Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEGC.08.0329.N
HYUNDAI MERCHANT MARINE Co LTD, societe de droit etranger,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. WIRTZ SHIPPING & Co, societe anonyme,
2. MANUPORT LOGISTICS, societe anonyme.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 19 mars 2008par la cour d'appel d'Anvers.
Le president de section Ernest Wauters a fait rapport.
L'avocat general Guy Dubrulle a conclu.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
Articles 5, 20, 21, 584, 616, 1039, 1050, 1138, 3DEG, 1385bis, 1385quateret 1385nonies du Code judiciaire
Decisions et motifs critiques
Par son arret attaque du 19 mars 2008, la cour d'appel d'Anvers declarerecevable mais non fonde l'appel de la demanderesse dirige contrel'ordonnance du premier juge, declarant fondee la demande desdefenderesses à l'egard de la demanderesse, obligeant la demanderesse àdelivrer ou à faire delivrer à Anvers les marchandises indiquees dansles divers connaissements apres le dechargement du MS `Tern' moyennantpresentation du laissez-suivre sous peine d'une astreinte de 100 euros parjour et par lot qui ne serait pas delivre en temps utile à Anvers, et lacondamnant à la moitie des depens, dit pour droit que la demandeincidente de la demanderesse est devenue sans objet, dit pour droit queles demandes originaires sont devenues sans objet à defaut d'urgence etla condamne aux depens de son appel. Cette decision est fondee sur lesconsiderations suivantes :
« 13.
En ce qui concerne l'appel interjete dans la cause 2007/RK/380
Le premier juge a decide que l'action de la societe anonyme NorframLogistics et de la societe anonyme Wirtz Shipping & CDEG etait urgente deslors que l'inexecution des obligations dans le chef de Hyundai donne lieuà un imbroglio de nombreuses demandes de dommages et interets qui peuventetre tres eleves. Chaque jour de retard dans la solution du litigeaugmenterait considerablement les frais.
14.
En ce qui concerne Hyundai, le premier juge ne pouvait arriver à cetteconclusion des lors que la nature provisoire de sa decision et ladisposition de l'article 1039 du Code judiciaire faisaient obstacle à cequ'il rende une decision declaratoire de droits ou fixe de manieredefinitive la position juridique des parties. A l'egard des tiers porteursde connaissements pourvus d'une clause denommee communement `libertyclause', le transporteur maritime est, en effet, autorise à decharger lesmarchandises dans un port alternatif.
15.
A propos de l'urgence
En vertu de l'article 584, alinea 1er, du Code judiciaire, le presidentstatue au provisoire dans les cas dont il reconnait l'urgence, en toutesmatieres, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire.
L'urgence est reconnue chaque fois qu'une decision immediate estsouhaitable afin de prevenir un dommage d'une certaine importance voiredes inconvenients serieux et il peut, des lors, etre recouru au referelorsque la procedure ordinaire ne permet pas de resoudre le litige entemps utile (voir aussi Cass., 11 mai 1990, Pas. 1990, nDEG 535).
La condition fondamentale de l'existence de l'urgence est remplie lorsqueles mesures demandees sont objectivement necessaires pour resoudre lelitige et que, eu egard aux circonstances propres à la cause, elles sonturgentes, ce qui signifie que si elles etaient remises, soit ellesn'auraient plus aucune utilite, soit elles ne pourraient plus etrerealisees (voir aussi M. Krings, Het kort geding naar Belgisch recht,T.P.R., 1991, 1068).
16.
Il appartient au juge des referes de decider si une demande a un caractereurgent et si elle le conserve en tant qu'element d'admissibilite de lademande. Cette condition d'urgence doit etre remplie tant au moment del'introduction de la demande qu'au moment du prononce. L'urgence doitnotamment exister au moment du prononce en degre d'appel, meme si elle nefait pas l'objet d'un recours.
Le fait que les mesures ont perdu leur caractere urgent au fil du temps apour consequence que les mesures imposees n'ont plus de raison d'etre. Lemaintien ou la continuation des mesures imposees par le premier juge aumoment de la prononciation de la decision par le juge d'appel n'estpossible que dans la mesure ou elles sont encore urgentes, c'est-à-direqu'elles sont immediatement souhaitables afin de prevenir un dommage d'unecertaine importance ou des inconvenients serieux.
Lorsque le juge d'appel estime que la cause ne presente plus un caractereurgent, il en resulte que les mesures ordonnees par le premier jugeprennent fin à compter de la prononciation de la decision rendue en degred'appel (voir Cass., 19 janvier 2006, C.04.0544.N). L'examen de la mesurereclamee et ordonnee sur la base des droits apparents des parties estainsi superflu (voir Cass., 6 juin 2000, C.97.0198.N).
