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06/02/2009 | BELGIQUE | N°C.08.0295.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 février 2009, C.08.0295.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.08.0295.N

S. F.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. D. P.,

2. V-V. K.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 22 fevrier2008 par le tribunal de premiere instance de Gand, statuant en degred'appel.

Le conseiller Eric Stassijns a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur

presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 6...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.08.0295.N

S. F.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. D. P.,

2. V-V. K.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 22 fevrier2008 par le tribunal de premiere instance de Gand, statuant en degred'appel.

Le conseiller Eric Stassijns a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 682, S: 1er et 683, alinea 2, du Code civil.

Decisions et motifs critiques

Par le jugement attaque du 22 fevrier 2008, le tribunal de premiereinstance de Gand declare recevable mais non fonde l'appel du demandeurinterjete contre le jugement du 3 avril 2006 de la justice de paix dudeuxieme canton de Gand, par lequel il etait dit pour droit qu'un droit depassage est attribue au benefice de la parcelle connue au cadastre sous lasection C nDEG 514/P/2 sise à Gand/Drongen à la Luchterenkerkweg 35 etactuellement la propriete des defendeurs, à charge de la parcelle connueau cadastre sous la section C nDEG 514/L/2, plus precisement sur la bandesituee devant le garage et entre les murs et la limite de la parcellerealisee sur la « Groene Wandeling » et appartenant actuellement audemandeur.

Le tribunal de premiere instance fonde cette decision sur les motifssuivants :

« 2. Le droit de passage

Le juge de paix a constate que durant plusieurs annees, le (demandeur) atolere un passage sur sa propriete. Il a ensuite considere que vu lescirconstances tres specifiques (à savoir le partage des parcelles, laconstruction subsequente de l'habitation avec le garage à l'arriere, latolerance ininterrompue durant plusieurs annees de l'utilisation de labande, liee à l'absence de toute protestation avant l'achat par lesproprietaires actuels ni contre la fac,on de construire ni contrel'exploitation de l'immeuble) il n'etait question d'un enclavement quedepuis l'opposition à l'utilisation poursuivie de la bande libre, desorte que les (defendeurs) pouvaient bien reclamer un droit de passage enraison de l'enclavement.

En degre d'appel, le (demandeur) continue à dementir que le garage des(defendeurs) aurait constitue un depot de voitures et qu'il etait utiliseen tant que tel. Il ressortait toutefois clairement des auditions tenuespar le juge de paix que les preneurs precedents de l'habitation des(defendeurs) pouvaient toujours utiliser la bande libre comme entree etque les proprietaires precedents avaient meme demande au (demandeur) devouloir confirmer par ecrit la tolerance, ce que celui-ci a toutefoisrefuse.

C'est à juste titre que le juge de paix a considere qu'il s'agissaitd'une tolerance, mais de rien de plus. Ceci a confirme l'allegation du(demandeur) qu'un quelconque droit de passage n'a jamais confere, ce qui apar ailleurs ete confirme par la declaration de I.S. (piece 8 dudemandeur).

Ensuite, le (demandeur) affirme que son fonds ne relevait pas de laparcelle qui a ete divisee. Ceci est correct et ressort des documentsproduits : ce ne sont pas les fonds de F. et I. S. qui ont ete divises,mais bien les fonds de I. et E. S. Le juge de paix ne se refere toutefoispas à une division des parcelles, mais à leur partage lors de l'acte departage du 30 juin 1967. L'allegation du (demandeur) n'est, des lors, paspertinente à l'egard du raisonnement construit par le juge de paix.

Le (demandeur) conteste que la parcelle des (defendeurs) est enclavee, deslors qu'elle est adjacente à la Luchterenkerkweg. L'enclavement d'unfonds doit toutefois etre apprecie, non seulement en fonction du faitqu'il est contigu ou non à la voie publique, mais aussi en fonction descirconstances d'utilisation normale de la parcelle d'apres sa destinationet des frais ou inconvenients pour l'amenagement de l'acces au fonds. Ence sens, la parcelle des (defendeurs) est bien enclavee en ce qui concernele garage, des lors que l'utilisation normale du garage est impossiblepour les vehicules par la Luchterenkerkweg.

