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13/06/2008 | BELGIQUE | N°D.07.0019.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 juin 2008, D.07.0019.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° D.07.0019.F

ORDRE DES ARCHITECTES, agissant à l'intervention de son conseil national,représenté par son président, dont le siège est établi à Bruxelles, rue deLivourne, 160,

demandeur en cassation,

représenté par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où ilest fait élection de domicile,

contre

F. M.,

défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est di

rigé contre la décision rendue le 24 octobre2007 par le conseil d'appel d'expression française de l'Ordre desarchitectes.

Le c...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° D.07.0019.F

ORDRE DES ARCHITECTES, agissant à l'intervention de son conseil national,représenté par son président, dont le siège est établi à Bruxelles, rue deLivourne, 160,

demandeur en cassation,

représenté par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où ilest fait élection de domicile,

contre

F. M.,

défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre la décision rendue le 24 octobre2007 par le conseil d'appel d'expression française de l'Ordre desarchitectes.

Le conseiller Philippe Gosseries a fait rapport.

L'avocat général André Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 6, 11, 17, 20, 27, 31, alinéa 1^er, 34, alinéa 1^er, a), et 61de la loi du 26 juin 1963 créant un Ordre des architectes ;

- articles 26 et 27 de l'arrêté royal du 30 août 1963 réglantl'application de la loi du 26 juin 1963 créant un Ordre des architectes ;

- article 28 de la loi du 1^er mars 2007 portant des dispositionsdiverses ;

- principe général du droit de la continuité du service public ;

- article 159 de la Constitution.

Décisions et motifs critiqués

Après avoir constaté « que la loi du 1^er mars 2007 (…), qui a apportécertaines modifications aux articles 11 à 28 de la loi du 26 juin 1963, aprolongé les mandats des architectes élus aux conseils provinciaux en lesportant de quatre à six ans ; que la nouvelle loi modifie expressément ladurée des mandats des membres effectifs et suppléants des conseils del'Ordre (article 11 de la loi du 26 juin 1963 modifié par l'article 22 dela loi du 1^er mars 2007) ainsi que ceux des membres des conseils d'appel(article 28 de la loi du 26 juin 1963 modifié par l'article 27 de la loidu 1^er mars 2007) mais ne précise pas que les mandats des architectesdélégués au Conseil national seraient également prolongés (article 34 dela loi du 26 juin 1963) ; que l'article 28 de la loi du 1^er mars 2007prévoit que les modifications apportées à la loi du 26 juin 1963s'appliquent aux mandats actuellement en cours »,

la décision attaquée reçoit le recours du défendeur contre l'élection d'undélégué effectif et d'un délégué suppléant au Conseil national de l'Ordredes architectes à laquelle il a été procédé le 11 octobre 2007 lors d'unconseil extraordinaire du conseil de l'Ordre des architectes de laprovince de Liège, et annule ladite élection.

La décision attaquée se fonde sur les motifs suivants :

1. « Le recours a été introduit dans le délai fixé par l'article 27 del'arrêté royal du 31 août 1963 réglant l'application de la loi du 26 juin1963 créant un Ordre des architectes » ;

2. « [Le défendeur] invoque le fait que l'élection à laquelle il a étéprocédé serait illégale étant donné que les places des délégués effectifet suppléant au Conseil national de l'Ordre des architectes n'étaient pasvacantes. […] Il résulte des éléments de la cause, et notamment d'unelettre du ministre des Classes moyennes et de l'Agriculture, S. L., du 10août 2007 ainsi que d'un mail d'E. W., commissaire du gouvernement, du 19septembre 2007, que, si l'article 34 de la loi du 26 juin 1963 n'a pas étéexpressément modifié, il s'agit d'une erreur qui sera rectifiée par levote prochain d'une loi, et il résulte de l'exposé des motifs du projet deloi que la volonté du législateur était de prolonger également les mandatsdes architectes délégués au Conseil national. Il suit de cesconsidérations que l'élection à laquelle a procédé le conseil de l'Ordredes architectes de [la province de] Liège le 11 octobre 2007 doit êtreannulée, les mandats des délégués actuels étant prolongés en vertu de lavolonté du législateur et du principe de la continuité du service publicqui prime sur toute autre considération en sorte que, dans les organismesd'intérêt public dont l'Ordre des architectes fait partie, les mandatairescontinuent à exercer leurs fonctions jusqu'à leur remplacement » ;

