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16/11/2009 | BELGIQUE | N°C.09.0135.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 novembre 2009, C.09.0135.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.09.0135.N

ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITES CHRETIENNES,

Me Jean-Marie Nelissen Grade, avocat à la Cour de cassation,

contre

L. B.,

en presence de

D. V. J.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les jugements rendus les 30 juin2005 et 17 avril 2008 par le tribunal de premiere instance de Bruges,statuant en degre d'appel.

Par ordonnance du 26 octobre 2009, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.

Le president

de section Robert Boes a fait rapport.

L'avocat general Ria Mortier a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demandere...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.09.0135.N

ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITES CHRETIENNES,

Me Jean-Marie Nelissen Grade, avocat à la Cour de cassation,

contre

L. B.,

en presence de

D. V. J.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les jugements rendus les 30 juin2005 et 17 avril 2008 par le tribunal de premiere instance de Bruges,statuant en degre d'appel.

Par ordonnance du 26 octobre 2009, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.

Le president de section Robert Boes a fait rapport.

L'avocat general Ria Mortier a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen dans sa requete.

Dispositions legales violees

- articles 807 et 812, alinea 2, du Code judiciaire ;

- article 136, S: 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire soinsde sante et indemnites, coordonnee le 14 juillet 1994.

Decision et motifs critiques

Dans le jugement interlocutoire attaque du 30 juin 2005, les juges d'appelont declare irrecevables la requete en intervention volontaire de lademanderesse et sa demande incidente tendant à obtenir la condamnation dudefendeur au paiement de la somme provisionnelle de 7.724,91 euros,majoree des interets compensatoires à partir du 19 mai 1997, des interetsjudiciaires et des depens.

Les juges d'appel ont considere que la these de la demanderesse selonlaquelle, « en tant que subrogee, elle n'exerce pas d'autre action quecelle de la victime meme », implique que la demanderesse pretend que« la demande qu'elle vient de former en degre d'appel doit etreconsideree comme une extension de la demande de (madame J. D. V.) et est,partant, recevable » (jugement interlocutoire attaque, page 4, alinea 5).

Ils ont considere que l'article 812 du Code judiciaire dispose quel'intervention tendant à obtenir une condamnation ne peut s'exercer pourla premiere fois en degre d'appel.

Ils ont ensuite admis qu'en vertu de l'article 807 du Code judiciaire,l'extension ou la modification d'une demande en degre d'appel ne peutavoir lieu que par la voie de conclusions nouvelles, contradictoirementprises, fondees sur un fait ou un acte invoque dans la citation et à lacondition que le premier juge ait ete saisi de cette demande, et ont parsuite considere que la demanderesse, qui n'etait pas encore partie à lacause dans la procedure en premiere instance et, partant, n'avait pusaisir le premier juge de sa demande incidente, ne pouvait prendre deconclusions (en degre d'appel) (jugement interlocutoire, page 4, alineas 6et 7).

Par ces motifs, les juges d'appel ont decide que la requete de lademanderesse en intervention volontaire dans la procedure d'appel, ainsique sa demande incidente contre le defendeur, sont irrecevables.

Ils ont fonde en substance cette decision sur les considerationssuivantes:

« A. Quant à la recevabilite de l'appel et de l'intervention volontaire

(Le defendeur) affirme que la demande en intervention volontaire de (lademanderesse) est irrecevable eu egard à l'article 813 du Code judiciaireet, subsidiairement, eu egard à prescription (article 2262bis du Codecivil).

L'article 812 du Code judiciaire enonce que l'intervention tendant àobtenir une condamnation ne peut s'exercer pour la premiere fois en degred'appel. La partie intervenante volontaire (la demanderesse) affirme qu'entant que subrogee, elle n'exerce pas d'autre action que celle de lavictime meme. On peut en deduire que (la demanderesse) considere que lademande qu'elle vient de former en degre d'appel doit etre considereecomme une extension de la demande de (madame J. D. V.) et est, partant,recevable.

Le (tribunal de premiere instance) estime pouvoir deduire de l'article 807du Code judiciaire qu'une demande ne peut etre etendue que par la voie deconclusions nouvelles, contradictoirement prises, fondees sur un fait ouun acte invoque dans la citation. Seule (madame J. D. V.) pouvait prendredes conclusions en degre d'appel et, à cette occasion, etendre sademande ; (la demanderesse) ne pouvait prendre des conclusions, etantdonne qu'elle n'etait pas encore partie à la cause.

