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15/05/2008 | BELGIQUE | N°C.07.0320.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 mai 2008, C.07.0320.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGC.07.0320.N

DEXIA BANQUE BELGIQUE, societe anonyme,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

M. - V. M.,

Me Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 23 janvier 2007par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen li

belle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 20, alineas 1er et 2, de la loi du 13 avril 1995 rela...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGC.07.0320.N

DEXIA BANQUE BELGIQUE, societe anonyme,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

M. - V. M.,

Me Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 23 janvier 2007par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 20, alineas 1er et 2, de la loi du 13 avril 1995 relative aucontrat d'agence commerciale ;

- article 870 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

Dans son arret du 23 janvier 2007, la cour d'appel de Bruxelles declarel'appel principal et l'appel incident recevables et partiellement fondeset condamne la demanderesse notamment à payer la somme de 116.500 eurosà titre d'indemnite d'eviction, majoree des interets au taux legal àpartir du 9 aout 2001 et des interets judiciaires. Cette decision estfondee sur les considerations suivantes :

« 2.1. La defenderesse reclame ensuite une indemnite d'eviction de5.658.011 francs soit 140.258,18 euros, ainsi qu'une indemnitecomplementaire de 50.456,32 euros, soit 190.714,50 euros au total.

L'article 20 de la loi du 13 avril 1995 dispose que, apres la cessation ducontrat, l'agent commercial a droit à une indemnite d'eviction lorsqu'ila apporte de nouveaux clients au commettant ou a developpe sensiblementles affaires avec la clientele existante, pour autant que cette activitedoive encore procurer des avantages substantiels au commettant (alinea1er).

Le montant de cette indemnite d'eviction est fixe en tenant compte tant del'importance du developpement des affaires que de l'apport de clientele(alinea 3).

L'indemnite ne peut depasser le montant d'une annee de remuneration,calcule d'apres la moyenne des cinq dernieres annees (alinea 4).

L'article 21 dispose que, pour autant que l'agent commercial ait droit àl'indemnite d'eviction visee à l'article 20 et que le montant de cetteindemnite ne couvre pas l'integralite du prejudice reellement subi,l'agent commercial peut, mais à charge de prouver l'etendue du prejudiceallegue, obtenir en plus de cette indemnite, des dommages et interets àconcurrence de la difference entre le montant du prejudice reellement subiet celui de cette indemnite.

En l'espece, le contrat d'agence commerciale contenait une clause denon-concurrence.

En vertu de l'article 24, S: 3 et de l'article 20, alinea 2, de la loi du13 avril 1995, cette clause cree en faveur de la defenderesse unepresomption d'avoir apporte une clientele, sauf preuve contraire apporteepar la demanderesse, et la Banque Dexia est presumee sauf preuve contraireavoir rec,u des avantages substantiels.

L'exigence que l'apport ou le developpement des affaires en questiondoivent encore procurer des avantages substantiels au commettant, doitetre appreciee au moment de la cessation du contrat d'agence.

Il n'y a pas lieu de prouver que ces avantages ont ete effectivementrealises et que le commettant a effectivement pu conserver la clientele nique l'agent a subi un dommage.

Eu egard à l'existence d'une clause de non-concurrence dans le contratconclu avec la defenderesse, il y a lieu de presumer, sauf preuvecontraire, que cet apport ou ce developpement des affaires etait de natureà encore procurer des avantages substantiels à la banque Dexia.

La demanderesse n'apporte pas cette preuve contraire.

La cour d'appel tient compte du fait que la clientele existante lorsque lecontrat d'agence a pris fin offrait la possibilite d'obtenir des commandesfutures et ce sur une base continue et meme quotidienne, eu egard à lanature propre des produits, des services et des relations bancaires.

Le fait que lorsque le contrat d'agence a pris fin, la defenderesse a eteengagee par un etablissement bancaire concurrent situe dans la memecommune, est sans incidence.

Des lors que la banque Dexia avait mit fin au contrat d'agence, ladefenderesse n'etait, en effet, pas tenue d'une obligation denon-concurrence et il n'est en tout cas pas demontre qu'elle aurait faitune concurrence deloyale à la banque meme si un grand nombre de clientsont, de fait, transfere leurs avoirs places sur des comptes et des livretsd'epargne de la banque Dexia au nouveau bureau occupant la defenderesse àpartir du 16 juillet 2001.

Il ne peut en outre pas etre exclu que le depart de la clientele invoquepar la demanderesse etait du à la maniere dont l'agence de la banqueDexia situee à Staden etait exploitee depuis le 30 juin 2001.

Il n'est en tout cas pas etabli, au regard des intentions et des plansd'avenir de la defenderesse au moment ou le contrat d'agence a pris fin,que la banque Dexia ne pouvait plus s'attendre à des avantagessubstantiels.

Le fait que dans une circulaire du 27 juin 2001, la defenderesse aitremercie les clients de la confiance qu'ils lui avaient temoignee, à elleet à sa famille, et leur ait fait savoir qu'ils pouvaient continuer àcompter sur elle et que leurs chemins se croiseraient surement, ne privepas ces considerations de pertinence.