Selon le (demandeur), l'enclavement relatif au garage a ete cause par lesauteurs des (defendeurs) memes. Sur ce point, le premier juge invoquaitque l'on ne peut supposer qu'il etait question d'enclavement avant l'achatde l'habitation par les (defendeurs), des lors que le (demandeur) toleraitl'utilisation de la bande libre derriere son habitation pour acceder augarage. Le juge de paix deduisait cette tolerance du (demandeur) desenquetes, ainsi que du fait que le (demandeur) n'a jamais formed'opposition à la construction d'un garage ayant une issue sur sapropriete.

Le juge de paix a decide à juste titre. Il peut se deduire suffisammentde l'ensemble des circonstances de fait que le (demandeur) a tolere durantdes decennies qu'un passage existait sur sa propriete. Vu cette tolerance,il n'y avait pas d'enclavement (...). Ce n'est que lorsque les(defendeurs) ont ete confrontes au refus du (demandeur) d'encore tolererle passage, qu'ils ont ete enclaves, de sorte qu'ils ont pu demander unpassage conformement à l'article 682 du Code civil.

Le tribunal confirme, des lors, les motifs et fondements qui ont eteinvoques par le juge de paix et qui conduisaient à l'attribution d'undroit de passage aux (defendeurs).

En reprenant les motifs du jugement dont appel, le tribunal de premiereinstance decide egalement comme suit :

2.1. Le tribunal constate qu'il n'y a pas de contestation entre lesparties sur le droit de propriete de la bande situee devant le garage etn'approfondit, des lors, plus l'acte de partage qui n'est pas tres clairen l'espece.

2.2. Il y a lieu de rappeler que l'enquete a ete tenue afin de clarifierl'utilisation effective du garage dans le passe et de verifier s'il existeun aveu extrajudiciaire, eventuellement un titre de reconnaissance,relativement à la servitude dans le chef du (demandeur), proprietaire dufonds pretendument servant.

En d'autres termes, si le proprietaire du fonds (pretendument) servant aexprime la volonte incontestable de reconnaitre cette servitude et si cecipeut se deduire des faits.

L'enquete a donc ete tenue en vue de la preuve de l'existence d'un droitde passage conventionnel.

2.5. Il y a lieu de deduire de ces enquetes que, contrairement àl'attitude tetue du (demandeur) qui durant la procedure pretendaittoujours qu'il n'etait pas question d'un acces au garage, que tous leshabitants anterieurs, qu'ils aient ete proprietaires ou preneurs, garaientleur voiture dans le garage et y accedaient par la porte du garage.

Ce n'est qu'avec les proprietaires actuels, les (defendeurs), que cetusage a necessairement pris fin en consequence de son changementd'attitude.

D'autre part, il ne peut pas etre deduit des faits que durant tout cetemps, il s'agissait de plus que d'une tolerance.

Rien n'indique une reconnaissance, par le (demandeur), d'un droit dans lechef de la parcelle contigue.

Le fait qu'il s'agissait en l'espece d'une tolerance ressort aussi de ladeclaration du notaire Claerhout et de celle des proprietaires precedents,J-C., qui avaient obtenu une reponse negative à leur demande de mettrequelque chose sur papier.

En outre, il apparait que le (demandeur) a formellement proteste contrel'utilisation de la bande vers le garage.

Finalement, il ne faut pas oublier que dans le chef du (demandeur), il n'ya pas d'obligation de remettre en question une partie de son droit depropriete pour faire une faveur aux voisins.

2.6. En ce qui concerne l'origine de la problematique, les (defendeurs) sereferent au fait que l'un et l'autre sont la consequence d'une sortied'indivision qui a ete realisee par acte du notaire Jan Gheeraert en1967 : à cette occasion, I.S. a rec,u une parcelle de terre en frichecontigue à l'habitation existante qui etait attribuee au (demandeur).

