La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/10/2008 | BELGIQUE | N°C.06.0158.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 octobre 2008, C.06.0158.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0158.F

ROBERTI de WINGHE Guillaume, notaire de residence à Louvain,Naamsestraat, 37,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 14, ou il estfait election de domicile,

contre

1. L. F. et

2. C. I.,

domicilies à Orp-le-Grand, place du Onzieme Dragon Franc,ais, 8,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle

cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile.

NDEG C.06.0478.F

1. L. F. et...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0158.F

ROBERTI de WINGHE Guillaume, notaire de residence à Louvain,Naamsestraat, 37,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 14, ou il estfait election de domicile,

contre

1. L. F. et

2. C. I.,

domicilies à Orp-le-Grand, place du Onzieme Dragon Franc,ais, 8,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile.

NDEG C.06.0478.F

1. L. F. et

2. C. I.,

domicilies à Orp-le-Grand, place du Onzieme Dragon Franc,ais, 8,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile,

contre

1. B. F. et

2. H. M.,

domicilies à Louvain-la-Neuve, rue du Lac, 1,

defendeurs en cassation,

en presence de

ROBERTI de WINGHE Guillaume, notaire de residence à Louvain,Naamsestraat, 37,

partie appelee en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Les pourvois en cassation sont diriges contre l'arret rendu le 25 avril2005 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Les faits

Tels qu'ils ressortent de l'arret attaque et des pieces auxquelles la Courpeut avoir egard, les faits de la cause et les antecedents de la procedurepeuvent etre ainsi resumes :

F. B. et M. H. ont vendu un immeuble sis au numero 36 de la rue de laDemi-Lune à Mont-Saint-Guibert à F. L. et à I. C. suivant un compromisde vente signe le 23 juillet 1998 en l'etude du notaire Guillaume Robertide Winghe, designe par les acheteurs.

Ce compromis de vente stipulait que le bien etait vendu « avec toutes lescharges et servitudes qui peuvent le grever ou l'avantager, notammentcelles pouvant resulter du titre de propriete du vendeur ou desproprietaires anterieurs », et que l'acquereur declarait « avoir prisconnaissance du titre de propriete du vendeur ».

Il precisait ce qui suit : « Le vendeur declare qu'il n'existe à saconnaissance pas d'autres charges ou servitudes grevant le bien que cellesreprises le cas echeant dans le titre de propriete, le permis de lotir etl'acte de division, ou aux conditions particulieres ci-apres ».

Ces conditions particulieres comportaient la clause suivante :« L'acquereur reconnait avoir rec,u copie de l'arret rendu par la courd'appel de Bruxelles le 3 mars 1998, attestant qu'il n'y a pas deservitude de passage acquise aux habitants de la maison nDEG 34, situeedans la meme rue que le bien predecrit ».

Cette decision statue en refere sur des mesures provisoires demandees parles proprietaires de l'immeuble voisin sur la base d'une servitude ou d'undroit de passage dont ils alleguaient l'existence au profit de leur fonds.

Ayant appris apres la signature du compromis de vente que cesproprietaires avaient introduit, le 20 mai 1997, une procedure enconciliation devant le juge de paix aux fins de voir reconnaitrel'existence de cette servitude ou de ce droit et reprochant aux vendeursde ne pas les avoir informes du conflit qui les opposait à leurs voisins,les acheteurs refuserent de passer l'acte authentique de vente.

Les vendeurs introduisirent contre les acheteurs une action en resolutionde la vente et en dommages et interets.

Les acheteurs solliciterent reconventionnellement l'annulation de la venteen raison du vice ayant, selon eux, affecte leur consentement, larestitution de l'acompte verse et l'octroi de dommages et interets. Ilsappelerent en outre le notaire en intervention aux fins de l'entendrecondamner à les garantir de toute condamnation qui serait prononcee àleur charge et à leur payer des dommages et interets.

Les vendeurs formerent, à leur tour, une demande incidente enresponsabilite contre le notaire.

Le jugement entrepris a annule la vente comme entachee de dol dans le chefdes vendeurs, a condamne ceux-ci à restituer aux acheteurs l'acomptequ'ils avaient perc,u et à leur payer des dommages et interets, et a ditla demande incidente non fondee et la demande reconventionnelle sansobjet.

