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15/05/2008 | BELGIQUE | N°C.06.0069.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 mai 2008, C.06.0069.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGC.06.0069.N

V. E.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

V. J.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 22 juin 2005par la cour d'appel d'Anvers.

Le president de section Robert Boes a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 10, 11 et 149 d

e la Constitution ;

- article 2 de la loi speciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage;

- articles 2262 du Code civil, tel q...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGC.06.0069.N

V. E.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

V. J.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 22 juin 2005par la cour d'appel d'Anvers.

Le president de section Robert Boes a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 10, 11 et 149 de la Constitution ;

- article 2 de la loi speciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage;

- articles 2262 du Code civil, tel qu'il etait en vigueur avant sonremplacement par l'article 4 de la loi du 10 juin 1998 modifiant certainesdispositions en matiere de prescription, et 2262bis du Code civil ;

- article 10 de la loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositions enmatiere de prescription ;

- article 26 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre preliminaire duCode de procedure penale, tant dans sa version anterieure que dans saversion posterieure à sa modification par l'article 2 de la loi du 10juin 1998 modifiant certaines dispositions en matiere de prescription.

Decisions et motifs critiques

Dans l'arret attaque, le juge d'appel a rejete l'appel de la demanderesse,a confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, a declare,des lors, la demande de la demanderesse non fondee et l'a condamnee auxdepens d'appel. Il a fonde sa decision principalement sur lesconsiderations suivantes :

« II. Nouvelle appreciation en droit en degre d'appel

La demanderesse estime, qu'en appliquant le nouveau delai de 20 ans, lepremier juge a neglige que ce delai etait plus court que le delai deprescription trentenaire qui lui etait applicable avant l'entree envigueur de la loi du 10 juin 1998. En outre, la demanderesse souleve que,dans le jugement dont appel, le delai de prescription de l'action publiqueet celui de l'action civile ex delicto ont ete confondus.

L'action de la demanderesse exercee à l'egard du defendeur concerne uneaction en responsabilite qui est fondee sur des faits dommageablespunissables qui sont anterieurs à l'entree en vigueur de la nouvelle loisur la prescription du 10 juin 1998 (27 juillet 1998).

Depuis l'entree en vigueur de la loi du 10 juin 1998, l'article 26 modifiede la loi du 17 avril 1878 dispose que l'action civile resultant d'uneinfraction se prescrit selon les regles du Code civil ou des loisparticulieres qui sont applicables à l'action en dommages et interets,sans qu'elle puisse l'etre avant l'action publique.

La loi modifie aussi le Code civil : le delai pour intenter l'action enreparation d'un dommage cause par un acte illicite a ete reduit, enprincipe, à cinq ans à partir du jour qui suit celui ou la personnelesee a eu connaissance du dommage ou de son aggravation et de l'identitede la personne responsable et, en tout cas, à vingt ans, à partir dujour qui suit celui ou s'est produit le fait qui a provoque le dommage(article 2262bis du Code civil).

Alors que la regle generale de l'effet de la loi dans le temps estl'application immediate d'une loi nouvelle aux situations en cours, uneregle transitoire particuliere s'applique aux modifications legislativesde delais de prescription. En cas de reduction des delais, à laquelledonne lieu la loi dont s'agit, deux regles specifiques, qui sont reprisesà l'article 10 de la loi du 10 juin 1998, sont applicables.

D'une part, un point de depart specifique s'applique pour le nouveau delaide prescription : le delai reduit ne commence à courir qu'à partir del'entree en vigueur de la loi nouvelle. Cette regle, à defaut de laquelleune action pourrait etre prescrite d'un jour à l'autre, entend prevenirl'effet de surprise. D'autre part, l'ancien delai de prescription estencore applicable : le nouveau delai ne s'applique que pour autant quel'ancien delai (trentenaire) ne soit pas expire.

La question qui se pose est de savoir si le delai de prescription a etereduit en l'espece. C'est le cas selon la demanderesse et le nouveau delaide prescription ne commence à courir qu'à partir du 27 juillet 1998,soit la date de l'entree en vigueur de la loi du 10 juin 1998 modifiantcertaines dispositions en matiere de prescription.

L'article 26 ancien de la loi du 17 avril 1878 prevoyait pour les actionsciviles ex delicto un delai de prescription de cinq annees revolues àcompter du jour ou l'infraction a ete commise.

Dans son arret du 21 mars 1995, la Cour d'arbitrage a toutefois considereque l'article 26 ancien de la loi du 17 avril 1878 violent les articles 10et 11 de la Constitution du fait que l'action civile resultant del'infraction se prescrivait par cinq ans alors que la reparation dudommage cause par une faute civile, qui est moins grave qu'une faute quiest qualifiee de punissable par le legislateur, pouvait etre reclameependant trente ans.

