Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.07.0426.F
C. R.,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Cecile Draps, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11, ou il est faitelection de domicile,
contre
COMMUNAUTE FRANC,AISE, representee par son gouvernement, en la personne duministre-president dont le cabinet est etabli à Bruxelles, place Surletde Chokier, 15-17,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 12 octobre 2006par la cour d'appel de Mons.
Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.
L'avocat general delegue Philippe de Koster a conclu.
II. Les moyens de cassation
La demanderesse presente deux moyens, dont le premier est libelle dans lestermes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 1er, in fine, 2 et 10, S: 2, de l'arrete royal nDEG 63 du 20juillet 1982 modifiant les dispositions des statuts pecuniairesapplicables au personnel enseignant et assimile de l'enseignement de pleinexercice et de l'enseignement de promotion sociale ou à horaire reduit,les deux premiers articles tels qu'ils ont ete modifies par les articles1er et 2 de l'arrete royal nDEG 161 du 30 decembre 1982 portantmodification de l'arrete royal du 15 avril 1958 portant statut pecuniairedu personnel enseignant, scientifique et assimile du ministere del'Instruction publique, de l'arrete royal du 15 avril 1958 accordant uneallocation pour surcroit de travail à certains membres du meme personnelet de l'arrete royal nDEG 63 du 20 juillet 1982 modifiant les dispositionspecuniaires applicables au personnel enseignant et assimile del'enseignement de plein exercice et de l'enseignement de promotion socialeou à horaire reduit ;
- article 5 de l'arrete royal du 15 avril 1958 portant statut pecuniairedu personnel enseignant, scientifique et assimile du ministere del'Instruction publique tel qu'il a ete complete par l'arrete royal du 6fevrier 1980 modifiant l'arrete royal du 15 avril 1958 mais avant samodification par l'article 473 du decret du 20 decembre 2001 fixant lesregles specifiques à l'enseignement superieur artistique organise enecoles superieures des Arts (organisation, financement, encadrement,statut des personnels, droits et devoirs des etudiants) ;
- articles 25, 27, 29 et 36, S: 1er, de la loi du 29 mai 1959 modifiantcertaines dispositions de la legislation de l'enseignement tels qu'ils ontete respectivement modifies, le premier, par l'arrete royal nDEG 413 du 29avril 1986, le second par les lois des 20 fevrier 1970 et 6 juillet 1970,11 juillet 1973 et1er aout 1985, par l'arrete royal nDEG 62 du 20 juillet 1982 et par ledecret du16 avril 1991, le troisieme par la loi du 11 juillet 1973 et le quatriemepar les arretes royaux nos 413 du 29 avril 1986 et 477 du 20 aout 1986 etpar le decret du 1er fevrier 1993.
Decisions et motifs critiques
L'arret qui se refere à l'expose des faits de la cause et de l'objet dela demande originaire du premier juge, decide que la regle anti-cumul desarticles 2 et 10, S: 2, 2DEG, de l'arrete royal nDEG 63 ne s'applique pasà la fonction d'accompagnateur au conservatoire mais bien à celle deprofesseur d'academie de musique et deboute la demanderesse de son actionen reparation du dommage fondee sur la faute de la defenderesse consistantà avoir impose illegalement l'application d'une reglementationanti-cumul, aux motifs:
« que comme cela a ete expose dans l'arret anterieur, (la demanderesse) aete nommee à titre definitif en qualite d'accompagnatrice auconservatoire royal de Mons par arrete royal du 11 janvier 1988 ;
qu'à la meme epoque, elle a egalement ete designee pour exercer laqualite de professeur à l'academie de musique de Tubize ;
que l'article 1er, alinea 2, de l'arrete royal nDEG 63 du 20 juillet 1982,modifie par l'arrete royal du 30 decembre 1982 dispose que, à l'exceptionde son article 7, qui est etranger à la contestation, cet arrete nes'applique pas à la fonction non exclusive au sens de l'article 5 del'arrete royal du 15 avril 1958 portant statut pecuniaire du personnelenseignant, scientifique et assimile du ministere de l'Instructionpublique ;
que selon l'article 5, alinea 4, dudit arrete royal du 15 avril 1958,complete par l'arrete royal du 6 fevrier 1980, l'expression 'fonction nonexclusive' designe la fonction qu'exerce, dans une ou plusieurs ecoles ouinstitutions d'enseignement artistique de l'Etat, le professeur enseignantles cours artistiques et l'accompagnateur ;
que des lors, la regle anti-cumul des articles 2 et 10, S: 2, 2DEG, del'arrete royal precite nDEG63 ne s'applique pas à la fonctiond'accompagnateur mais bien à celle de professeur d'academie de musique ;
que c'est dans ce sens que doit etre entendue l'exclusion de la fonctiond'accompagnateur du champ d'application de l'arrete royal nDEG 63 ;
qu'ainsi, lorsque, comme en l'espece, un enseignant cumule les fonctionsd'accompagnateur et de professeur dans une academie de musique, la regleanti-cumul de l'article 10, S: 2DEG, de l 'arrete royal nDEG 63 s'appliqueaux prestations de professeur d'academie ;
que cette interpretation resulte de l'article 2, S: 2, e, de l'arreteroyalnDEG 63, complete par l'arrete royal nDEG 161 du 30 decembre 1982 quiprevoit que par fonction accessoire, il faut notamment entendre lafonction à prestations completes ou incompletes exercee dansl'enseignement à horaire reduit (ce qui est le cas du professeur dans uneacademie de musique) par un membre du personnel qui simultanement exerceune fonction non exclusive dans l'enseignement de plein exercice (ce quiest le cas de l'accompagnateur dans un conservatoire), pour laquelle ilbeneficie d'un traitement complet, dont le montant brut est egal ousuperieur au minimum de son echelle de traitement ;
que c'est des lors vainement que (la demanderesse) reproche à (ladefenderesse), dans ses conclusions apres reouverture des debats, unetroisieme faute (qui s'ajoute aux deux fautes invoquees dans sesconclusions avant reouverture des debats), faute consistant à avoirimpose l'application d'une reglementation anti-cumul ;
que c'est des lors tout aussi vainement que, toujours dans ses conclusionsapres reouverture des debats, (la demanderesse) etend sa reclamation, surla base de cette pretendue troisieme faute, à la periode 1984-1993 et parailleurs postule la reparation d'un prejudice moral (dont il n'etaitnullement question dans les conclusions anterieures) relatif au faitqu'elle «se rendait compte de la quasi impossibilite de poursuivre sacarriere en academie et de continuer à pratiquer un enseignement qu'elleappreciait tout particulierement alors qu'elle doutait de la legalite desmesures d'interdiction qui lui etaient imposees ».
