Cour de cassation de Belgique
Arrêt
**101
364
**401
N° P.08.0216.F
I. W. J,
II. S.H.,
inculpés,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est faitélection de domicile,
contre
1. FONDATION H.T.- maison des Ainés Village n° 1 Reine Fabiola,association sans but lucratif,
2. MAISONS FAMILIALES VILLAGE N°1 REINE FABIOLA, association sans butlucratif,
3. ATELIER DE COORDINATION ET DE GESTION DU HANDICAP, association sans butlucratif,
4. service accueil de jour Village n°1 Reine Fabiola, association sans butlucratif,
5. entreprise de travail adapté Village n°1, association sans butlucratif,
6 CAPSA, association sans but lucratif, en liquidation,
7. MAISONS FAMILIALES VILLAGE N°1, association sans but lucratif,
8. D. F.,
9. B.I.,
parties civiles,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il estfait élection de domicile.
I. la procédure devant la cour
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 15 janvier 2008 par lacour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, statuant commejuridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 26 septembre 2007.
Les demandeurs présentent deux moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie certifiée conforme.
Le président de section Frédéric Close a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. la décision de la cour
Sur le premier moyen :
Le juge apprécie le caractère équitable du procès sur la base de laprocédure considérée dans sa globalité.
L'arrêt considère, aux termes d'une appréciation qui gît en fait, que ledroit des demandeurs à un procès équitable n'a pas été méconnu de manièreirréparable, après avoir examiné successivement ce droit sous l'angle del'impartialité de l'instruction, des demandes de devoirs complémentairessollicités par les demandeurs et de la médiatisation de l'affaire enrapport avec la présomption d'innocence.
Ainsi, les juges d'appel ont répondu aux conclusions invoquant laviolation du droit à un procès équitable, sans être tenus de répondredavantage « au grief relatif à la médiatisation » qui ne constitue pas unmoyen distinct.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
En énonçant notamment « qu'il n'est pas soutenu, [au stade du règlement]de la procédure, que la durée, prétendument anormale de celle-ci auraitpour résultat l'impossibilité de l'exercice des droits de la défense, quiserait de nature à compromettre gravement et irrémédiablement le droit àun procès équitable », les juges d'appel n'ont pas, comme le soutient lemoyen, subordonné une violation du délai raisonnable à l'impossibilitéd'exercer les droits de défense.
Procédant à cet égard d'une interprétation inexacte de l'arrêt, le moyenmanque en fait.
Pour le surplus, l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertés fondamentales peut s'appliquer avant la saisine dujuge du fond mais dans la mesure seulement où l'inobservation de sesexigences risque de compromettre gravement et irrémédiablement lecaractère équitable du procès. Si cette disposition reconnaît notamment àla personne poursuivie le droit de voir, dans un délai raisonnable,décider du bien-fondé de l'accusation dirigée contre elle, la juridictiond'instruction ne peut prendre en compte le dépassement éventuel d'un teldélai et ses conséquences que sous l'angle de l'administration de lapreuve et du respect des droits de la défense, dès lors qu'elle ne sauraitle faire au niveau de l'appréciation de la peine.
Ayant considéré, compte tenu tant de la complexité réelle de la cause quedes comportements respectifs des demandeurs et des autorités, qu'il n'yavait pas de dépassement du délai raisonnable susceptible d'êtresanctionné à ce stade de la procédure, la chambre des mises en accusationa procédé au contrôle qui lui incombait et a pu légalement considérer que,pour le surplus, il appartiendrait à la juridiction de jugementd'apprécier cette question au vu de l'ensemble de la procédure, et d'entirer les conséquences.
En effet, si l'article 6 peut être invoqué dès la phase préparatoire d'unprocès pénal, il ne s'en déduit pas que le respect de ses dispositions nepuisse également être vérifié quant à la procédure suivie, le cas échéant,devant la juridiction de jugement.
Une chambre des mises en accusation appelée à statuer sur le règlement dela procédure et, à cette occasion, sur la régularité de l'instructionpréparatoire peut dès lors, sans violer les articles 6.1 et 13 de laConvention, considérer que les violations alléguées ne sont pas de natureà empêcher le déroulement d'un procès équitable devant le juge du fond.
Si, à la date de l'introduction de leur requête devant la Cour européennedes droits de l'homme, le 4 avril 2005, soit au cours même del'instruction judiciaire, les demandeurs n'ont disposé en droit interne,selon cette Cour, d'aucun recours effectif leur permettant de faire valoirleurs griefs tirés de la durée de la procédure, ils ont disposé à tout lemoins d'un tel recours lors du règlement de la procédure et en disposerontencore devant la juridiction de jugement.
La constatation par la Cour européenne de la violation du délairaisonnable en cours d'instruction ne saurait, nonobstant l'article 46.1de la Convention, avoir pour effet de rendre nécessairement impossible latenue d'un procès équitable devant la juridiction de jugement, et nesaurait dès lors justifier à elle seule la cassation sans renvoi, postuléepar le demandeur, de l'arrêt statuant sur le règlement de la procédure. Eneffet, ni la règle de droit international ni la règle de droit interne neprévoient l'irrecevabilité de la poursuite à titre d'unique sanction dudépassement du délai raisonnable.
La circonstance qu'en réglant la procédure, l'arrêt attaqué écartel'existence d'un dépassement tel qu'il violerait irrémédiablement lesdroits de la défense ou empêcherait de constater l'existence de chargessuffisantes, ne supprime pas l'obligation pour le juge du fond de seconformer à l'arrêt rendu par la Cour européenne en la cause, et dedéduire à cette fin, de la violation que cette juridiction a constatée,telles conséquences, fixées par la loi, qu'il appartiendra.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont étéobservées et les décisions sont conformes à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de deux cent cinquante-neufeuros quarante et un centimes dont I) sur le pourvoi de J. W. : centvingt-neuf euros septante centimes dus et II) sur le pourvoi d'H. S.: centvingt-neuf euros septante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Jean de Codt, président de section, président, Frédéric Close,président de section, Paul Mathieu, Benoît Dejemeppe et Jocelyne Bodson,conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-huit mai deux millehuit par Jean de Codt, président de section, en présence de DamienVandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Patricia De Wadripont,greffier adjoint principal.
+------------------------------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | J. Bodson | B. Dejemeppe |
|------------------------+----------------------+------------------------|
| P. Mathieu | F. Close | J. de Codt |
+------------------------------------------------------------------------+
28 MAI 2008 P.08.0216.F/1