Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.08.0026.N
1. C. G.,
2. B. G.,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
* * contre
ALGEMEEN ZIEKENHUIS SINT-AUGUSTINUS, association sans but lucratif.
I. La procedure devant la Cour
III. Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le13 juillet 2007 par le juge de paix du septieme canton d'Anvers,statuant en dernier ressort.
IV. Par ordonnance du 26 juin 2008, le premier president a renvoye lacause devant la troisieme chambre.
V. Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.
VI. L'avocat general Ria Mortier a conclu.
VII. II. Le moyen de cassation
* Les demandeurs presentent un moyen dans leur requete.
* Dispositions legales violees
- article 15, alineas 1er, dans la version applicable avant samodification par la loi du 13 decembre 2006, et 2, de l'arrete royalnDEG 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions dessoins de sante ;
- article 138, S:S: 2, alineas 2 et 3, dans la version applicable avantleur modification par la loi du 13 decembre 2006, et 5, de la loi sur leshopitaux, coordonnee le 7 aout 1987 ;
- articles 1er, 2DEG, et 2, dans la version applicable avant samodification par l'arrete royal du 8 mars 2006, de l'arrete royal du29 septembre 2002 portant execution de l'article 138 de la loi sur leshopitaux, coordonnee le 7 aout 1987 ;
- article 149 de la Constitution coordonnee du 17 fevrier 1994.
* * Decisions et motifs critiques
Statuant par la decision attaquee en premier et dernier ressort, le jugede paix declare la demande de la defenderesse recevable et partiellementfondee. Le juge de paix condamne les demandeurs solidairement au paiementd'une somme de 270 euros, majoree des interets judiciaires et des depenset, pour le surplus, rejette la demande. Le juge de paix statue ainsi partous les motifs fondant la decision, consideres comme integralementreiteres en l'espece, et plus specialement par les considerationssuivantes :
« (...) que (les demandeurs) ne peuvent nier - et ne deposent pasdavantage de conclusions à cet egard - que les 10 novembre et 8 decembre2004, (la demanderesse) a signe deux declarations-conventions parlesquelles elle a expressement marque son accord au paiement du supplementd'honoraires concernant l'operation envisagee, à savoir le supplementpour lequel l'assurance maladie ordinaire ne prevoit pas de remboursement,fixe par les conventions precitees à la somme de 270 euros reclamee ;
Qu'en outre, (la demanderesse) a expressement confirme dans cesconventions avoir ete entierement informee quant à l'operation prevue ;
Qu'en d'autres termes, en l'espece, independamment de tous autresarguments de principe, (la demanderesse) a librement accepte de payer lesupplement d'honoraires reclame alors que, manifestement, elle avait lechoix de subir une autre intervention chirurgicale ou de subir la memeintervention dans un autre hopital, ou encore, de choisir un medecinhospitalier qui (n'appliquerait) pas le supplement d'honoraireslitigieux ;
(...) qu'il ressort en outre de la note de soins que l'ophtalmologueinteresse est un medecin non conventionne de sorte que (la defenderesse)n'etait pas tenue de veiller à ce qu'il n'applique que les tarifsconventionnels ;
que, des lors, independamment de toutes autres considerations, le medecinqui a procede à l'operation etait libre de reclamer le supplementd'honoraires et (la demanderesse) etait libre d'y consentir en signant laconvention à cet egard » (...)
* Griefs
1. En vertu de l'article 15, alinea 1er, de l'arrete royal nDEG 78 du10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de sante,abrege ci-apres arrete royal nDEG 78 du 10 novembre 1967, tel qu'il estapplicable en l'espece, les praticiens vises aux articles 2, 3 et 4 ontdroit, sans prejudice des dispositions de l'article 18, S: 2, et dans lerespect des regles de la deontologie, à des honoraires ou desremunerations forfaitaires pour les prestations qu'ils ont fournies. Ledeuxieme alinea de cette meme disposition prevoit que, sans prejudice del'application des taux eventuellement fixes par ou en vertu de la loi ouprevus par des statuts ou par des conventions auxquelles les praticiensont adhere, ceux-ci fixent librement le montant de leurs honoraires, sousreserve de la competence, en cas de contestation, de l'Ordre dont ilsrelevent ou des tribunaux.