3. « Au surplus, il y a lieu de relever qu'en vertu de l'article 27 durèglement d'ordre intérieur, les membres appelés à siéger au Conseilnational sont choisis lors de l'élection des membres du bureau parmi lesmembres effectifs du conseil, situation qui n'était pas réalisée lorsquele conseil de l'Ordre de la province de Liège a décidé de déléguer deuxautres membres au Conseil national. Il s'ensuit que le recours à cette finà des élections internes lors d'un conseil extraordinaire n'est pas légal».

Griefs

Première branche

L'article 27 de la loi du 26 juin 1963 dispose : « Il est institué deuxconseils d'appel » (alinéa 1^er) ; « Un conseil d'appel ayant lenéerlandais comme langue véhiculaire siège à Gand : il connaît desdécisions des conseils de l'Ordre des provinces d'Anvers, de Flandreoccidentale, de Flandre orientale, de Limbourg et du conseil de l'Ordred'expression néerlandaise de la province de Brabant » (alinéa 2) ; « Unconseil d'appel ayant le français comme langue véhiculaire a son siège àLiège : il connaît des décisions des conseils de l'Ordre des provinces deHainaut, de Liège, de Luxembourg, de Namur et du conseil de l'Ordred'expression française de la province de Brabant » (alinéa 3). Les alinéas2 et 3 de la disposition précitée ont pour objet de préciser la compétenceterritoriale des deux conseils d'appel mais non leur compétencematérielle, réglée par l'article 31 de la loi. Selon l'article 31, alinéa1^er, de ladite loi, les conseils d'appel statuent sur les recoursintroduits contre les décisions rendues par les conseils de l'Ordre envertu des articles 17 (en matière d'inscription au tableau de l'Ordre et àla liste des stagiaires), 20 (en matière disciplinaire) et 61 (dispositiontransitoire concernant l'ancienneté des personnes exerçant notoirement laprofession d'architecte au moment de l'entrée en vigueur de la loi). Lesconseils d'appel n'ont donc pas reçu de compétence pour connaître desrecours contre les décisions des conseils provinciaux prises en vertu del'article 34, alinéa 1^er, de ladite loi, lequel dispose : « Le Conseilnational de l'Ordre des architectes se compose : a) de dix membreseffectifs et de dix membres suppléants (…), choisis par les conseils del'Ordre parmi leurs membres et élus pour un terme de quatre ans à raisond'un membre effectif et d'un membre suppléant par conseil ».

L'article 26 de l'arrêté royal du 31 août 1963 dispose : « Tout électeurau conseil de l'Ordre peut introduire un recours contre les résultats duscrutin, dans les huit jours de leur proclamation. Le recours doit êtreformé par lettre recommandée à la poste, adressée au conseil d'appelcompétent aux termes de l'article 27 de la loi ». Selon l'article 27 dumême arrêté royal, « le conseil d'appel statue en dernier ressort sur lerecours, dans les quinze jours de la réception de la lettre recommandée ».Ces dispositions de l'arrêté royal règlent le recours de tout électeurcontre les élections aux conseils provinciaux, organisées par les articles2 à 25 de l'arrêté royal, mais n'ont pas pour effet d'ouvrir un recourscontre les décisions des conseils provinciaux de déléguer deux de leursmembres au Conseil national sur pied de l'article 34, alinéa 1^er, a), dela loi du 26 juin 1963. La référence, dans l'article 26 précité del'arrêté royal, à la compétence des conseils d'appel prévue à l'article 27de la loi, vise la compétence territoriale des deux conseils d'appel maisne peut avoir pour effet d'élargir, au-delà des termes de l'article 31 dela loi, la compétence matérielle de ces conseils d'appel en matière derecours contre des décisions des conseils de l'Ordre.

