Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.05.0414.F
S. J.-P.,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Cecile Draps, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11, ou il est faitelection de domicile,
contre
S. A., defenderesse en cassation,
representee par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 29 janvier2004 et 20 avril 2005 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le president Christian Storck a fait rapport.
L'avocat general Andre Henkes a conclu.
II. Les moyens de cassation
Le demandeur presente sept moyens, dont le premier, le deuxieme, letroisieme et le septieme sont libelles dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions legales violees
- articles 815, 1405, 2DEG, 1427 à 1450 et 1466 à 1469 du Code civil ;
- articles 14, 17, 628, 2DEG, 1138, 2DEG, et 1207 à 1255 du Codejudiciaire ;
- article 149 de la Constitution ;
- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque du 20 avril 2005 rec,oit l'appel incident forme par ledemandeur en ce qu'il tendait, à titre subsidiaire, à voir reformer lejugement ayant dit irrecevable pour cause de litispendance sa demandereconventionnelle relative à l'indemnite d'occupation, le dit non fondeet dit la demande du demandeur « en paiement d'une indemnite d'occupationdu domicile conjugal pendant la procedure en divorce irrecevable pourdefaut de qualite dans le present litige », par tous ses motifsconsideres ici comme integralement reproduits et plus particulierement auxmotifs que
« La cour [d'appel] a decide en son arret du 29 janvier 2004 que la causeintroduite par la citation du 21 mars 2001 est fondee sur lareconnaissance de dette et est independante de la demande enliquidation-partage ;
La cour [d'appel] a egalement constate que [le demandeur] etait à lacause en tant que debiteur d'une reconnaissance de dette et non en tantqu'epoux de [la defenderesse] ;
Dans ces circonstances, il y a uniquement lieu de statuer sur la demandeen remboursement du pret en vertu de la reconnaissance de dette et sur lesdemandes connexes entre patrimoines propres ;
[Le demandeur] n'etant pas à la cause en qualite d'epoux [de ladefenderesse], sa demande en paiement d'une indemnite d'occupation dudomicile conjugal pendant la procedure en divorce est irrecevable, carelle est faite en sa qualite d'epoux ».
Griefs
Premiere branche
En l'espece, le demandeur soutenait, dans son action reconventionnelle,qu'il etait titulaire d'un droit exclusif de propriete sur le bien sis àLasne et entendait voir condamner la defenderesse à lui payer uneindemnite pour l'occupation de ce bien propre pendant l'instance endivorce, indemnite qu'il entendait voir compenser avec les sommes dues àla demanderesse.
En vertu de l'article 17 du Code judiciaire, l'action en justice estrecevable lorsque le demandeur a qualite et interet pour agir ; la qualiteest le pouvoir en vertu duquel une personne exerce l'action en justice ;une demande reconventionnelle est, au sens de l'article 14 du Codejudiciaire, une demande introduite par un defendeur au cours d'uneinstance et qui tend à faire prononcer une condamnation à charge dudemandeur.
Le demandeur sur reconvention avait, partant, qualite pour agir lorsqu'ilpretendait etre titulaire d'un droit subjectif lui permettant de voircondamner l'autre partie au paiement d'une somme d'argent susceptibled'etre compensee avec les sommes dont il serait redevable sur la base del'action principale. La circonstance que le demandeur sur reconventionn'etait pas à la cause en la meme qualite sur l'action principale estsans incidence sur la recevabilite de son action.
S'il doit etre interprete en ce sens qu'il dit l'action reconventionnelledu demandeur irrecevable sur la base des articles 14 et 17 du Codejudiciaire parce que, dans cette action, il n'etait pas à la cause en saqualite de « debiteur d'une reconnaissance de dette », l'arret attaqueviole ces dispositions.