Ce droit pour les medecins de fixer librement le montant de leurshonoraires est limite notamment par la loi sur les hopitaux, coordonnee le7 aout 1987, abregee ci-apres loi coordonnee du 7 aout 1987. Conformementà l'article 138, S: 2, alinea 2, de cette loi, tel qu'il est applicableen l'espece, au cas ou un accord au sens de l'article 50 de la loi du14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de sante etindemnites est en vigueur, les medecins hospitaliers qui n'ont pas adhereà cet accord peuvent, sans prejudice du S: 5, appliquer des tarifss'ecartant des tarifs de l'accord (uniquement) à l'egard des patientsadmis dans des chambres de deux patients ou dans des chambres communes etdans la (seule) mesure ou des tarifs maximaux sont fixes par lareglementation generale visee à l'article 130 de la loi et sont respectespar les medecins concernes. Conformement à l'article 138, S: 2, alinea 3,de la meme loi, tel qu'il est applicable en l'espece, cette dispositionest egalement applicable aux patients en hospitalisation de jour en ce quiconcerne les prestations definies par le Roi. En vertu du paragraphe 5 dece meme article, le Roi definit les categories de patients à l'egarddesquels les medecins non conventionnes ne peuvent appliquer des tarifsqui s'ecartent des tarifs de l'accord.
En vertu de l'article 1er, 2DEG, de l'arrete royal du 29 septembre 2002portant execution de l'article 138 de la loi sur les hopitaux, coordonneele 7 aout 1987, abrege ci-apres arrete royal du 29 septembre 2002,l'article 138 de la loi coordonnee du 7 aout 1987 est applicable auxpatients admis en hospitalisation de jour pour les categories deprestations decrites dans l'annexe 3, point 6, de l'arrete royal du25 avril 2002 relatif à la fixation et à la liquidation du budget desmoyens financiers des hopitaux. Cette annexe contient notamment le code dela nomenclature 246595.
En vertu de l'article 2 de l'arrete royal precite, les medecins qui n'ontpas adhere à un accord national ne peuvent, en application del'article 138, S: 5, de la loi coordonnee du 7 aout 1987, demander destarifs s'ecartant des tarifs de l'accord, à l'egard des categories depatients suivantes :
1DEG) les beneficiaires de l'intervention majoree, vises à l'article 37,S:S: 1er et 19, 1DEG, 2DEG, 3DEG et 6DEG, de la loi du 14 juillet 1994relative à l'assurance obligatoire soins de sante et indemnites, ainsique les beneficiaires vises à l'article 32, alinea 1er, 13DEG et 15DEG,de la loi precitee, qui beneficient de l'intervention majoree, pour autantqu'ils ne soient pas repris dans le 2DEG du present article ;
2DEG) les beneficiaires beneficiant d'une allocation visee dans la loi du27 fevrier 1987 relative aux allocations aux handicapes, à l'exceptiondes beneficiaires d'une allocation d'integration, relevant descategories 3 et 4 visees à l'article 6, S: 4, alinea 1er, 3DEG et 4DEG,de la loi susmentionnee du 27 fevrier 1987, pour lesquels la diminutionvisee à l'article 8, S: 1er, de l'arrete royal du 6 juillet 1987 relatifà l'allocation de remplacement de revenus et à l'allocationd'integration, a ete effectivement appliquee ;
3DEG) les beneficiaires de l'intervention majoree, vises à l'article 32,S: 1er, 1DEG à 5DEG et 7DEG de l'arrete royal du 29 decembre 1997 portantles conditions dans lesquelles l'application de la loi relative àl'assurance obligatoire soins de sante et indemnites, coordonnee le14 juillet 1994, est etendue aux travailleurs independants et aux membresdes communautes religieuses, et les beneficiaires, vises à l'article 32,S: 1er, 6DEG, de l'arrete royal du 29 decembre 1997 susvise, dans lamesure ou ils beneficient de l'intervention majoree, octroyee sur la basede l'article 37, S: 19, 1DEG à 3DEG, de la loi relative à l'assuranceobligatoire soins de sante et indemnites, coordonnee le 14 juillet 1994 ;
4DEG) les beneficiaires d'allocations familiales majorees conformement àl'article 47, S: 1er, des lois coordonnees relatives aux allocationsfamiliales pour travailleurs salaries ou conformement à l'article 20 del'arrete royal du 8 avril 1976 etablissant le regime des prestationsfamiliales en faveur des travailleurs independants et les personnes quisont à leur charge ;
5DEG) les beneficiaires vises à l'article 3 de l'arrete royal du 2 juin1998 determinant l'intervention de l'assurance soins de sante obligatoirepour le materiel d'incontinence, visee à l'article 34, 14DEG, de la loirelative à l'assurance obligatoire soins de sante et indemnites,coordonnee le 14 juillet 1994 ;
6DEG) les beneficiaires admis dans un service Sp (soins palliatifs), dememe que les beneficiaires vises à l'article 7octies de l'arrete royal du23 mars 1982 portant fixation de l'intervention personnelle desbeneficiaires ou de l'intervention de l'assurance soins de sante dans leshonoraires pour certaines prestations ;
7DEG) les beneficiaires vises à l'article 37, S: 16bis, de la loirelative à l'assurance obligatoire soins de sante et indemnites,coordonnee le 14 juillet 1994.