En outre, l'extension ou la modification d'une demande en degre d'appelsuppose que le premier juge a ete saisi de cette demande (Cass., 12 mai1982, R.W., 1982-83, 2811). En l'espece, le premier juge a ete saisi parune citation de la demande de (madame J. D. V.) tendant à obtenirl'indemnisation de son dommage personnel. Il n'a toutefois pas ete saiside la demande de (la demanderesse) tendant à obtenir le remboursement deses debours au profit de (madame J. D. V.).

Partant, le (tribunal de premiere instance) constate que la requete enintervention volontaire de (la demanderesse) tendant à obtenir lacondamnation (du defendeur) au paiement de la somme provisionnelle de7.724,91 euros, majoree des interets compensatoires à partir du 19 mai1997, des interets judiciaires et des depens est irrecevable et qu'il y alieu de la rejeter » (jugement interlocutoire attaque, page 4, alinea 4,à page 5, alinea 1er).

Griefs

L'article 807 du Code judiciaire prevoit que la demande dont le juge estsaisi peut etre etendue ou modifiee, si les conclusions nouvelles,contradictoirement prises, sont fondees sur un fait ou un acte invoquedans la citation, meme si leur qualification juridique est differente.Cette disposition legale permet uniquement aux parties de modifier oud'etendre leurs demandes dans le cadre d'une relation proceduraleexistante.

En vertu de l'article 812, alinea 2, du Code judiciaire, l'interventiontendant à obtenir une condamnation ne peut s'exercer pour la premierefois en degre d'appel. La creation d'un nouveau lien procedural pour lapremiere fois en degre d'appel est ainsi exclue.

Conformement à l'article 136, S: 2, de la loi relative à l'assuranceobligatoire soins de sante et indemnites, coordonnee le 14 juillet 1994,l'organisme assureur est subroge de plein droit au beneficiaire àconcurrence du montant des prestations octroyees, pour la totalite dessommes qui sont dues en vertu d'une legislation belge, d'une legislationetrangere ou du droit commun et qui reparent le dommage decoulant d'unemaladie, de lesions, de troubles fonctionnels ou du deces.

En l'espece, en sa qualite d'assureur maladie-invalidite de madame J. D.V., la demanderesse a depose une requete en intervention volontaire etforme une demande incidente en remboursement de ses debours au profit demadame J. D. V. contre le defendeur, apres que ce dernier eut interjeteappel du jugement par lequel le premier juge declarait en grande partiefondee la demande en reparation du dommage personnel de madame J. D. V.,que celle-ci avait dirigee contre lui.

En reponse à la fin de non-recevoir opposee par le defendeur à sarequete en intervention volontaire formee pour la premiere fois en degred'appel ainsi qu'à sa demande incidente, la demanderesse a allegue qu'entant que subrogee, elle n'exerce pas d'autre action que celle de lavictime meme.

Les juges d'appel ont declare irrecevables la requete en interventionvolontaire et la demande incidente de la demanderesse par les motifs,d'une part, qu'en vertu de l'article 807 du Code judiciaire, l'extensionou la modification d'une demande en degre d'appel ne peut avoir lieu quepar la voie de conclusions nouvelles, contradictoirement prises, fondeessur un fait ou un acte invoque dans la citation et à la condition que lepremier juge ait ete saisi de cette demande et, d'autre part, que,conformement à l'article 812 du Code judiciaire, l'intervention tendantà obtenir une condamnation ne peut s'exercer pour la premiere fois endegre d'appel.

C'est toutefois à tort que les juges d'appel ont statue à la lumiere del'article 807 du Code judiciaire sur la fin de non-recevoir opposee par ledefendeur à la requete en intervention volontaire ainsi qu'à la demandeincidente formees par la demanderesse, des lors que la question de droitque la demanderesse a soumise à leur appreciation par le moyen de defenseselon lequel, en tant que subrogee, elle n'exerce pas d'autre action quecelle de la victime meme, portait sur la creation, en principe interdite,d'une nouvelle relation procedurale en degre d'appel au sens de l'article812, alinea 2, du Code judiciaire et non sur une modification ou uneextension d'un lien procedural existant entre les parties au sens del'article 807 du Code judiciaire.

La condition visee par la demanderesse en son moyen de defense, selonlaquelle le premier juge doit avoir ete saisi de la demande decondamnation formee pour la premiere fois en degre d'appel, s'inscrit eneffet exclusivement dans le cadre de la creation en degre d'appel d'unnouveau lien procedural en principe interdit par l'article 812, alinea 2,du Code judiciaire et est, en soi, etrangere à l'article 807 du Codejudiciaire, des lors que, contrairement à l'opinion des juges d'appel(jugement interlocutoire attaque, page 4, dernier alinea), pourl'application de cette derniere disposition legale, il n'est nullementrequis que le premier juge ait ete saisi de l'extension ou de lamodification de la demande contre la partie contre laquelle la demandeetait formee.

