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22/06/2009 | BELGIQUE | N°S.09.0003.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 juin 2009, S.09.0003.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGS.09.0003.N

PLANBUREAU, societe anonyme,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

V. H. R.

I. La procedure devant la Cour

III. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 11 juin2008 par la cour du travail de Gand.

IV. Le president de section Robert Boes a fait rapport.

V. L'avocat general Ria Mortier a conclu.

II. Le moyen de cassation

VI. La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

* Dispositions lega

les violees

- articles 2, S: 1er, alinea 1er, 2, S: 1er, alinea 2,1DEG, 2, S: 6, troisieme tiret, 14 et 16 de la loi du19 mar...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGS.09.0003.N

PLANBUREAU, societe anonyme,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

V. H. R.

I. La procedure devant la Cour

III. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 11 juin2008 par la cour du travail de Gand.

IV. Le president de section Robert Boes a fait rapport.

V. L'avocat general Ria Mortier a conclu.

II. Le moyen de cassation

VI. La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

* Dispositions legales violees

- articles 2, S: 1er, alinea 1er, 2, S: 1er, alinea 2,1DEG, 2, S: 6, troisieme tiret, 14 et 16 de la loi du19 mars 1991 portant un regime de licenciementparticulier pour les delegues du personnel auxconseils d'entreprise et aux comites de securite,d'hygiene et d'embellissement des lieux de travail,ainsi que pour les candidats delegues du personnel ;

- pour autant que de besoin, articles 31, S: 1er, 38,S:S: 1er et 2, 82, S: 3 et 84 de la loi du 3 juillet1978 relative aux contrats de travail.

* Decisions et motifs critiques

Par l'arret attaque rendu le 11 juin 2008, la cour dutravail de Gand a declare l'appel principal recevableet fonde, reforme le jugement rendu le 1er mars 2005par la premiere chambre du tribunal du travaild'Audenarde, à l'exception de la decision surl'admissibilite de la demande, et, statuant ànouveau, declare la demande fondee. La cour du travaila condamne la demanderesse à payer au defendeur uneindemnite de protection s'elevant à la somme brute de123.903, 59 euros, majoree des interets legaux etjudiciaires calcules sur le montant net à partir dela date de leur exigibilite, ainsi qu'aux depens.

La cour du travail a fonde cette decision sur lesconstatations que :

- par lettre recommandee du 27 decembre 2002, lademanderesse a resilie le contrat de travail moyennantun delai de preavis de 24 mois prenant cours le1er janvier 2003 (...),

- le 27 decembre 2002, les parties ont conclu unaccord fixant le delai du preavis à 24 mois (...),

- au cours du delai de preavis, le defendeur apoursuivi l'execution du contrat de travail (...),

- par lettre recommandee du 22 septembre 2004, ledefendeur a donne conge moyennant un delai de preavisde trois mois prenant cours le 1er octobre 2004 etexpirant le 31 decembre 2004 (...).

La cour du travail a motive la decision comme suit :

« 5.2.2.3. Il est etabli en l'espece que lelicenciement du 27 decembre 2002 a ete effectue enviolation de l'article 2 de la loi du 19 mars 1991portant un regime de licenciement particulier pour lesdelegues du personnel aux conseils d'entreprise et auxcomites de securite, d'hygiene et d'embellissement deslieux de travail, ainsi que pour les candidatsdelegues du personnel, designee ci-apres comme la loidu 19 mars 1991.

La violation de l'article 2 de la loi preciteeconsiste en ce que le licenciement a ete notifie aucours de la periode de protection, sans motif legalprealablement admis ou reconnu.

(...)

Ainsi, l'employeur est en principe tenu de payerl'indemnite de protection forfaitaire, calculee enfonction de l'anciennete de l'interesse, visee àl'article 16 de la loi du 19 mars 1991.

(Le defendeur) reclame cette indemnite.

En vertu de l'article 16 de la loi precitee, lademande est en principe fondee.

5.2.2.4. (La demanderesse) oppose que tout actejuridique qui porte atteinte à une dispositiond'ordre public est affecte de la nullite absolue etque la nullite de la resiliation a pour effet demettre immediatement fin au contrat de travail.

Ces allegations ne sont toutefois pas fondees.