Pour déclarer recevable le recours du défendeur contre la décision duconseil [de l'Ordre de la province] de Liège d'élire son délégué effectifet son délégué suppléant au Conseil national, la décision attaquéeconsidère que ce recours a « été introduit dans le délai fixé parl'article 27 de l'arrêté royal du 31 août 1963 réglant l'application de laloi du 26 juin 1963 créant un Ordre des architectes ». La décisionattaquée décide ainsi que le conseil d'appel était compétent pourconnaître du recours en violation des articles 17, 20, 27, alinéas 1^er à3, 31, alinéa 1^er, 34, alinéa 1^er, a), 61 de la loi du 26 juin 1963, 26et 27 de l'arrêté royal du 31 août 1963.

Deuxième branche

L'article 34, alinéa 1^er, de la loi précitée du 26 juin 1963 dispose :« Le Conseil national de l'Ordre des architectes se compose : a) de dixmembres effectifs et de dix membres suppléants (…), choisis par lesconseils de l'Ordre parmi leurs membres et élus pour un terme de quatreans à raison d'un membre effectif et d'un membre suppléant par conseil ».Cette disposition n'a pas été modifiée par la loi du 1^er mars 2007portant des dispositions diverses, en sorte que la durée du mandat desdélégués effectifs et suppléants des conseils de l'Ordre au Conseilnational reste fixée à quatre ans. L'article 28 de la loi précitée du 1^ermars 2007 dispose : « Les modifications visées au présent chapitre(modification de la loi du 26 juin 1963 créant un Ordre des architectes)s'appliquent aux mandats actuellement en cours au sein des organes reprisà l'article 6 de la même loi», c'est-à-dire les conseils de l'Ordre, lesconseils d'appel et le Conseil national de l'Ordre. L'article 28 de la loidu 1^er mars 2007 n'a pas pour effet de prolonger la durée des mandatsprévue à l'article 34, alinéa 1^er, a), de la loi du 26 juin 1963, quireste inchangée. La volonté du législateur exprimée au cours des travauxpréparatoires de la loi du 1^ermars 2007 est impuissante à modifierl'article 34, alinéa 1^er, a), de la loi du 26 juin 1963 qui n'a pas étémodifié par la loi du 1^er mars 2007 elle-même.

En annulant l'élection du conseil provincial par les motifs cités supra,2, la décision attaquée viole dès lors les articles 34, alinéa 1^er, a),de la loi du 26 juin 1963 et 28 de la loi du 1^er mars 2007 et fait unefausse application du principe général du droit de la continuité duservice public.

Troisième branche

Selon l'article 11, alinéa 1^er, de ladite loi du 26 juin 1963, tel qu'ila été modifié par l'article 22 de la loi du 1^er mars 2007, « les membresdu conseil de l'Ordre, effectifs et suppléants, sont élus pour un terme desix ans parmi les membres de l'Ordre ». Selon l'article 28 de ladite loidu 1^er mars 2007, « les modifications visées au présent chapitre(modification de la loi du 26 juin 1963 créant un Ordre des architectes)s'appliquent aux mandats actuellement en cours au sein des organes reprisà l'article 6 de la loi », c'est-à-dire notamment aux conseils de l'Ordre.Il ressort de ces dispositions légales que le mandat des membres duconseil de l'Ordre élus, avant la loi du 1^er mars 2007, pour un terme dequatre ans, en cours au moment de l'entrée en vigueur de cette loi,c'est-à-dire le 24 mars 2007, est prolongé de deux ans. L'article 34,alinéa 1^er, de la loi du 26 juin 1963 dispose : « Le Conseil national del'Ordre des architectes se compose : a) de dix membres effectifs et dixmembres suppléants (…) choisis par les conseils de l'Ordre parmi leursmembres et élus pour un terme de quatre ans à raison d'un membre effectifet d'un membre suppléant par conseil ». Dès lors, la désignation desdélégués des conseils de l'Ordre au Conseil national n'est pas soumise àd'autres conditions qu'une élection par les membres des conseils del'Ordre eux-mêmes régulièrement élus.

