Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.07.0368.N
1. B. T.,
2. R. M.,
Me Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. Communaute flamande,
2. REGION FLAMANDE,
et en presence de
1. VILLE DE SAINT-TOND,
2. BOURGMESTRE DE LA VILLE DE SAINT-TROND.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 24 janvier 2000par la cour d'appel d'Anvers.
Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.
L'avocat general Christian Vandewal a conclu.
II. Le moyen de cassation
Les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 17, 19,23, 24, 25, 584, specialement alineas 1er et 3, 793,798, alinea 1er, 1042 du Code judiciaire ;
- articles 1319, 1320, 1322 du Code civil ;
- article 17, S: 1er, des lois coordonnees sur le Conseil d'Etat, tellesque modifiees par la loi du 19 juillet 1991 ;
- article 149 de la Constitution.
Decisions et motifs critiques
Par l'arret attaque, la cour d'appel « accueille » l'appel interjete parles defendeurs et le declare « fonde » : elle annule l'ordonnanceattaquee du president du tribunal de premiere instance d'Hasselt du 3 juin1999 et, statuant à nouveau, declare la demande principale initialefondee et « dit pour droit que l'expert agit dans les limites de samission lorsqu'il la poursuit comme prevu par l'ordonnance du 25 juin 1998apres la demolition par les (demandeurs) ; l'arret ordonne (auxdemandeurs) sous peine d'une astreinte de 10.000 francs par jour de refusapres la signification du present arret, d'octroyer à l'expert l'acces àleur parcelle sise à Saint-Trond, Hamelstraat 21, afin de permettre à cedernier de faire des constatations, comme prevu par l'ordonnance du 25juin 1998 ».
L'arret attaque declare les demandes reconventionnelles non fondees etcondamne les demandeurs aux depens.
2. L'arret se fonde sur les motifs suivants (...) :
« (...) Que l'objet du litige entre les parties concerne l'executiond'une ordonnance anterieure du 25 juin 1998, par laquelle une mesured'expertise etait ordonnee relativement à l'immeuble des (demandeurs) sub1 et 2, sis à Saint-Trond, Hamelstraat 21, ; que les (defendeurs) ontsouhaite faire proteger cet immeuble en raison de sa valeur en tant quemonument, alors qu'en raison de son etat de ruine, les (demandeurs)souhaitaient le demolir entierement; que par l'ordonnance precitee, les(defendeurs) avaient obtenu la designation d'un expert notamment afind'examiner quelles mesures urgentes s'imposaient pour la conservation dubatiment ; que des problemes ont surgi lors de l'execution de cetteordonnance ensuite de la demolition complete du batiment par les(demandeurs) ; que les (demandeurs) ont refuse à l'expert l'acces à leurparcelle afin de proceder, à la demande des (defendeurs), à une nouvellevisite des lieux apres la demolition complete ; que selon les(demandeurs), les (defendeurs) n'auraient plus d'interet pour introduirecette demande au motif que l'arrete de classement definitif, sur lequelles (defendeurs) se fondaient pour obtenir la mesure d'expertise, a eteentre-temps suspendu par l'arret du Conseil d'Etat du 29 juin 1998 ; qu'enoutre, ensuite de la demolition de l'immeuble, l'objet de l'expertisen'existerait plus depuis le 6 fevrier 1999 ; que la mission confiee àl'expert serait claire et ne serait pas susceptible d'interpretation ;
(...) Qu'en l'espece il n'y a plus lieu de se prononcer sur l'urgence ;que celle-ci a dejà ete appreciee par l'ordonnance du 25 juin 1998 et queles (demandeurs) y ont acquiesce ; que des lors que l'expert etaitconfronte à un probleme relatif à l'acces à l'immeuble et à l'etenduede sa mission, les (defendeurs) devaient saisir le juge des referes de cetincident ;
(...) Que l'utilite de l'expertise ordonnee ne peut pas, actuellement,etre remise en cause en tant que telle eu egard à l'autorite de chosejugee de l'ordonnance du 25 juin 1998 ; que la demande reconventionnelledes (demandeurs) à ce sujet demeure, des lors, non fondee ;
(...) Que c'est à juste titre que les (defendeurs) souhaitent obtenir quel'expert soit aussi competent pour proceder, apres la demolition del'immeuble du 6 fevrier 1999, à la description des decombres ;qu'apparemment, les (demandeurs) ont procede à sa demolition complete ;que des lors que ceux-ci ne sont pas disposes à continuer à collaborerà l'expertise au motif que les operations ne feraient pas partie de lamission donnee à l'expert, c'est à juste titre que les (defendeurs) ontà nouveau saisi le juge des referes ;
(...) Que l'arret de suspension du Conseil d'Etat n'annule pasl'ordonnance du 25 juin 1998 ; que la presente demande se situe clairementdans les limites de cette ordonnance ; que les (defendeurs) ontindeniablement interet à la conservation des elements d'architecturetypiques de la fac,ade pour les utiliser lors de l'eventuellereconstruction ; que leur interet est d'autant plus important qu'ils ontdemande la continuation de la procedure d'annulation et qu'il pourrait yavoir motif à ne pas maintenir la suspension ;
(...) Que c'est à tort que les (demandeurs) ont empeche une nouvellevisite des lieux ; que vu les efforts des (defendeurs) pour obtenir laprotection de l'immeuble des (demandeurs), il n'est pas deraisonnablequ'ils souhaitent faire examiner les possibilites de reconstruction del'immeuble et faire constater ce qui a dejà ete demoli et ce qui a eteconserve ;
Que la circonstance que l'immeuble a ete demoli n'empeche pas que l'expertpuisse achever ses operations d'expertise ; que, par ailleurs, lorsque lamission lui a ete confiee, la poursuite de la demolition a dejà eteenvisagee, puisque la mission prevoyait de maniere expresse de « decrirece qui a ete demoli et ce qui a ete conserve et d'examiner et de decrireles possibilites de reconstruction ; specialement d'examiner si les(demandeurs) ont observe l'obligation `de conserver des elementsd'architecture typiques de la fac,ade lors de la demolition afin depouvoir eventuellement les utiliser lors de la reconstruction' imposee parl'arrete du 7 mars 1998 du bourgmestre ».
