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30/05/2008 | BELGIQUE | N°F.06.0083.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 mai 2008, F.06.0083.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° F.06.0083.F

ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet estétabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences dudirecteur régional des contributions à Charleroi, dont les bureaux sontétablis à Charleroi, centre Albert, place Albert 1^er, 4,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maître Jean-François Dizier, avocat au barreau deCharleroi, dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de Montigny, 27/3,

contre

 1. FEDERAL - MOGUL IGNITION, société anon

yme dont le siège social estétabli à Aubange, avenue Champion,

défenderesse en cassation,

ayant pour cons...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° F.06.0083.F

ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet estétabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences dudirecteur régional des contributions à Charleroi, dont les bureaux sontétablis à Charleroi, centre Albert, place Albert 1^er, 4,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maître Jean-François Dizier, avocat au barreau deCharleroi, dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de Montigny, 27/3,

contre

 1. FEDERAL - MOGUL IGNITION, société anonyme dont le siège social estétabli à Aubange, avenue Champion,

défenderesse en cassation,

ayant pour conseil Maîtres Johan Vanden Eynde et Alain Hirsch, avocats aubarreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Ixelles, avenue de laCouronne, 340,

2. ASSOCIATION INTERCOMMUNALE D'EQUIPEMENT ECONO-MIQUE DE LA PROVINCE DELUXEMBOURG, en abrégé IDELUX, société coopérative à responsabilité limitéedont le siège social est établi à Arlon, drève de l'Arc-en-ciel, 98,

défenderesse en cassation,

ayant pour conseil Maître Maurice Eloy, avocat au barreau de Bruxelles,dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, rue Defacqz, 78.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2005par la cour d'appel de Mons.

Le président de section Claude Parmentier a fait rapport.

L'avocat général André Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 170 et 172 de la Constitution ;

- articles 11, 3°, b, 15bis, 153, 164, alinéa 1^er, 3°, 165, 171, 220,259, 265, 266 et 303, alinéa 1^er, du Code des impôts sur les revenus(1964), tels qu'ils étaient applicables pour les exercices d'imposition1989 à 1991, et les articles 17, § 1^er, 2°, 19, § 1^er, 2°, 249, 261,267, alinéa 1^er, 312, 354, 360, 365 et 412, alinéa 1^er, du Code desimpôts sur les revenus 1992, tels qu'ils étaient applicables pour lesexercices d'imposition 1992 et 1993 ;

- principe général de bonne administration, spécialement droit à lasécurité juridique et à la confiance légitime.

Décisions et motifs attaqués

Statuant sur une contestation relative « aux précomptes mobiliers que,selon (le demandeur), (la première défenderesse) aurait dû retenir sur lesintérêts qu'elle a payés à la [seconde défenderesse], dans le cadre ducontrat de leasing immobilier qu'elles avaient conclu »,

l'arrêt décide qu' « il n'y a (...) pas lieu d'admettre l'exonération (deprécompte mobilier) revendiquée par les parties (défenderesses) (sur labase de l'article 89, § 2, 10°, a, de l'arrêté royal d'exécution du Codedes impôts sur les revenus (1964) - ou 107, § 2, 7°, de l'arrêté royald'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 - suivant lequel ilest renoncé à la perception du précompte mobilier sur les revenus comprisdans les redevances résultant de conventions d'octroi de droits d'usagesur des biens immobiliers bâtis, alloués ou attribués à des établissementsfinanciers ou des entreprises y assimilées), les deux conditions (fixéespar l'article 87, 1°, 1, de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôtssur les revenus (1964) - ou 105, 1°, 1, de l'arrêté royal d'exécution duCode des impôts sur les revenus 1992 - définissant pareils établissementsfinanciers ou entreprises y assimilées) n'étant réunies ni dans le chef dela [seconde défenderesse] ni dans celui de sa branche d'activité'financement immobilier', à supposer que ce dernier puisse être considérécomme un 'établissement' au sens de la disposition précitée »,

mais considère « que c'est en revanche à bon droit que les parties(défenderesses) invoquent la violation par (le demandeur) des principes debonne administration » aux motifs :

- « que certes la loi fiscale est d'ordre public et qu'il n'existe pas dedroit acquis à la persistance d'un avantage que la loi n'autorise pas, enmanière telle que la confiance qu'un contribuable peut avoir dans lemaintien d'une attitude adoptée par l'administration ne peut être légitimequ'à propos de questions de fait, et ne peut en tout cas aboutir aumaintien d'une application erronée des textes légaux ;

- qu'il n'en reste pas moins qu'en revenant subitement, et surtout demanière rétroactive, sur la position qu'elle avait adoptée sur une trèslongue durée et maintenue après différents contrôles, l'administration améconnu le droit du contribuable à la sécurité juridique ;

- qu'en l'occurrence et nonobstant le principe de légalité, cetteviolation du principe de bonne administration doit être sanctionnée, pourle motif qu'elle n'a pas permis aux [défenderesses] d'éviter de manièrelicite d'être soumises aux cotisations litigieuses »,

et confirme sur cette base le jugement du 19 septembre 2002 qui avaitprononcé l'annulation des cotisations litigieuses au précompte mobilierétablies dans le chef de la première défenderesse.