Saisie de l'appel principal des vendeurs et d'un appel incident desacheteurs, la cour d'appel a, par l'arret attaque, dit la demandeprincipale des vendeurs fondee et la demande reconventionnelle non fondee.Declarant la demande des acheteurs contre le notaire partiellement fondee,elle a condamne celui-ci à les garantir de la condamnation prononceecontre eux jusqu'à concurrence des trois quarts et à les indemniser dansla meme proportion du prejudice complementaire qu'ils avaient subi.

III. Les moyens de cassation

A l'appui du pourvoi inscrit au role general sous le numero C.06.0158.F,le demandeur presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- article 1er de la loi du 25 ventose an XI (16 mars 1803) contenantl'organisation du notariat ;

- articles 1382 et 1383 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret decide que le demandeur a manque à son devoir de conseil etengage sa responsabilite (aquilienne) et, partant, le condamne à garantirles defendeurs des trois quarts des condamnations prononcees à leurcharge en faveur des epoux B.-H., vendeurs de l'immeuble litigieux, soit18.592,01 euros, outre la somme de 1.394,40 euros etant les trois quartsdu prejudice personnel des defendeurs, les interets et les trois quartsdes depens, aux motifs (en substance)

« Que le compromis de vente comporte, aux 'conditions particulieres', laclause suivante : 'L'acquereur (les defendeurs) reconnait avoir rec,u unecopie de l'arret rendu par la cour d'appel de Bruxelles le 3 mars 1998,attestant qu'il n'y a pas de servitude de passage acquise aux habitants dela maison nDEG 34, situee dans la meme rue que le bien predecrit' ;

[...]

Qu'en vain [...] le notaire (le demandeur) soutient que les declarationsdes vendeurs etaient 'inverifiables', des lors que l'examen des titres depropriete ne font pas mention de l'existence d'une servitude ;

Qu'il n'est pas reproche au notaire d'avoir fait croire à ses clientsqu'il n'y avait pas de servitude alors qu'il y en avait une ; qu'il luiest reproche de s'etre lui-meme - ou son employe - mepris sur la porteed'une decision de refere et d'avoir par consequent laisse ses clientspenser qu'en raison de l'arret de la cour d'appel, tout risque de voirreconnaitre aux voisins une servitude de passage ou un droit de passageetait definitivement exclu, sans les inviter au prealable à s'informerplus amplement de la situation ;

Que ces fautes sont bien en lien causal avec le dommage, des lors que,sans celles-ci, les [defendeurs] auraient compris quelle etait reellementla situation et auraient pu prendre leur decision en connaissance decause ».

Griefs

Premiere branche

Il est contradictoire de reprocher au demandeur d'avoir laisse lesdefendeurs penser que tout risque de servitude de passage etait exclu enraison de l'arret de la cour d'appel du 3 mars 1998 statuant en refere etde decider, d'autre part, que « [les defendeurs] ne peuvent pretendreignorer la portee d'une decision judiciaire rendue en refere, dont lestermes etaient suffisamment explicites pour comprendre qu'elle neprejugeait pas du fond du litige, [et que], par ailleurs, il est constantque le premier [defendeur] est juriste de formation ».

Des l'instant ou les termes de l'arret du 3 mars 1998 ne laissaient aucundoute sur son caractere seulement provisoire et si le premier defendeurdevait necessairement s'en rendre compte puisqu'il etait juriste, l'arretn'a pu, sans contredire ces constatations, decider ensuite que c'est ledemandeur qui, par un manquement à son devoir de conseil, a laisse croireaux defendeurs que l'arret du 3 mars 1998 excluait tout risque deservitude de passage.

En ce qu'elle est fondee sur des motifs contradictoires, la decision quiimpute au demandeur un manquement à son devoir de conseil et le condamneà garantir les defendeurs, à concurrence des trois quarts, descondamnations prononcees contre eux au profit des vendeurs de l'immeubleet à reparer, en plus, leurs dommages, n'est pas regulierement motivee(violation de l'article 149 de la Constitution).

Deuxieme branche

Cette decision n'est au surplus pas legalement justifiee.