En raison de cette declaration d'inconstitutionnalite, la Cour decassation a considere que l'action en reparation d'un dommage cause parune faute, fut-elle une infraction, ne pouvait (plus) etre soumise audelai de prescription prevu par l'article 26 de la loi du 17 avril 1878(voir not. Cass., 19 decembre 1996, Pas., 1996, nDEG 516).

La these de la demanderesse est que, aussi longtemps que le legislateurn'a pas mis fin à la discrimination causee par l'article 26 de la loi du17 avril 1878, il fallait appliquer le delai de prescription trentenaireà chaque action extracontractuelle. En d'autres termes, selon lademanderesse, le cas d'espece etait soumis, à l'epoque, à un delai deprescription trentenaire.

Si actuellement l'action de la demanderesse est soumise au delai de cinqans et de maximum vingt ans, le nouveau delai de prescription constitue,selon la demanderesse, un delai plus court qu'auparavant et celui-ci necommence ainsi à courir qu'à partir du 27 juillet 1998, soit la date del'entree en vigueur de la loi du 10 juin 1998.

En admettant que l'abus sur lequel est fondee l'action de la demanderesseest etabli jusqu'en 1978 au plus tard, et en tenant compte du fait que lacitation introductive a ete signifiee au defendeur le 14 mai 2001, il enresulte, selon la demanderesse, que son action n'est pas encore prescrite.

Cette these ne peut toutefois pas etre suivie. En effet, contrairement àce que la demanderesse veut faire admettre, le delai de prescription desactions resultant d'infractions n'a, avant l'entree en vigueur de la loinouvelle, jamais ete porte à trente ans. Apres l'arret de la Courd'arbitrage du 21 mars 1995, les juges devaient uniquement constater quele delai de prescription d'actions resultant d'infractions etaitdiscriminatoire, ils devaient en constater l'inconstitutionnalite et, deslors, ne pas l'appliquer.

La loi nouvelle du 10 juin 1998 a mis fin à cette discrimination, deslors que le delai pour intenter une action en reparation du dommage causepar un acte illicite a ete reduit en principe à cinq ans à partir dujour qui suit celui ou la personne lesee a eu connaissance du dommage oude son aggravation et de l'identite de la personne responsable, ou en toutcas à vingt ans à partir du jour qui suit celui ou s'est produit le faitqui a provoque le dommage (Code civil, art. 2262bis).

Comme l'a considere à juste titre le premier juge, le delai n'a pas etereduit en l'espece en raison de la loi nouvelle. En effet, en vertu del'ancienne legislation, l'action civile resultant d'une infraction (enl'espece un delit sexuel) se prescrivait par cinq à dix ans selon qu'ils'agissait d'un delit ou d'un crime et, l'egard des anciens delais, il n'ya donc pas de reduction du delai de prescription dans la loi nouvelle quiprevoit un delai de cinq ans minimum et de vingt ans maximum.

La demanderesse invoque, des lors, à tort la disposition transitoire dela loi du 10 juin 1998 pour retenir comme point de depart de laprescription la date de l'entree en vigueur de la loi nouvelle.

Si la demanderesse a manifestement declare à l'audience du premier jugeque l'abus a dure jusqu'en 1978 et que l'abus ne peut donc etre considerecomme etant etabli que jusqu'en 1978 au plus tard, l'action en resultantetait dejà prescrite en 1983 et, en tenant compte du delai de vingt ans,la prescription etait en tout cas acquise en 1998.

Le premier juge a, des lors, decide à juste titre que l'action de lademanderesse, introduite par citation du 14 mai 2001, est prescrite. Il ya lieu, des lors, de confirmer le jugement dont appel ».

Griefs

1. Aux termes de l'article 10 de la Constitution, il n'y a dans l'Etataucune distinction d'ordres. Les Belges sont egaux devant la loi ; seulsils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptionsqui peuvent etre etablies par une loi pour des cas particuliers.

Aux termes de l'article 11 de la Constitution, la jouissance des droits etlibertes reconnus aux Belges doit etre assuree sans discrimination. Acette fin, la loi et le decret garantissent notamment les droits etlibertes des minorites ideologiques et philosophiques.

En application de l'article 26 de la loi du 17 avril 1878, tel qu'il etaiten vigueur avant sa modification par l'article 2 de la loi du 10 juin 1998modifiant certaines dispositions en matiere de prescription, l'actioncivile resultant d'une infraction sera prescrite apres cinq anneesrevolues à compter du jour ou l'infraction a ete commise sans qu'ellepuisse l'etre avant l'action publique.

