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08/10/2009 | BELGIQUE | N°C.08.0316.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 octobre 2009, C.08.0316.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.08.0316.N

E. H.,

Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. D. B. M.,

2. E. O.,

3. E. F.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 fevrier 2008par la cour d'appel de Gand.

Le conseiller Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general delegue Andre Van Ingelgem a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen

libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 2, 1315, 1316, 1341, dans sa version applicable tant avantqu'a...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.08.0316.N

E. H.,

Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. D. B. M.,

2. E. O.,

3. E. F.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 fevrier 2008par la cour d'appel de Gand.

Le conseiller Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general delegue Andre Van Ingelgem a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 2, 1315, 1316, 1341, dans sa version applicable tant avantqu'apres sa modification par une loi du 10 decembre 1990 et 1348 du Codecivil ;

- article 870 du Code judiciaire ;

- articles 1er et 3 de la loi du 10 decembre 1990 modifiant les articles1341, alinea 1er, 1342, 1343, 1344, 1345, 1834, 1923, 1924, 1950 et 2074,alinea 2, du Code civil.

Decision et motifs critiques

L'arret declare l'appel des defendeurs recevable et partiellement fonde,declare la demande des defendeurs fondee et condamne, des lors, ledemandeur au paiement d'une somme de 24.045,67 euros, à majorer desinterets. Cette decision est fondee sur tous ses motifs, qui sontconsideres comme etant integralement repris, et particulierement sur labase des considerations suivantes :

« 4. Le bien-fonde de l'appel

4.1. Les defendeurs s'estiment leses par l'autorisation donnee audemandeur d'apporter la preuve, par toutes voies de droit, du fait `qu'ennovembre 1991, il a paye en liquide la somme de 970.000 francs(actuellement 24.045,67 euros) à F.D. au domicile de celui-ci'.

4.2. Les defendeurs ont soutenu qu'en autorisant la preuve par temoins dupaiement d'une somme de 24.045,67 euros, le premier juge avait violel'article 1341 du Code civil, decidant, à tort, que la preuve par temoinsde faits purement materiels (...) est toujours autorisee.

4.3. La preuve du paiement est la preuve de l'acte juridique auquels'applique l'article 1341 (ancien) du Code civil : eu egard au fait que ledemandeur reconnait avoir fait `une promesse unilaterale' de rembourser lasomme d'argent (...) et qu'il reconnait dans le cadre de cette obligationde remboursement avoir procede à cinq paiements en 1989, il en resulteque la preuve par temoins en matiere de paiement n'est pas autorisee pourun montant superieur à 3.000 francs (actuellement 74,37 euros), porte à15.000 francs, actuellement 371,84 euros par la loi du 10 decembre 1990qui n'est pas applicable aux presentes obligations).

4.4. La preuve par temoins du paiement de 24.045,67 euros n'est, des lors,pas admise.

4.5. L'argument du demandeur que la preuve de l'acte juridique de lapromesse unilaterale obligatoire n'est pas soumise au regime de la preuvede l'article 1341 du Code civil des lors que la promesse unilateraleobligatoire doit plutot etre qualifiee de quasi-contrat et que,conformement à l'article 1348 du Code civil, la preuve par temoins estautorisee, ne peut deroger à ce qui precede : la preuve par temoinsofferte par le demandeur - qu'il est autorise à apporter par le premierjuge - ne tend, en effet, pas à prouver l'existence d'une promesseunilaterale obligatoire mais à prouver un paiement qu'il aurait fait.

4.6. L'appel dirige contre l'autorisation d'apporter la preuve par temoinsest des lors fonde de sorte que le jugement entrepris doit etre annule surce point. Les autres griefs relatifs au bien-fonde et/ou à l'opportunited'autorisation d'apporter la preuve par temoins ne pouvant donner lieu àune reformation plus etendue, il n'y a pas lieu de les examiner.

4.7. En se referant à l'effet devolutif de l'appel les defendeursdemandent que la cour d'appel condamne le demandeur au paiement d'unesomme de 24.045,67 euros, majoree d'un interet de 7 p.c. sur ce montant àcompter du 1er decembre 1991 et de 6 p.c. à compter du 1er janvier 2007jusqu'à la date du paiement complet.

4.8. Des lors qu'il a ete considere ci-dessus que la mesure d'instructionordonnee par le premier juge dans le jugement entrepris n'a pas eteconfirmee et que l'appreciation de la demande des defendeurs n'est passubordonnee au resultat d'une quelconque mesure d'instruction ordonnee parle premier juge, il n'y a aucune raison de renvoyer la cause au premierjuge et la cour d'appel est tenue d'examiner la demande des defendeurs enraison de l'effet devolutif de l'appel ».

Quant au bien-fonde de la demande introduite par les defendeurs, la courd'appel constate que le demandeur ne conteste pas avoir rec,u 1.000.000francs de feu F.X.D. et qu'il ne conteste pas davantage son obligation derembourser cette somme (...). La cour d'appel declare la demande desdefendeurs tendant au remboursement de 24.045,67 euros fondee enconstatant notamment qu'aucune preuve par ecrit du paiement liberatoireinvoque par le demandeur ne peut etre produite (...).

