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27/06/2008 | BELGIQUE | N°C.07.0469.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 juin 2008, C.07.0469.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.07.0469.F

V. P.,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est faitélection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2007par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller Christine Matray a fait rapport.

L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

le demandeu

r présente deux moyens dont le second est libellé dans lestermes suivants :

Second moyen

Dispositions légales violées

- article...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.07.0469.F

V. P.,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est faitélection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2007par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller Christine Matray a fait rapport.

L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

le demandeur présente deux moyens dont le second est libellé dans lestermes suivants :

Second moyen

Dispositions légales violées

- article 149 de la Constitution ;

- articles 2, a), c), h), 3.2 et 29 du règlement (CE) n° 1346/2000 duConseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité et, pourautant que de besoin, son annexe B ;

- articles 3, § 1^er, et 6 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt considère que le demandeur ne peut faire en Belgique un aveu defaillite au motif que le demandeur n'a pas d'établissement sur leterritoire belge.

Il justifie cette décision par tous ses motifs réputés ici intégralementreproduits, en particulier par la considération, en substance, que :

« A juste titre, les premiers juges soulignent que le terme`établissement' s'entend de tout lieu d'opérations où le débiteur exercede façon non transitoire une activité économique avec des moyens humainset des biens (article 2, h), du règlement 1346/2000).

Certes, [le demandeur], comme il l'écrit, était domicilié en Belgique, ilavait pris un numéro d'entreprise à la Banque-Carrefour et il étaitinscrit à l'O.N.S.S. pour pouvoir engager du personnel de nationalitébelge et l'occuper sur ses chantiers établis en France mais il reconnaîtdans le même temps qu'il n'a jamais exercé d'activité que sur leterritoire de la France.

Ce faisant, [le demandeur] ne disposait pas d'un établissement sur leterritoire belge au sens du règlement européen ».

Griefs

Première branche

Dans sa requête d'appel, le demandeur a fait valoir les éléments suivants,afin d'établir qu'il disposait d'un établissement sur le sol belge :

« En ce qui concerne les conditions d'ouverture spécifiques aux procéduressecondaires, [le demandeur] se doit de démontrer qu'il dispose en Belgiqued'un établissement au sens du règlement européen.

Pour rappel, l'article 2. h. précise que l'établissement est `tout lieud'opération où le débiteur exerce de façon non transitoire une activitééconomique avec des moyens humains et des biens'.

La doctrine précise qu'il s'agit du lieu à partir duquel des activitéséconomiques se manifestent vers l'extérieur. Celles-ci doivent être d'unecertaine durée et présenter une véritable stabilité (N. Watté et V.Marquette, `Le règlement communautaire, du 29 mai 2000, relatif auxprocédures d'insolvabilité', R.D.C., 2000, p. 573).

La jurisprudence a suivi cette définition extensive en considérant que lasimple existence de dettes au profit de parastataux belges suffisait àdémontrer l'existence d'un établissement en Belgique (Voyez Y. Brulard,`Juge compétent pour ouvrir une procédure secondaire', inwww.droitbelge.be, qui cite notamment Commerce Bruxelles, 16 décembre2002, inédit, R.G. 02/03219 et Commerce Tongres, 31 mars 2003, inédit).

Ainsi, les critères utiles sont la durée et la stabilité de l'activité.

Au vu de ces dernières considérations, il convient de considérer que [ledemandeur] dispose d'un établissement en Belgique.

[Le demandeur] en veut pour preuve les présomptions pertinentes suivantes:

- il est immatriculé auprès de la B.C.E. et est titulaire d'un numéro deT.V.A. ;

- il dispose d'un numéro O.N.S.S. compte tenu de l'engagement detravailleurs en Belgique ;

- il recourt aux services d'un secrétariat social d'employeurs belge, àsavoir l'Union des classes moyennes de Mouscron ;

- il réceptionne son courrier et gère l'administration de ses activités audépart de son siège d'entreprise belge ;

- le passif issu des productions de créances des créanciers belges estparticulièrement important ;

- [le demandeur] est locataire d'un bâtiment à usage d'entrepôt et debureaux sis rue de la Pâture, 15 à 7700 Mouscron, signe tangible d'uneactivité réelle sur le territoire belge ».

L'arrêt, afin de décider que le demandeur n'avait pas d'établissement surle sol belge, relève que le demandeur a écrit dans ses conclusions qu'ilétait domicilié en Belgique, qu'il avait pris un numéro d'entreprise à laBanque-Carrefour et qu'il était inscrit à l'O.N.S.S. pour pouvoir engagerdu personnel de nationalité belge et l'occuper sur ses chantiers établisen France mais qu'il reconnaît dans le même temps qu'il n'a jamais exercéd'activité que sur le territoire de la France.

