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06/02/2009 | BELGIQUE | N°C.07.0341.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 février 2009, C.07.0341.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.07.0341.N

P&V ASSURANCES, societe cooperative à responsabilite limitee,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

MERCATOR ASSURANCES, societe anonyme,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 14 novembre2006 par le tribunal de premiere instance de Malines, statuant en degred'appel.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general Guy Dubrulle

a conclu.

II. Faits et antecedents de la procedure

1. Alors qu'il dechargeait des puits en beton d'une semi-remor...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.07.0341.N

P&V ASSURANCES, societe cooperative à responsabilite limitee,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

MERCATOR ASSURANCES, societe anonyme,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 14 novembre2006 par le tribunal de premiere instance de Malines, statuant en degred'appel.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general Guy Dubrulle a conclu.

II. Faits et antecedents de la procedure

1. Alors qu'il dechargeait des puits en beton d'une semi-remorque de lasociete anonyme Genker Transport sur un camion de la meme societe, unprepose de cette societe a ete ecrase entre les deux vehicules et estdecede sur place.

2. En tant qu'assureur contre les accidents du travail de la societeanonyme Genker Transport, la defenderesse a verse des indemnites auxproches de la victime.

3. La defenderesse a cite la demanderesse, assureur de la responsabilitecivile automobile du camion de la societe anonyme Genker Transport, devantle tribunal de police de Malines, afin d'obtenir le remboursement de sespaiements sur la base de l'article 48ter de la loi du 10 avril 1971 surles accidents du travail et de l'article 29bis de la loi du 21 novembre1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilite en matierede vehicules automoteurs.

4. Par un jugement rendu le 2 fevrier 2005, le tribunal de police deMalines a declare la demande non fondee.

La defenderesse a interjete appel de ce jugement.

5. Par un jugement du 16 mai 2006, le tribunal de premiere instance deMalines a ordonne la reouverture des debats afin de permettre aux partiesde prendre position sur la competence du tribunal de police en premierressort et du tribunal de premiere instance en degre d'appel sur la basede l'article 601bis du Code judiciaire.

6. Dans son jugement du 14 novembre 2006, le tribunal de premiere instancede Malines a decide que le tribunal de police etait competent pourconnaitre du litige entre les parties en premier ressort et que letribunal de premiere instance est competent en degre d'appel.

Le tribunal declare recevable et fonde l'appel de la defenderesse,condamne la demanderesse à payer la somme de 1 euro à titre provisionnelet renvoie la cause au role particulier.

III. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 568, 577, alinea 1er, 590, 601bis et 1070 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

Par le jugement attaque rendu le 14 novembre 2006 en degre d'appel, letribunal de premiere instance de Malines decide que le tribunal de policeetait competent pour connaitre des contestations entre parties en premierressort et que le tribunal de premiere instance est competent pour enconnaitre en degre d'appel.

Par le jugement rendu le 14 novembre 2006, le tribunal de premiereinstance de Malines declare ensuite l'appel forme par la defenderessecontre le jugement rendu par le tribunal de police de Malines le 2 fevrier2005 recevable et fonde.

Le tribunal annule le jugement dont appel sauf en tant qu'il a declarerecevable la demande originaire de la defenderesse et taxe les depens.Statuant à nouveau, le tribunal condamne la demanderesse à payer à ladefenderesse la somme de 1 euro à titre provisionnel ainsi que lesdepens, et renvoie la cause au role particulier.

Le tribunal de premiere instance fonde sa decision concernant lacompetence materielle sur les motifs suivants :

« Le tribunal constate qu'il y a eu un contact entre la victime et le(s)camion(s) de la societe anonyme Genker Transport, assuree (de lademanderesse).

De surcroit, l'accident s'est produit sur la voie publique.

Etant donne qu'un vehicule à l'arret peut aussi etre considere commeparticipant à la circulation et peut constituer un `vehicule' au sens del'article 29bis, S: 1er, de la loi du 21 novembre 1989, toutes lesconditions sont reunies pour qualifier l'accident en question d'accidentde la circulation.

Le juge de police etait des lors competent pour connaitre descontestations entre parties, et le tribunal est competent pour enconnaitre en degre d'appel » (jugement, p. 2, nDEG 2).

Le tribunal constate par ailleurs que :

« Il suffit de rappeler qu'alors qu'il dechargeait des puits en betond'une semi-remorque de la societe anonyme Genker Transport sur un camionde la meme societe, feu D. D. A., prepose de la societe anonyme GenkerTransport, a ete ecrase entre les deux vehicules et est decede sur place.

A cet effet, il a ete enonce, en rapport avec l'appreciation de lacompetence du premier juge et de ce tribunal, que l'accident en questionconcerne un accident de la circulation regi par l'article 29bis de la loidu 21 novembre 1989 » (jugement, p. 3, nDEG. 2.1-2.2).