17.
Du fait que le chargement a ete livre aux personnes beneficiaires desbiens apres la signification de l'ordonnance attaquee, il resulte que lacause n'est plus urgente.
18.
Quant à l'indemnite de procedure
Conformement à la loi du 21 avril 2007 relative à la repetibilite deshonoraires et des frais d'avocat et à l'arrete royal du 26 octobre 2007,les parties reclament une indemnite de procedure d'un montant de base de1.200,00 euros ».
apres que la cour d'appel eut considere à propos de l'appel dans la cause2007/AR/368 :
« 11.
La question du bien-fonde initial de la demande ne se pose toutefois plussi la demande perd son caractere urgent. L'urgence constitue, outre unelement de competence du juge des referes, un element de la cause de lademande. Si elle disparait, la demande devient sans fondement.
L`objet de la demande constitue, en effet, l'objet du proces et doit etrel'effet de la cause. L'objet doit etre reel et viser directement àetablir l'existence d'un droit subjectif ou à faire respecter un teldroit. Si cela a ete realise entre-temps, la demande devient sans objet.
12.
Le jour ou l'ordonnance attaque a ete rendue, N.H.S. a encore donne desinstructions pour que le ms. « Tern » procede au dechargement. En outre,le 26 octobre 2007, elle a informe les personnes interessees par lechargement de la reception immediate des marchandises. Les astreintesinfligees n'ont des lors pas ete encourues. La demande incidente deHyundai est, des lors, devenue sans objet ».
Griefs
1. Aux termes de l'article 584, alinea 2, du Code judiciaire, le presidentdu tribunal de commerce peut statuer au provisoire dans les cas dont ilreconnait l'urgence, dans les matieres qui sont de la competence de sontribunal.
Pour qu'une mesure soit ordonnee, il est requis qu'elle soit urgente, cequi signifie, comme le constate l'arret attaque, qu'elle est objectivementnecessaire pour la solution du litige et urgente, eu egard auxcirconstances propres à la cause, ce qui signifie que si elle etaitremise, soit elle n'aurait plus d'utilite, soit elle ne pourrait plus etreappliquee.
Le juge des referes ne peut, des lors, ordonner la mesure reclamee quepour autant qu'il constate le jour de la prononciation de la decisionqu'elle est en effet urgente. S'il decide que la mesure n'est pas urgente,il declare la demande non fondee.
Ainsi, il est aussi admis que le juge d'appel, saisi de làppel contre unedemande d'instruction de la cause en refere, doit apprecier lors del'examen du caractere urgent de la cause, si la mesure demandee esttoujours urgente à ce moment-là, eu egard notamment à ce qui s'estproduit depuis l'ordonnance du premier juge qui est contestee et ce, enapplication de l'article 1068 du Code judiciaire.
Par contre, l'urgence requise ci-dessus, qui vaut pour apprecierl'opportunite d'imposer ou de maintenir une telle mesure pour l'avenir,n'empeche pas le defendeur de soumettre de maniere admissible àl'appreciation du juge d'appel l'ordonnance du premier juge, qui lui aordonne par une mesure provisoire de poser un certain acte, le casecheant, sous peine d'une astreinte par jour de retard dans l'execution decet ordre, et ne dispense pas le juge d'appel, saisi de l'appel, del'obligation de statuer sur le bien-fonde de la mesure et plusparticulierement d'examiner si, à la date de la prononciation del'ordonnance entreprise, le premier juge a prononce à juste titre lamesure provisoire attaquee par l'appel, y compris l'astreinte y afferenteet la condamnation eventuelle aux depens, et ce, sous peine de vider deson contenu la voie de recours de l'appel reconnue à la partie condamnee,sous peine pour le juge de meconnaitre la mission qui lui incombe destatuer sur la contestation qui lui est soumise et sous peine pour lui dese rendre coupable de deni de justice.
2. Si la partie defenderesse interjette appel contre une ordonnance luiimposant une mesure provisoire, il appartient au juge d'appel d'examinersi, à la date de la prononciation de sa decision, le premier juge a pulegalement decider de lui infliger cette mesure avec tous ses accessoires,le tout sous peine de priver cette partie de l'exercice d'un recours quilui est accorde par la loi.
En effet, toute decision rendue en premiere instance peut etre attaqueepar une voie de recours. Il ressort en outre de l'article 20 du Codejudiciaire qu'un jugement continue à exister tant qu'il n'a pas eteaneanti sur un recours prevu par la loi.