Par ces considérations, l'arrêt ne répond pas aux conclusions du demandeuren ce que celui-ci, afin d'établir qu'il avait un établissement enBelgique, relevait, d'une part, que les critères utiles pour déterminers'il existe une activité sur le territoire d'un État membre sont la duréeet la stabilité et, d'autre part, qu'il était titulaire d'un numéro deT.V.A., qu'il recourait aux services d'un secrétariat social d'employeursbelge, qu'il réceptionnait son courrier et gérait l'administration de sesactivités au départ de son siège d'entreprise belge, que le passif issudes productions de créances des créanciers belges était particulièrementimportant et qu'il était locataire d'un bâtiment à usage d'entrepôt et debureaux sis à Mouscron. Par conséquent, l'arrêt viole l'article 149 de laConstitution.

Seconde branche

Le règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif auxprocédures d'insolvabilité (J.O.C.E., n° L 160 du 30/06/2000, pp. 1-18)permet d'ouvrir les procédures d'insolvabilité principales dans l'Étatmembre où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur, à savoirle lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est doncvérifiable par les tiers, et des procédures secondaires dans l'État membredans lequel le débiteur a un établissement (préambule du règlement,considérants 12 à 13). L'article 3.2 du règlement dispose :

« Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur leterritoire d'un État membre, les juridictions d'un autre État membre nesont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité à l'égard de cedébiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cetautre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens dudébiteur se trouvant sur ce dernier territoire ».

L'établissement visé par l'article 3. 2. se définit comme suit (article 2,h), du règlement) :

« tout lieu d'opérations où le débiteur exerce de façon non transitoireune activité économique avec des moyens humains et des biens ».

L'activité économique visée par cette disposition vise tant le siègeadministratif d'une société, à savoir le lieu où se prennent les décisionsimportantes de la société, que son siège opérationnel, à savoir le lieu oùces décisions sont mises à exécution, par exemple le lieu où des chantiersse déroulent.

Cette notion doit faire l'objet d'une appréciation du juge au cas par cas,en tenant compte de l'ensemble des considérations qui lui sont soumises.

L'article 2, a), du règlement définit les « procédures d'insolvabilité »comme étant les procédures collectives fondées sur l'insolvabilité dudébiteur qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteurainsi que la désignation d'un syndic.

L'article 2, c), du règlement définit la « procédure de liquidation »comme étant « une procédure d'insolvabilité au sens du point a) quientraîne la liquidation des biens du débiteur, y compris lorsque cetteprocédure est clôturée par un concordat ou une autre mesure mettant fin àl'insolvabilité, ou est clôturée en raison de l'insuffisance de l'actif »et dont la liste figure à l'annexe B de la directive.

L'annexe B du règlement précise que la procédure belge de la faillite estune procédure de liquidation au sens donné à cette expression parl'article 2, c), de ce règlement.

L'article 3, § 1^er, de la loi du 8 août 1997 sur les faillites dispose :

« Lors d'une procédure territoriale d'insolvabilité ouverte en vertu del'article 3. 2. du règlement 1346/2000/CE du Conseil du 29 mai 2000relatif aux procédures d'insolvabilité ou en vertu de l'article 118, §1^er, alinéa 2, 2°, de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droitinternational privé, l'état de faillite de l'établissement s'apprécieindépendamment de la qualité de commerçant du débiteur et de l'état desétablissements de celui-ci situés à l'étranger.

Lors d'une procédure territoriale d'insolvabilité ouverte en vertu del'article 3. 3. de ce règlement ou en vertu de l'article 118, § 1^er,alinéa 2, 2 °, de cette loi à la suite de la reconnaissance d'une décisionjudiciaire étrangère d'ouverture d'une procédure principale, la failliteest déclarée indépendamment de tout examen de l'état du débiteur ».

Après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité principale, le règlementn°1346/2000 permet au syndic de la procédure principale ou à toute autrepersonne habilitée à cet effet par la législation nationale de cet Étatmembre de demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondairedans l'État membre où le débiteur a un établissement (article 29 durèglement).

L'article 6 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites dispose :

« Sans préjudice des dispositions de la loi sur le concordat judiciaire,la faillite est déclarée par jugement du tribunal de commerce saisi soitsur l'aveu du commerçant, soit sur citation d'un ou plusieurs créanciers,du ministère public, de l'administrateur provisoire visé à l'article 8 oudu syndic de la procédure principale dans le cas visé à l'article 3,alinéa 1^er ».

L'arrêt considère que le demandeur n'a jamais exercé d'activité sur leterritoire belge en se fondant uniquement sur un extrait des conclusionsdéposées par le demandeur devant le tribunal du travail de Tournai. Danssa requête d'appel, le demandeur confirmait n'avoir établi de chantiersque sur le territoire français mais considérait qu'il disposait d'unétablissement en Belgique dès lors qu'il était immatriculé auprès de laB.C.E. et était titulaire d'un numéro de T.V.A. belge, qu'il disposaitd'un numéro d'immatriculation à 1'O.N.S.S., compte tenu de l'engagement detravailleurs en Belgique, qu'il recourait aux services d'un secrétariatsocial d'employeurs belge, qu'il recevait son courrier et géraitl'administration de ses activités au départ de son siège d'entreprisebelge, que le passif issu des productions de créances des créanciersbelges était particulièrement important et qu'il était locataire d'unbâtiment à usage d'entrepôt et de bureaux sis en Belgique et constituantle signe tangible d'une activité réelle sur le territoire belge.