Le 28 juin 1967, un permis de batir a ete delivre par la commune deDrongen de l'epoque, sur la base d'un plan de l'architecte De Martelaere,dans lequel le garage est dessine comme il existe en realite actuellement.

Les (defendeurs) vont trop loin lorsqu'ils pretendent qu'en signant l'actede partage, une servitude a ete etablie.

Meme si le permis de batir etait presente lors de l'acte de partage et sile (demandeur) aussi en avait connaissance, une mention en aurait sansdoute ete faite dans l'acte si le (demandeur) avait consenti à laservitude. Le contraire est vrai et va de pair avec ce qui a ete developpeau point 2.5.

Le fait que ce permis de batir etait connu par le (demandeur), n'esttoutefois pas prouve.

Pour autant que de besoin, il y a lieu d'indiquer que lors du partage, cen'est nullement une parcelle enclavee qui est attribuee à I.S. : laparcelle est, en effet, situee à la Luchterenkerkweg.

En ce sens, la jurisprudence invoquee par les (defendeurs) n'est pasapplicable dans la mesure ou celle-ci aurait trait au droit de passage :cette jurisprudence a trait à l'enclavement et donc au droit de passagelegal.

Il s'agit à chaque fois de la problematique qu'en raison d'une vente oud'un partage, une des parcelles concernees ne dispose `plus' d'une issuesuffisante sur la voie publique, ce qui n'est pas le probleme enl'espece : la parcelle de terre en friche avait une issue suffisante,d'une largeur de six à sept metres, sur la voie publique, soit laLuchterenkerkweg. Le probleme est different (cf. infra).

2.7. Une fois de plus, le fait que durant plusieurs annees la bande deterre a ete utilisee comme allee de garage ne cree pas en tant que tel undroit, des lors que la servitude de passage ne peut pas etre obtenue parprescription.

Le fait que le (demandeur) n'aurait pas eu connaissance de cetteutilisation ne doit pas etre pris à la lettre, des lors qu'il habite lememe quartier, mais est non pertinent en soi.

2.8. En ordre subsidiaire, les (defendeurs) reclament un droit de passageen application de l'article 682 du Code civil.

C'est à juste titre qu'ils indiquent que le garage en question estinutilisable s'ils n'ont pas d'issue sur la Groene Wandeling.

Ils ne peuvent pas faire valoir plus de droits en l'espece que leursauteurs, toutefois ceux-ci (ou leurs preneurs) n'avaient pas de reelsproblemes des lors qu'ils pouvaient, comme il ressort des diversesenquetes, rouler sur cette bande pour acceder au garage, grace àl'existence incontestable d'une tolerance.

L'auteur initial, plus precisement I.S., s'est en fait lui- meme enclave,en tout cas en ce qui concerne le garage, en faisant concevoir le plan detelle sorte que le garage donne sur le fonds d'autrui.

2.9. Le tribunal doit, toutefois, constater que le (demandeur) n'a pasconteste le permis de batir, de sorte que l'immeuble a ete erige commeprevu dans le plan : avec un veritable garage donnant sur sa parcelle.

Il n'apparait pas davantage que, durant la realisation des constructions,ou à tout le moins apres l'achevement, quand il devait avoir la certitudequ'une porte de garage donnait sur son fonds, le (demandeur) n'a pasreagi, voire fait valoir ses droits à cet egard.

Bien que, comme susmentionne, il ne pouvait etre conclu à unereconnaissance de la servitude, il y a lieu de constater à tout le moinsqu'une indulgence existait qui permettait de construire et d'utiliser lebatiment en tant que tel.

L'on ne peut affirmer sans plus que I.S. s'est lui-meme enclave et que nilui, ni ses representants, ne peuvent encore entreprendre quoi que cesoit.

Il est, en effet, tres improbable qu'aucun accord tacite n'ait existe surl'utilisation de la bande en question au moment de laconception/construction du garage.