En l'espèce, en annulant l'élection du 11 octobre 2007 par le motif citésupra, 3, la décision attaquée soumet la légalité de l'élection desmembres des conseils de l'Ordre à une condition prévue par une dispositiondu règlement d'ordre intérieur, lequel ne peut prévaloir sur lesdispositions précitées de la loi. La décision attaquée viole ainsi lesarticles 6, 11, alinéa 1^er, 34, alinéa 1^er, a), de la loi du 26 juin1963, 28 de la loi du 1^er mars 2007 et 159 de la Constitution.

III. La décision de la Cour

Il n'y a pas lieu d'avoir égard au mémoire du défendeur intitulé« conclusions » et reçu au greffe de la Cour le 20 janvier 2008, qui n'estpas signé par un avocat à la Cour de cassation, comme le prescritl'article 1092 du Code judiciaire. Il en est de même, pour le même motif,de la lettre du 2 juin 2008 adressée par le demandeur au président de laCour.

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

La sentence attaquée reçoit le recours du défendeur contre la décision duconseil de l'Ordre des architectes de la province de Liège de choisir enson sein et d'élire pour un terme de quatre ans, en vertu de l'article 34,alinéa 1^er, a), de la loi du 26 juin 1963 créant un Ordre desarchitectes, un membre effectif et un membre suppléant du Conseil nationalde cet ordre.

Aux termes de l'article 31, alinéa 1^er, de cette loi, les conseilsd'appel statuent sur les recours introduits contre les décisions renduespar les conseils de l'Ordre en vertu des articles 17, 20 et 61.

Cette disposition n'attribue pas au conseil d'appel la compétence destatuer sur une décision du conseil de l'Ordre prise sur la base del'article 34, alinéa 1^er, a), de la loi.

Si les articles 26 et 27 de l'arrêté royal du 31 août 1963 réglantl'application de la loi du 26 juin 1963 créant un Ordre des architectesrèglent le recours devant le conseil d'appel de tout électeur contre lesélections aux conseils provinciaux visées aux articles 2 à 25 de cetarrêté royal, ils n'ont pas pour effet d'ouvrir un recours contre lesdécisions des conseils provinciaux de l'Ordre de déléguer deux de leursmembres au Conseil national par application de l'article 34, alinéa 1^er,a), de la loi du 26 juin 1963.

En décidant que le conseil d'appel est compétent pour connaître du recoursdu défendeur, la sentence attaquée viole les dispositions légales viséesau moyen, en cette branche.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décisioncassée ;

Condamne le défendeur aux dépens ;

Renvoie la cause devant le conseil d'appel d'expression française del'Ordre des architectes, autrement composé, qui se conformera à ladécision de la Cour sur le point de droit jugé par elle.

Les dépens taxés à la somme de sept cent septante-huit euros seizecentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillersDidier Batselé, Daniel Plas, Christine Matray et Philippe Gosseries, etprononcé en audience publique du treize juin deux mille huit par leprésident de section Claude Parmentier, en présence de l'avocat généralAndré Henkes, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

13 JUIN 2008 D.07.0019.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : D.07.0019.F
Date de la décision : 13/06/2008

Analyses

ARCHITECTE (DISCIPLINE ET PROTECTION DU TITRE)


Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-06-13;d.07.0019.f ?
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