En ce qu'il considère que le fait pour le demandeur d'être domicilié enBelgique, d'avoir pris un numéro d'entreprise à la Banque carrefour desentreprises et d'être inscrit à l'O.N.S.S. pour pouvoir engager dupersonnel de nationalité belge ne permet pas d'établir que le demandeurdisposait d'un établissement en Belgique, l'arrêt viole la notion légaled'établissement, telle qu'elle est visée par l'article 3. 2. du règlement(CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procéduresd'insolvabilité et définie par l'article 2, h), de ce règlement.

En ce qu'il considère, à tout le moins implicitement, que la notiond'activité économique visée par l'article 3. 2. du règlement (CE) n°1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilitéet défini par l'article 2, h), de ce règlement ne vise pas le siègeadministratif d'une société où se prennent les décisions importantesrelatives au fonctionnement de cette société, l'arrêt viole l'ensemble desdispositions légales visées au moyen, à l'exception de l'article 149 de laConstitution.

Enfin, en ce qu'il considère que le demandeur n'avait pas d'établissementen Belgique en se fondant uniquement sur un extrait des conclusions dudemandeur, déposées dans le cadre d'une autre procédure, sans vérifier inconcreto, et en tenant compte de toutes les considérations qui lui étaientsoumises, si le demandeur exerçait de façon non transitoire une activitééconomique avec des moyens humains et des biens, l'arrêt viole l'ensembledes dispositions légales visées au moyen, à l'exception de l'article 149de la Constitution.

A titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que la notiond'établissement visée par l'article 3. 2. du règlement (CE) n° 1346/2000du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité etdéfinie par l'article 2, h), de ce règlement requiert une interprétationde la Cour de justice des Communautés européennes, il convient qu'ellesursoie à statuer jusqu'à ce qu'il aura été répondu par cette Cour à laquestion préjudicielle suivante, conformément à l'article 234 du Traitéinstituant les Communautés européennes :

« La notion d'établissement visée à l'article 3. 2. du règlement (CE)n°1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procéduresd'insolvabilité et définie par l'article 2, h), de ce règlement doit-elles'interpréter comme excluant la prise en considération de l'existence, surle territoire de l'État membre distinct de celui sur le territoire duquelest situé le centre principal des intérêts du débiteur, des circonstancesconstituées par :

- l'immatriculation du débiteur auprès de la Banque-Carrefour desentreprises et de l'administration de la T.V.A. de cet État membre

- son immatriculation à l'Office national de sécurité sociale de cet Étatmembre, compte tenu de l'engagement de travailleurs dans cet État

- le recours aux services d'un secrétariat social d'employeurs de cet Étatmembre

- la réception de son courrier et la gestion de l'administration de sesactivités au départ du siège d'entreprise situé dans cet État membre

- le caractère important du passif issu des productions de créances descréanciers de cet État membre

- la prise en location d'un bâtiment à usage d'entrepôt et de bureaux sisdans cet État membre ? ».

III. La décision de la Cour

Sur le second moyen :

Quant à la seconde branche :

En vertu de l'article 3.2. du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, lorsque le centre desintérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d'un Etatmembre, les juridictions d'un autre Etat membre ne sont compétentes pourouvrir une procédure d'insolvabilité à l'égard de ce débiteur que sicelui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre Etatmembre.

L'article 2, h), de ce règlement dispose que l'établissement visé parl'article 3.2. s'entend de tout lieu d'opérations où le débiteur exerce defaçon non transitoire une activité économique avec des moyens humains etdes biens.

Le demandeur faisait valoir en conclusions qu'il avait disposé d'unétablissement en Belgique en invoquant son inscription à laBanque-Carrefour des entreprises, son immatriculation à l'O.N.S.S. et à laT.V.A., le recours à un secrétariat social d'employeurs belge, laréception de courriers en Belgique, une gestion de ses affaires en Franceau départ de son siège d'entreprise belge, un important passif issu desproductions de créances de créanciers belges et la location d'un entrepôtet d'un bureau en Belgique.

Pour décider que le demandeur ne disposait pas en Belgique d'unétablissement, l'arrêt se borne à énoncer que le demandeur « reconnaît […]qu'il n'a jamais exercé d'activité que sur le territoire de la France » etomet de vérifier l'ensemble des éléments objectifs que le demandeur avaitsoumis à la cour d'appel au soutien de l'existence d'un établissement ausens du règlement européen.

L'arrêt ne justifie, dès lors, pas légalement sa décision.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtcassé ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillersDidier Batselé, Daniel Plas, Christine Matray et Martine Regout, etprononcé en audience publique du vingt-sept juin deux mille huit par leprésident de section Claude Parmentier, en présence de l'avocat généralThierry Werquin, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

27 JUIN 2008 C.07.0469.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.07.0469.F
Date de la décision : 27/06/2008

Analyses

FAILLITE ET CONCORDATS - COMPETENCE


Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-06-27;c.07.0469.f ?
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