Aux termes de l'alinea 1er de l'article 21 du Code judiciaire, les recoursordinaires sont l'opposition et l'appel.
L'article 616 du Code judiciaire dispose à ce propos que tout jugementpeut etre frappe d'appel, sauf si la loi en dispose autrement.
Conformement à l'article 1050 du Code judiciaire, en toutes matieres,l'appel peut etre forme des la prononciation du jugement, meme si celui-ciest une decision avant dire droit ou s'il a ete rendu par defaut.
Si une astreinte est prononcee en application de l'article 1385bis, lapossibilite d'interjeter appel contre cette condamnation est determineepar le caractere contestable de la condamnation principale, suivantl'article 1385nonies du Code judiciaire.
L'appel est la voie de recours qui tend à soumettre la cause à unenouvelle instruction et soit, à faire annuler la decision du premierjuge, soit à la faire reformer, etant entendu qu'il est demande au jugede statuer à nouveau sur la demande qui a ete introduite devant lepremier juge, certes en tenant compte des faits et modifications qui sesont produits depuis la decision, ainsi qu'il ressort de l'article 1068 duCode judiciaire.
Si l'appel emane de la partie qui a ete condamnee par le premier juge, cerecours tend à faire examiner par le juge d'appel si le premier juge a puprononcer legalement la condamnation entreprise, tant en ordre principalqu'en ce qui concerne les accessoires, tels une astreinte et les depensafferents eventuellement à la condamnation principale.
En d'autres termes, un appel n'a pas uniquement pour objet la modificationde la decision pour l'avenir mais concerne aussi le passe, etant entenduqu'il est demande au juge d'appel de constater si le premier juge a rendulegalement la decision entreprise comprenant les condamnations à chargede l'appelant et si l'appelant a, des lors, ete condamne à juste titreaux mesures comprises dans le dispositif, à une astreinte y afferente quia pu etre encourue entre-temps et aux depens de premiere instance.
3. Ce qui precede vaut aussi en cas de procedure en refere.
L'appel de la partie defenderesse contre l'ordonnance qui l'a condamnee àexecuter certaines mesures tend à faire constater que le juge des referesl'a condamnee à tort à ces mesures.
A fortiori cela sera le cas lorsque ces mesures sont assorties d'uneastreinte par jour de retard dans l'execution des mesures ordonnees.
Il appartiendra, des lors, au juge d'appel d'examiner si le premier juge apu legalement condamner la partie defenderesse à ces mesures à la datede la prononciation de l'ordonnance dont appel, sans que la disparition del'urgence puisse le dispenser de cet examen.
Cela vaut a fortiori lorsqu'une astreinte est liee à la mesure ordonnee,des lors qu'en vertu de l'article 1385quater du Code judiciaire,l'astreinte, une fois encourue, reste integralement acquise à la partiequi a obtenu la condamnation qui peut en poursuivre le recouvrement envertu du titre meme qui la prevoit et ce, tant que ce titre n'est pasannule par l'utilisation d'une des voies de recours prevues à l'article20 du Code judiciaire et tant qu'il continue à exister sans avoir egardà une decision eventuellement contraire du juge du fond.
Si l'urgence constitue une des conditions pour ordonner une mesure, celan'est pas le cas pour le moyen de defense, ni pour l'appel interjete parle defendeur et son absence à la date de la prononciation de la decisionen degre d'appel, par exemple parce que la mesure reclamee a entre-tempsete executee par la partie defenderesse, ne dispense nullement le juged'appel de l'examen du caractere licite et legal de la mesure ordonnee.
En outre, l'article 1039 du Code judiciaire dispose expressement que lesordonnances sur refere sont executoires par provision, nonobstantopposition ou appel. Cette disposition ne prive certes pas le defendeur dudroit d'interjeter appel ni, des lors, du droit de soumettre l'ordonnanceexecutee à un nouvel examen.
A peine de priver la partie du droit d'interjeter appel contre cette memeordonnance, la constatation que la mesure ordonnee par le premier juge aete entre-temps executee ne peut nullement dispenser le juge d'appel del'examen du bien-fonde de l'appel et plus particulierement de la questionde savoir si le premier juge a ordonne cette mesure à juste titre.
4. Il apparait en l'espece que, dans son ordonnance entreprise, le premierjuge a ordonne à la demanderesse de decharger ou de faire decharger àAnvers les marchandises indiquees dans les divers connaissements apres ledechargement du MS `Tern' moyennant presentation du laissez-suivre souspeine d'une astreinte de 100 euros par jour et par lot qui ne serait pasdelivre en temps utile à Anvers.