Deuxieme branche
Il ressort des faits de la cause constates par l'arret du 29 janvier 2004que les parties etaient mariees sous le regime de la separation de biens,que la defenderesse avait finance partiellement l'immeuble sis à Lasne encontractant un emprunt dont elle poursuivait le remboursement devant letribunal de premiere instance de Bruxelles, que cet immeuble, construitsur un terrain propre au demandeur, etait propre à celui-ci, ladefenderesse ayant renonce à toute pretention à des droits immobilierssur cet immeuble.
En vertu des articles 1446 à 1469 du Code civil, le regime de laseparation de biens est un regime dans lequel chacun des epoux a lapropriete exclusive et la gestion independante de ses biens comme s'iln'etait pas marie.
Les fruits d'un bien propre sont propres, la regle de l'article 1405,2DEG, du Code civil n'etant pas applicable.
Lorsque l'un des epoux pretend à une indemnite pour l'occupationexclusive par son conjoint ou ex-conjoint d'un bien qui lui est propre, ilne pretend pas à un partage au sens des articles 815 du Code civil et1469 du Code judiciaire et sa creance n'est pas regie par les reglesrelatives à la dissolution du regime legal au sens des articles 1427 à1450 du Code civil.
En regle, la separation de biens ne donne pas lieu à des operations deliquidation et de partage.
Lorsqu'il existe des biens indivis, il y a certes lieu de proceder à leurpartage au sens des articles 815 et 1469 du Code civil, conformement auxregles du partage judiciaire des articles 1207 à 1255 du Codejudiciaire ; en vertu de l'article 628, 2DEG, du Code judiciaire, le jugede la derniere residence conjugale est seul competent pour en connaitre.
Sans doute les epoux ou ex-epoux peuvent-ils soumettre aux notaires commissur la base de l'article 1209 du Code judiciaire et au tribunal depremiere instance charge de statuer sur toutes les contestations dont ilest saisi sur la base du meme article et d'homologuer l'etat liquidatifapres avoir tranche les dires et difficultes souleves par les parties(article 1223 du Code judiciaire) leurs creances portant sur des bienspropres mais il n'existe aucune regle de droit qui le leur impose.
Il n'existe en effet pas d'unite d'operation entre le partage des biensindivis et l'action en reddition de comptes resultant de creances portantsur des biens propres.
La creance portant sur l'occupation par un conjoint ou ex-conjoint d'unbien propre de l'autre conjoint ou ex-conjoint peut, comme la creanceresultant de l'emprunt contracte par l'un des conjoints ou ex-conjointspour financer un bien propre à l'autre, etre dissociee des operations deliquidation et de partage, de sorte que l'action en paiement del'indemnite d'occupation peut etre introduite sous la forme d'une actionreconventionnelle devant le juge saisi de l'action en remboursement del'emprunt.
S'il fonde sa decision d'irrecevabilite de l'action reconventionnelle surce que l'indemnite d'occupation ne peut etre reclamee que devant le jugecharge de la liquidation-partage des biens indivis, l'arret attaquemeconnait la regle de base de l'article 1446 du Code civil qui veut que,pour ce qui concerne leurs biens propres, la qualite de conjoint oud'ex-conjoint des epoux est indifferente, meconnait la notion de partagejudiciaire au sens des articles 815 et 1469 du Code civil, partage qui neconcerne que les biens indivis, et les regles relatives à la saisine dutribunal de premiere instance et des notaires dans le cadre du partagedesdits biens (violation des articles 1207 à 1255 du Code judiciaire)ainsi que la regle de competence territoriale de l'article 628, 2DEG, duCode judiciaire. S'il s'appuie sur les dispositions relatives à laconsistance de l'actif de la communaute et à la liquidation du regimematrimonial de communaute, il viole ces dispositions qui ne sont pasapplicables à la separation de biens (violation des articles 1405, 2DEG,1427 à 1450 du Code civil).
Troisieme branche
Dans ses conclusions de synthese apres reouverture des debats, ledemandeur soutenait que, dans le contexte du premier arret, il avait« renonce à faire valoir son droit à l'indemnite d'occupation devant lenotaire instrumentant ».