Dans son arret du 21 mars 1995, la Cour d'arbitrage a considere cettedisposition legale comme inconciliable avec le principe d'egalite consacrepar la Constitution, du fait que l'action civile resultant d'uneinfraction se prescrit par cinq ans alors que l'indemnisation du dommageresultant d'une faute civile, qui est moins grave qu'une faute qualifieede punissable par le legislateur, peut etre reclamee pendant trente ans.

Si une partie au proces souleve l'inconstitutionnalite de l'article 26 dela loi du 17 avril 1878 contenant le titre preliminaire du Code deprocedure penale avant sa modification, le juge est tenu, conformement àl'article 2 de la loi speciale sur la Cour d'arbitrage du 6 janvier1989, soit de poser lui-meme une question prejudicielle, soit de suivre ladecision de la Cour d'arbitrage.

La loi du 10 juin 1989 modifiant certaines dispositions en matiere deprescription a modifie de maniere importante l'article 26 de la loi du 17avril 1878 et le Code civil.

Depuis l'entre en en vigueur de la loi du 10 juin 1998 modifiant certainesdispositions en matiere de prescription, l'article 26 de la loi du 17avril 1878 est libelle comme suit : « L'action civile resultant d'uneinfraction se prescrit selon les regles du Code civil ou des loisparticulieres qui sont applicables à l'action en dommages et interets.Toutefois, celle-ci ne peut se prescrire avant l'action publique ».

L'article 4 de la loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositions enmatiere de prescription a modifie l'article 2262 du Code civil ; cetarticle, aux termes duquel « toutes les actions, tant reelles quepersonnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui alleguecette prescription soit oblige d'en rapporter un titre, ou qu'on puisselui opposer l'exception deduite de la mauvaise foi », a ete remplace parle texte suivant : « Toutes les actions reelles sont prescrites partrente ans, sans que celui qui allegue cette prescription soit oblige d'enrapporter un titre, ou qu'on puisse lui opposer l'exception deduite de lamauvaise foi ».

L'article 5 de la loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositions enmatiere de prescription a insere dans le Code civil un article 2262bislibelle comme suit :

« S: 1er.Toutes les actions personnelles sont prescrites par dix ans.

Par derogation à l'alinea 1er, toute action en reparation d'un dommagefondee sur une responsabilite extra-contractuelle se prescrit par cinq ansà partir du jour qui suit celui ou la personne lesee a eu connaissance dudommage ou de son aggravation et de l'identite de la personneresponsable.

Les actions visees à l'alinea 2 se prescrivent en tout cas par vingt ansà partir du jour qui suit celui ou s'est produit le fait qui a provoquele dommage.

S: 2. Si une decision passee en force de chose jugee sur une action enreparation d'un dommage admet des reserves, la demande tendant à fairestatuer sur leur objet sera recevable pendant vingt ans à partir duprononce ».

L'article 10 de la loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositions enmatiere de prescription contient une disposition transitoire qui prevoitque : « Lorsque l'action a pris naissance avant l'entree en vigueur de lapresente loi, les nouveaux delais de prescription qu'elle institue necommencent à courir qu'à partir de son entree en vigueur. Toutefois, laduree totale du delai de prescription ne peut depasser trente ans ».

Lorsque la loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositions en matierede prescription donne lieu à la reduction des delais, deux reglesspecifiques sont prevues à l'article 10 de cette loi, savoir :

D'une part, s'applique un point de depart specifique du nouveau delai deprescription : le delai reduit ne commence à courir qu'à partir del'entree en vigueur de la loi du 10 juin 1998 modifiant certainesdispositions en matiere de prescription.

D'autre part, l'ancien delai de prescription s'applique encore : lenouveau delai ne s'applique que lorsque l'ancien delai trentenaire n'estpas expire.

2. En l'espece, le juge d'appel a decide que l'action en dommages etinterets du chef d'abus sexuel s'etant prolonge jusqu'en 1978, qui a eteintroduite par la citation de la demanderesse du 14 mai 2001, estprescrite sur la base des motifs suivants : (1)avant l'entree en vigueurde la loi nouvelle, le delai de prescription s'appliquant aux actionsresultant d'une infraction n'a jamais ete prolonge jusqu'à trente ans,(2) sous l'ancienne legislation, l'action civile resultant d'uneinfraction etait prescrite par cinq à dix ans, alors que la loi nouvelleprevoit un delai de cinq ans à maximum vingt ans, (3) le delai deprescription n'a donc pas ete reduit en vertu de la loi nouvelle, (4) lademanderesse invoque, des lors, à tort la disposition transitoire de laloi du 10 juin 1998 afin de retenir comme point de depart de laprescription la date de l'entree en vigueur de la loi nouvelle, et (5) sil'abus ne peut etre admis que jusqu'à la fin de 1978 au plus tard,l'action en resultant, etait dejà prescrite en 1983 et, si l'on tientcompte du delai de vingt ans, la prescription est acquise en 1998.