Griefs

1. L'article 1315 du Code civil dispose que celui qui reclame l'executiond'une obligation doit la prouver et que, reciproquement, celui qui sepretend libere doit justifier le payement ou le fait qui a produitl'extinction de son obligation. Aux termes de l'article 870 du Codejudiciaire, chacune des parties a la charge de prouver les faits qu'elleallegue.

La creation ou l'existence d'une obligation et son extinction sontsoumises aux memes regles de preuve.

Suivant l'article 1316 du Code civil, les regles qui concernent la preuvelitterale, la preuve testimoniale, les presomptions, l'aveu de la partieet le serment, sont consacres par les articles 1317 à 1369 du Code civil.

L'article 1341, alinea 1er, du Code civil, dans sa version applicableavant sa modification par une loi du 10 decembre 1990, dispose qu'il doitetre passe acte devant notaire ou sous signature privee, de toutes chosesexcedant une somme ou valeur de 3.000 francs, meme pour depots volontaireset il n'est rec,u aucune preuve par temoins contre et outre le contenu desactes, ni sur ce qui serait allegue avoir ete dit avant, lors ou depuisles actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre. End'autres termes, il ressort de cet article qu'un ecrit signe est requispour prouver une chose excedant une somme de 3.000 francs. La somme de3.000 francs a ete portee à 15.000 francs par l'article 1er de la loi du10 decembre 1990 modifiant les articles 1341, alinea 1er, 1342, 1343,1344, 1345, 1834, 1923, 1924, 1950 et 2074, alinea 2, du Code civil. Auxtermes de l'article 3 de cette meme loi cette modification ne s'appliquepas aux actes juridiques accomplis avant la date de son entree en vigueurle 2 janvier 1991.

En vertu de l'article 1348, alinea 1er, du Code civil, la regle del'article 1341 (et des articles 1342 à 1346) de ce meme code rec,oit uneexception toutes les fois qu'il n'a pas ete possible au creancier de seprocurer une preuve litterale de l'obligation qui a ete contractee enverslui. Aux termes de l'alinea 2 de cette disposition, cette secondeexception s'applique notamment aux obligations qui naissent desquasi-contrats.

Il resulte ainsi de l'article 1348 du Code civil, que les obligations quinaissent des quasi-contrats peuvent etre prouvees par toutes voies dedroit, y compris par temoins et presomptions. Les regles relatives à lapreuve litterale prevues notamment à l'article 1341 du Code civil nes'appliquent, des lors, pas à la preuve des quasi-contrats, ni en ce quiconcerne leur existence ni en ce qui concerne leur extinction.

2. La cour d'appel constate que les defendeurs sont les legatairesuniversels de feu F.X.D. (...), qu'il ressort du document 1 des defendeursque le 20 fevrier 1989, F.X.D. s'est fait remettre un cheque bancaire de1.000.000 francs qui a ete depose chez le notaire Meert à Erpe-Mere etindiquant la mention «Pret (demandeur) » (...) et que les defendeursreclament le remboursement de ce montant (...).

La cour d'appel considere que les defendeurs s'estiment leses parl'autorisation donnee par le premier juge au demandeur d'apporter lapreuve par toutes voies de droit du fait qu'en novembre 1991, il arembourse en liquide la somme de 970.000 francs au domicile de feu F.X.D.(...).

La cour d'appel declare ce grief des defendeurs fonde (...) sur la basedes considerations suivantes :

- la preuve du paiement est la preuve d'un acte juridique auquels'applique l'article 1341 du Code civil (...) ;

- l'article « 1341 (ancien) du Code civil » s'applique, c'est-à-diredans la version applicable avant sa modification par une loi du 10decembre 1990, cette modification n'etant pas applicable selon la courd'appel aux obligations existant au moment de son entree en vigueur(...) ;

- eu egard au fait que le demandeur reconnait avoir fait une promesseunilaterale de rembourser la somme d'argent et qu'il reconnait dans lecadre de cette obligation de remboursement avoir procede à cinq paiementsen 1989, il en resulte que la preuve par temoins en matiere de paiementn'est pas autorisee (...) ;

- la preuve par temoins du paiement de 24.045,67 euros n'est donc pasautorisee (...) ;

- l'argument du demandeur, suivant lequel la preuve de l'acte juridique dela promesse unilaterale obligatoire n'est pas soumise à la reglementationde la preuve de l'article 1341 du Code civil des lors que cette promessedoit plutot etre qualifiee de quasi-contrat et que, conformement àl'article 1348 du Code civil, la preuve par temoins est autorisee, n'yderoge pas, la preuve par temoins que le premier demandeur est autorisepar le premier juge à apporter ne tendant pas à prouver l'existenced'une promesse unilaterale mais à prouver un paiement pretendumenteffectue par le demandeur (...).