5.2.2.4.a. (...) Ainsi, la simple conclusion qu'enl'espece, la resiliation du contrat de travailmoyennant preavis est entachee de nullite, estcontraire au texte et à l'economie de la loi quiprevoient un regime de sanctions en cas delicenciement irregulier.

Le licenciement prohibe n'est annule et ce, de maniereretroactive, que si la reintegration a ete demandee etadmise.

Cette hypothese n'est pas applicable en l'espece, desorte qu'il ne peut etre fait etat d'un licenciementaffecte de nullite ou de la naissance d'un nouveaucontrat de travail eu egard à la poursuite dutravail (...).

5.2.2.4.b. Il n'y a pas davantage lieu d'admettrequ'il a ete procede à un licenciement à effetimmediat ou à effet relativement proche. (...)

5.2.2.4.c. Eu egard aux circonstances de la cause, lapoursuite de l'execution du contrat de travail aucours du delai de preavis ne peut etre interpreteecomme un acquiescement à la violation del'interdiction de licencier ou une renonciation àl'indemnite de protection.

La poursuite du travail au cours du delai de preavis,à laquelle (le defendeur) etait en principe tenu, nepeut etre interpretee que comme constituant lapoursuite temporaire du contrat de travailexistant (...) ».

* Griefs

Aux termes de l'article 2, S: 1er, alinea 1er, de laloi du 19 mars 1991 portant un regime de licenciementparticulier pour les delegues du personnel auxconseils d'entreprise et aux comites de securite,d'hygiene et d'embellissement des lieux de travail,ainsi que pour les candidats delegues du personnel,les delegues du personnel et les candidats delegues dupersonnel ne peuvent etre licencies que pour un motifgrave prealablement admis par la juridiction dutravail ou pour des raisons d'ordre economique outechnique prealablement reconnues par l'organeparitaire competent.

Aux termes du second alinea du meme article, pourl'application de l'article, est considere commelicenciement :

1DEG toute rupture du contrat de travail parl'employeur, avec ou sans indemnite, avec ou sansrespect d'un preavis, notifiee pendant la periodevisee au paragraphe 2 (en ce qui concerne les deleguesdu personnel) ou paragraphe 3 (en ce qui concernecandidats delegues du personnel).

La cour du travail a constate que, le 27 decembre2002, la demanderesse a procede à un licenciementmoyennant preavis et que, le meme jour, conformementà l'article 82, S: 3, de la loi du 3 juillet 1978relative aux contrats de travail, les parties ontconclu un accord fixant le delai du preavis à 24 moisprenant cours le 1er janvier 2003. La (cour dutravail) a declare le licenciement irregulier au motifqu'il ne satisfaisait pas aux conditions prevues à laloi du 19 mars 1991 precitee, plus specialement lacondition de l'admission prealable d'un motif grave oud'une raison d'ordre economique ou technique.

La cour du travail a egalement constate que ledefendeur a poursuivi l'execution de son travail aucours du delai de preavis.

Conformement à l'article 14 de la loi du 19 mars1991, le travailleur (licencie) ou l'organisation quia presente sa candidature peut demander sareintegration dans l'entreprise lorsque l'employeur amis fin au contrat de travail sans respecter lesconditions et les procedures visees aux articles 2 à11 de la loi.

Conformement à l'article 16 de la meme loi, cetemployeur est en principe tenu de payer au travailleurune indemnite forfaitaire calculee en fonction del'anciennete de celui-ci, lorsque ni le travailleur nil'organisation qui a presente sa candidature n'ontdemande sa reintegration dans les delais fixes.

Le droit à l'indemnite de protection forfaitaire naitlorsque le contrat de travail du travailleur protege airregulierement pris fin, c'est-à-dire lorsque lesconditions et les procedures visees aux articles 2 à11 inclus de la loi n'ont pas ete respectees. Le droità l'indemnite en question ne nait pas tant que lecontrat de travail n'a pas effectivement pris fin àla suite d'un licenciement irregulier au sens del'article 2 de la loi.

Le travailleur protege licencie qui a ete licencieirregulierement par son employeur et qui n'a pasdemande sa reintegration peut en principe reclamerl'indemnite de protection forfaitaire lorsque soncontrat de travail a effectivement pris fin à lasuite du licenciement irregulier. L'indemnite deprotection forfaitaire n'est exigible qu'à partir dumoment ou le contrat de travail prend reellement finà la suite du licenciement irregulier.