L'arret n'a en effet pu considerer que le demandeur a manque à son devoirde conseil et ainsi commis une negligence engageant sa responsabilite envertu des articles 1382 et 1383 du Code civil alors qu'il constatait quela simple lecture de l'arret du 3 mars 1998 permettait aux defendeurs, entout cas au premier defendeur, juriste de formation, de savoir qu'ilsubsistait un risque de reconnaissance d'une servitude de passage auprofit de son voisin.

L'arret constate de maniere expresse

« Que le compromis de vente comporte, aux 'conditions particulieres', laclause suivante : 'L'acquereur (les defendeurs) reconnait avoir rec,u unecopie de l'arret rendu par la cour d'appel de Bruxelles le 3 mars 1998,attestant qu'il n'y a pas de servitude de passage acquise aux habitants dela maison nDEG 34, situee dans la meme rue que le bien predecrit' »,

et releve par ailleurs

« Que les [defendeurs] ne peuvent pretendre ignorer la portee d'unedecision judiciaire rendue en refere, dont les termes etaient suffisammentexplicites pour comprendre qu'elle ne prejugeait pas du fond du litige,alors par ailleurs qu'il est constant que le premier [defendeur] estjuriste de formation et qu'ils etaient de surcroit assistes de leurnotaire ».

Des lors, l'arret n'est pas legalement justifie en ce qu'il decide,nonobstant les constatations ci-dessus, que le demandeur aurait « laisseses clients penser qu'en raison de l'arret de la cour d'appel, tout risqued'[...] une servitude de passage et [d'un] droit de passage etait exclu »et qu'il aurait du « les inviter au prealable à s'informer plusamplement ».

En effet, il ne pourrait y avoir un manquement au devoir de conseil dunotaire prescrit par l'article 1er de la loi du 25 ventose an XI ou unefaute ou une negligence au sens des articles 1382 et 1383 du Code civilque si le juge avait constate que le demandeur n'avait pas mis au courantles defendeurs de la nature et du contenu exacts de l'arret de la courd'appel de Bruxelles du3 mars 1998 ou que les defendeurs n'etaient pas en mesure de comprendre laportee de cet arret (violation des dispositions legales citees en tete dumoyen, à l'exception de l'article 149 de la Constitution).

Troisieme branche

La decision selon laquelle « les fautes [du demandeur] sont bien en liencausal avec le dommage » n'est en tout cas pas legalement justifiee.

Si le juge du fond apprecie en fait, et partant souverainement,l'existence d'un lien causal entre la faute reprochee à une partie et ledommage, la Cour de cassation peut neanmoins controler si, des faitssouverainement constates par le juge, celui-ci a pu deduire l'existenced'un lien causal.

En l'occurrence, ayant constate que la simple lecture de l'arret du3 mars 1998 permettait aux defendeurs de se rendre compte que le risque del'existence d'une servitude de passage subsistait, l'arret n'a pu ensuitedecider qu'il existe un lien de cause à effet entre le pretendumanquement du demandeur à son devoir d'eclairer les defendeurs sur lapersistance d'un risque de voir reconnaitre aux voisins une servitude depassage et les dommages des defendeurs.

Si les defendeurs devaient savoir à la simple lecture de l'arret du3 mars 1998 qu'il subsistait un risque de servitude de passage, la fautequ'aurait commise le demandeur, en laissant penser qu'en raison de cetarret toute servitude de passage etait exclue, est necessairement sansrelation causale avec le dommage des defendeurs.

Il est en effet acquis que leur dommage est du, non à la circonstance queles defendeurs auraient ignore le risque de servitude, mais au fait que,bien que conscients de ce risque, ils ont signe le compromis de vente sansplus se preoccuper de la situation.

Il s'ensuit que la decision selon laquelle le manquement du demandeur àson devoir de conseil aurait contribue à causer les dommages desdefendeurs n'est pas legalement justifiee en ce qu'elle est fondee sur desmotifs qui excluent ou du moins ne permettent pas de conclure àl'existence d'un lien causal entre ce manquement et les dommages desdefendeurs (violation des articles 1er de la loi du 25 ventose an XIprecitee, 1382 et 1383 du Code civil).