Par reference à l'expose du premier juge (jugement, p. 3, nDEG 2.1), ilest aussi constate que :

« Le dossier repressif classe sans suite et les pieces deposees par lesparties revelent les elements de fait utiles qui suivent :

Alors qu'il dechargeait des puits, feu D. D. A., prepose de la societeanonyme Genker Transport, a ete ecrase entre une semi-remorque et uncamion, appartenant tous deux à la societe anonyme Genker Transport,assuree en responsabilite civile automobile aupres de (la demanderesse) »(jugement du tribunal de police, p. 2, au milieu).

Enfin, le tribunal constate encore que « la position de force (duconducteur n'(existe) plus des qu'un `conducteur' a mis son vehicule enstationnement, arrete son moteur et quitte son vehicule, comme enl'espece » (jugement, p. 4, nDEG 2.4).

Griefs

1.1 Conformement à l'article 601bis du Code judiciaire, le tribunal depolice connait, quel qu'en soit le montant, de toute demande relative àla reparation d'un dommage resultant d'un accident de la circulation memesi celui-ci est survenu dans un lieu qui n'est pas accessible au public.

Aux termes de l'article 577, alinea 1er, du Code judiciaire, le tribunalde premiere instance connait de l'appel des jugements rendus en premierressort par le tribunal de police dans les cas prevus à l'article 601bis.

1.2 Ainsi, le tribunal de police est competent pour les demandes enreparation de dommages resultant d'accidents de la circulation danslesquels sont impliques des moyens de transport, des pietons ou lesanimaux vises par le code de la route.

Bien qu'un vehicule à l'arret puisse etre implique dans un accident de lacirculation au sens de l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989relative à l'assurance obligatoire de la responsabilite en matiere devehicules automoteurs, un vehicule à l'arret ne prend pas part à lacirculation.

Le terme « circulation (routiere) » concerne en effet le fait, pour desvehicules et des personnes, d'aller et de venir, de se mouvoir le long desvoies. Un vehicule à l'arret est donc exclu de la circulation. End'autres mots, l'existence d'un accident de la circulation ne peut etrededuite de la circonstance qu'il y a eu un contact entre la victime et uncamion à l'arret sur la voie publique.

Il n'y a accident de la circulation que pour autant que les faits sesoient produits à la suite d'une activite ou d'une operation de roulage,telles que visees par le code de la route ou toute autre reglementationvisant à organiser la circulation generale sur la voie publique. Il n'estdes lors pas question d'accident de la circulation lorsqu'un vehiculeautomoteur (à l'arret ou non) est utilise, et/ou une personne agit detelle maniere, que des dommages sont causes d'une maniere qui n'est pascaracteristique des dommages provoques par la circulation, comme parexemple des dommages causes lors du chargement et/ou du dechargement d'unvehicule automoteur à l'arret.

2.1. Le tribunal de premiere instance decide dans le jugement attaque quetoutes les conditions sont reunies pour qualifier l'accident litigieuxd'accident de la circulation - de sorte que le tribunal de police etaitcompetent pour connaitre en premier ressort de la demande de ladefenderesse en reparation des dommages resultant de cet accident -

des lors que:

- il y a eu un contact entre la victime et le(s) vehicule(s) assure(s) parla demanderesse,

- l'accident a eu lieu sur la voie publique,

- un vehicule à l'arret peut etre considere comme participant à lacirculation et peut constituer un « vehicule » au sens de l'article29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire dela responsabilite en matiere de vehicules automoteurs.

Le tribunal constate ensuite en fait qu'alors qu'elle dechargeait despuits en beton d'une remorque sur un camion, la victime a ete ecraseeentre les deux vehicules.

Le tribunal constate par ailleurs que la victime a mis son vehicule enstationnement, arrete le moteur et quitte son vehicule, de sorte qu'il estincontestable que le camion etait à l'arret.

Il ne ressort pas de ces constatations de fait que le(s) vehicule(s) et/oula victime prenaient part à la circulation, des lors que le terme de« circulation (routiere) » suppose que des vehicules et/ou des personnesse meuvent, vont et viennent le long de la voie, ce qui, en l'espece,n'etait pas le cas. Des dommages causes lors du dechargement d'unesemi-remorque du fait qu'une personne a ete ecrasee entre la semi-remorqueet un camion, ne sont par ailleurs pas causes d'une maniere qui estcaracteristique des dommages provoques par la circulation.

2.2. Le tribunal n'a pu legalement decider que, par les constatations defait du jugement attaque, l'accident litigieux concernait un « accidentde la circulation » au sens de l'article 601bis du Code judiciaire.

