Cour de cassation de Belgique
Arret
4865
NDEG F.08.0084.F
ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,
contre
GENERAL CONSTRUCTION, societe anonyme dont le siege social est etabli àLiege (Chenee), rue de la Station, 44,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 25 avril 2008par la cour d'appel de Liege.
Le president Christian Storck a fait rapport.
L'avocat general Andre Henkes a conclu.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
Articles 81bis, S: 1er, alineas 1er et 3, 3DEG, 93quaterdecies, S:S: 2 et3, de la loi du 3 juillet 1969 creant le Code de la taxe sur la valeurajoutee et, pour autant que de besoin, 53 de la loi du 15 mars 1999
Decisions et motifs critiques
L'arret dit l'appel principal du demandeur tres partiellement fondeseulement et le condamne à restituer à la defenderesse la somme de182.940 euros, à augmenter des interets calcules au taux legal depuis le14 janvier 2005, aux motifs que
« L'expose des motifs de (l'article 81bis, S: 1er, alinea 3, 3DEG, duCode de la taxe sur la valeur ajoutee) (...) releve : 'à l'instar de lajurisprudence degagee en matiere d'impots sur les revenus, le passage audelai de prescription de sept ans est par ailleurs possible lorsque larevelation de l'infraction est le fait : (...) de renseignements probants,superieurs à l'indice, emanant notamment d'une administration fiscale duroyaume' ; (...) le manuel de la taxe sur la valeur ajoutee enonce aupoint 625/5 à propos de cette disposition : 'Peuvent notamment etreconsideres comme des elements probants les resultats d'un controle, d'uneenquete, d'une expertise, d'un arrangement amiable, etc., auxquels lecontribuable concerne a acquiesce ainsi que les constatations faites parles services de recherche portant l'aveu du contribuable, les resultatsd'enquetes effectuees par d'autres administrations et auxquelles lecontribuable a acquiesce, un acte sous seing prive demeure inconnujusqu'à sa decouverte ou les resultats d'un controle qui a ete effectuedans un pays qui n'a pas conclu une convention de double imposition avecla Belgique (...). Il y a lieu egalement de remarquer que, depuisl'instauration de l'administration de la fiscalite des entreprises et desrevenus au 1er juillet 1997, qui regroupe, d'une part, les fonctionnairesdu secteur de la taxe sur la valeur ajoutee de l'administration de la taxesur la valeur ajoutee, de l'enregistrement et des douanes et lesfonctionnaires de l'administration des contributions directes, d'autrepart, les renseignements qui sont echanges entre les deux groupes defonctionnaires ne sont plus consideres comme emanant d'une 'autre'administration fiscale' ; (...) les termes 'venus à la connaissance del'administration' impliquent donc que les elements probants sur lesquelsl'administration se base pour etablir la taxe sur la valeur ajouteen'aient pas ete recueillis par l'administration qui a procede àl'etablissement de la taxe mais resultent d'elements dont elle a eteinformee soit par une administration-soeur, soit par un tiers ; (...) enl'espece, il resulte du proces-verbal du 8 decembre 2004 (...) et plusparticulierement du passage qui releve que 'la (defenderesse), qui clotureses comptes par annee civile, interpellee au cours du controle de las.c.r.l. Entreprises Monjardin et Cie, dans le delai ordinaire deprescription de trois ans, a communique, en date du 29 janvier 2003, undossier d'ou il resulte que des deductions infractionnelles ont eteoperees par elle à partir du 1er avril 1999', que les elements considerescomme probants par l'AFER de Liege 1 pour rejeter les deductionslitigieuses ont ete recueillis par cette meme administration dans le cadrede l'instruction du dossier de la societe cocontractante (EntreprisesMonjardin) ; (...) il ne s'agit pas d'elements venus à la connaissance del'administration au sens de l'article 81bis, S: 1er, alinea 3, 3DEG,precite mais d'elements recueillis par cette administration elle-meme ;(...) dans ces circonstances, le delai de sept ans prevu par cettedisposition ne peut s'appliquer (...) ; l'action en recouvrement de lataxe a, des lors, conformement à l'article 81bis, S: 1er, alinea 1er, duCode de la taxe sur la valeur ajoutee, ete prescrite à l'expiration de latroisieme annee civile qui suit celle durant laquelle la caused'exigibilite des taxes, interets et amendes fiscales est intervenue ;
(...) Il resulte de l'examen du tableau figurant à la note de calculannexee au proces-verbal fondant la contrainte litigieuse que l'action enrecouvrement de la taxe deduite des factures litigieuses etait prescritele 1er janvier 2003 pour les factures emises en 1999 et le 1er janvier2004 pour les factures emises en 2000, et que seule l'action enrecouvrement du montant de la taxe deduite sur la facture du 30 novembre2001 portant decompte final, soit 121.492 francs (3.011,71 euros), n'etaitpas prescrite au 15 decembre 2004, date de l'emission de la contrainte ».