Second moyen

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- article 1322 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret fait grief au demandeur d'avoir, par la stipulation du compromisde vente suivant laquelle « l'acquereur reconnait avoir rec,u une copiede l'arret rendu par la cour d'appel de Bruxelles, le 3 mars 1998,attestant qu'il n'y a pas de servitude de passage acquise aux habitants dela maison nDEG 34, situee dans la meme rue que le bien predecrit »,« laisse ses clients penser qu'en raison de l'arret de la cour d'appel,tout risque de voir reconnaitre aux voisins une servitude de passage ou undroit de passage etait definitivement exclu, sans les inviter au prealableà s'informer plus amplement de la situation ».

Griefs

Premiere branche

Dans ses conclusions devant la cour d'appel, le demandeur avaitexpressement fait valoir

« Que les acheteurs et le notaire ne pouvaient que se fonder sur lesdeclarations des vendeurs, lesquels se sont manifestement rendus coupablesde reticences ; les declarations des vendeurs sont d'ailleursinverifiables par le notaire si ce n'est par l'examen des titres depropriete qui, en l'espece, ne font pas mention de l'existence d'uneservitude ;

Que c'est des lors en vain que [les defendeurs] ont soutenu devant lepremier juge que [le demandeur] aurait necessairement manque à son devoirde conseil à leur egard concernant la portee exacte de l'arret de la courd'appel de Bruxelles et concernant le libelle de la clause finale ducompromis ajoutee par ses soins juste avant sa signature ;

Que rien ne permet d'affirmer que le collaborateur [du demandeur] - qui aexamine le titre de propriete et l'acte de division qui fait etat dulotissement prevoyant des acces distincts - n'aurait pas parfaitementinforme et conseille les parties sur la portee de la clause finale ducompromis ;

Que cette clause n'exprime d'ailleurs litteralement rien d'autre - niplus, ni moins - que ce qui est, celle-ci n'etant que la constatationmaterielle de la production par le vendeur d'une piece à l'appui de sesdeclarations ».

Autrement dit, le demandeur plaidait, en se fondant notamment sur lesclauses de l'acte de propriete et de l'acte de division prevoyant desacces distincts, que les defendeurs n'ont pu etre trompes par l'indicationdans le compromis de vente que l'arret rendu en refere par la cour d'appelde Bruxelles le 3 mars 1998 « atteste qu'il n'y pas de servitude depassage acquise aux habitants de la maison nDEG 34 ».

En affirmant que la reference dans le compromis de vente à l'arret de lacour d'appel a fait croire aux defendeurs que tout risque de voirreconnaitre aux voisins une servitude de passage ou un droit de passageetait definitivement exclu par cet arret, l'arret attaque ne repond pas àces conclusions circonstanciees, plus specialement au moyen de defensesoulignant que le titre de propriete du bien examine par l'employe dudemandeur, à savoir le permis de lotir et l'acte de division, prevoyaitdes acces distincts pour les deux lots.

Comme l'exposaient les conclusions du demandeur, les defendeurs ont etemis au courant de toutes les donnees du probleme par les indications dutitre de propriete et de l'acte de division, de sorte que l'ajout dans lecompromis de vente que l'arret de la cour d'appel atteste qu'il n'y aaucune servitude acquise aux habitants de la maison nDEG 34 ne pouvait lesinduire en erreur.

En ce qu'il ne repond pas à ces conclusions, l'arret condamnant ledemandeur à garantir les defendeurs des trois quarts des condamnationsprononcees contre eux et aux trois quarts des depens n'est pasregulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution).

Seconde branche

En signant le compromis de vente par lequel ils reconnaissent avoir rec,uune copie de l'arret de la cour d'appel de Bruxelles attestant qu'il n'y apas de servitude de passage ou de droit de passage acquis aux habitants dela maison nDEG 34, les defendeurs ont fait leur cette mention et doncadmis qu'ils en saisissaient la portee.

En effet, l'acte sous seing prive reconnu par celui auquel on l'oppose,fait preuve contre lui (article 1322 du Code civil).

Par cette disposition, le legislateur a voulu tenir le souscripteur, enraison meme de sa signature, comme ayant voulu faire siennes lesdeclarations de l'acte.

Il s'ensuit qu'en decidant que la clause susdite du compromis de vente alaisse croire aux defendeurs qu'en raison de l'arret de la cour d'appel,tout risque de servitude etait exclu, l'arret viole l'article 1322 precitedu Code civil.