En decidant que le tribunal de police etait competent pour connaitre de lademande en reparation de la defenderesse en premier ressort et que letribunal de premiere instance est competent pour en connaitre en degred'appel, le tribunal viole des lors les articles 577, alinea 1er, et601bis du Code judiciaire.

3. Conformement à l'article 568 du Code judiciaire, le tribunal depremiere instance connait de toutes demandes, hormis celles qui sontdirectement devolues à la cour d'appel et à la Cour de cassation.

Conformement à l'article 590 du Code judiciaire, le juge de paix connaitde toutes demandes dont le montant n'excede pas 1860 euros, hormis cellesqui sont soustraites par la loi à sa juridiction, notamment les demandesprevues aux articles 569 à 571, 574 et 578 à 583 du code precite.

Des lors que, dans la citation introductive du 23 fevrier 2004, ladefenderesse demandait à entendre condamner la demanderesse à payer unesomme de 1 euro à titre provisionnel, mais relevait que le montant de lademande depassait la somme de 10.000 euros, le litige ressortissait, euegard à sa valeur, à la competence generale du tribunal de premiereinstance, conformement à l'article 568 du Code judiciaire.

Aux termes de l'article 1070 du Code judiciaire, le tribunal de premiereinstance, siegeant au second degre, statue au fond et à charge d'appel sile litige est de sa competence.

Partant, en l'espece, le tribunal de premiere instance aurait du constaterque le tribunal de police n'etait pas competent pour connaitre du litige,et statuer lui-meme au fond, en application de l'article 1070 du Codejudiciaire.

En n'etablissant pas l'incompetence du tribunal de police et en statuantcomme juge d'appel, le tribunal de premiere instance viole toutes lesdispositions legales visees au moyen.

(...)

IV. La decision de la cour

Appreciation :

Sur le premier moyen :

1. En vertu de l'article 568 du Code judiciaire, le tribunal de premiereinstance connait de toutes demandes hormis celles qui sont directementdevolues à la cour d'appel et à la Cour de cassation.

2. L'article 577, alinea 1er, du Code judiciaire, dispose que le tribunalde premiere instance connait de l'appel des jugements rendus en premierressort par le juge de paix et, dans les cas prevus à l'article 601bis,par le tribunal de police.

3. En vertu de l'article 601bis du meme code, le tribunal de policeconnait, quel qu'en soit le montant, de toute demande relative à lareparation d'un dommage resultant d'un accident de la circulation meme sicelui-ci est survenu dans un lieu qui n'est pas accessible au public.

4. Un accident de la circulation au sens de ladite disposition est toutaccident de la circulation routiere dans lequel sont impliques des moyensde transport, des pietons ou des animaux vises par le code de la route du1er decembre 1975 et qui est relatif aux risques de la circulationroutiere.

5. La seule circonstance qu'il y a un contact entre un vehicule enstationnement sur la voie publique et la victime ne suffit pas pour qu'ilsoit question d'un accident de la circulation.

6. Le jugement dont appel constate qu'un travailleur etait occupe àdecharger le chargement d'une semi-remorque sur la voie publique lorsqu'ila ete ecrase entre la semi-remorque et le camion à l'arret la jouxtant,appartenant tous deux à son employeur.

7. Il ressort de ces constatations que l'accident est un accident dutravail etranger à toute participation à la circulation routiere desmoyens de transport, des pietons ou des animaux vises par le code de laroute, sans rapport avec les risques de la circulation routiere.

8. Sur la base de ces constatations, les juges d'appel considerent quel'accident en question constitue un accident de la circulation.

En decidant ainsi que le tribunal de police et, en degre d'appel, letribunal de premiere instance etaient competents pour connaitre de lademande de la defenderesse, les juges d'appel meconnaissent la notiond'accident de la circulation visee à l'article 601bis du Code judiciaireet violent les articles 568, 577, alinea 1er, et 601bis du Codejudiciaire.

Le moyen est fonde.

Quant au renvoi :

9. Lorsqu'elle casse une decision du chef de la violation d'une regle enmatiere de competence, la Cour de cassation renvoie la cause, si possible,devant le tribunal competent qu'elle designe, conformement à l'article660 du Code judiciaire.

Eu egard aux elements de fait constates par le jugement attaque, letribunal de premiere instance de Malines est competent pour connaitre dela cause et statuer par une decision susceptible d'appel.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant le tribunal de premiere instance de Malines,autrement compose, pour connaitre de la cause et statuer par une decisionsusceptible d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, le president de section ErnestWauters, les conseillers Eric Dirix, Eric Stassijns et Albert Fettweis, etprononce en audience publique du six fevrier deux mille neuf par lepresident Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat general GuyDubrulle, avec l'assistance du greffier Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du president de section Paul Mathieuet transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le president de section,

6 FEVRIER 2009 C.07.0341.N/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 06/02/2009
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.07.0341.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-02-06;c.07.0341.n ?
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