Des lors que la banque Dexia avait decide de mettre fin à sacollaboration avec la defenderesse et que cette derniere n'etait pas tenued'une obligation de non-concurrence, il ne peut lui etre reproche d'avoirestime qu'elle pouvait continuer à travailler dans la meme branche ».

Griefs

Premiere branche

Aux termes de l'article 20, alinea 1er, de la loi du 13 avril 1995relative au contrat d'agence commerciale, apres la cessation du contrat,l'agent commercial a droit à une indemnite d'eviction lorsqu'il a apportede nouveaux clients au commettant ou a developpe sensiblement les affairesavec la clientele existante, pour autant que cette activite doive encoreprocurer des avantages substantiels au commettant.

Cette indemnite d'eviction vise plus particulierement à indemniserl'agent pour la perte de la clientele qu'il a apportee et dont lescommandes continuent à arriver automatiquement aupres du commettant etconstitue egalement la contrepartie des avantages procures au commettantapres la fin du contrat grace aux efforts fournis par l'agent.

Il ne pourra etre satisfait au droit à une indemnite d'eviction quelorsqu'il sera etabli que le commettant continuera à retirer desavantages substantiels des efforts fournis par l'agent au cours du contratd'agence commerciale ou, à tout le moins, qu'il existe suffisamment degaranties à la date de la cessation du contrat que le commettant retirerades avantages substantiels de cet apport ou de ce developpement desaffaires.

Il ressort en outre clairement des termes utilises dans le texte de laloi, specialement dans sa version franc,aise, ainsi que de l'alinea 2 del'article 20 de la loi du 13 avril 1995 que des avantages simplementpotentiels ne suffisent pas mais qu'il faut qu'il soit etabli à la fin ducontrat que cet apport ou ce developpement des affaires procurera desavantages substantiels.

En effet, non seulement l'alinea 1er de l'article 20 de la loi du 13 avril1995 dans sa version franc,aise, pose explicitement comme condition quel'apport ou le developpement des affaires « doivent » procurer desavantages substantiels, ce qui indique qu'il doit etre etabli que grace àcet apport ou à ce developpement des affaires des avantages substantielsseront effectivement procures au commettant, mais en outre l'alinea 2 dece meme article dispose expressement que si le contrat prevoit une clausede non-concurrence, le commettant est repute, sauf preuve contraire,recevoir des avantages substantiels, ce qui implique une realisationeffective de ces avantages.

Afin de decider si ces conditions sont remplies ou non le juge tiendracompte le cas echeant des faits qui se sont produits apres la cessation ducontrat.

En l'espece, la cour d'appel constate expressement, non seulement quelorsque le contrat d'agence a pris fin, le 30 juin 2001, la defenderesse aete engagee par un etablissement concurrent situe dans la meme commune,mais en outre que, dans une circulaire datant du 27 juin 2001, soit troisjours avant la cessation du contrat, la defenderesse avait fait savoir auxclients qu'ils pouvaient continuer à compter sur elle et que leurschemins se croiseraient surement encore et qu'un grand nombre de clientsa, de fait, transfere leurs avoirs places sur des comptes et des livretsd'epargne de la banque Dexia au nouveau bureau occupant la defenderesse àpartir du 16 juillet 2001, ces constatations fournissant ou pouvantfournir une indication du lien existant entre les clients apportes et ladefenderesse et, des lors, de l'absence dans le chef de la demanderessedes avantages substantiels requis par la loi.

Conclusion

En admettant que la condition que l'apport ou le developpement desaffaires doivent procurer des avantages substantiels au commettant doiveetre appreciee au moment ou le contrat d'agence commerciale prend fin,sans qu'il faille prouver que ces avantages ont ete effectivementrealises, et en admettant ainsi que des avantages purement potentielssuffisent sans devoir examiner si l'apport ou le developpement desaffaires offrent suffisamment de garanties que le commettant beneficierad'avantages substantiels apres la cessation du contrat grace à cet apportou à un developpement des affaires et donc grace aux efforts de l'ancienagent, la cour d'appel ne justifie pas legalement sa decision (violationde l'article 20, alineas 1er et 2, de la loi du 13 avril 1995 relative aucontrat d'agence commerciale). En outre, en considerant que les faits quisont survenus apres la cessation du contrat, en particulier lacirconstance que l'agent a ete engage immediatement, dans la meme commune,par une banque concurrente, que l'agent avait annonce aux clients queleurs chemins se croiseraient encore et qu'un grand nombre de clients aeffectivement suivi l'agent dans sa nouvelle agence, sont sans pertinencepour apprecier l'existence de la condition precitee, la cour d'appel nejustifie pas davantage legalement sa decision (violation de l'article 20,alinea 1er, de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agencecommerciale). La cour d'appel ne pouvait des lors pas decider legalementque la demanderesse n'avait pas apporte la preuve contraire requise(violation des articles 20, alineas 1er et 2, de la loi du 13 avril 1995relative au contrat d'agence commerciale et 870 du Code judiciaire).

(...)