La demanderesse a critique cette decision par la voie de l'appel, eninvoquant que la demande introduite n'etait pas admissible et que le jugedes referes n'avait ni pouvoir ni competence des lors que la natureprovisoire de sa decision et le prescrit de l'article 1039 du Codejudiciaire empechaient qu'il fasse un declaratoire de droit ou qu'ilconstate irrevocablement la position juridique des parties. Elle a soutenuen outre qu'elle pouvait invoquer la `liberty clause' à l'egard desdefenderesses, permettant au transporteur maritime de decharger lesmarchandises dans des ports alternatifs, des lors que la societe anonymeNova & Hessenoordnatie Stevedoring a affirme qu'elle etait dansl'impossibilite de decharger le ms `Tern' à son terminal ou à un de sesterminaux notamment en raison « d'un defaut de place ou de congestion »,mais que les defenderesses ont neanmoins obtenu que le dechargement aitlieu à Anvers en menac,ant de saisir le navire si les marchandisesn'etaient pas dechargees à Anvers ; il n'etait, des lors, pas question devoie de fait dans le chef de la demanderesse et le juge des referes etaitsans competence des lors qu'il ne peut pas prendre des mesures ou infligerdes sanctions que meme le juge du fond ne pourrait imposer (...).
La demanderesse a ainsi conteste explicitement le pouvoir du juge desreferes d'ordonner les mesures reclamees.
Elle a invoque en outre un second motif pour critiquer l'ordonnance, àsavoir l'astreinte, indiquant que les connaissements dont lesdefenderesses sont tiers-detenteurs etaient `free in et free out' etconcernaient un chargement qui, en bref, n'est pas marque. Le premierpoint signifie qu'il releve de l'obligation et de la responsabilite dudestinataire lui-meme de s'entendre avec le chargeur de l'armateur quantà la fixation des prix, au paiement, à la reception et à l'enlevementdes marchandises, et le second point signifie que le destinataire doitsupporter lui-meme le risque si son chargement non marque ne peut etreimmediatement individualise. La demanderesse a decide, que pour ce seulmotif, elle ne pouvait prendre la responsabilite de delivrer ou de fairedelivrer les marchandises à Anvers, comme prevu par l'ordonnance du jugedes referes, dans les 72 heures de la signification de l'ordonnance àintervenir, et qu'il n'y avait pas davantage lieu d'accorder une astreintede 100 euros par jour et par lot si aucune responsabilite n'etait mise àcharge de la demanderesse sur la base des memes connaissements (...).
La demanderesse a conteste ainsi explicitement la legalite et laregularite de la mesure ordonnee par le premier juge, y comprisl'astreinte y afferente.
Il apparait en l'espece que la cour d'appel a considere que ledit appelest non fonde pour le seul motif qu'en raison du dechargement desmarchandises aux parties interessees, ce qui constitue l'objet de lamesure ordonnee par le premier juge, l'urgence avait disparu, rendantainsi la mesure provisoire sans objet et laissant subsister l'ordonnancepour le passe, sans examiner le bien-fonde des griefs que la demanderesseavait fait valoir à l'encontre de cette ordonnance.
Conclusion
Dans la mesure ou elle declare l'appel de la demanderesse non fonde et ouelle la condamne aux depens de l'appel en raison du fait que les demandesinitiales, emanant des defenderesses, ne sont plus urgentes et sont, deslors, devenues sans objet en raison du dechargement des marchandises auxparties interessees, sans examiner si la mesure infligee originairement,qui etait executoire par provision conformement à l'article 1039 du Codejudiciaire, avec l'astreinte qui y etait afferente et la condamnation dela demanderesse par le premier juge à la moitie des depens de l'instance,pouvait etre legalement ordonne par le premier juge, la cour d'appelmeconnait le droit de la demanderesse de soumettre à l'examen des jugesd'appel par la voie de recours de l'appel, la question de la regularite etde la legalite de l'ordonnance de refere, qui lui avait impose à lademande des defenderesses de decharger ou de faire decharger à Anvers lesmarchandises indiquees dans les divers connaissements apres ledechargement du MS `Tern' moyennant presentation du laissez-suivre souspeine d'une astreinte de 100,00 euros par jour et par lot qui ne seraitpas delivre en temps utile à Anvers et qui l'avait condamnee à la moitiedes depens, en vue de son annulation pour le passe (violation des articles20, 21, 584, alinea 2, 616, 1039, 1050, 1385bis, 1385quater et 1385 noniesdu Code judiciaire), elle fait une application inexacte de la conditiond'urgence qui vaut en tant que critere d'appreciation du bien-fonde de lademande d'ordonner une mesure provisoire (violation des articles 584,alinea 2, et 1039 du Code judiciaire , elle attache à l'executionimmediate de la mesure imposee par la partie condamnee des consequencesque la loi ne prevoit pas (violation de l'article 1039, alinea 1er, duCode judiciaire), elle omet de statuer sur les griefs invoques par lademanderesse contre l'ordonnance du premier juge (violation de l'article1138, 3DEG, du Code judiciaire), et elle se rend coupable de deni dejustice (violation de l'article 5 du Code judiciaire).