Aux termes de l'article 38, S: 2, alinea 2, de la loidu 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, encas de conge donne par l'employeur avant ou pendant lasuspension, le delai de preavis ne court pas pendantla suspension.

Ainsi, il ne peut etre etabli avec certitude que lecontrat de travail a effectivement pris fin le31 decembre 2004 à la suite du licenciement effectuepar la demanderesse, des lors que le delai de preavisconvenu pouvait etre suspendu à la suite d'unemaladie du travailleur licencie, ainsi qu'il est prevuà l'article 31, S: 1er, de la loi du 3 juillet 1978.

Conformement à l'article 38, S: 1er, de la loiprecitee, en cas de conge donne par le travailleuravant ou pendant la suspension, le delai de preaviscourt pendant cette suspension.

Conformement à l'article 84 de la meme loi, l'employeauquel l'employeur a donne conge peut à son tourresilier le contrat de travail.

En l'espece, la cour du travail a constate que (1) le27 decembre 2002, la demanderesse a resilie le contratde travail du defendeur moyennant un delai de preavis(fixe par les parties) à 24 mois prenant cours le1er janvier 2003, (2) au cours du delai de preavis, ledefendeur a poursuivi l'execution du travail, (3) le22 septembre 2004, le defendeur a donne conge (à sontour) moyennant un delai de preavis de trois moisprenant cours le 1er octobre 2004 et expirant le31 decembre 2004.

Ainsi, le contrat de travail du defendeur a pris finle 31 decembre 2004 à la suite du conge que celui-cia donne le 22 septembre 2004 et que la cour du travailn'a pas declare irregulier ou denue d'effet.

Aux termes du sixieme paragraphe de l'article 2 de laloi du 19 mars 1991, aucun autre mode de cessation ducontrat de travail que ceux vises au paragraphe 1er,ne peut etre invoque, à l'exception de certains casdetermines, telle que, notamment, (troisieme tiret) larupture unilaterale du contrat par le travailleur.

Ainsi, il ne peut etre fait etat en l'espece d'un« licenciement irregulier » donnant droit àl'indemnite de protection forfaitaire visee àl'article 16 de la loi du 19 mars 1991, des lors quele contrat de travail du defendeur a effectivementpris fin à la suite du conge que celui-ci a donneunilateralement.

Ainsi, la cour du travail n'a pas condamne legalementla demanderesse à payer une indemnite de protections'elevant à la somme brute de 123.903, 59 euros,majoree des interets legaux et judiciaires calculessur le montant net à partir de la date de leurexigibilite, ainsi qu'aux depens.

En consequence, la cour du travail a viole toutes lesdispositions legales citees au moyen, plusspecialement les articles 2, 14 et 16 de la loi du19 mars 1991 portant un regime de licenciementparticulier pour les delegues du personnel auxconseils d'entreprise et aux comites de securite,d'hygiene et d'embellissement des lieux de travail,ainsi que pour les candidats delegues du personnel.

III. La decision de la Cour

1. Aux termes de l'article 2, S: 1er, alinea 1er, dela loi du 19 mars 1991 portant un regime delicenciement particulier pour les delegues dupersonnel aux conseils d'entreprise et aux comites desecurite, d'hygiene et d'embellissement des lieux detravail, ainsi que pour les candidats delegues dupersonnel, les delegues du personnel et les candidatsdelegues du personnel ne peuvent etre licencies quepour un motif grave prealablement admis par lajuridiction du travail ou pour des raisons d'ordreeconomique ou technique prealablement reconnues parl'organe paritaire competent.

Aux termes du second alinea, 1DEG, du meme article,pour l'application de l'article, est considere commelicenciement : toute rupture du contrat de travail parl'employeur, avec ou sans indemnite, avec ou sansrespect d'un preavis, notifiee pendant la periodevisee aux paragraphes 2 et 3.

L'article 2, S: 6, de la loi precitee dispose qu'aucunautre mode de cessation du contrat de travail que ceuxvises au paragraphe 1er, ne peut etre invoque, àl'exception de la rupture unilaterale du contrat parle travailleur.

2. L'article 14 de la loi du 19 mars 1991 preciteedispose que, lorsque l'employeur met fin au contrat detravail sans respecter les conditions et lesprocedures visees aux articles 2 à 11, le travailleurou l'organisation qui a presente sa candidature peutdemander sa reintegration dans l'entreprise.

