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13/02/2009 | BELGIQUE | N°F.06.0106.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 février 2009, F.06.0106.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.06.0106.N

ETAT BELGE (Finances),

Me Ignace Claeys Bouuaert, avocat à la Cour de cassation,

contre

V. B. H.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 31 janvier 2006par la cour d'appel de Gand.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article

70, S: 1er, dans sa version anterieure à sa modification par laloi du 28 decembre 1992, et article 84, specialement alinea 3, dans s...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.06.0106.N

ETAT BELGE (Finances),

Me Ignace Claeys Bouuaert, avocat à la Cour de cassation,

contre

V. B. H.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 31 janvier 2006par la cour d'appel de Gand.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 70, S: 1er, dans sa version anterieure à sa modification par laloi du 28 decembre 1992, et article 84, specialement alinea 3, dans saversion inseree par la loi du 4 aout 1986, du Code de la taxe sur lavaleur ajoutee;

- article 1er, specialement dernier alinea, de l'arrete royal nDEG 41 du30 janvier 1987 fixant le montant des amendes fiscales proportionnelles enmatiere de taxe sur la valeur ajoutee, dans sa version applicable aumoment ou les infractions constatees ont ete commises ;

- article 149 de la Constitution coordonnee.

Decisions et motifs critiques

L'arret declare l'appel forme par le demandeur recevable et fonde etrejette l'opposition faite par le defendeur contre la contrainte,toutefois « etant entendu qu'en application de l'article 70, S: 1er, duCode de la taxe sur la valeur ajoutee, l'amende est portee à 50 % desdroits dus, majores des interets legaux et moratoires conformement à lalegislation sur la taxe sur la valeur ajoutee et des frais enumeres dansla contrainte » et laisse les depens à charge du defendeur.

Apres avoir commente de maniere circonstanciee les arguments des partiesquant à l'existence de la dette fiscale, l'arret considere ce qui suitsous le numero de marge 7 à propos de la demande du defendeur, en ce quiconcerne l'amende infligee :

Tout d'abord (...) il est fait reference aux dispositions des articles 70,S: 1er, et 84 du Code de la taxe sur la valeur ajoutee, et de l'article1er de l'arrete royal nDEG 41 du 30 janvier 1987, et la these del'administration concernant l'amende est ensuite resumee.

Ensuite, le droit de controle du juge est decrit dans les termessuivants :

« Le juge auquel il est demande, en vertu de l'article 70, S: 1er,precite, de controler la sanction peut examiner la legalite de celle-ci etexaminer plus particulierement si cette sanction est conciliable avec lesexigences imperatives des traites internationaux et du droit interne, ycompris les principes generaux du droit. Ce droit de controle doitpermettre au juge d'examiner si la sanction n'est pas disproportionnee àl'infraction, de sorte qu'il appartient au juge d'examiner sil'administration pouvait raisonnablement infliger une amendeadministrative d'une telle ampleur.

Le juge peut, à cet egard, plus particulierement tenir compte de lagravite de l'infraction, du taux des sanctions qui ont dejà ete infligeeset de la maniere dont des cas similaires ont ete apprecies, mais il fauttenir compte à cet egard de la mesure dans laquelle l'administrationetait elle-meme liee par la sanction.

Ce droit de controle n'implique pas que des amendes puissent etreliquidees ou reduites pour de simples motifs d'opportunite et àl'encontre des regles legales sur la base d'une appreciation subjectivedes circonstances attenuantes propres à la personne du contribuable ».

Apres avoir resume ainsi les regles applicables en l'espece, les jugesd'appel ont rappele la gravite de l'infraction commise :

« C'est à juste titre que le demandeur soutient que l'amendeadministrative est infligee de plein droit qu'il y ait bonne foi ou nondans le chef de l'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutee. Il fauttoutefois constater que l'acquisition sans facture de grandes quantites defarine de sarrazin s'etend sur une longue periode de sorte qu'il y a lieud'admettre que les infractions à la legislation sur la taxe sur la valeurajoutee sont graves. Collaborer au systeme de fraude elabore par lefournisseur indique l'existence d'un dol ».