Ces circonstances tres specifiques (à savoir le partage des parcelles, laconstruction subsequente de l'habitation avec le garage à l'arriere, latolerance ininterrompue durant plusieurs annees de l'utilisation de labande litigieuse, liee à l'absence de toute protestation avant l'achatpar les (defendeurs) actuels ni contre la fac,on de construire ni contrel'exploitation de l'immeuble), conduisent à la conclusion qu'il n'estquestion d'un enclavement (que !) depuis l'opposition à l'utilisationpoursuivie de la bande litigieuse.

Le tribunal considere, des lors, que l'utilisation normale dontjouissaient les habitants depuis 1967 du bien, comme il etait construitconformement aux dispositions legales, est absente depuis que les(defendeurs) sont devenus proprietaires.

Tres clairement : la parcelle, actuellement propriete des (defendeurs),avait auparavant une issue sur la voie publique depuis le garage et ne l'aplus.

Pour autant que de besoin : l'article 682 du Code civil n'exige pasd'enclavement absolu (voir en l'espece l'acces à la rue du cote de laLuchterenkerkweg-porte d'entree normale) ni un enclavement dit relatif, àsavoir une issue insuffisante sur la voie publique pour pouvoir utilisernormalement la propriete, suffit.

Dans ces circonstances specifiques, un droit de passage peut etre attribueaux (defendeurs) ».

Griefs

Premiere branche

Aux termes de l'article 682, S: 1er, du Code civil, le proprietaire dontle fonds est enclave parce qu'il n'a aucune issue ou qu'il n'a qu'uneissue insuffisante sur la voie publique, qui ne peut etre amenagee sansfrais ou inconvenients excessifs, peut reclamer un passage sur le fonds deses voisins pour l'utilisation normale de sa propriete d'apres sadestination, moyennant paiement d'une indemnite proportionnee au dommagequ'il peut occasionner.

Pour l'application de l'article 682, S: 1er, du Code civil, il y a lieud'apprecier l'enclavement du fonds non seulement sur la base du faitd'etre contigu ou non à la voie publique, mais aussi des circonstancesd'utilisation normale de la parcelle d'apres sa destination et des fraisou inconvenients pour l'amenagement de l'acces au fonds.

Il n'y a pas d'enclavement au sens de l'article 682, S: 1er, du Code civillorsque les difficultes qu'eprouve le proprietaire à avoir une issuesuffisante sur la voie publique selon une utilisation normale du fondsd'apres sa destination ne resultent pas de la situation naturelle dufonds, mais sont la consequence des agissements materiels executes par leproprietaire meme, enclavant son fonds.

Il n'y a pas davantage d'enclavement au sens de l'article 682, S: 1er,precite, lorsque le fonds dispose d'une issue sur la voie publique qui esttoleree par le proprietaire ou utilisateur du fonds contigu.

Si le proprietaire ou utilisateur du fonds contigu met fin à cettetolerance, il n'y a pas davantage d'enclavement qui voit le jour au sensde l'article 682, S: 1er, du Code civil, lorsque cette situation est laconsequence d'agissements materiels accomplis par le proprietaire meme dufonds enclave. En effet, en pareil cas la simple cessation de cettetolerance ne fait pas naitre de droit de passage.

En confirmant les fondements et motifs du premier juge, les juges d'appelont constate que l'auteur des defendeurs s'est en fait lui-meme enclave,en tout cas en ce qui concerne le garage, en concevant le plan de tellesorte que le garage donne sur le fonds d'autrui (...). Les juges d'appelont aussi constate qu'il n'etait pas question d'enclavement avant l'achatde l'habitation par les defendeurs, des lors que le demandeur toleraitl'utilisation de la bande libre derriere son habitation pour acceder augarage (...).

Sur la base de ces constatations, les jugement attaque ne pouvait paslegalement decider que les defendeurs n'etaient enclaves qu'au moment ouils ont ete confrontes au refus du demandeur de tolerer encore un passage,de sorte qu'ils pouvaient reclamer un passage conformement à l'article682 du Code civil (...).