Griefs
L'article 81bis du Code de la taxe sur la valeur ajoutee, introduit parl'article 53 de la loi du 15 mars 1999, dit, en son paragraphe 1er, alinea1er, que « la prescription de l'action en recouvrement de la taxe, desinterets et des amendes fiscales est acquise à l'expiration de latroisieme annee durant laquelle la cause d'exigibilite de ces taxes,interets et amendes fiscales est intervenue ».
Toutefois, l'alinea 3, 3DEG, ajoute que, « par derogation aux alineas 1eret 2, ladite prescription est en outre acquise à l'expiration de laseptieme annee civile qui suit celle au cours de laquelle la caused'exigibilite est intervenue lorsque (...) des elements probants, venus àla connaissance de l'administration, font apparaitre que des operationsimposables n'ont pas ete declarees en Belgique ou que des deductions de lataxe ont ete operees en infraction aux dispositions legales oureglementaires qui regissent la matiere ».
Pour que la prescription de sept ans prevue par cette dispositions'applique, il faut, mais il suffit que des « elements probants »revelent que des operations imposables n'ont pas ete declarees ou que desdeductions illicites ont ete operees au cours de cette periode. Aucuneautre condition n'est imposee par l'article 81bis, S: 1er, alinea 3, 3DEG,et, singulierement, il n'est pas requis que l'information permettant unejuste perception de la taxe emane d'un tiers ou d'une administrationfiscale autre que celle qui est appelee à poursuivre l'etablissement etle recouvrement de l'impot.
Le texte de l'article 81bis, S: 1er, alinea 3, 3DEG, est clair et precisà cet egard et l'arret n'a pu invoquer les travaux preparatoires de laloi à son encontre.
En outre, l'article 93quaterdecies, S:S: 2 et 3, du Code de la taxe sur lavaleur ajoutee prevoit que tout renseignement, piece, proces-verbal ouacte decouvert ou obtenu dans l'exercice de ses fonctions par un agentd'une administration fiscale de l'Etat, soit directement, soit parl'entremise d'un service designe par la loi, peut etre invoque par l'Etatpour la recherche de toute somme due en vertu des lois d'impots.
Ainsi, lorsqu'un fonctionnaire decouvre regulierement, dans l'exercice deses fonctions, un renseignement ou un acte, l'Etat est habilite àl'invoquer à l'egard de quiconque pour, entre autres, la recherche et lerecouvrement de toute taxe sur la valeur ajoutee due en vertu de la loi,specialement lorsqu'elle a ete eludee ou deduite illegalement.
L'arret subordonne l'application de l'article 81bis, S: 1er, alinea 3,3DEG, à une condition que cet article n'enonce pas, à savoir que lesrenseignements revelant l'existence d'operations imposables non declareesou de deduction de la taxe illicites devraient emaner de tiers ou d'uneadministration autre que l'administration de la taxe sur la valeur ajouteequi procede à l'etablissement et au recouvrement pour que cette actionpuisse encore etre intentee dans le delai de sept ans à compter de ladate de la cause d'exigibilite de cette taxe.
Il refuse donc illegalement d'appliquer l'article 81bis, S: 1er, alinea 3,3DEG, à la prescription de l'action et au droit de recouvrement des taxesdues au demandeur par la defenderesse ; il viole aussi l'article 81bis, S:1er, alinea 1er, en le declarant illegalement applicable. Enfin, ilmeconnait encore l'article 93quaterdecies, S:S: 2 et 3, en refusant audemandeur le droit de tenir compte, pour le recouvrement des taxesillicitement deduites par la defenderesse, dans le delai de l'article81bis, S: 1er, alinea 3, 3DEG, des renseignements obtenus regulierementpar l'administration de la taxe sur la valeur ajoutee.
III. La decision de la Cour
En vertu de l'article 81bis, S: 1er, alinea 3, 3DEG, du Code de la taxesur la valeur ajoutee, l'action en recouvrement de la taxe est prescriteà l'expiration de la septieme annee civile qui suit celle durant laquellela cause d'exigibilite est intervenue, lorsque des elements probants,venus à la connaissance de l'administration, font apparaitre que desoperations imposables n'ont pas ete declarees en Belgique ou que desdeductions de la taxe y ont ete operees en infraction aux dispositionslegales et reglementaires qui regissent la matiere.
Il ne se deduit pas de cette disposition, et en particulier des termes« venus à la connaissance de l'administration », que les elementsprobants dont l'administration de la taxe sur la valeur ajoutee peut seprevaloir pour recouvrer la taxe doivent provenir d'une autreadministration ou de tiers.
En en decidant autrement, l'arret viole l'article 81bis, S: 1er, alinea 3,3DEG, precite.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Mons.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Christine Matray, Alain Simon et Gustave Steffens, et prononce en audiencepublique du vingt-sept novembre deux mille neuf par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Andre Henkes, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | G. Steffens | A. Simon |
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| Ch. Matray | D. Batsele | Chr. Storck |
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27 NOVEMBRE 2009 F.08.0084.F/1