Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG F.07.0002.F
ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences dudirecteur regional des contributions directes à Mons, dont les bureauxsont etablis à Mons, digue des Peupliers, 71,
demandeur en cassation,
contre
1. C. J.-P. et
2. K. A.,
defendeurs en cassation,
ayant pour conseil Maitre Bruno Wagenaere, avocat au barreau de Mons, dontle cabinet est etabli à Braine-le-Comte, rue Pere Damien, 1.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 6 septembre2006 par la cour d'appel de Mons.
Le president de section Claude Parmentier a fait rapport.
L'avocat general Andre Henkes a conclu.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 307, 353, alinea 1er, 354, alinea 1er, et 359 du Code desimpots sur les revenus 1992, tels qu'ils etaient applicables pourl'exercice d'imposition 1994, lesquels sont d'ordre public en ce qu'ilsdeterminent des delais d'imposition ;
- pour autant que de besoin, article 1er et annexe à l'arrete royal du17 mars 1994 determinant le modele de la formule de declaration à l'impotdes personnes physiques pour l'exercice d'imposition 1994.
Decisions et motifs critiques
Apres avoir constate :
- que « (le defendeur) est fonctionnaire au service du secretariatinternational de l'Organisation du Traite de l'Atlantique Nord (ci-apresOTAN) à Bruxelles depuis le 6 novembre 1978 » ;
- qu' « à ce titre, il beneficie de l'application de l'article 19 de laConvention d'Ottawa du 20 septembre 1951 sur le statut de l'organisationinternationale precitee, des representants nationaux et du personnelinternational, qui l'exonere totalement d'impot sur les emoluments versespar cette organisation internationale (voir lettre du 1er juin 1995 duchef de service gestion du personnel de l'OTAN) » ;
- que « son epouse exerce la profession d'enseignante » ;
- que « dans sa declaration à l'impot des personnes physiques del'exercice d'imposition 1994, (le defendeur) a mentionne dans le cadre I(renseignements d'ordre personnel) sa qualite de fonctionnaireinternational durant l'annee 1993 sous la rubrique 'profession exercee en1993' et a annexe la lettre du 1er juin 1995 du chef du personnel del'OTAN precitee, en omettant toutefois de cocher la case 'situation au 1erjanvier 1994: fonctionnaire international ou conjoint de fonctionnaireinternational devant etre impose comme isole' » ;
l'arret attaque rappelle « qu'en regle, l'etablissement de l'impot dansle delai ordinaire d'imposition, qui expire le 30 juin de l'annee suivantcelle de l'exercice d'imposition, ne vaut que s'il est satisfait auxconditions suivantes :
- la declaration doit avoir ete presentee dans le delai legal ;
- la declaration doit repondre à toutes les conditions de forme ;
- les revenus et autres elements (charges, deductions, ...) mentionnesdans la declaration ne peuvent etre sujets à la moindre discussion(...) » ;
et decide :
- « qu'en ce qui concerne l'appreciation de la deuxieme condition, iln'est pas admissible que l'administration fiscale taxe un contribuableau-delà du delai ordinaire d'imposition lorsque tous les elementspermettant d'apprecier correctement la rubrique `renseignementspersonnels' sont entre ses mains, fut-ce au prix d'une lecture attentived'une annexe » ;
- que « l'absence de croix sous la case `fonctionnaire international ouconjoint de fonctionnaire international devant etre impose comme isole' nepeut ouvrir le delai extraordinaire d'imposition de trois ans vise àl'article 354, alinea 1er, du Code des impots sur les revenus 1992,lorsqu'en l'espece, le contribuable renseigne sa qualite de fonctionnaireinternational sous la ligne `profession exercee en 1993' dans les memesrubriques `renseignements personnels' et annexe à sa declaration fiscaleune lettre circonstanciee de l'organisation internationale qui l'emploiedecrivant la base legale et le regime d'imposition privilegie de sesemoluments » ;
- « que, dans les circonstances particulieres decrites par la cour[d'appel], l'administration fiscale ne peut prendre appui sur cettenegligence materielle pour justifier un enrolement en dehors du delaiordinaire d'imposition » ;
- « qu'un fonctionnaire taxateur consciencieux, informe de manierecomplete sur la situation personnelle du contribuable, aurait du remarquerimmediatement cette erreur materielle dans le cadre de l'examen ordinairede la declaration litigieuse (...) » ;
- « (...) qu'il appartenait à l'administration fiscale d'enroler lacotisation à l'impot des personnes physiques relative à l'exerciced'imposition 1994 jusqu'au 30 juin de l'annee suivant celle dont lemillesime designe l'exercice d'imposition, en application des articles 353et 359 du Code des impots sur les revenus 1992 » ;
- « que la cotisation litigieuse a ete enrolee le 3 decembre 1996 enmeconnaissance des regles de prescription de l 'etablissement del'impot » ;
En consequence, l'arret attaque annule la cotisation litigieuse pour causede forclusion.