Le simple fait que le demandeur ne tolerait plus de passage sur son fonds,ne faisait en effet pas naitre d'enclavement au sens de l'article 682, S:1er, du Code civil, des lors que l'enclavement de fait du fonds desdefendeurs a ete cause, suivant les constatations des juges d'appel, parl'auteur des defendeurs meme et des lors que les juges d'appel, enreprenant les motifs du premier juge, ont confirme qu'en l'espece, lesdefendeurs ne pouvaient pas faire valoir plus de droits que leurs auteurs(...). En attribuant le droit de passage reclame sur la base desconsiderations reprises au moyen, les juges d'appel ont, des lors, violel'article 682, S: 1er, du Code civil.

Deuxieme branche

Conformement à l'article 149 de la Constitution, tout jugement estmotive.

Lorsqu'un jugement contient, toutefois, une contradiction, soit entre lesmotifs dans les considerants de la decision, soit entre les motifs et ledispositif de la decision, les motifs contradictoires sont presumess'annuler, ce qui revient à un defaut de motivation.

Dans la mesure ou le jugement critique doit etre interprete en ce sens queles juges d'appel, en reprenant les motifs du premier juge, ont decidequ'un accord tacite aurait existe sur l'utilisation d'une bande de terresur le fonds du demandeur, le jugement attaque contient une contradictiondans ses motifs.

En effet, d'une part, les juges d'appel ont decide sur la base de motifspropres et de motifs repris du jugement du premier juge, qu'il ne peut passe deduire des faits que l'utilisation (de la bande de terre sur le fondsdu demandeur) etait plus qu'une tolerance, que rien n'indique l'existenced'une reconnaissance par le demandeur d'un droit dans le chef de laparcelle contigue (...), qu'il ne peut etre conclu à une reconnaissanced'une servitude, mais seulement à une indulgence permettant laconstruction du garage (...) et qu'il ne s'agissait de rien de plus qu'unetolerance et qu'aucun droit de passage n'a jamais ete confere par ledemandeur (...)..

D'autre part, les juges d'appel ont decide, en reprenant les motifs dupremier juge, qu'il est tres improbable qu'un accord tacite n'existait passur l'utilisation de la bande presente au moment de laconception/construction du garage (...).

En decidant que l'utilisation de la bande de terre (sur le fonds dudemandeur) etait simplement toleree et qu'aucun droit n'avait ete accordeà cet egard, ce qui implique qu'il n'existait pas d'accord sur cetteutilisation, et en decidant en meme temps qu'il est tres improbable qu'unaccord tacite n'existait pas sur cette utilisation, le jugement critique,lu en ce sens, est motive de maniere contradictoire et viole, ainsi,l'article 149 de la Constitution.

Troisieme branche

Conformement à l'article 683, alinea 2, du Code civil, si l'enclaveresulte de la division d'un fonds consecutive à une vente, un echange, unpartage ou à toute autre circonstance, le passage ne peut etre attribueque sur les parcelles qui composaient ce fonds avant sa division, à moinsqu'une issue suffisante sur la voie publique ne puisse ainsi etrerealisee.

Dans la mesure ou le jugement attaque devrait etre lu en ce sens qu'il estquestion d'un enclavement, vu les circonstances tres specifiques, àsavoir le partage des parcelles (...), il est egalement illegal.

En effet, les juges d'appel ont constate, en reprenant les motifs dupremier juge, que lors du partage, ce n'est nullement une parcelleenclavee qui a ete attribuee à l'auteur des defendeurs (...) et ils ontconsidere, sur la base de leurs motifs propres, que le fonds du demandeurn'a pas ete divise lors de l'acte de partage du 30 juin 1967 (...).

Dans la mesure ou les juges d'appel ont attribue un droit de passage surle fonds du demandeur en faveur du fonds des defendeurs, vu le partage desparcelles, ils ont viole l'article 683, alinea 2, du Code civil, des lorsqu'il ressort des considerations indiquees au moyen que l'enclavementallegue ne resulte pas d'une division du fonds du demandeur, ni de l'actede partage du 30 juin 1967.