La decision suit cet expose :

« Une amende administrative de 200 % semble neanmoins disproportionneepar rapport aux infractions commises. Une amende de 50 % correspond aucontraire raisonnablement aux infractions commises ».

Griefs

1. Definissant le pouvoir du juge, les juges d'appel ont repris lesconsideration formulees par la Cour dans son arret du 21 janvier 2005(C.02.0572.N).

Ces considerations ne signifient toutefois pas que le juge du fond peutlibrement autoriser une derogation à un texte de loi imperatif. Plusparticulierement : s'il considere que la sanction infligee par la loi estdisproportionnee par rapport à la gravite de l'infraction, il est tenud'indiquer les faits et les circonstances desquels il deduit cettedisproportion. L'appreciation de la `proportionnalite' entre uneinfraction et une sanction legale, ne peut etre fondee sur la seuleappreciation subjective du juge. Afin de pouvoir deroger sur la base de ladisproportion à l'application d'un texte legal imperatif, des faitsconstates doivent justifier cette decision.

Comme il a ete decrit dans l'arret attaque et dans la decision de la Courdu 21 janvier 2005, à laquelle se referent les juges d'appel, le droit decontrole du juge demeure un controle de legalite. La loi est obligatoire.Seule une regle de droit superieure peut autoriser une derogation.

Les juges d'appel ont souligne qu'il leur appartient d'examiner « lalegalite de la sanction » ce qui implique : « examiner si la sanctionn'est pas disproportionnee par rapport à l'infraction » (...). Ils ontformule le principe : ils doivent examiner si la sanction estdisproportionnee ou pas. Cela requiert un examen des circonstancesdesquelles ressortirait la disproportion invoquee.

L'arret ne mentionne toutefois rien au sujet d'un examen fait en ce sens.Il n'est nullement dit pour quelle raison la sanction legale sembledisproportionnee en l'espece, de sorte que l'arret laisse planer le doutequant à savoir si la reduction de l'amende est accordee sur la base decirconstances propres au cas d'espece, ou si les amendes legales, àsavoir le double de la taxe eludee, est qualifiee de disproportionnee ensoi.

L'octroi de reductions sur l'amende infligee par l'article 70, S: 1er, duCode de la taxe sur la valeur ajoutee est limite par des dispositionslegales : l'article 84 du Code de la taxe sur la valeur ajoutee etl'arrete royal nDEG 41 du 30 janvier 1987, pris en execution de ce code,qui lient aussi l'administration. L'arret attaque ne peut, des lors, pasetre justifie par l'argument que le droit de controle du juge doit etreaussi etendu que le pouvoir discretionnaire de l'administration.

Finalement l'arret implique uniquement que le juge situe son appreciationsubjective au-dessus de la loi, contrairement au principe rappele parl'arret : « ce droit de controle n'implique pas que sur la base d'uneappreciation subjective des circonstances attenuantes propres à lapersonne du contribuable, des amendes peuvent etre liquidees ou reduitespour de simples motifs d'opportunite et à l'encontre des regles legales.(...).

En se bornant à formuler une decision sans preciser les elements de faitqui l'ont incite à prendre cette decision, le juge ne respecte pasl'obligation constitutionnelle de motiver sa decision.

Motiver ne consiste pas uniquement à juxtaposer une regle de droit et unedecision sur des faits. Le juge doit etablir le lien entre les deux. Ildoit examiner si, et dans quelle mesure, la regle de droit s'applique auxfaits constates. Cela ne se retrouve pas dans l'arret. L'arret ne respectepas son obligation de motivation.