Griefs

Pour décider qu'il n'y a pas lieu d'admettre l'exonération de précomptemobilier revendiquée par les défenderesses, sur la base de l'article 89, §2, 10°, a, de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur lesrevenus (1964) - ou 107, § 2, 7°, de l'arrêté royal d'exécution du Codedes impôts sur les revenus 1992 -, l'arrêt a nécessairement dû admettre aupréalable que les intérêts versés par la [première défenderesse], dans lecadre du contrat de leasing immobilier que les défenderesses avaientconclu, constituent des revenus mobiliers imposables en l'occurrence surpied des articles 11, 3°, b, et 15bis, du Code des impôts sur les revenus(1964) - ou 17, § 1^er, 2°, et 19, § 1^er, 2°, du Code des impôts sur lesrevenus 1992 - dont l'attribution ou la mise en paiement entraîne enprincipe la débition du précompte mobilier en vertu de l'article 171 duCode des impôts sur les revenus (1964) - ou 267, alinéa 1^er, du Code desimpôts sur les revenus 1992 -, lequel doit être retenu par le redevablesur les revenus imposables nonobstant toute convention contraireconformément aux articles 164, alinéa 1^er, 3°, et 165 du Code des impôtssur les revenus (1964) - ou 261 du Code des impôts sur les revenus 1992 -et faire l'objet d'une déclaration et d'un paiement dans les quinze joursde ladite attribution ou mise en paiement des revenus imposables commel'exigent les articles 220 et 303, alinéa 1^er, du Code des impôts sur lesrevenus (1964) et 100 de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts surles revenus (1964) - ou 312 et 412, alinéa 1^er, du Code des impôts surles revenus 1992 et 85 de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôtssur les revenus 1992.

Lorsque, comme en l'espèce, le précompte mobilier n'a pas été déclaré etpayé dans le délai fixé par l'article 303, alinéa 1^er, du Code des impôtssur les revenus (1964) - ou 412, alinéa 1^er, du Code des impôts sur lesrevenus 1992 -, il fait l'objet d'un enrôlement en vertu de l'article 266du Code des impôts sur les revenus (1964) - ou 365 du Code des impôts surles revenus 1992 - lequel doit être effectué dans les délais légauxd'imposition fixés notamment par l'article 259 du Code des impôts sur lesrevenus (1964) - ou 354 du Code des impôts sur les revenus 1992.

L'arrêt ne constate pas que les précomptes mobiliers dont les partiesdéfenderesses postulent à tort l'exonération, n'ont pas été régulièrementenrôlés dans les délais légaux.

S'il est vrai que les principes généraux de bonne administrationimpliquent le droit à la sécurité juridique et que ces principes sontaussi applicables à l'administration fiscale, il n'en demeure pas moinsque le droit à la sécurité juridique dont tout redevable bénéficieindividuellement n'est pas illimité et doit, dans certaines circonstances,céder devant le principe de légalité consacré par les articles 170 et 172de la Constitution garantissant la sécurité juridique et l'égalité entretous les redevables. Plus spécialement, ce droit n'implique pas que leredevable qui a conclu avec un fonctionnaire un accord lui conférant desavantages contraires aux dispositions légales expresses pourrait prétendreà l'application de ce contrat qui n'est pas susceptible de susciter deprévisions justifiées dans son chef. En effet, un principe général dudroit non écrit ne permet pas au juge de se dispenser d'appliquer unedisposition légale expresse sur le même objet.

En l'occurrence, les défenderesses ne peuvent fonder sur les principesgénéraux de bonne administration, spécialement sur le droit à la sécuritéjuridique, un droit à l'exonération du précompte mobilier dont il estformellement constaté que les conditions d'octroi ne sont pas réunies, desorte que les enrôlements dont ce précompte mobilier a fait l'objetrésultent de l'application de dispositions légales expresses rappeléesci-avant dont il n'est pas établi qu'elles auraient été appliquées à tort.

En particulier, le principe de l'annualité de l'impôt consacré parl'article 265 du Code des impôts sur les revenus (1964) - ou 360 du Codedes impôts sur les revenus 1992 - et le caractère d'ordre public desdélais d'imposition auxquels l'administration n'est pas libre de renoncers'opposent à la prise en compte de la rétroactivité comme élément denature à fonder une violation des principes de bonne administration,chaque fois que ladite rétroactivité procède de l'application parl'administration fiscale d'un délai d'imposition qui lui est légalementouvert.

