indubitable à charge de monsieur V. ».

En vertu du principe général du droit visé au moyen, l'autorité de lachose jugée au pénal ne fait pas obstacle à ce que, lors d'un procès civilultérieur, une des parties ait la possibilité de contester les élémentsdéduits du procès pénal, dans la mesure où elle n'était pas partie àl'instance pénale ou dans la mesure où elle n'a pu librement y fairevaloir ses intérêts.

La demanderesse et le défendeur étaient cependant parties à l'instancepénale dans laquelle ils étaient intervenus volontairement, instancepénale au terme de laquelle l'assuré de la demanderesse avait été acquittéau bénéfice du doute du chef de la prévention d'homicide involontaire.

La faute pénale des articles 418, 419 et 420 du Code pénal s'identifie àla faute civile visée aux articles 1382 et 1383 du Code civil.

L'autorité de la chose jugée d'un acquittement n'est pas remise en causepar la circonstance que cet acquittement a été prononcé au bénéfice dudoute. Le juge civil ne peut, sous le prétexte que le juge pénal a laissésubsister un doute, décider que le fait est établi.

En décidant, malgré l'acquittement prononcé le 2 avril 2003 au bénéfice dudoute en raison du caractère anormalement glissant de la chaussée, que« les circonstances dans lesquelles l'accident est survenu (...) nepermettent pas d'écarter l'hypothèse que le sieur T. V. aurait pu,fautivement concourir à la survenance de l'accident », le tribunal a violél'autorité de chose jugée qui s'attachait au jugement du tribunal depolice du 2 avril 2003 (violation du principe général du droit visé aumoyen).

Ce faisant, le tribunal viole également les articles 80 de la loi du 9juillet 1975 et 19bis-11 de la loi du 21 novembre 1989 visées au moyen eten vertu desquels toute personne lésée peut obtenir du Fonds commun degarantie automobile réparation des dommages causés par un véhiculeautomoteur lorsque aucune entreprise d'assurances n'est obligée à laréparation en raison d'un cas fortuit exonérant le conducteur du véhiculequi a causé l'accident, dispositions qui contraignaient le défendeur àindemniser la demanderesse en raison de la constatation par le jugerépressif de l'existence d'un cas fortuit dans le chef de M. V., assuré dela demanderesse.

III. La décision de la Cour

D'une part, en vertu de l'article 80, § 1^er, 2°, de la loi du 9 juillet1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances, dans sa versionapplicable au litige, toute personne lésée peut obtenir du Fonds commun degarantie automobile la réparation des dommages résultant de lésionscorporelles causées par un véhicule automoteur lorsque aucune entreprised'assurances n'est obligée à ladite réparation notamment en raison d'uncas fortuit exonérant le conducteur du véhicule qui a causé l'accident.

Il appartient à la personne lésée de prouver l'existence du cas fortuitqu'elle invoque conformément aux articles 1315 du Code civil et 870 duCode judiciaire.

D'autre part, l'autorité de la chose jugée en matière répressive nes'attache qu'à ce qui a été certainement et nécessairement jugé par lejuge pénal, concernant l'existence des faits mis à charge du prévenu, eten prenant en considération les motifs qui sont le soutien nécessaire dela décision répressive.

Il ne suit pas nécessairement et certainement de l'acquittement de T. V.prononcé au bénéfice du doute que, selon le juge pénal, la preuve d'un casfortuit a été établie.

En considérant que cette preuve n'est pas rapportée, le jugement attaquéjustifie légalement sa décision.

Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

 

La Cour

 

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de quatre cent cinquante-quatre euros quatorzecentimes envers la partie demanderesse et à la somme de cent trente-quatreeuros septante-quatre centimes envers la partie défenderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Paul Mathieu, les conseillers DidierBatselé, Sylviane Velu, Martine Regout et Alain Simon, et prononcé enaudience publique du sept décembre deux mille neuf par le président desection Paul Mathieu, en présence de l'avocat général Jean-Marie Genicot,avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

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| M-J. Massart | A. Simon | M. Regout |
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| S. Velu | D. Batselé | P. Mathieu |
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7 DECEMBRE 2009 C.08.0516.F/8


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.08.0516.F
Date de la décision : 07/12/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-12-07;c.08.0516.f ?
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