Griefs
Premiere branche
1. Violation des articles 19, 23, 24, 25, 584 et 1042 du Code judiciaire.
1.1. Relativement à « l'urgence » dont les demandeurs avaient invoquele defaut (...), l'arret attaque considere (...) :
« qu'en l'espece il n'y a plus lieu de se prononcer sur l'urgence ; quecelle-ci a dejà ete appreciee par l'ordonnance du 25 juin 1998 et que les(demandeurs) y ont acquiesce ; que des lors que l'expert etait confronteà un probleme relatif à l'acces à l'immeuble et à l'etendue de samission, les (defendeurs) devaient saisir le juge des referes de cetincident » ;
« (...) que l'utilite de l'expertise ordonnee ne peut pas, actuellement,etre remise en cause en tant que telle eu egard à l'autorite de chosejugee de l'ordonnance du 25 juin 1998 ; que la demande reconventionnelledes (demandeurs) à ce sujet demeure, des lors, non fondee » ;
1.2. L'urgence est une condition de la competence materielle du juge desreferes agissant en vertu de l'article 584, aliena 1er, du Codejudiciaire. Elle est aussi un element constitutif essentiel du bien fonded'une demande en refere introduite sur la base de l'article 584, alinea 3,du Code judiciaire.
La condition d'urgence touche à l'ordre public de sorte que le juge doitexaminer, le cas echeant d'office, s'il y est satisfait, ce qui ne dependpas de l'accord des parties.
Le juge qui statue en refere en vertu de l'article 584 du Code judiciaire,apprecie le caractere urgent requis au moment de sa decision et, en vertudes articles 584 et 1042 du Code judiciaire, cette regle vaut aussi pourle juge appele à statuer en degre d'appel sur une cause dans laquelle unedecision a ete rendue en refere.
1.3. Le fait que l'urgence a ete appreciee dans une ordonnance anterieuredu juge des referes à laquelle les demandeurs auraient « acquiesce » nedispense pas le juge des referes et le juge d'appel d'examiner lacondition d'urgence dans une procedure ulterieure pour regler un incidentsurvenu lors de l'execution de l'ordonnance anterieure. Ni le caracteredefinitif - au sens de l'article 19 du Code judiciaire - de la premiereordonnance, ni l'autorite de chose jugee au sens des articles 23, 24 et 25du Code judiciaire n'empechent un tel examen de la condition d'urgence parle juge d'appel.
1.4. En rejetant l'exception deduite du defaut d'urgence au motif « qu'iln'y a plus lieu de se prononcer » sur l'urgence, des lors qu'elle a« dejà ete appreciee par l'ordonnance du 25 juin 1998 et que les(demandeurs) y ont acquiesce » et « vu l'autorite de chose jugee del'ordonnance du 25 juin 1998 », « l'utilite de l'expertise ordonnee nepeut pas, actuellement, etre remise en cause », l'arret attaque viole lesregles et dispositions legales invoquees ci-dessus, aux points 1.2 et 1.3.
(...)
III. La decision de la Cour
Quant à la premiere branche :
1. En vertu de l'article 584, aliena 1er, du Code judiciaire, le presidentdu tribunal de premiere instance statue au provisoire dans les cas dont ilreconnait l'urgence, en toutes matieres, sauf celles que la loi soustraitau pouvoir judiciaire.
L'urgence de la cause est appreciee par le juge des referes au moment desa decision. Le caractere provisoire des mesures qu'il ordonne permet aujuge des referes de rapporter ou modifier ces mesures en cas decirconstances nouvelles ou modifiees, à la condition qu'il soit saisi dulitige meme concernant les mesures provisoires.
2. En vertu de l'article 973, alinea 1er, du Code judiciaire, applicableen l'espece, les experts executent leur mission sous le controle du juge.Lorsque, conformement à l'article 973, alinea 1er, du Code judiciaire, lejuge des referes est tenu de statuer sur un incident survenu lors del'execution d'une expertise qu'il a ordonnee, il n'est pas saisi du litigememe concernant les mesures provisoires demandees. Dans ces circonstances,le juge des referes ne doit pas apprecier le caractere urgent des mesuresdemandees.
3. Le moyen qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit.
(...)
Sur la demande en declaration d'arret commun :
12. Le rejet du pourvoi prive la demande en declaration d'arret commun detout interet.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi et la demande en declaration d'arret commun ;
Condamne les demandeurs aux depens.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, le president de section RobertBoes, les conseillers Eric Dirix, Eric Stassijns et Alain Smetryns etprononce en audience publique du vingt-quatre avril deux mille neuf par lepresident Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat general ChristianVandewal, avec l'assistance du greffier Johan Pafenols.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Martine Regout ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le conseiller,
24 AVRIL 2009 C.07.0368.N/1