Griefs
Si l'article 353 du Code des impots sur les revenus 1992 prevoit que« l'impot du sur la base des revenus et des autres elements mentionnessous les rubriques à ce destinees d'une formule de declaration repondantaux conditions de forme et de delais prevues aux articles 307 à 311(...), est etabli dans le delai fixe à l'article 359, (c'est-à-direjusqu'au 30 juin de l'annee suivant celle dont le millesime designel'exercice d'imposition) sans que ce delai puisse etre inferieur à sixmois à compter de la date à laquelle la declaration est parvenue auservice de taxation competent », l'article 354, alinea 1er, du meme codedispose, quant à lui, qu' « en cas d'absence de declaration, de remisetardive de celle-ci, ou lorsque l'impot du est superieur à celui qui serapporte aux revenus imposables et aux autres elements mentionnes sous lesrubriques à ce destinees d'une formule de declaration repondant auxconditions de forme et de delais prevues soit aux articles 307 à 311,(...), l'impot ou le supplement d'impot peut, par derogation à l'article359, etre etabli pendant trois ans à partir du 1er janvier de l'annee quidesigne l'exercice d'imposition pour lequel l'impot est du ».
Il resulte de l'economie de ces articles 353 et 354, alinea 1er, du Codedes impots sur les revenus 1992, que le delai prevu par la premiere de cesdeux dispositions ne vaut qu'en cas de declaration reguliere, souscrite àtemps et renseignant de maniere complete et exacte les «revenusimposables » et les « autres elements » dont la formule de declarationexige la mention, etant entendu que ces « autres elements » sont deselements de nature à influencer le calcul de l'impot à enroler et,partant, son montant.
Parmi ces « autres elements » figurent ceux que les contribuables sontinvites à mentionner à la rubrique « situation au 1.1.1994 » du cadreI « renseignements d'ordre personnel » du formulaire de declaration. Eneffet, le fait de cocher la case « marie » permet aux contribuablesd'eventuellement beneficier du quotient conjugal prevu par l'article 87 duCode des impots sur les revenus 1992, lequel dispose que « lorsque lacotisation est etablie au nom des deux conjoints et qu'un seul desconjoints beneficie de revenus professionnels, une quote-part (egale à 30p.c. de ces revenus sans exceder 270.000 francs) est imputee à l'autreconjoint », tandis que le fait de cocher la case « fonctionnaireinternational ou conjoint de fonctionnaire international devant etreimpose comme isole » exclut l'application de l'avantage fiscal queconstitue le quotient conjugal puisqu'il implique l'application del'article 128, alinea 1er, 4DEG, du Code des impots sur les revenus 1992,suivant lequel « (...) les personnes mariees sont considerees non commedes conjoints mais comme des isoles (...) lorsqu'un des conjointsrecueille des revenus professionnels qui sont exoneres conventionnellementet qui n'interviennent pas pour le calcul de l'impot afferent aux autresrevenus du menage, pour un montant superieur à 270.000 francs ».
En l'occurrence, les defendeurs ont souscrit leur declaration à l'impotdes personnes physiques, exercice d'imposition 1994, en cochant la case« marie », alors qu'il est constant qu'ils devaient cocher la case« fonctionnaire international ou conjoint de fonctionnaire internationaldevant etre impose comme isole ».
Le fait que cette erreur soit aisement decelable par l'agent taxateur auvu soit des documents annexes à la declaration, soit de la mention« fonctionnaire international » à la rubrique « profession exercee en1993 » du cadre I « Renseignements d'ordre personnel », n'est pas denature à justifier legalement la non-application de l'article 354, alinea1er, du Code des impots sur les revenus 1992.
En effet, d'une part, s'il est vrai que l'article 307 du Code des impotssur les revenus 1992 prescrit, en son paragraphe 1er, que « ladeclaration est faite sur une formule dont le modele est fixe par leRoi » et precise en son paragraphe 3, que « les documents, releves ourenseignements dont la production est prevue par la formule font partieintegrante de la declaration et doivent y etre joints », force est deconstater que la formule de declaration à l'impot des personnesphysiques, exercice d'imposition 1994, dont le modele est repris en annexeà l'arrete royal du 17 mars 1994 determinant le modele de la formule dedeclaration en matiere d'impot des personnes physiques, ne prevoit pas laproduction d'un document, releve ou renseignement quelconque de nature àsuppleer à l'omission de la mention que le defendeur devait porter à larubrique « fonctionnaire international ou conjoint de fonctionnaireinternational devant etre impose comme isole », de sorte que la lettre du1er juin 1995 du chef de service gestion du personnel de l'OTAN ne faitpas partie integrante de la declaration à l'impot des personnesphysiques, exercice d'imposition 1994, souscrite par les defendeurs et,partant, n'est pas à prendre en compte pour determiner l'impot « qui serapporte aux revenus imposables et aux autres elements mentionnes sous lesrubriques à ce destinees d'une formule de declaration repondant auxconditions de forme et de delais prevues aux articles 307 à 311 », ausens de l'article 354, alinea 1er, du Code des impots sur les revenus1992, auquel doit etre compare « l'impot ou le supplement d'impot »susceptible d'etre valablement etabli dans le delai fixe par ledit article354, alinea 1er.