L'article 138 de la loi coordonnee du 7 aout 1987 est d'ordre public, àtout le moins, de droit imperatif favorable aux patients.
Le 15 decembre 2003, les representants des medecins et des organismesassureurs ont conclu un accord national medico-mutualiste pour lesexercices de 2004-2005 qui a ete publie au Moniteur belge du 21 janvier2004.
2. Le juge de paix a constate que la demande de la defenderesse porte surle solde de deux factures d'hospitalisation envoyees à la suite desoperations de la cataracte subies par la demanderesse (...). Il aegalement constate que ces interventions relevent du code de lanomenclature 246595-246606 (...).
Il ressort des conclusions regulierement deposees devant le juge de paixau nom des demandeurs, que la defenderesse ne conteste pas, que les 7 et14 decembre 2004, la demanderesse a ete admise en hospitalisationchirurgicale de jour dans les services de la defenderesse (...).
Le juge de paix a egalement constate dans le jugement attaque quel'ophtalmologue interesse n'est pas conventionne (...), c'est-à-direqu'il n'a pas adhere à un accord au sens de l'article 50 de la loicoordonnee du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins desante et indemnites.
Il suit de ces constatations que les conditions prevues à l'article 138,S:S: 2, alinea 2, et 5, de la loi coordonnee du 7 aout 1987 auxquelles lesmedecins hospitaliers non conventionnes peuvent appliquer des tarifss'ecartant des tarifs conventionnels sont applicables aux interventionschirurgicales qui font l'objet des deux factures envoyees à lademanderesse.
Le juge de paix a accueilli la demande de la defenderesse par les motifsque :
- les 10 novembre et 8 decembre 2004, la demanderesse a signe deuxdeclarations-conventions par lesquelles elle a expressement marque sonaccord au paiement du supplement d'honoraires concernant l'operationenvisagee, à savoir le supplement pour lequel l'assurance maladieordinaire ne prevoit pas de remboursement, fixe par les conventionsprecitees à la somme de 270 euros reclamee (...) ;
- la demanderesse a confirme dans ces conventions avoir ete entierementinformee quant à l'operation prevue (...) ;
- la demanderesse a librement accepte de payer le supplement d'honorairesreclame alors que, manifestement, elle avait le choix de subir une autreintervention chirurgicale ou de subir la meme intervention dans un autrehopital, ou encore, de choisir un medecin hospitalier qui n'appliqueraitpas le supplement d'honoraires litigieux (...) ;
- il ressort de la note de soins que l'ophtalmologue interesse est unmedecin non conventionne de sorte que la defenderesse n'etait pas tenue deveiller à ce qu'il n'applique que les tarifs conventionnels ;
- independamment de toutes autres considerations, le medecin qui a procedeà l'operation etait libre de reclamer le supplement d'honoraires et lademanderesse etait libre d'y consentir en signant la convention à cetegard (...).
2.1. Toutefois, dans le jugement attaque, le juge de paix n'a ni examineni constate, alors que cela est requis par l'article 138, S: 2, de la loicoordonnee du 7 aout 1987, si la demanderesse avait ete admise dans unechambre autre qu'une chambre de deux patients ou une chambre commune ou sielle avait ete admise en application de la reglementation generale viseeà l'article 130 de la loi precitee fixant des tarifs maximaux respectesdans la convention signee le 13 juillet 2004 par la demanderesse. Le jugede paix ne pouvait accueillir legalement la demande de la defenderesse surla base des motifs precites sans examiner ni constater si les conditionsd'ordre public, à tout le moins, de droit imperatif auxquelles lesmedecins non conventionnes peuvent s'ecarter des tarifs conventionnelsavaient ete respectees (violation des articles 15, alineas 1er, dans laversion applicable avant sa modification par la loi du 13 decembre 2006,et 2, de l'arrete royal nDEG 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercicedes professions des soins de sante, 138, S: 2, alineas 2 et 3, dans laversion applicable avant leur modification par la loi du 13 decembre 2006,de la loi sur les hopitaux, coordonnee le 7 aout 1987 et 1er, 2DEG, del'arrete royal du 29 septembre 2002 portant execution de l'article 138 dela loi sur les hopitaux, coordonnee le 7 aout 1987).
