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02/10/2009 | BELGIQUE | N°C.08.0118.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 octobre 2009, C.08.0118.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1414



NDEG C.08.0118.F

J. J.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

contre

J. J.-R.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Courr>
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 9 novembre 2007par la cour d'appel de Liege.

Le conseiller Didi...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1414

NDEG C.08.0118.F

J. J.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

contre

J. J.-R.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 9 novembre 2007par la cour d'appel de Liege.

Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1108, 1109, 1116, alinea 1er, 1117, 1134, alinea 3, 1135, 1304,alineas 1er et 2, 1382, 1383 et 2262bis, S: 1er, alinea 2, du Code civil ;

- principe general du droit « fraus omnia corrumpit » ;

- principe general de bonne foi, en particulier applique à la conclusiond'une convention, consacre en matiere d'execution des contrats par lesarticles 1134, alinea 3, et 1135 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret decide que l'action introduite par la demanderesse etait prescriteet deboute celle-ci de toutes ses pretentions, aux motifs, en ce quiconcerne le delai de prescription, que :

« Il est de principe que le dol incident ne peut etre repare que parl'octroi de dommages-interets, ce qui est d'ailleurs la forme dereparation postulee par [la demanderesse] (C. Goux, 'L'erreur, le dol etla lesion qualifiee : analyse et comparaisons', R.G.D.C., 2000, p. 22,nDEG 16 et les references citees).

Ce mode de reparation n'etant que l'application des principes de la fautequasi delictuelle, puisque destine à reparer les consequencesdommageables d'un fait precedant la conclusion de la convention, il s'endeduit que le dol incident constitue une faute de cette nature (A. DeBersaques, 'L'abus de droit en matiere contractuelle', note sous Liege, 14fevrier 1964,R.C.J.B., 1969, p. 512, nDEG 15 ; A. Coibion, 'Le dol en matiere decession d'actions. La revanche de l'ingenu', R.D.C., 2001, p. 48).

[La demanderesse] invoque à tort l'article 1304 du Code civil pourpretendre que l'action resultant du dol incident se prescrirait par dixans. Cet article ne vise que l'action en nullite ou en rescision (ces deuxtermes se confondant en pratique : De Page, Traite, t. II, 3e edit., nDEG772 et 787), modes de reparation qui ne sont pas sollicites et auxquelselle n'aurait d'ailleurs pu pretendre des lors que le dol ne s'est exerceque sur le prix (Cass., 23 decembre 1926, cite par J. Declerck-Goldfracht,'Le dol dans la conclusion des conventions. L'article 1116 du Code civilet les correctifs apportes aux conditions de cette disposition', R.C.J.B.,1972, p. 254 et note 17).

C'est par consequent à bon droit que [le defendeur] soutient quel'article 2262bis, S: 1er, alinea 2, trouve matiere à s'appliquer ».

Griefs

La cour d'appel s'est fondee sur le caractere incident du dol invoque enl'espece et sur la sanction particuliere de ce vice de consentement pourlui appliquer la prescription prevue par l'article 2262bis, S: 1er, alinea2, du Code civil et non la prescription de l'article 1304 du meme code quiregit l'action en nullite du chef de dol affectant une convention.

Or, le dol ne change pas de nature selon qu'il est principal ou incident.Il s'agit en toute hypothese d'un quasi-delit specifique, distinct decelui prevu aux articles 1382 et 1383 du Code civil.

En effet, le dol - qu'il soit principal ou incident - est fonde sur lesarticles 1108, 1109 et 1116, alinea 1er, du Code civil, ainsi que sur leprincipe general du droit « fraus omnia corrumpit » [et] sur le principegeneral de bonne foi applique à la conclusion d'une convention.

Il revet un caractere de gravite particulier, qui en fait un veritabledelit civil, justifiant notamment que son auteur ne puisse utilementinvoquer l'imprudence ou meme la negligence grave et inexcusable de lavictime pour s'en disculper.

Pour ces raisons, l'action en dommages-interets du chef de dol incidentest fondee sur l'article 1304, alineas 1er et 2, du Code civil, tout commel'action en nullite et, le cas echeant, en dommages-interetscomplementaires pour cause de dol principal.

A cet egard, le fait que l'article 1304, alineas 1er et 2, du Code civilne traite pas explicitement du dol incident s'explique par le fait qu'ils'agit d'une creation doctrinale et jurisprudentielle.

Rien ne justifie, pour autant, que l'on fasse une distinction entre le dolincident et le dol principal en ce qui concerne la duree de laprescription de l'action à laquelle ils peuvent, l'un et l'autre, donnerlieu.

Il en va d'autant plus ainsi que la demande de dommages-interets estvirtuellement comprise, au moins à titre subsidiaire, dans l'action ennullite de la convention pour le cas ou le juge, tout en constatant larealite des manoeuvres alleguees, ne les considererait pas commesuffisamment graves pour justifier l'annulation de celle-ci.

C'est par consequent à tort que la cour d'appel a estime que, le dolincident etant une faute quasi delictuelle engageant la responsabiliteextracontractuelle de son auteur, l'action en reparation du dommage qui enresulte se prescrit par cinq ans, conformement à l'article 2262bis, S:1er, alinea 2, du Code civil.

A titre subsidiaire, la demanderesse invite la Cour à poser à la Courconstitutionnelle la question prejudicielle suivante, conformement àl'article 26, S:S: 1er, 1DEG, et 2, alinea 1er, de la loi speciale sur laCour d'arbitrage du 6 janvier 1989 :

L'article 1304 du Code civil, interprete en ce sens que seule dure dix ansl'action en nullite d'une convention dans le cas de dol (principal), avecpour consequence que l'action en dommages-interets du chef de dol incidentserait prescrite par cinq ans, conformement à l'article 2262bis, S: 1er,alinea 2, du Code civil, viole-t-il les articles 10 et 11 de laConstitution, en ce qu'il introduirait ainsi une difference de traitementinjustifiee, en ce qui concerne la duree de la prescription, entre lavictime d'un dol principal et celle d'un dol incident ?

III. La decision de la Cour

L'article 1304, alineas 1er et 2, du Code civil dispose que, dans tous lescas ou l'action en nullite ou en rescision d'une convention n'est paslimitee à un moindre temps par une loi particuliere, cette action duredix ans et que ce temps ne court, dans le cas de violence, que du jour ouelle a cesse et, dans le cas d'erreur ou de dol, du jour ou ils ont etedecouverts.

La prescription decennale etablie par cet article ne concerne que lesactions en nullite et en rescision, telle celle qui est prevue àl'article 1117 du Code civil.

Le moyen, qui soutient que l'action en dommages et interets en reparationd'un dol incident entachant la conclusion d'une convention est fondee surl'article 1304, alineas 1er et 2, du Code civil, comme l'action en nullitequi serait exercee en cas de dol principal, et qu'elle est des lorssoumise à la prescription decennale etablie par cette disposition et nonà la prescription quinquennale de l'article 2262bis, S: 1er, du memecode, manque en droit.

Il n'y a des lors pas lieu de poser à la Cour constitutionnelle laquestion prejudicielle proposee par la demanderesse.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de cinq cent quatorze euros quarante-sixcentimes envers la partie demanderesse et à la somme de cent quatre eurostrente-six centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Albert Fettweis, Christine Matray et Sylviane Velu, et prononce enaudience publique du deux octobre deux mille neuf par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Thierry Werquin, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Velu | Ch. Matray |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

2 OCTOBRE 2009 C.08.0118.F/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 02/10/2009
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.08.0118.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-10-02;c.08.0118.f ?
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