D'autre part, le fait d'avoir mentionne « fonctionnaire international »sous la rubrique « profession exercee en 1993 » qui figure egalement aucadre I « Renseignements personnels », n'est pas davantage de nature àsuppleer à l'omission de la mention « fonctionnaire international ouconjoint de fonctionnaire international devant etre impose comme isole »puisque tous les fonctionnaires internationaux ne reunissent pasnecessairement les conditions requises par l'article 128, alinea 1er,4DEG, precite du Code des impots sur les revenus 1992 pour faire l'objetd'une imposition comme isole.
De ce qui precede, il resulte que l'arret attaque ne justifie paslegalement sa decision que « l'absence de croix sous la casefonctionnaire international ou conjoint de fonctionnaire internationaldevant etre impose comme isole 'ne peut ouvrir le delai extraordinaired'imposition de trois ans vise à l'article 354, alinea 1er, du Code desimpots sur les revenus 1992, lorsqu'en l'espece le contribuable renseignesa qualite de fonctionnaire international sous la ligne profession exerceeen 1993' dans les memes rubriques 'renseignements personnels' et annexe àsa declaration fiscale une lettre circonstanciee de l'organisationinternationale qui l'emploie decrivant la base legale et le regimed'imposition privilegie de ses emoluments » et que, par voie deconsequence, « la cotisation litigieuse a ete enrolee le 3 decembre 1996en meconnaissance des regles de prescription de l'etablissement de l'impot», mais il viole ainsi les dispositions legales visees au moyen etmeconnait le caractere d'ordre public des delais que celles-cideterminent.
III. La decision de la Cour
L'article 307 du Code des impots sur les revenus 1992, dans sa versionapplicable en l'espece, dispose en son paragraphe 1er que la declarationest faite sur une formule dont le modele est fixe par le Roi et qui estdelivree par le service designe à cet effet par le directeur general descontributions directes et, en son paragraphe 2, que la formule est remplieconformement aux indications qui y figurent, certifiee exacte, datee etsignee.
En vertu de l'article 354 du meme code, l'impot ou le supplement d'impotpeut, par derogation à l'article 359, etre etabli pendant trois ans àpartir du 1er janvier de l'annee qui designe l'exercice d'imposition pourlequel l'impot est du, non seulement en cas d'absence de declaration ou deremise tardive de celle-ci, mais aussi lorsque l'impot du est superieur àcelui qui se rapporte aux revenus imposables et aux autres elementsmentionnes sous les rubriques à ce destinees d'une formule de declarationrepondant aux conditions de forme et de delais prevues aux articles 307 à311.
La declaration fiscale doit, pour etre complete et reguliere, contenirtous les elements necessaires à l'etablissement de l'impot, de maniere àce que l'administration puisse, sur ces donnees et sans devoir recourir àdes elements extrinseques, determiner la dette d'impot et proceder àl'enrolement.
Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que, dans sadeclaration à l'impot des personnes physiques de l'exercice d'imposition1994, le demandeur a, dans le cadre relatif aux renseignements d'ordrepersonnel, à la rubrique « situation au 1er janvier 1994 », coche lacase « marie » et a omis de cocher la case « fonctionnaireinternational ou conjoint de fonctionnaire international devant etreimpose comme isole ».
Cette derniere mention constitue l'un des autres elements, au sens del'article 354 precite, dont la formule de declaration exige l'indicationet qui influencent le calcul de l'impot à enroler.
L'arret considere que, si le fonctionnaire taxateur avait ete plusconsciencieux, l'administration eut pu deceler aisement la negligence dudemandeur et imposer exactement celui-ci et decide « qu'il appartenait àl'administration fiscale d'enroler la cotisation à l'impot des personnesphysiques relative à l'exercice d'imposition 1994 jusqu'au 30 juin del'annee suivant celle dont le millesime designe l'exercice d'imposition,en application des articles 353 et 359 du Code des impots sur les revenus1992 ; que la cotisation litigieuse a ete enrolee le 3 decembre 1996 enmeconnaissance des regles de prescription de l'etablissement del'impot ».
L'arret viole, ce faisant, les articles 307 et 354 du Code des impots surles revenus 1992.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Sans avoir egard au memoire en reponse depose en dehors du delai prevu àl'article 1093 du Code judiciaire,
Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Claude Parmentier, les conseillersDidier Batsele, Albert Fettweis, Daniel Plas et Martine Regout, etprononce en audience publique du six novembre deux mille huit par lepresident de section Claude Parmentier, en presence de l'avocat generalAndre Henkes, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
6 NOVEMBRE 2008 F.07.0002.F/1