A l'appui du pourvoi inscrit au role general sous le numero C.06.0478.F,les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- pour autant que de besoin, article 1110 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque, statuant sur l'appel des defendeurs sollicitant que lejugement entrepris soit mis à neant et que soit declaree seule fondeeleur demande originaire tendant à faire declarer nulle et non avenue lavente conclue entre les parties le 23 juillet 1998, fait droit à l'appeldes defendeurs et condamne les demandeurs « à leur payer la somme de24.789,35 euros, majoree des interets moratoires depuis le 23 novembre1998 (date de l'expiration du delai de quatre mois fixe pour la signaturedu compromis) et jusqu'au parfait paiement, sous deduction de l'acompte de16.608,87 euros consigne chez [la partie appelee en declaration d'arretcommun] », et ce, par tous ses motifs reputes ici integralementreproduits et, en particulier, par les motifs

« Que [les demandeurs], suivis sur ce point par le premier juge, estimentque leur consentement a ete vicie par dol ;

Qu'ils font grief aux [defendeurs] d'avoir commis une reticence en ne lesinformant pas de l'existence d'un acces commun aux immeubles 34 et 36 dela rue de la Demi-Lune, de leur avoir cele l'existence d'une procedure aufond devant le juge de paix de Wavre et de ne leur avoir communique qu'inextremis, lors de la signature du compromis, une copie de l'arret de lacour d'appel de Bruxelles du 20 mai 1997 (lire : du 3 mars 1998) ;

Que ce grief n'est pas etabli ;

(...) Que les [demandeurs] sont partant non fondes à demanderl'annulation de la convention du chef de dol des vendeurs ;

Qu'à titre subsidiaire, les [demandeurs] soutiennent que leurconsentement a ete fondamentalement vicie du chef d'erreur substantiellecar il est certain qu'ils n'auraient pas contracte s'ils avaient euconscience du risque de reconnaissance d'une servitude de passage (ou d'undroit de passage) grevant lourdement le bien en question ;

Que l'erreur ne peut constituer une cause d'annulation de la convention sielle presente un caractere inexcusable ;

Qu'en l'espece, les [demandeurs] avaient pu constater lors de leursvisites sur les lieux que les deux immeubles etaient pourvu d'un accesunique ;

Qu'ils etaient informes à suffisance de la situation par la teneur del'arret de la cour d'appel precite ;

Que les [demandeurs] ne peuvent pretendre ignorer la portee d'une decisionjudiciaire rendue en refere, dont les termes etaient suffisammentexplicites pour comprendre qu'elle ne prejugeait pas du fond du litige,alors par ailleurs qu'il est constant que le premier [defendeur] estjuriste de formation et qu'ils etaient de surcroit assistes de leurnotaire ;

Que les pretentions des consorts P. sur le passage en questionressortaient amplement de la teneur de cet arret ;

Que les [demandeurs] ne peuvent serieusement pretendre qu'ils auraientlegitimement ignore le risque existant à ce propos ;

Que les [defendeurs] indiquent que le compromis de vente n'etant affected'aucun vice, il doit sortir ses pleins et entiers effets ; qu'en refusantde passer l'acte, les [demandeurs] ont commis une faute justifiant laresolution de la vente et qu'il convient, par consequent, de leur allouerles dommages et interets forfaitaires prevus par le compromis ;

Que c'est ainsi qu'ils sollicitent, à bon droit, la condamnation des[demandeurs] à leur payer la somme de 24.789,35 euros (1.000.000 francs),majoree des interets moratoires depuis le 23 novembre 1998 (date del'expiration du delai de quatre mois fixe pour la signature de l'acte) etjusqu'au parfait paiement ;

Qu'eu egard à l'acompte dejà paye et conserve entre les mains dunotaire, il y a lieu, ainsi que le demandent les [defendeurs], de deduirede cette condamnation le montant de l'acompte de 16.608,87 euros (670.000francs) consigne chez [la partie appelee en declaration d'arret commun],que cette derniere devra delivrer à leur profit exclusif sur simplepresentation de l'arret à intervenir ;

Qu'il convient de dire leur appel fonde et de faire droit à leur demandeoriginaire contre [les demandeurs] ».