Conclusion

Il s'ensuit que l'arret viole la disposition legale qui inflige cetteamende, en reduisant l'amende fixee par l'article 70, S: 1er, du Code dela taxe sur la valeur ajoutee à deux fois la taxe due sur l'acte, à 50 %des droits dus, tout comme les dispositions reglant et limitant l'octroid'une reduction de l'amende (violation de l'article 84 du Code de la taxesur la valeur ajoutee, dans sa version modifiee par la loi du 4 aout 1986,combine à l'article 1er, specialement dernier alinea, de l'arrete royalnDEG 41 du 30 janvier 1987, fixant le montant des amendes fiscalesproportionnelles en matiere de taxe sur la valeur ajoutee, dans sa versionapplicable au moment ou les infractions constatees ont ete commises ).

En prenant cette derniere decision sans justifier les faits ou lesconsiderations qui ont donne lieu à cette decision, l'arret meconnait ledevoir constitutionnel de motivation (violation de l'article 149 de laConstitution coordonnee).

III. La decision de la Cour

1. En vertu de l'article 70, S: 1er du Code de la taxe sur la valeurajoutee, pour toute infraction à l'obligation d'acquitter la taxe, il estencouru une amende egale à deux fois la taxe eludee ou payee tardivement.

En vertu de l'article 84 de ce code, dans les limites prevues par la loi,le montant des amendes fiscales proportionnelles est fixe selon uneechelle dont les graduations sont determinees par le Roi.

En vertu de l'article 1er, dernier alinea, de l'arrete royal nDEG 41 du 30janvier 1987 fixant le montant des amendes fiscales proportionnelles enmatiere de taxe sur la valeur ajoutee, l'echelle de reduction des amendesfiscales proportionnelles n'est pas applicable en cas d'infractionscommises dans l'intention d'eluder ou de permettre d'eluder la taxe.

2. Le juge auquel il est demande de controler une sanction administrativequi a un caractere repressif au sens de l'article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, doitexaminer la legalite de cette sanction et peut examiner plusparticulierement si cette sanction est conciliable avec les exigencesimperatives des traites internationaux et du droit interne, y compris lesprincipes generaux du droit.

Ce droit de controle doit permettre en particulier au juge d'examiner sila peine n'est pas disproportionnee par rapport à l'infraction, de sortequ'il peut examiner si l'administration pouvait raisonnablement infligerune amende administrative de cette ampleur.

Le juge peut, à cet egard, tenir compte specialement de la gravite del'infraction, du taux des sanctions dejà infligees et de la maniere dontil a ete statue dans des causes similaires, mais doit tenir compte de lamesure dans laquelle l'administration etait elle-meme liee par cettesanction.

Ce droit de controle n'implique pas que sur la base d'une appreciationsubjective de ce qu'il juge raisonnable, le juge peut liquider ou reduiredes amendes pour de simples motifs d'opportunite et à l'encontre desregles legales.

3. Les juges d'appel ont considere que « le fait d'acquerir sans facturede grandes quantites de farine de sarrazin s'etend sur une longue periodede sorte qu'il y a lieu d'admettre que les infractions à la legislationsur la taxe sur la valeur ajoutee sont graves » et que « le fait decollaborer au systeme de fraude elabore par le fournisseur indiquel'existence d'un dol ».

Les juges d'appel ont considere toutefois, sans aucune motivation delaquelle il ressortirait que la sanction serait contraire aux regles dedroit imperatives du droit international ou aux principes generaux dudroit fondamentaux, qu'une amende administrative de 200 p.c. estdisproportionnee par rapport aux infractions commises et que, par contre,une amende de 50 p.c. correspond raisonnablement aux infractions commises.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il statue sur l'amende et sur les frais ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel d'Anvers.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, le president de section EdwardForrier, les conseillers Luc Huybrechts, Paul Maffei et Eric Stassijns, etprononce en audience publique du treize fevrier deux mille neuf par lepresident Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat general Dirk Thijs,avec l'assistance du greffier Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du president de section Paul Mathieuet transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le president de section,

13 FEVRIER 2009 F.06.0106.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.06.0106.N
Date de la décision : 13/02/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-02-13;f.06.0106.n ?
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