2.2. Dans le jugement attaque, le juge de paix n'a pas davantage examineni constate si la demanderesse ne relevait pas d'une des categories depatients definies par le Roi par voie de dispositions d'ordre public ou dedroit imperatif en application de l'article 138, S: 5, de la loicoordonnee du 7 aout 1987, à l'egard desquels les medecins nonconventionnes ne peuvent appliquer des tarifs s'ecartant des tarifsconventionnels de sorte qu'il n'accueille pas legalement la demande de ladefenderesse (violation des articles 15, alineas 1er, dans la versionapplicable avant sa modification par la loi du 13 decembre 2006, et 2, del'arrete royal nDEG 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice desprofessions des soins de sante, 138, S:S: 2, alineas 2 et 3, dans laversion applicable avant leur modification par la loi du 13 decembre 2006,et 5, de la loi sur les hopitaux, coordonnee le 7 aout 1987, 1er, 2DEG, et2, dans la version applicable avant sa modification par l'arrete royal du8 mars 2006, de l'arrete royal du 29 septembre 2002 portant execution del'article 138 de la loi sur les hopitaux, coordonnee le 7 aout 1987).
2.3. En statuant ainsi sans examiner les elements precites ni constaterleur existence ou leur absence, le juge de paix a egalement violel'article 149 de la Constitution coordonnee des lors que les constatationsde fait reproduites dans le jugement attaque ne permettent pas à la Courd'exercer le controle de la legalite de la decision.
Conclusion.
Le juge de paix n'accueille pas legalement la demande de la defenderessesur la base des conventions des 10 novembre et 8 decembre 2004 parlesquelles la demanderesse a marque son accord au paiement du supplementd'honoraires reclame, des lors qu'il n'a ni examine ni constate si lesconditions d'application des honoraires s'ecartant des tarifsconventionnels avaient ete respectees et qu'il n'a pas davantage examineni constate si la demanderesse ne relevait pas d'une des categoriesexceptionnelles de patients à l'egard desquels des tarifs s'ecartant destarifs conventionnels ne peuvent etre appliques (violation de toutes lesdispositions legales citees en tete du moyen).
III. La decision de la Cour
1. A defaut de conclusions à cet egard, le juge n'est pas tenud'indiquer tous les elements sur lesquels il fonde sa decision.
Il ne suit pas du seul fait qu'un element n'est pas releve dans unjugement que le juge n'a pas examine cet element.
2. Fut-il d'ordre public ou de droit imperatif favorable au demandeuren cassation, le moyen de cassation est nouveau et, enconsequence, irrecevable, lorsqu'il ne ressort pas des piecesauxquelles la Cour peut avoir egard qu'un fait determine relevantde la disposition legale dont la violation est invoquee a eteallegue devant le juge du fond et qu'il ne ressort pas davantagede la decision attaquee qu'elle a constate l'existence d'elementsde fait qui s'y rapportent.
3. Il ne ressort pas des pieces auxquelles la Cour peut avoir egardque les parties ont allegue devant le juge du fond un fait serapportant aux elements qui, suivant le moyen, devaient etreexamines mais n'ont pretendument pas ete examines. Il ne ressortpas davantage de la decision attaquee que le jugement attaqueconstate des elements de fait qui se rapportent à la dispositiondont la violation est invoquee.
Le moyen est nouveau et, en consequence, irrecevable.
* Par ces motifs,
* * La Cour
* * Rejette le pourvoi ;
* * Condamne les demandeurs aux depens.
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, president, le president desection Ernest Wauters, les conseillers Eric Stassijns, Beatrijs Deconincket Koen Mestdagh, et prononce en audience publique du huit septembre deuxmille huit par le president Ivan Verougstraete, en presence de l'avocatgeneral Ria Mortier, avec l'assistance du greffier adjoint Johan Pafenols.
Traduction etablie sous le controle du president de section ClaudeParmentier et transcrite avec l'assistance du greffier JacquelinePigeolet.
Le greffier, Le president de section,
8 SEPTEMBRE 2008 C.08.0026.N/10