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22/05/2009 | BELGIQUE | N°C.08.0300.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 mai 2009, C.08.0300.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.08.0300.N

M. R.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. FORTIS INSURANCE BELGIUM, societe anonyme,

2. RONSTREET PROPERTIES, societe de droit neerlandais,

3. COMMOR, societe anonyme,

4. ESPRIT EUROPE HOLDING, societe de droit neerlandais.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 28 janvier 2008par la cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.

L'avocat general del

egue Andre Van Ingelgem a conclu.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, le demandeur presente un moyen lib...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.08.0300.N

M. R.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. FORTIS INSURANCE BELGIUM, societe anonyme,

2. RONSTREET PROPERTIES, societe de droit neerlandais,

3. COMMOR, societe anonyme,

4. ESPRIT EUROPE HOLDING, societe de droit neerlandais.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 28 janvier 2008par la cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.

L'avocat general delegue Andre Van Ingelgem a conclu.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, le demandeur presente un moyen libelle dansles termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 2, 24 et 40 de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi deslangues en matiere judiciaire.

Decisions et motifs critiques

Dans l'arret attaque du 28 janvier 2008, la cour d'appel d'Anvers dit pourdroit que la requete d'appel du demandeur, deposee au greffe de la courd'appel le 16 janvier 2006, est nulle des lors qu'elle est contraire à laloi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matiere judiciaireet condamne le demandeur aux depens. Cette decision est fondee sur lesmotifs suivants :

« Legislation sur l'emploi des langues

Au cours de l'audience du 30 octobre 2007, la cour d'appel a attirel'attention des parties sur une violation eventuelle de la loi du 15 juin1935 concernant l'emploi des langues en matiere judiciaire dans la requeted'appel.

Les parties ont pris position à ce sujet au cours de ladite audience.

La requete d'appel du 16 janvier 2006 fait etait de l'existence d'un adageformule en langue franc,aise à la page 6.

Cette reference est faite sans traduction de l'adage et sans indication dela teneur de cette disposition en neerlandais, qui est la langue de laprocedure.

Les articles 2, 24 et 41 de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi deslangues en matiere judiciaire dispose que :

Article 2 :

`Devant les juridictions civiles et commerciales de premiere instance, etles tribunaux du travail dont le siege est etabli dans les provincesd'Anvers, de Flandre occidentale, de Flandre orientale, de Limbourg etdans l'arrondissement de Louvain, toute la procedure en matierecontentieuse est faite en neerlandais'.

L'article 24 de la meme loi dispose que :

`Devant toutes les juridictions d'appel, il est fait usage pour laprocedure de la langue dans laquelle la decision attaquee est redigee'.

L'article 41, alinea 1er, de la meme loi ajoute que :

`Les regles qui precedent sont prescrites à peine de nullite. Celle-ciest prononcee d'office par le juge'.

Il ressort des dispositions precitees que l'acte d'appel qui est un actede procedure, devait etre redige dans la langue de la procedure, soit leneerlandais.

Il est etabli que la procedure qui a donne lieu au jugement entrepris aete menee devant le tribunal de premiere instance d'Anvers, ou laprocedure doit etre faite en neerlandais.

La requete d'appel, deposee au greffe de la cour d'appel le 16 janvier2006 devait, des lors, etre redigee en neerlandais.

Cela n'a pas ete le cas en l'espece. Le texte en langue franc,aise faitpartie de la requete de sorte que cette requete d'appel meconnait lesdispositions legales precitees et est, des lors, nulle.

(...)

La demande en intervention forcee tendant à la declaration d'arret communde M. est admissible et fondee.

Depens

(...)

M. est condamne aux depens en tant que partie defaillante.

Les parties sont libres d'agir conformement à l'article 1021, alinea 2,du Code judiciaire ».

Griefs

Aux termes de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploides langues en matiere judiciaire devant toutes les juridictions d'appel,il est fait usage pour la procedure de la langue dans laquelle la decisionentreprise est redigee soit, en l'espece, conformement à l'article 2 dela loi precitee, en neerlandais et ce à peine de nullite en applicationde l'article 40, alinea 1er de la meme loi.

Il ressort des dispositions precitees que l'acte d'appel qui est deposedans un litige dans lequel le juge a rendu un jugement en neerlandais enpremiere instance, doit etre redige en neerlandais.