S'il doit etre interprete en ce sens qu'il dit irrecevable la demande dudemandeur tendant à voir condamner la defenderesse au paiement d'uneindemnite d'occupation parce que cette demande reste soumise aux notairesdans le cadre des operations de liquidation et de partage de l'indivision,l'arret attaque, à defaut de rencontrer cette defense circonstanciee,n'est pas regulierement motive (violation de l'article 149 de laConstitution).
Quatrieme branche
L'arret attaque ne conteste pas que le bien pour l'occupation duquel ledemandeur pretendait à une indemnite est un bien qui lui est propre. Ilse declare d'autre part competent pour connaitre des « demandes connexesentre patrimoines propres » mais se refuse à connaitre de l'action enpaiement d'une indemnite pour l'occupation d'un bien propre au demandeur.L'arret attaque est, partant, empreint de contradiction, cettecontradiction equivalant à une absence de motifs (violation de l'article149 de la Constitution).
Cinquieme branche
Si, par le motif qu'il ne peut statuer que sur les « demandes entrepatrimoines propres », l'arret attaque du 20 avril 2005 decide quel'indemnite d'occupation ne porte pas sur un immeuble propre au demandeur,il eleve une contestation dont les conclusions des parties excluaientl'existence, la defenderesse ayant expressement reconnu dans sa requeted'appel qu'elle n'avait aucun droit sur cet immeuble. Dans cettehypothese, l'arret attaque viole egalement les droits de la defense dudemandeur qui n'a pas ete amene à conclure sur la circonstance que lebien pour l'occupation duquel il pretendait à une indemnite d'occupationlui etait propre (violation de l'article 1138, 2DEG, du Code judiciaire etdu principe general du droit relatif au respect des droits de la defense).
Deuxieme moyen
Dispositions legales violees
Articles 23 à 28 et 628, 2DEG, du Code judiciaire
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque du 29 janvier 2004 decide qu'il n'y a pas litispendanceentre les causes respectivement introduites par la defenderesse par sesexploits des 9 janvier 1998 et 21 mars 2001 et dit la demande originairerecevable, par tous ses motifs consideres ici comme integralementreproduits et plus particulierement aux motifs repris aux cinquieme àneuvieme feuillets.
L'arret attaque du 20 avril 2005 condamne le demandeur au paiement dessommes de 131.116 euros et de 2.829, 31 euros en principal ainsi qu'auxinterets moratoires, par tous ses motifs consideres ici commeintegralement reproduits.
Griefs
Ainsi que le constate l'arret attaque du 29 janvier 2004, le tribunal depremiere instance de Nivelles a, par jugement du 17 fevrier 1998, « ditqu'il sera procede aux operations d'inventaire, comptes, liquidation etpartage de la communaute ayant existe entre les parties ». Ce jugementest interprete par ledit arret comme ayant statue sur une demande de ladefenderesse qui « tendait en realite à sortir de l'indivision quis'etait immanquablement constituee entre les parties pendant les seize ansde leur vie commune ». Cet arret releve que la citation « visaitexpressement le mobilier impartageable en nature, dont la vente publiqueetait demandee ».
S'il ressort des articles 815 et 1446 à 1469 du Code civil et desarticles 1207 à 1255 du Code judiciaire que, des qu'existe une indivisionentre epoux ou ex-epoux separes de biens, le tribunal qui a ordonne lepartage judiciaire et les notaires commis pour y proceder doiventnecessairement connaitre de toutes les pretentions des epoux ou ex-epouxpour ce qui concerne leurs biens propres, alors 1DEG ces dispositionslegales creent necessairement les conditions de la litispendance au sensde l'article 27 du Code judiciaire et le juge de la derniere residenceconjugale est seul competent pour connaitre desdites pretentions en vertude l'article 628, 2DEG, du Code judiciaire et 2DEG la decision de cetribunal qui dit qu'il sera procede aux operations d'inventaires, comptes,liquidation et partage de l'indivision a autorite de chose jugee au sensde l'article 23 du Code judiciaire en ce qu'elle saisit les notaires deleur mission de proceder aux comptes entre les parties sans aucunelimitation, avec la consequence que seul ce tribunal est charge de seprononcer sur les difficultes que souleve l'etat liquidatif.