III. Decision de la Cour
1. L'article 584, alinea 2, du Code judiciaire dispose que le president dutribunal du travail et le president du tribunal de commerce peuventstatuer au provisoire dans les cas dont ils reconnaissent l'urgence, dansles matieres qui sont respectivement de la competence de ces tribunaux.Pour ordonner une mesure provisoire au sens de cet article, ces presidentssiegeant en refere doivent apprecier si la demande revet encore uncaractere urgent au moment de la prononciation de leur decision.
2. L'article 1068, alinea 1er, du Code judiciaire dispose que tout appeld'un jugement definitif ou avant dire droit saisit du fond du litige lejuge d'appel.
Il resulte de l'effet devolutif de l'appel prevu par cet article que lejuge qui connait de l'appel d'un jugement rendu en matiere de mesuresprovisoires en refere n'est pas tenu d'examiner la legalite de la decisionentreprise mais doit statuer sur la cause elle-meme. Il ne statue des lorspas comme juge de cassation de la decision entreprise et l'objet del'appel n'est pas la legalite de la decision entreprise, mais la causeelle-meme.
Il s'ensuit, en outre, que, s'il constate que le cas ne revet plus uncaractere urgent, le juge d'appel saisi de l'appel d'un defendeur enrefere auquel une mesure provisoire a ete imposee ne doit plus statuer surla base des droits apparents des parties et sur la legalite de la mesuredemandee, meme pas pour le passe, et peut se borner à constater le defautd'urgence de la cause. Le caractere urgent de la cause doit, en effet,etre apprecie au moment de la prononciation de la decision.
3. Le defaut d'urgence peut resulter du fait que la mesure urgente etprovisoire demandee et ordonnee par le premier juge a entre-temps eteexecutee.
4. L'astreinte prevue par l'article 1385bis du Code judiciaire est uneincitation à executer la mesure ordonnee, et non une indemnite. L'arretconstate que la mesure demandee a ete executee avant que les astreintessoient dues alors qu'en cas de defaut d'urgence de la cause constate parle juge d'appel, la mesure ordonnee par le premier juge cesse d'avoireffet à partir de la prononciation de la decision.
Le moyen est, des lors, denue d'interet en tant qu'il fait grief aux jugesd'appel, qui ne peuvent statuer qu'au provisoire et par provision, de nepas s'etre prononces sur les astreintes ordonnees par le premier juge.
5. Ce qui precede n'est pas contredit par le fait que, conformement àl'article 1039 du Code judiciaire, la mesure ordonnee en refere estexecutoire par provision, nonobstant opposition ou appel.
Aucune contradiction ne git davantage dans le fait que l'ordonnance dupremier juge qui a ordonne en refere une mesure urgente et provisoire acontinue à exister, a pu etre executee et a eu autorite de chose jugeejusqu'à ce qu'elle cesse d'avoir effet par la prononciation de ladecision rendue en appel, fondee sur le defaut d'urgence de la cause endegre d'appel.
6. Il resulte de ce qui precede que, dans le cas ou il constate en referele defaut d'urgence de la mesure provisoire demandee et en deduit qu'iln'est plus competent pour ordonner une mesure provisoire en refere et quela mesure eventuellement ordonnee en premiere instance cesse d'avoir effetà partir de la prononciation de sa decision, le juge d'appel, en nestatuant pas davantage sur les droits apparents des parties et sur lalegalite de la mesure reclamee, ne vide pas de son contenu le droit de lapartie condamnee à une voie de recours et ne commet pas de deni dejustice.
7. Le moyen, qui suppose que les juges d'appel etaient neanmoins tenusd'examiner les droits apparents des parties et ne pouvaient se borner àconstater le defaut d'urgence de la cause au moment de la prononciation deleur decision, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux depens.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Ernest Wauters, les conseillers EricDirix, Eric Stassijns, Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, et prononceen audience publique du dix-sept avril deux mille neuf par le president desection Ernest Wauters, en presence de l'avocat general Guy Dubrulle, avecl'assistance du greffier Johan Paefenols.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Sylviane Velu ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le conseiller,
17 AVRIL 2009 C.08.0329.N/1