Cour de cassation de Belgique
Arrêt
541
*401
N° P. 08.0723.F
V. G.,
prévenu,
demandeur en cassation,
représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation.
contre
REGION WALLONNE, représentée par son gouvernement, poursuites etdiligences du ministre du Budget, des Finances, de l'Equipement et duPatrimoine,
partie civile,
défenderesse en cassation,
représentée par Maîtres Lucien Simont et Paul Alain Foriers, avocats à laCour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise,149, où il est fait élection de domicile.
I. la procédure devant la cour
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 1^er avril 2008 par letribunal correctionnel de Charleroi, statuant en degré d'appel.
Le demandeur fait valoir un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt,en copie certifiée conforme.
Le conseiller Jocelyne Bodson a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. la décision de la cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Les règles de la preuve en matière répressive sont étrangères à l'appréciation de la recevabilité de l'action civile exercée pour et aunom d'une personne morale.
En vertu de l'article 82 de la loi spéciale de réformes institutionnellesdu 8 août 1980, le gouvernement représente la Région dans les actesjudiciaires et celle-ci exerce l'action au nom du gouvernement, poursuiteset diligences du membre désigné par celui-ci.
La délégation par le ministre du pouvoir d'ester en justice dans lesmatières relevant de sa compétence n'enlève pas ce pouvoir à l'autoritéqui le délègue.
De la délégation accordée à un fonctionnaire placé sous l'autoritéhiérarchique du ministre, il ne se déduit pas que la recevabilité del'action mue aux poursuites et diligences de ce ministre dans les matièresqui lui sont légalement dévolues, soit subordonnée à la production enjustice d'une preuve que ce fonctionnaire a décidé d'exercer laditeaction.
A cet égard, le moyen, en cette branche, manque en droit.
Pour le surplus, il n'est pas contradictoire d'énoncer, d'une part, quel'action civile de la défenderesse est recevable parce qu'elle est exercéeaux poursuites et diligences du ministre compétent et, d'autre part, quela décision d'intenter l'action en justice a été valablement prise par lefonctionnaire placé sous l'autorité hiérarchique de ce ministre etbénéficiant d'une délégation de pouvoir à cette fin.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la deuxième branche :
Il est fait grief aux juges d'appel d'avoir décidé que dans la mesure oùil admet la régularité du mandat du conseil de la défenderesse, ledemandeur ne peut ni contester que la décision d'ester en justice ait étéprise régulièrement par l'autorité compétente de la défenderesse, nisolliciter la production de cette décision.
En tant qu'il invoque les règles relatives à la preuve en matière pénale,lesquelles sont étrangères à l'appréciation de la recevabilité de l'actioncivile exercée pour et au nom d'une personne morale, le moyen, en cettebranche, manque en droit.
Pour le surplus, suivant l'article 703, alinéas 3 et 4, du Codejudiciaire, la partie contre laquelle est invoqué un acte de procédureaccompli au nom d'une personne morale est, certes, en droit d'exiger entout état de cause que celle-ci lui indique l'identité des personnesphysiques qui sont ses organes, et il pourra être sursis au jugement de lacause tant qu'il n'aura pas été satisfait à cette demande. Toutefois,cette règle n'a été prévue par le législateur que dans l'intérêt d'uneinformation légitime de ladite partie, à titre de renseignement, et ledéfaut de cette indication ne peut suffire à lui seul à établir que l'acteainsi accompli au nom de la personne morale n'a pas été autorisé parcelle-ci.
Par ailleurs, l'article 440, alinéa 2, du Code judiciaire, applicable enmatière répressive, prévoit que l'avocat comparaît comme fondé de pouvoirssans avoir à justifier d'aucune procuration, sauf lorsque la loi exige unmandat spécial. Hormis ce dernier cas, l'avocat qui accomplit un acte deprocédure devant une juridiction de l'ordre judiciaire et se limite à déclarer agir au nom d'une personne morale dûment identifiée parl'indication de sa dénomination, de sa nature juridique et de son siègesocial, est légalement présumé avoir reçu à cette fin un mandat régulierde l'organe compétent de cette personne morale.
Cette présomption est réfragable. Une partie peut alléguer que la décisiond'accomplir un acte de procédure n'a pas été approuvée par les organes dela personne morale et n'émane pas de cette dernière, mais la charge de lapreuve incombe à cette partie.
Il apparaît des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que l'avocat dela défenderesse a déclaré intervenir dans l'instance formée contre ledemandeur, comme partie civile pour la Région wallonne, représentée parson gouvernement, poursuites et diligences du ministre du Budget, duLogement, de l'Equipement et des Travaux publics. Le jugement relève, parailleurs, que le demandeur « ne conteste pas le mandat donné au conseil dela [défenderesse] pour se constituer partie civile, ni ne soutient que cemandat lui aurait été retiré ».
Partant, les juges d'appel n'ont pas violé les dispositions légalesinvoquées, en déclarant l'action civile recevable sans que la défenderessene doive produire la décision administrative autorisant son exercice.
Le moyen, en cette branche, ne peut, à cet égard, être accueilli.
Quant à la troisième branche :
Le jugement ne considère pas que le demandeur devait réclamer une copie dela décision administrative dans un délai déterminé. Il ne décide pas nonplus qu'à défaut de l'avoir fait, le demandeur a renoncé à ses droits.
Le jugement se borne à relever que, s'étant abstenu de solliciter auprèsde l'administration la consultation de la décision ou sa communication encopie, le demandeur n'a pas renversé devant le tribunal la présomption del'existence d'un mandat conféré par l'organe compétent de la personnemorale à l'avocat agissant pour elle et en son nom.
Reposant sur une interprétation inexacte du jugement, le moyen, en cettebranche, manque en fait.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante-neuf euros sept centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Jean de Codt, président de section, Paul Mathieu, BenoîtDejemeppe, Jocelyne Bodson et Pierre Cornelis, conseillers, et prononcé enaudience publique du douze novembre deux mille huit par Jean de Codt,président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général,avec l'assistance de Patricia De Wadripont, greffier adjoint principal.
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| P. De Wadripont | P. Cornelis | J. Bodson |
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| B. Dejemeppe | P. Mathieu | J. de Codt |
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12 NOVEMBRE 2008 P.08.0723.F/1
La soussignée Patricia De Wadripont, greffier adjoint principal à la Courde cassation, constate que Madame le conseiller Jocelyne Bodson est dansl'impossibilité de signer l'arrêt.
Cette déclaration est faite en vertu de l'article 785, alinéa 1^er, duCode judiciaire.
Bruxelles, le 13 novembre 2008.
Le greffier adjoint principal,
(sé) P. De Wadripont
J. Pigeolet