Griefs

Il est contradictoire de constater, d'une part, que les demandeurs ontcommis une erreur qualifiee d'inexcusable aux motifs que ceux-ci « nepeuvent pretendre ignorer la portee d'une decision judiciaire rendue enrefere, dont les termes etaient suffisamment explicites pour comprendrequ'elle ne prejugeait pas du fond du litige, (et que) par ailleurs il estconstant que le premier [demandeur] est juriste de formation », et dedecider, d'autre part,

« Qu'il ressort [...] des explications donnees par le notaire quecelui-ci a, manifestement, cru qu'il s'agissait d'une decision (l'arret du3 mars 1998) mettant fin à toute possibilite de litige ulterieur entrevoisins, relativement à cette servitude ;

Qu'il n'en reste pas moins que l'employe de l'etude, qui a redige lecompromis et qui devait etre familier de la matiere, aurait du etre enmesure d'informer utilement les [demandeurs] sur la portee d'une decisionde refere ;

Qu'il [...] est reproche [au notaire] de s'etre lui-meme - ou son employe- mepris sur la portee d'une decision de refere et d'avoir en consequencelaisse ses clients penser qu'en raison de l'arret de la cour d'appel, toutrisque de voir reconnaitre aux voisins une servitude de passage ou undroit de passage etait definitivement exclu, sans les inviter au prealableà s'informer plus amplement de la situation ; que ces fautes sont bien enlien causal avec le dommage, des lors que, sans celles-ci, les[demandeurs] auraient compris quelle etait reellement la situation etauraient pu prendre leur decision en connaissance de cause »

et « que les fautes commises par les [demandeurs] et par l'employe dunotaire sont les memes mais qu'en raison de la qualite de professionnel dusecond, il s'impose de considerer qu'elles presentent dans le chef de cedernier un caractere de gravite plus grand ».

Des lors que l'arret attaque constate que [la partie appelee endeclaration d'arret commun] - ou son employe -, professionnel du droit,s'est meprise sur la portee de l'arret du 3 mars 1998 et a en consequencerepercute cette erreur sur les demandeurs, ses clients, en sorte queceux-ci n'ont, par ce fait, pas compris quelle etait reellement lasituation et n'ont pas pris leur decision en connaissance de cause, il n'apu, sans se contredire, decider egalement que la decision du 3 mars 1998etait suffisamment explicite pour permettre de comprendre qu'elle neprejugeait pas du fond du litige, ce dont les demandeurs auraient, enconsequence, du se rendre compte d'eux-memes. La constatation que lepremier demandeur est licencie en droit ne permet pas de lui attribuer unecompetence comparable à celle d'un notaire ou de son employe alors, parailleurs, que son diplome de licencie en droit a ete obtenu il y a plus dedix ans et qu'il n'a jamais exerce dans le milieu judiciaire, selon lesconstatations operees par le premier juge et non contestees par l'arret.

Le caractere inexcusable attribue par l'arret à l'erreur commise par lesdemandeurs est incompatible avec la constatation, egalement faite parl'arret, que [la partie appelee en declaration d'arret commun], chargee deconseiller les demandeurs et specialement de les eclairer sur la situationjuridique du bien vendu, a neglige de les conseiller quant à ce,negligence sans laquelle les demandeurs auraient compris quelle etaitreellement la situation et auraient pris leur decision en connaissance decause.

En ce qu'elle est fondee sur des motifs contradictoires, la decision quiconsidere que l'erreur des demandeurs est inexcusable n'est pasregulierement motivee (violation de l'article 149 de la Constitution et,pour autant que de besoin, de la notion legale d'erreur consacree parl'article 1110 du Code civil).

IV. La decision de la Cour

Les pourvois inscrits au role general sous les numeros C.06.0158.F etC.06.0478.F sont diriges contre le meme arret ; il y a lieu de lesjoindre.

Quant au pourvoi inscrit au role general sous le numero C.06.0158.F :

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Si l'arret considere que les defendeurs ne peuvent pretendre avoir ignorela portee de la decision rendue en refere qui leur avait ete communiquee,c'est au motif que cette ignorance n'est pas legitime et que l'erreur dontils soutiennent avoir ete victimes presente un caractere inexcusable,compte tenu notamment du fait qu'ils etaient assistes par le demandeur enqualite de notaire lors de la signature du compromis de vente.