2.1. En appliquant l'article 1341 du Code civil dans sa version applicableavant sa modification par la loi du 10 decembre 1990 modifiant lesarticles 1341, alinea 1er, 1342, 1343, 1344, 1345, 1834, 1923, 1924, 1950et 2074, alinea 2, du Code civil, à l'offre de preuve de remboursementfaite par le demandeur en novembre 1991, la cour d'appel viole lesarticles 1er et 3 de cette loi et l'article 2 du Code civil.

2.2. Il ressort des constatations et considerations de la cour d'appelqu'elle admet que l'obligation de remboursement du demandeur est fondeesur une promesse unilaterale qu'il a faite (...).

La promesse unilaterale obligatoire est un quasi-contrat auquel, en vertude l'article 1384 du Code civil, ne s'appliquent pas les regles en matierede preuve litterale telles que prevues par notamment l'article 1341, maisqui peut etre prouve par toutes voies de droit. Contrairement à ce quedecide la cour d'appel, la libre reglementation de la preuve ne s'appliquepas uniquement à la creation et à l'existence du quasi-contrat, maisaussi à son extinction par exemple par paiement.

Sur la base des considerations invoquees ci-dessus, la cour d'appel nedecide, des lors, pas legalement que l'appel des defendeurs qui est dirigecontre l'autorisation donnee par le premier juge au demandeur d'apporterpar toutes voies de droit la preuve du remboursement et donc la preuve del'extinction d'un quasi-contrat, est fonde (violation des articles 1315,1316, 1341, dans sa version applicable tant avant qu'apres sa modificationpar une loi du 10 decembre 1990, et 1348 du Code civil et 870 du Codejudiciaire).

3. L'accueil du moyen entraine aussi l'annulation de la decision renduesur le bien-fonde de la demande des defendeurs en raison de l'effetdevolutif de l'appel, cette decision etant notamment aussi fondee sur uneapplication des regles relatives à la preuve litterale (...).

Conclusion

La cour d'appel declare que l'appel des defendeurs dirige contrel'autorisation d'apporter la preuve par temoins donnee par le premierjuge, n'est pas legalement fonde (violation des articles 2, 1315, 1316,1341, dans sa version applicable tant avant qu'apres sa modification parune loi du 10 decembre 1990, et 1348 du Code civil, 870 du Code judiciaireet 1er et 2 de la loi du 10 decembre 1990 modifiant les articles 1341,alinea 1er, 1342, 1343, 1344, 1345, 1834, 1923, 1924, 1950 et 2074, alinea2, du Code civil).

III. La decision de la Cour

1. En vertu de l'article 1341, alinea 1er, du Code civil, avant samodification par la loi du 10 decembre 1990, il doit etre passe actedevant notaire ou sous signature privee, de toutes choses excedant unesomme ou valeur de 3.000 francs meme pour depots volontaires.

L'article 1er de la loi du 10 decembre 1990 a porte la somme de 3.000francs à 15.000 francs et, en vertu de l'article 3 de cette loi, cettemodification ne s'applique pas aux actes juridiques accomplis avant ladate de l'entree en vigueur de cette loi le 2 janvier 1991.

2. Il s'ensuit que dans la mesure ou il invoque que l'arret a appliquel'article 1341 du Code civil dans sa version anterieure à sa modificationpar la loi du 10 decembre 1990, le moyen ne peut entrainer la cassationdes lors que le montant du paiement dont le demandeur poursuit la preuvepar temoins, s'eleve à 24.045,67 euros et excede ainsi tant le montant de3.000 francs que le montant de 15.000 francs.

Dans cette mesure, le moyen est irrecevable à defaut d'interet.

3. En vertu de l'article 1348, alinea 1er, dudit code, les reglesrelatives à la preuve par ecrit rec,oivent une exception toutes les foisqu'il n'a pas ete possible au creancier de se procurer une preuvelitterale de l'obligation qui a ete contractee envers lui.

En vertu de l'alinea 2, 1DEG, de cet article, cette exception s'appliqueaux obligations qui naissent des quasi-contrats et des delits ouquasi-delits.

4. Une promesse unilaterale n'est pas un quasi-contrat au sens de cettedisposition legale.

En reposant entierement sur le fait que la preuve du paiement par ledemandeur en vertu d'une promesse unilaterale ne doit pas etre apporteepar ecrit des lors que la promesse unilaterale est un quasi-contrat ausens de l'article 1348, alinea 2, 1DEG, du Code civil, le moyen manque endroit.

Par ces motifs,

La Cour

Statuant à l'unanimite,

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le conseiller Eric Dirix, faisant fonction de president, lesconseillers Eric Stassijns et Alain Smetryns, et prononce en audiencepublique du huit octobre deux mille neuf par le conseiller Eric Dirix,faisant fonction de president, en presence de l'avocat general delegueAndre Van Ingelgem, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Christine Matray ettranscrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le conseiller,

8 OCTOBRE 2009 C.08.0316.N/9


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.08.0316.N
Date de la décision : 08/10/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-10-08;c.08.0316.n ?
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