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

1. L'article 682, S: 1er, du Code civil, dispose que le proprietaire dontle fonds est enclave parce qu'il n'a aucune issue ou qu'il n'a qu'uneissue insuffisante sur la voie publique, qui ne peut etre amenagee sansfrais ou inconvenients excessifs, peut reclamer un passage sur le fonds deses voisins pour l'utilisation normale de sa propriete d'apres sadestination, moyennant paiement d'une indemnite proportionnee au dommagequ'il peut occasionner.

2. Bien que cette disposition n'exige pas que le fonds de celui quireclame un passage doit etre entierement enclave, un passage ne peut etreattribue s'il apparait que les difficultes qu'eprouve le proprietaire dufonds pretendument enclave pour avoir une issue suffisante sur la voiepublique conformement à l'utilisation normale de sa propriete d'apres sadestination, ne resultent pas de la situation de son fonds, mais desconstructions qui ont ete realisees sur ce fonds par le proprietaire ouson auteur.

3. Il ressort du jugement dont appel du juge de paix du 3 avril 2006 que :

- le demandeur et son frere, auteur des defendeurs, sont devenusproprietaires de leurs fonds respectifs par un acte de partage de 1967 ;

- la parcelle attribuee au frere du demandeur n'est pas enclavee, des lorsqu'elle a une issue suffisante sur la Luchterenkerkweg à Drongen ;

- le frere du demandeur a construit une habitation et un garage sur saparcelle ;

- ledit garage n'a pas d'issue sur la Luchterenkerkweg ;

- pour l'usage du garage, le frere du demandeur, ses representants etleurs preneurs, ont utilise le fonds du demandeur pour avoir une issue surla rue situee à l'arriere ;

- l'utilisation du fonds du demandeur ne resulte pas d'un droit de passageconventionnel, mais d'une tolerance ;

- depuis la rue situee à l'arriere, les defendeurs n'ont plus acces àleur garage, le demandeur ne tolerant plus l'utilisation de son fonds.

Les juges d'appel ont considere, en confirmant les motifs du jugement dujuge de paix, que :

- l'auteur initial des defendeurs s'est lui-meme enclave, en tout cas ence qui concerne le garage, en faisant concevoir le plan de son habitationde telle sorte que le garage donne sur le fonds d'autrui ;

- les circonstances tres specifiques de la cause, à savoir le partage desparcelles, la construction subsequente de l'habitation avec le garage, latolerance ininterrompue durant plusieurs annees de l'utilisation de labande litigieuse, liee à l'absence de toute protestation avant l'achatpar les defendeurs ni contre la fac,on de construire, ni contrel'exploitation de l'immeuble, conduisent à la conclusion qu'il n'estquestion d'un enclavement que depuis l'opposition formee contrel'utilisation poursuivie de la bande presente ;

- dans ces circonstances specifiques, un droit de passage peut etreattribue aux defendeurs.

4. La circonstance que durant plusieurs annees le demandeur a tolerel'utilisation de son fonds afin de permettre l'acces au garage sur lefonds des defendeurs et que le probleme de l'issue ne s'est pose qu'aumoment ou le demandeur a interdit aux defendeurs d'utiliser son fonds,n'empeche pas que, selon les juges d'appel, l'enclavement du garage sur lefonds des defendeurs resulte de la fac,on dont l'auteur initial desdefendeurs a implante les batiments sur sa propriete.

5. Les juges d'appel qui decident uniquement sur la base de cescirconstances qu'un droit de passage sur le fonds du demandeur doittoutefois etre attribue pour l'utilisation du garage sur le fonds desdefendeurs, ont viole l'article 682, S: 1er, du Code civil.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant le tribunal de premiere instance de Termonde,siegeant en degre d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, le president de section ErnestWauters, les conseillers Eric Dirix, Eric Stassijns et Albert Fettweis, etprononce en audience publique du six fevrier deux mille neuf par lepresident Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat general ChristianVandewal, avec l'assistance du greffier Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Didier Batsele ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

6 FEVRIER 2009 C.08.0295.N/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 06/02/2009
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.08.0295.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-02-06;c.08.0295.n ?
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