Il n'est pas contradictoire de formuler, d'une part, cette considerationpour decider que la vente n'est pas nulle pour vice de consentement et dedecider, d'autre part, que le demandeur a fautivement laisse lesdefendeurs verser dans l'erreur lors de la signature du compromis de venteen sorte que sa responsabilite est engagee à leur egard.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant aux deuxieme et troisieme branches reunies :

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen, en ces branches, par lesdefendeurs et deduite de ce qu'il n'indique pas comme violes les articles1147 et suivants du Code civil :

La responsabilite du notaire d'une partie qui etablit, à sa demande, unacte sous seing prive, signe par la suite en son etude, est de naturecontractuelle à l'egard de cette partie.

L'arret considere que la responsabilite du demandeur, qui est intervenucomme notaire des defendeurs dans le cadre de la signature en son etude ducompromis de vente litigieux, est engagee à leur egard en raison d'unmanquement à son devoir de conseil et statue, ainsi, en se fondantexclusivement sur les regles de la responsabilite contractuelle.

Le moyen, en ces branches, invoque la violation des articles 1382 et 1383du Code civil et 1er de la loi du 25 ventose - 5 germinal an XI portantorganisation du notariat et ne soutient pas que les juges d'appel auraientdu appliquer ces dispositions legales.

La fin de non-recevoir est fondee.

Sur le second moyen :

Quant à la premiere branche :

L'arret enonce « qu'en vain aussi le notaire soutient que lesdeclarations des vendeurs etaient `inverifiables', des lors que l'examendes titres de propriete ne fait pas mention de l'existence d'uneservitude ; qu'il n'est pas reproche au notaire d'avoir fait croire à sesclients qu'il n'y avait pas de servitude alors qu'il y en avait une ;qu'il lui est reproche de s'etre lui-meme - ou son employe - mepris sur laportee d'une decision de refere et d'avoir par consequent laisse sesclients penser qu'en raison de l'arret de la cour d'appel, tout risque devoir reconnaitre aux voisins une servitude de passage ou un droit depassage etait definitivement exclu, sans les inviter au prealable às'informer plus amplement de la situation ».

Ainsi, l'arret repond, en leur opposant une appreciation contraire, auxconclusions du demandeur reproduites dans le moyen, en cette branche, etmotive regulierement sa decision.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la seconde branche :

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen, en cette branche, par lesdefendeurs et deduite de son caractere nouveau :

Le moyen qui, en cette branche, est fonde sur une disposition legale quin'est ni d'ordre public ni imperative, qui n'a pas ete soumis au juge dufond et dont celui-ci ne s'est pas saisi de sa propre initiative, estnouveau.

La fin de non-recevoir est fondee.

Quant au pourvoi inscrit au role general sous le numero C.06.0478.F :

Sur le moyen :

Pour le motif indique en reponse à la premiere branche du premier moyendu pourvoi inscrit sous le numero C.06.0158.F, le moyen manque en fait.

Le rejet du pourvoi rend sans interet la demande en declaration d'arretcommun.

Par ces motifs,

La Cour

Joint les causes inscrites au role general sous les numeros C.06.0158.F etC.06.0478.F ;

Statuant en la cause nDEG C.06.0158.F du role general :

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens ;

Statuant en la cause nDEG C.06.0478.F du role general :

Rejette le pourvoi et la demande en declaration d'arret commun ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Les depens taxes dans la cause C.06.0158.F à cinq cent trente-cinq eurosquarante-neuf centimes envers la partie demanderesse et à la somme decent quarante-sept euros quarante et un centimes envers la partiedefenderesse et dans la cause C.06.0478.F à la somme de huit centcinquante-trois euros septante et un centimes envers les partiesdemanderesses.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Christine Matray, Sylviane Velu et Martine Regout, et prononce en audiencepublique du vingt-trois octobre deux mille huit par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistancedu greffier Marie-Jeanne Massart.

23 OCTOBRE 2008 C.06.0158.F-

C.06.0478.F/1



Analyses

NOTAIRE


Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 23/10/2008
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.06.0158.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-10-23;c.06.0158.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award