De ce qui précède, il résulte que l'arrêt n'a pas légalement confirmél'annulation des cotisations au précompte mobilier litigieuses qui avaitété prononcée par le jugement du 19 septembre 2002 mais a violé leprincipe de légalité consacré par les articles 170 et 172 de laConstitution garantissant la sécurité juridique et l'égalité entre tousles redevables, et spécialement en l'espèce les dispositions légalesexpresses qui fondent la débition par la [première défenderesse] descotisations au précompte mobilier litigieuses, à savoir les articles 11,3°, b, 15bis, 153, 164, alinéa 1^er, 3°, 165, 171, 220, 259, 265, 266 et303, alinéa 1^er, du Code des impôts sur les revenus (1964) pour lesexercices d'imposition 1989 à 1991 - ou les articles 17, § 1^er, 2°, 19, §1^er, 2°, 249, 261, 267, alinéa 1^er, 312, 354, 360, 365 et 412, alinéa1^er, du Code des impôts sur les revenus 1992 pour les exercicesd'imposition 1992 et 1993 -, ainsi que les principes généraux de bonneadministration, spécialement le droit à la sécurité juridique et à laconfiance légitime, dont il a méconnu les limites.

III. La décision de la Cour

Sur la première fin de non-recevoir opposée au moyen par la premièredéfenderesse et déduite de ce que le moyen ne mentionne pas l'article 149de la Constitution comme disposition violée :

Contrairement à ce que soutient la première défenderesse, le moyen ne faitpas grief à l'arrêt d'être entaché de contradiction dans les motifs.

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur la seconde fin de non-recevoir opposée au moyen par la premièredéfenderesse et déduite de ce que le moyen omet d'invoquer la violationdes articles 265 du Code des impôts sur les revenus (1964) et 360, alinéa1^er, du Code des impôts sur les revenus 1992, et celle des dispositionsrelatives aux délais d'imposition :

D'une part, le moyen invoque la violation des deux articles précités.

D'autre part, le moyen ne fait pas grief à l'arrêt de violer lesdispositions relatives aux délais d'imposition.

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur le moyen :

Les principes de bonne administration, qui comprennent le droit à lasécurité juridique, s'imposent à l'administration fiscale.

L'administration fiscale doit appliquer la loi et n'est pas libre derenoncer à établir l'impôt légalement dû.

Le droit à la sécurité juridique n'implique pas que le contribuable puissese prévaloir de l'attitude antérieure de l'administration, même constantependant plusieurs exercices, qui n'a pu faire naître dans son chef laconviction justifiée que l'administration renonçait à l'applicationstricte de la loi.

L'arrêt constate que « le litige se rapporte aux précomptes mobiliers que,selon l'administration, [la première défenderesse] aurait dû retenir surles intérêts qu'elle a payés à la [seconde défenderesse], dans le cadre ducontrat de leasing immobilier qu'elles avaient conclu ».

Après avoir considéré qu'aucune des deux conditions exigées par la loipour pouvoir bénéficier de l'exonération du précompte mobilier n'étaitremplie par la seconde défenderesse, l'arrêt énonce que « la loi fiscaleest d'ordre public et qu'il n'existe pas de droit acquis à la persistanced'un avantage que la loi n'autorise pas, en manière telle que la confiancequ'un contribuable peut avoir dans le maintien d'une attitude adoptée parl'administration ne peut être légitime qu'à propos de questions de fait,et ne peut en tout cas aboutir au maintien d'une application erronée destextes légaux ».

Pour exonérer la première défenderesse de la retenue du précomptemobilier, l'arrêt considère toutefois « qu'il n'en reste pas moins qu'enrevenant subitement, et surtout de manière rétroactive, sur la positionqu'elle avait adoptée sur une très longue durée et maintenue aprèsdifférents contrôles, l'administration a méconnu le droit du contribuableà la sécurité juridique ».

Ainsi l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision d'annuler, parconfirmation du jugement dont appel, les cotisations litigieuses et decondamner le demandeur à restituer les sommes perçues par lui.

Le moyen est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtcassé ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillersAlbert Fettweis, Sylviane Velu, Philippe Gosseries et Martine Regout, etprononcé en audience publique du trente mai deux mille huit par leprésident de section Claude Parmentier, en présence de l'avocat généralAndré Henkes, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

30 MAI 2008 F.06.0083.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.06.0083.F
Date de la décision : 30/05/2008

Analyses

PRINCIPES GENERAUX DU DROIT


Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-05-30;f.06.0083.f ?
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