En decidant que la defenderesse pouvait soustraire à la competence dutribunal de premiere instance de Nivelles charge de la liquidation-partageet aux notaires charges d'etablir le proces-verbal des dires etdifficultes le litige portant sur le paiement de sa creance propre,l'arret attaque du 29 janvier 2004 viole toutes les dispositions legalesvisees au moyen ; par voie de consequence, l'arret attaque du 20 avril2005, qui condamne le demandeur à regler cette creance à ladefenderesse, viole ces memes dispositions.
Troisieme moyen
Dispositions legales violees
- articles 19, 23 à 28 et 1138, 3DEG, du Code judiciaire ;
- articles 1139, 1146 et 1153 du Code civil.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque du 20 avril 2005 condamne le demandeur à payer à ladefenderesse la somme de 131.116 euros comprenant des interets moratoiresà dater du 7 avril 1991, le condamne à payer les interets moratoires surtoute cette somme à dater du 15 decembre 2004 jusqu'au jour du parfaitpaiement et le condamne à payer les interets moratoires à dater du 24mai 1991 jusqu'au jour du parfait paiement sur la somme de 2.829,31 euros,par tous ses motifs consideres ici comme integralement reproduits et plusparticulierement aux motifs que « le demandeur ne conteste pas la detteen tant qu'elle repose sur la reconnaissance de dette, ni son indexation.Il evalue sa dette à 54.094,53 euros. Il conteste la mise en demeure maisla cour [d'appel] a decide dans son arret du 29 janvier 2004 que [ladefenderesse] a mis [le demandeur] en demeure le 7 avril 1991.Actuellement la cour [d'appel] ne saurait revenir sur cetteconstatation ».
Griefs
Dans ses conclusions additionnelles d'appel deposees au greffe le19 novembre 2003, le demandeur soutenait que « les mises en demeurelancees par [la defenderesse] en 1991 ne peuvent etre retenues, celles-ci[ne lui] ayant jamais ete adressees valablement ».
Dans ses conclusions de synthese apres l'arret du 29 janvier 2004, ledemandeur soutenait, à propos de la mise en demeure du 7 avril 1991, quela defenderesse l'adressa à son conseil de l'epoque, Maitre Graindorge,que celui-ci « n'avait pas mandat de receptionner le courrier que [ladefenderesse] lui adressait à l'epoque, de maniere intempestive, si bienqu'il le renvoya à sa destinataire ».
En vertu de l'article 19 du Code judiciaire, le juge n'epuise sajuridiction et n'est, partant, dessaisi que lorsqu'il a prononce unjugement definitif sur une question litigieuse. L'autorite de chose jugeeau sens des articles 23 à 28 du Code judiciaire ne s'attache qu'à ce quele juge a decide sur un point litigieux et à ce qui, en raison de lacontestation portee devant lui et dont les parties ont pu debattre,constitue le fondement necessaire de sa decision.
L'arret attaque du 29 janvier 2004 releve certes dans son expose des faitset antecedents de la cause que, « par une premiere lettre du 7 avril 1991recommandee à la poste, [la defenderesse] a mis son mari en demeure derembourser le pret; [que] cette lettre fait etat d'un accord surl'obligation de remboursement 'remontant à plus de deux ans' ; [que]cette lettre est suivie d'une seconde lettre recommandee, datee du 24 mai1991, mettant à nouveau son mari en demeure de lui rembourser le pret ».Toutefois, il constate expressement que « les parties en litige sontconvenues de limiter le debat au probleme de la litispendance de lapresente cause et de celle qui a ete introduite devant le tribunal depremiere instance de Nivelles par exploit du9 janvier 1998 ».