Il n'est toutefois pas deroge au caractere unilingue de l'acte lorsquecelui-ci fait etat d'un adage ou d'une expression, meme si l'origine decet adage ou de cette expression se refere à une autre langue, comme lelatin ou le franc,ais.

Un adage ou une expression est, en effet, par definition un termegeneralement connu et accepte en droit, qui est utilise pour exprimer demaniere concise une regle de droit coutumier ou un certain principe dedroit.

La mention d'un tel adage ne deroge, des lors, pas au caractere unilinguede l'acte en raison de cette caracteristique generalement connue etadmise.

En l'espece, il apparait qu'à la page 6 de son acte d'appel le demandeura fait etat à trois reprises de l'adage « Nul ne plaide parprocureur », qui est expressement applique par le premier juge dans lejugement dont appel. Cet adage est chaque fois invoque dans le texte enlettres cursives et entre guillemets.

Ledit adage est un terme generalement connu et admis en droit qui exprimede maniere concise une regle de droit coutumier, à savoir la regle selonlaquelle il est en principe interdit que la partie reellement presente auproces reste inconnue à l'egard de la partie adverse.

En application de cet adage, qui est aussi invoque explicitement par lapartie Fortis aux pages 20 et 21 de ses conclusions de synthese, ainsi quepar la partie WE Vastgoed aux pages 5 et 6 de ses conclusions de synthese,le premier juge avait declare nuls les exploits de citation des 17 fevrier2004, 18 fevrier 2004, 20 octobre 2003 et 22 octobre 2003 à la demandedes parties WE Vastgoed et Fortis.

Le demandeur a invoque dans son acte d'appel à titre de grief que cetadage n'empeche pas qu'une action soit introduite par « le mandataire duprete-nom sans fraude » et que la decision du premier juge devait, deslors, etre reformee.

L'invocation dans l'acte d'appel dudit adage, qui est un termegeneralement connu et admis en droit et dont il est, en outre,expressement fait application par le premier juge dans le jugement dontappel, ne pouvait, des lors, nullement alterer le caractere unilingue del'acte.

Conclusion

La cour d'appel considerant que l'acte d'appel est nul des lors qu'ilcontient un adage en langue franc,aise, alors que cet adage est uneexpression generalement reconnue et admise en droit, qui est aussiutilisee en neerlandais pour exprimer de maniere concise la regleprecitee, elle ne justifie pas legalement sa decision (violation desarticles 2, 24 et 40, alinea 1er, de la loi du 15 juin 1935 concernantl'emploi des langues en matiere judiciaire).

III. La decision de la Cour

1. 1. En vertu de l'article 2 de la loi du 15 juin 1935 concernantl'emploi des langues en matiere judiciaire, devant les juridictionsciviles de premiere instance dont le siege est etabli dans les provincesd'Anvers, de Flandre orientale, de Flandre occidentale et de Limbourg etdans l'arrondissement de Louvain, toute la procedure en matierecontentieuse est faite en neerlandais.

En vertu de l'article 24 de la loi precitee, devant toutes lesjuridictions d'appel, il est fait usage pour la procedure de la languedans laquelle la decision attaquee est redigee.

L'article 40 de la meme loi prevoit que cette regle est prescrite à peinede nullite et que celle-ci est prononcee d'office par le juge.

2. Un acte est repute avoir ete redige dans la langue de la procedurelorsque toutes les mentions requises en vue de sa regularite ont eteredigees dans cette langue.

L'emploi d'expressions generalement connues et admises dans la languejuridique ou d'adages, rediges dans une autre langue, ne deroge pas à ceprincipe.

3. L'adage « nul ne plaide par procureur » est une expressiongeneralement connue et admise, appartenant au langage juridique d'un grandnombre d'Etats de l'Union europeenne.

4. L'arret constate que l'acte d'appel mentionne cette expression sanstraduction ni indication de sa teneur en neerlandais. Sur ce fondement, ilconclut à la nullite dudit acte.

5. En decidant ainsi, l'arret viole les dispositions legales invoquees aumoyen.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Gand.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, le president de section RobertBoes, les conseillers Eric Dirix, Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, etprononce en audience publique du vingt-deux mai deux mille neuf par lepresident Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat general delegueAndre Van Ingelgem, avec l'assistance du greffier Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Albert Fettweis ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

22 MAI 2009 C.08.0300.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.08.0300.N
Date de la décision : 22/05/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-05-22;c.08.0300.n ?
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