En considerant, par ailleurs, que « l'article 812 du Code judiciaireenonce que l'intervention tendant à obtenir une condamnation ne peuts'exercer pour la premiere fois en degre d'appel » (jugementinterlocutoire attaque, page 4, alinea 5), les juges d'appel ont en outrefait une application absolue et stricte de l'interdiction de la creationen degre d'appel d'un nouveau lien procedural. Lorsque, en sa qualited'assureur maladie-invalidite de madame J. D. V., la demanderesseintervint volontairement et forma une demande incidente contre le tiersresponsable afin d'obtenir le remboursement des prestations octroyees enraison du dommage de la personne prejudiciee, madame J. D. V., elle a enrealite exerce l'action en justice de madame J. D. V. elle-meme, dans lesdroits de laquelle elle est subrogee de plein droit en application del'article 136, S: 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire soinsde sante et indemnites, coordonnee le 14 juillet 1994. Eu egard au faitnon conteste que madame J. D. V., la partie subrogeante, a regulierementforme sa demande en indemnisation devant le premier juge, la demanderessea par consequent, en tant que partie subrogee, le droit d'agir en tant quetelle pour la premiere fois en degre d'appel, etant donne qu'elle exerceen realite l'action en justice de la partie subrogeante.

En decidant que la requete de la demanderesse en intervention volontairedans la procedure d'appel, ainsi que sa demande incidente introduite pourla premiere à l'egard du defendeur, sont irrecevables sur la base d'uneappreciation erronee du moyen de defense invoque par la demanderessecontre la fin de non-recevoir opposee par le defendeur à la lumiere dulien procedural entre les parties, d'une part, et en refusant la solutiondistincte prevue en cas d'application de l'interdiction de la creationd'un nouveau lien procedural en degre d'appel au cas specifique ou, commeen l'espece, une compagnie d'assurances subrogee dans les droits de lapersonne prejudiciee forme pour la premiere fois en degre d'appel unedemande contre le tiers responsable tendant à obtenir le remboursementdes prestations octroyees à son assure prejudicie contre le tiersresponsable, d'autre part, les juges d'appel n'ont pas justifie legalementleur decision (violation des articles 807, 812, alinea 2, du Codejudiciaire et 136, S: 2, de la loi relative à l'assurance obligatoiresoins de sante et indemnites, coordonnee le 14 juillet 1994).

III. La decision de la Cour

Appreciation

1. En vertu de la subrogation prevue à l'article 136, S: 2, alinea 4,de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de sante etindemnites, coordonnee le 14 juillet 1994, l'organisme assureur quidemande au tiers responsable une indemnisation pour les prestationsoctroyees à la victime n'exerce pas d'autre action que celle de lavictime meme.

2. L'article 812, alinea 2, du Code judiciaire ne fait pas obstacle àce que l'organisme assureur subroge intervienne pour la premierefois en degre d'appel en vue d'obtenir la condamnation du tiersresponsable lorsque la victime a elle-meme dejà forme en premiereinstance une demande d'indemnisation contre ce tiers responsable.

3. Lors de l'appreciation de la recevabilite de l'intervention formeepour la premiere fois en degre d'appel par l'organisme assureursubroge qui tend à obtenir la condamnation du tiers responsable,les juges d'appel se sont refere à l'article 807 du Codejudiciaire en dehors du cas, vise par cet article, de l'extensionde la demande originaire qui n'est pas fondee sur un fait ou unacte invoque dans la citation.

4. Les juges d'appel n'ont des lors pu declarer irrecevablel'intervention de la demanderesse sans violer les dispositionslegales visees au moyen.

Sur la demande en declaration d'arret commun :

5. La demande en declaration d'arret commun est fondee.

Par ces motifs,

La Cour

Casse les jugements attaques en tant qu'ils rejettent la demande de lademanderesse et statuent sur les depens à cet egard ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge des jugementspartiellement casses ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Declare le present arret commun à la partie appelee en declarationd'arret commun ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant le tribunal de premiere instancede Furnes, siegeant en degre d'appel.

(...)

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Robert Boes, les conseillers EricDirix, Eric Stassijns, Alain Smetryns et Koen Mestdagh, et prononce enaudience publique du seize novembre deux mille neuf par le president desection Robert Boes, en presence de l'avocat general Ria Mortier, avecl'assistance du greffier Philippe Van Geem.

Traduction etablie sous le controle du president Christian Storck ettranscrite avec l'assistance du greffier delegue Veronique Kosynsky.

Le greffier delegue, Le president,

16 NOVEMBRE 2009 C.09.0135.N/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 16/11/2009
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.09.0135.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-11-16;c.09.0135.n ?
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