La constatation de cet arret quant aux mises en demeure des 7 avril et 24mai 1991 n'est pas le soutien necessaire du dispositif disant qu'il n'y apas litispendance entre les causes respectivement introduites par ladefenderesse les 9 janvier 1998 et 21 mars 2001. Le juge d'appel n'etaitdonc pas, à ce stade de la procedure, saisi de la contestation relativeaux mises en demeure. Cet arret n'a, partant, pas dessaisi le juge d'appelde la question de la validite des mises en demeure des 7 avril et 24 mai2001. Il lui appartenait en consequence de trancher cette questionlitigieuse. En refusant de le faire au motif qu'il ne pouvait revenir surla constatation du premier arret relative à cette mise en demeure du 7avril 1991, l'arret attaque du 20 avril 2005 viole les articles 19 et 23à 28 du Code judiciaire ainsi que, en omettant de se prononcer sur chosedemandee, l'article 1138, 3DEG, du meme code.
En outre, en vertu des articles 1139, 1146 et 1153 du Code civil, pourpouvoir pretendre à des interets moratoires, le creancier doit avoirexprime clairement et d'une maniere non equivoque à son debiteur savolonte de voir executer l'obligation. En condamnant le demandeur à payerune somme de 131.116 euros comprenant des interets moratoires à dater du7 avril 1991 sans constater que la defenderesse a, à cette date, exprimeclairement et de maniere non equivoque à destination du demandeur savolonte de le voir rembourser l'emprunt contracte, l'arret attaque violeces dispositions legales.
Septieme moyen
Dispositions legales violees
* article 1315 du Code civil ;
* article 870 du Code judiciaire ;
* article 149 de la Constitution.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque du 20 avril 2005 condamne le demandeur à payer à ladefenderesse la somme de 2.829,31 euros à augmenter des interetsmoratoires à dater du 24 mai 1991 jusqu'au jour du parfait paiement auxmotifs que
« La demande est fondee en ce qui concerne :
- la boite aux lettres : 15.795 francs
- accessoires sanitaires : 12.052 francs
- chalet de jardin : 32.994 francs
- placard 5 portes : 30.720 francs
- systeme d'ouverture automatique de la porte du garage :
19.928 francs
- clenches en laiton des portes et fenetres : 2.645 francs
Total : 114.134 francs ou 2.829,31 euros.
Le prix de ces objets est du selon leur valeur à neuf, au moment del'achat, et la somme doit etre augmentee des interets moratoires à daterde la mise en demeure du 24 mai 1991 ».
Griefs
Dans ses conclusions de synthese apres l'arret du 29 janvier 2004, ledemandeur soutenait, à propos de la pretention de la defenderesse à unremboursement pour des investissements immobiliers, qu' « il ne fautretenir que les paiements dont [la defenderesse] apporte la preuveirrefutable qu'elle en est l'auteur ».
Plus particulierement, en ce qui concerne l'achat de la boite aux lettreset des accessoires sanitaires en chrome, le demandeur faisait grief à ladefenderesse de ne pas apporter la preuve des paiements, soutenant enoutre à titre subsidiaire qu'il ne pourrait etre rembourse qu'à unevaleur residuelle, sinon pas du tout, la defenderesse ayant tout laissealler à « vau l'eau ».
Quant au chalet de jardin, il soutenait que, « outre que [ladefenderesse] l'a laisse à l'abandon, sans entretien, la facture est aunom des deux parties et devra des lors entrer dans les comptes deliquidation de l'indivision existant entre elles ».
Quant aux placards à cinq portes et à la porte de garage, le demandeursoutenait, que pour ces deux objets, il y avait lieu d'appliquer uncoefficient de vetuste d'au moins 80 p.c.