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

1. En vertu de l'article 20, alinea 1er, de la loi du 13 avril 1995relative au contrat d'agence commerciale, apres la cessation du contrat,l'agent commercial a droit à une indemnite d'eviction lorsqu'il a apportede nouveaux clients au commettant ou a developpe sensiblement les affairesavec la clientele existante, pour autant que cette activite puisse encoreprocurer des avantages substantiels au commettant.

En vertu de cet article, si le contrat contient une clause denon-concurrence, le commettant est presume, sauf preuve contraire,recevoir des avantages substantiels.

2. Il ressort du texte de la loi et des travaux parlementaires que l'agentcommercial a droit à une indemnite d'eviction lorsqu'il peut etreraisonnablement admis que l'apport de nouveaux clients ou le developpementsensible des affaires avec la clientele existante, apportera des avantagessubstantiels au commettant apres la cessation du contrat, ce qui impliqueune certaine constance de cet apport ou de ce developpement des affaires.Il n'est toutefois pas requis que l'apport ou le developpement desaffaires, apres la cessation du contrat, procure encore effectivement desavantages substantiels au commettant.

Le respect de la condition doit, en regle, etre appreciee au moment ou lecontrat prend fin. Des faits qui sont posterieurs à la cessation ducontrat et qui sont de nature à faire obstacle à la realisation de lacondition, ne peuvent en aucun cas etre pris en consideration lorsqu'ilssont dus au commettant lui-meme.

3. Dans la mesure ou le moyen, en cette branche, suppose qu'il doit etreetabli lors de la cessation du contrat d'agence commerciale que l'apportde nouveaux clients ou le developpement sensible des affaires avec laclientele existante procurera encore des avantages substantiels, il manqueen droit.

4. L'arret considere que :

- meme en tenant compte de la devalorisation de la monnaie, au regard deschiffres produits par la defenderesse et qui n'ont pas ete contestes parla demanderesse, il y a lieu d'admettre qu'il y a eu un apport importantde clients et un developpement sensible des affaires avec la clienteleexistante ;

- la condition que cet apport ou que ce developpement des affaires doiventprocurer des avantages substantiels au commettant doit etre appreciee aumoment ou le contrat d'agence commerciale prend fin ;

- il n'y a pas lieu de prouver que ces avantages se sont effectivementrealises;

- des lors que le contrat comporte une clause de non-concurrence, il fautadmettre, sauf preuve contraire, que l'apport ou le developpement desaffaires etaient de nature à encore procurer des avantages substantielsà la demanderesse;

- la demanderesse n'apporte pas la preuve contraire;

- lors de cette appreciation, il est tenu compte du fait que la clienteleexistant lors de la cessation du contrat d'agence commerciale offrait lapossibilite d'obtenir des commandes futures et ce, de maniere continue etmeme quotidienne compte tenu de la nature des produits, des services etdes relations bancaires.

5. Dans la mesure ou le moyen, en cette branche, suppose qu'en admettantque l'appreciation doive avoir lieu au moment ou le contrat d'agencecommerciale prend fin, sans qu'il faille prouver que ces avantages ont eteeffectivement realises, l'arret admet aussi que des avantages simplementpotentiels suffisent, sans devoir examiner si l'apport ou le developpementdes affaires offrent suffisamment de garanties que le commettant realiserades avantages substantiels grace à cet apport ou à ce developpement desaffaires, il est fonde sur une lecture erronee de l'arret et il manque enfait.

6. L'arret considere qu'il ne peut etre exclu que le depart de laclientele invoque par la demanderesse est du à la maniere dont l'agencede la demanderesse situee à Staden etait exploitee apres le 30 juin 2001.

Il fait ainsi savoir, sans violer les dispositions legales citees par lemoyen en cette branche, que la demanderesse n'apporte pas la preuve quilui incombe, des lors qu'il ne peut etre exclu que le fait qui faitobstacle à la realisation des avantages lui est imputable.

7. Ce motif distinct, qui n'a pas ete critique,fonde la decision del'arret suivant laquelle la demanderesse n'apporte pas la preuve qui luiincombe.

Dans la mesure ou le moyen, en cette branche, critique les considerationsde l'arret concernant la circonstance que la defenderesse a ete engageeimmediatement par une banque concurrente situee dans la meme commune,qu'elle a annonce aux clients que leurs chemins se croiseraient encore etqu'un grand nombre de clients a effectivement suivi la defenderesse danssa nouvelle agence, et concernant le defaut d'incidence de ces elementssur la realisation de la condition, il ne saurait, fut-il fonde, entrainerla cassation.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable à defautd'interet.

(...)

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient les presidents de section Robert Boes et Ernest Wauters, lesconseillers Eric Stassijns, Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, etprononce en audience publique du quinze mai deux mille huit par lepresident de section Robert Boes, en presence de l'avocat generalChristian Vandewal, avec l'assistance du greffier adjoint Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Martine Regout ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

15 MAI 2008 C.07.0320.N/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.07.0320.N
Date de la décision : 15/05/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-05-15;c.07.0320.n ?
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