En vertu de l'article 16 de la meme loi, lorsque letravailleur ou l'organisation qui a presente sacandidature n'a pas demande sa reintegration dans lesdelais fixes à l'article 14, l'employeur est tenu delui payer, sauf dans le cas ou la rupture a eu lieuavant le depot des candidatures, sans prejudice dudroit à une indemnite plus elevee due en vertu ducontrat individuel, d'une convention collective detravail ou des usages et à tous autres dommages etinterets pour prejudice materiel ou moral, uneindemnite egale à la remuneration en courscorrespondant à la duree de deux, trois ou quatreans, suivant l'anciennete du travailleur protege.

L'article 17, S: 1er, de la meme loi dispose que,lorsque le travailleur ou l'organisation qui apresente sa candidature a demande sa reintegration etque celle-ci n'a pas ete acceptee par l'employeur dansles trente jours qui suivent le jour ou la demande luia ete envoyee, par lettre recommandee à la poste, cetemployeur est tenu de payer au travailleur l'indemniteprevue à l'article 16 ainsi que la remuneration pourla periode restant à courir jusqu'à la fin du mandatdes membres representant le personnel à l'electiondesquels il a ete candidat.

3. La circonstance que la loi du 19 mars 1991interesse l'ordre public a pour effet non d'entacherde nullite le licenciement regulierement effectue parl'employeur, notifie au cours des periodes deprotection visees aux paragraphes 2 et 3 del'article 2 de la loi, mais de rendre les indemnitesvisees aux articles 16 et 17 de la loi exigibles aumoment ou le contrat de travail prend effectivementfin à la suite du licenciement effectue parl'employeur.

4. L'arret constate que :

- à l'occasion des elections sociales de 2000, ledefendeur a ete elu delegue du personnel suppleant aucomite pour la prevention et la protection au travailau sein de l'entreprise de la demanderesse ;

- par lettre recommandee du 27 decembre 2002, soit aucours de la periode de protection, la demanderesse aresilie le contrat de travail du defendeur moyennantun delai de preavis de 24 mois prenant cours le1er janvier 2003, conformement aux dispositions del'article 37 de la loi du 3 juillet 1978 ;

- le 27 decembre 2002, les parties ont conclu unaccord fixant le delai du preavis à 24 mois ;

- par lettre recommandee du 22 septembre 2004, ledefendeur a donne conge à son tour, moyennant undelai de preavis de 3 mois prenant cours le 1eroctobre 2004 et arrivant à expiration le 31 decembre2004 et ce, eu egard au regime legal des pensions ;

- le defendeur a poursuivi l'execution du travailjusqu'à l'expiration du delai de preavis qu'il avaitnotifie.

5. Apres avoir constate que le contrat de travail desparties a effectivement pris fin le 31 decembre 2004à la suite du conge donne par le defendeur meme, soitsuivant un mode de cessation vise à l'article 2, S:6, de la loi du 19 mars 1991, l'arret condamne lademanderesse à payer au defendeur l'indemnite deprotection visee à l'article 16 de la meme loi.

Ainsi, l'arret viole les dispositions de la loi du19 mars 1991 portant un regime de licenciementparticulier pour les delegues du personnel auxconseils d'entreprise et aux comites de securite,d'hygiene et d'embellissement des lieux de travail,ainsi que pour les candidats delegues du personnel,dont la violation est invoquee.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

* Par ces motifs,

* La Cour

* Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il declarel'appel recevable ;

* Ordonne que mention du present arret sera faiteen marge de l'arret partiellement casse ;

* Reserve les depens pour qu'il soit statue surceux-ci par le juge du fond ;

* Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la courdu travail d'Anvers.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisiemechambre, à Bruxelles, ou siegeaient le presidentsection Robert Boes, les conseillers Eric Stassijns,Beatrijs Deconinck, Alain Smetryns et Koen Mestdagh,et prononce en audience publique du vingt-deux juindeux mille neuf par le president de section RobertBoes, en presence de l'avocat general Ria Mortier,avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.

Traduction etablie sous le controle du presidentChristian Storck et transcrite avec l'assistance dugreffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le president,

22 JUIN 2009 S.09.0003.N/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 22/06/2009
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : S.09.0003.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-06-22;s.09.0003.n ?
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