Premiere branche
Par aucune consideration l'arret ne rencontre ces defensescirconstanciees. Il n'est, partant, pas regulierement motive (violation del'article 149 de la Constitution).
Seconde branche
En vertu des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire,l'epoux ou ex-epoux qui se pretend creancier de l'autre pour avoir investidans son immeuble propre doit en apporter la preuve. En condamnant ledemandeur à rembourser à la defenderesse l'investissement consistantdans la boite aux lettres et les accessoires sanitaires ainsi que lechalet de jardin sans constater que la defenderesse avait paye, ou payeseule, ces investissements, l'arret attaque viole les regles relatives àla charge de la preuve (violation des articles 1315 du Code civil et 870du Code judiciaire).
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la premiere branche :
La circonstance que le demandeur sur reconvention n'est pas à la cause enla meme qualite dans l'action principale est sans incidence sur larecevabilite de son action.
L'arret, qui declare irrecevable la demande reconventionnelle du demandeuren payement d'une indemnite d'occupation du domicile conjugal pendant laprocedure en divorce au motif que cette demande est formulee en qualited'epoux de la defenderesse alors que le demandeur n'est pas à la cause encette qualite dans l'action principale, viole l'article 14 du Codejudiciaire.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
Sur le deuxieme moyen :
Lorsqu'il existe une indivision entre epoux ou ex-epoux separes de biens,le juge qui ordonne le partage peut charger les notaires commis pour yproceder de connaitre de toutes les pretentions des epoux ou ex-epoux pource qui concerne leurs biens propres.
Le moyen, qui repose sur l'affirmation que le juge qui a ordonne lepartage et les notaires commis pour y proceder doivent necessairementconnaitre de toutes ces pretentions, manque en droit.
Sur le troisieme moyen :
L'arret attaque du 20 avril 2005 considere que « [le demandeur] contestela mise en demeure mais [que] la cour [d'appel] a decide dans son arret du29 janvier 2004 que [la defenderesse] a mis [le demandeur] en demeure le 7avril 1991 ».
Si l'arret du 29 janvier 2004 constate que, « par une premiere lettre du7 avril 1991, recommandee à la poste, [la defenderesse] a mis son mari endemeure de rembourser le pret », il ne ressort pas des pieces auxquellesla Cour peut avoir egard que les parties eussent alors debattu devant lacour d'appel de l'effet que cette lettre recommandee pouvait produirequant à la prise de cours des interets.
En se tenant pour dessaisi de cette question, l'arret viole l'article 19,alinea 1er, du Code judiciaire.
Dans cette mesure, le moyen est fonde.
Sur le septieme moyen :
Quant à la premiere branche :
Par aucune consideration, l'arret attaque du 20 avril 2005 ne repond auxconclusions du demandeur reproduites au moyen.
Celui-ci, en cette branche, est fonde.
Sur les autres griefs :
Il n'y a lieu d'examiner ni le surplus du premier moyen et du troisiememoyen ni les quatrieme, cinquieme et sixieme moyens, qui ne sauraiententrainer une cassation plus etendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque du 20 avril 2005 en tant qu'il declare irrecevablela demande du demandeur en payement d'une indemnite d'occupation dudomicile conjugal pendant la procedure en divorce, en tant qu'il condamnele demandeur à payer à la defenderesse les sommes de 131.116 eurosmajoree des interets moratoires depuis le 15 decembre 2004 et de 2.829,31euros majoree des interets moratoires depuis le 24 mai 1991, et en tantqu'il statue sur les depens ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Albert Fettweis, Sylviane Velu et Martine Regout, et prononce en audiencepublique du dix-huit decembre deux mille huit par le president Storck, enpresence de l'avocat general Andre Henkes, avec l'assistance du greffierMarie-Jeanne Massart.
18 DECEMBRE 2008 C.05.0414.F/16