Griefs
En vertu des articles 25, 27, 29 et 36, S: 1er, de la loi du 29 mai 1959modifiant certaines dispositions de la legislation de l'enseignement,l'enseignant a droit, à charge de la Communaute franc,aise, au paiementdirect des subventions-traitements pour les fonctions qu'il exerce dansl'enseignement subventionne, sauf lorsqu'une autre disposition de memerang prevoit qu'une remuneration ne sera pas octroyee ou qu'elle serareduite.
L'article 1er in fine de l'arrete royal nDEG 63 dispose qu' « àl'exception de l'article 7 [qui concerne la remuneration des temporaireset est donc etranger au litige], le present arrete ne s'applique pas à lafonction non exclusive au sens de l'article 5 de l'arrete royal du 15avril 1958 vise au a) ci-avant [soit l'arrete royal portant statutpecuniaire du personnel enseignant, scientifique et assimile du ministerede l'Instruction publique] ».
Aux termes de l'article 5 de l'arrete royal du 15 avril 1958, tel qu'il aete complete par l'arrete royal du 6 fevrier 1980, « l'expression'fonction non exclusive' designe la fonction qu'exerce dans une ouplusieurs ecoles ou institutions d'enseignement artistique de l'Etat, leprofesseur enseignant les cours artistiques et l'accompagnateur ».
Il s'en deduit que les dispositions anti-cumul de l'arrete royal nDEG 63,et plus particulierement les articles 2 - qui definit les notions defonctions principale et accessoire - et 10, S: 2, - aux termes duquel iln'est pas octroye de remuneration pour des prestations effectuees dansl'enseignement à horaire reduit qui sont considerees comme accessoires -ne s'appliquent pas à l'enseignant qui exerce une fonction non exclusiveau sens de l'article 5 de l'arrete royal du 15 avril 1958.
L'exclusion contenue dans l'article 1er, in fine, de l'arrete royal nDEG63 implique - sous peine d'etre depourvue de sens - que le titulaire d'unefonction non exclusive au sens de l'article 5 de l'arrete royal du 15avril 1958 ne peut se voir appliquer des regles anti-cumul en raison decette fonction ou, en d'autres termes, interdit que sa fonction « nonexclusive » soit prise en consideration pour qualifier une autre fonctiond'accessoire et supprimer la subvention-traitement due pour cettefonction.
L'arret attaque qui, apres avoir constate que la demanderesse a ete nommeeà titre definitif en qualite d'accompagnatrice au conservatoire royal deMons à partir du 11 janvier 1988 et qu'il s'agit d'une fonction nonexclusive au sens de l'article 5 de l'arrete royal du 15 avril 1958,decide neanmoins que les dispositions des articles 2 et 10, S: 2, del'arrete royal nDEG 63 lui sont applicables pour sa fonction en academie,viole, partant, les dispositions legales visees au moyen.
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Dans sa redaction applicable au litige, l'article 1er, alinea 2, del'arrete royal nDEG 63 du 20 juillet 1982 dispose que, à l'exception deson article 7, qui est etranger à la contestation, cet arrete nes'applique pas à la fonction non exclusive au sens de l'article 5 del'arrete royal du 15 avril 1958 portant statut pecuniaire du personnelenseignant, scientifique et assimile du ministere de l'Instructionpublique.
Aux termes du quatrieme alinea de cette derniere disposition, tellequ'elle est applicable en l'espece, l'expression « fonction nonexclusive » designe la fonction qu'exerce dans une ou plusieurs ecoles ouinstitutions d'enseignement artistique de l'Etat le professeur enseignantles cours artistiques et l'accompagnateur.
L'arret constate que la demanderesse est accompagnatrice au conservatoireroyal de Mons.
Des lors, en decidant que la regle anti-cumul contenue dans les articles 2et 10, S: 2, de l'arrete royal nDEG 63 du 20 juillet 1982 s'applique à lademanderesse, l'arret viole l'article 1er, alinea 2, de cet arrete.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Claude Parmentier, les conseillersDidier Batsele, Albert Fettweis, Daniel Plas et Christine Matray, etprononce en audience publique du dix-huit septembre deux mille huit par lepresident de section Claude Parmentier, en presence de l'avocat generaldelegue Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Marie-JeanneMassart.
18 SEPTEMBRE 2008 C.07.0426.F/1