Sur la base de ces considerations, l'arret attaque n'a pu legalementdecider que l'action de la demanderesse est prescrite.

Premiere branche

En supposant que le delai de prescription des actions resultantd'infractions avant l'entree en vigueur de la loi nouvelle n'a jamais eteprolonge jusqu'à trente ans, et en decidant, sur la base de laconsideration que les actions civiles ex delicto se prescrivaient, suivantl'ancienne legislation, apres cinq à dix ans suivant qu'il s'agissaitd'un delit ou d'un crime, que, compare au delai applicable auparavant, laloi du 10 juin 1998, qui prevoit un delai de cinq ans à maximum vingtans, n'a pas reduit le delai de prescription, et que c'est des lors àtort que la demanderesse invoque la reglementation transitoire de la loidu 10 juin 1998 pour retenir comme point de depart de la prescription ladate de l'entree en vigueur de la loi nouvelle, le juge d'appel a meconnule delai de prescription des actions civiles ex delicto fondees sur lesfaits qui se sont deroules avant l'entree en vigueur de la loi du 10 juin1998 modifiant certaines dispositions en matiere de prescription.

Des lors que le juge, concernant les faits anterieurs à l'entree envigueur de la loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositions enmatiere de prescription à propos desquels aucune procedure n'a eteentamee, est tenu de respecter la decision de la Cour d'arbitrage et ainside ne pas appliquer l'article 26 de la loi du 17 avril 1878, tel qu'iletait applicable avant la modification par l'article 2 de la loi du 10juin 1998, il etait tenu, en comparant les deux delais, de tenir compte,d'une part, de l'ancien delai de prescription trentenaire de droit communainsi que, d'autre part, des nouveaux delais de prescription de la loi du10 juin 1998 modifiant certaines dispositions en matiere de prescriptionqui, conformement à la reglementation transitoire specifique de cetteloi, ne commencent à courir qu'à compter de l'entree en vigueur de cetteloi. Il devait ainsi conclure que la loi du 10 juin 1998 a bien entraineune reduction du delai, de sorte que la modification ne pouvaits'appliquer aussi longtemps que le delai de trente ans n'etait pas expire.La decision du juge d'appel n'est, des lors, pas legalement justifiee(violation de toutes les dispositions legales citees au moyen ainsi que del'article 149 de la Constitution).

Deuxieme branche

L'arret attaque est aussi entache d'une contradiction dans les motifs,lorsque le juge d'appel considere, d'une part, que « les juges d'appeldevaient uniquement constater, apres l'arret de la Cour d'arbitrage du 21mars 1995, que le delai de prescription des actions resultantd'infractions etait discriminatoire, ils devaient en constaterl'inconstitutionnalite et, des lors, ne pas l'appliquer », alors que,d'autre part, il tient neanmoins compte de l'article 26 de la loi du 17avril 1878 tel qu'il etait applicable avant la modification par l'article2 de la loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositions en matiere deprescription en considerant que, « en effet, l'action civile resultantd'une infraction (en l'espece un delit sexuel) se prescrivait par cinq àdix ans en vertu de l'ancienne legislation, selon qu'il s'agissait d'undelit ou d'un crime ». Une telle contradiction equivaut à une absence demotivation (violation de l'article 149 de la Constitution).

Troisieme branche

Enfin, la decision du juge d'appel que, des lors que l'abus dont lademanderesse a ete victime ne peut etre etabli que jusqu'en 1978 au plustard, l'action en resultant etait dejà prescrite en 1983, et en tenantcompte du delai de vingt ans, la prescription etait en tout cas acquise en1998, n'est pas legalement justifiee des lors que le juge d'appel, violantla reglementation specifique transitoire de la loi du 10 juin 1998, faitcourir les delais de prescription reduits de cette loi à partir d'unmoment anterieur à l'entree en vigueur de cette loi (violation del'article 10 de la loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositions enmatiere de prescription).

II. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

1 Avant sa modification par l'article 2 de la loi du 10 juin 1998modifiant certaines dispositions en matiere de prescription, l'article 26du titre preliminaire du Code de procedure penale dispose que l'actioncivile resultant d'une infraction se prescrit par cinq ans à partir dujour ou l'infraction a ete commise, sans pouvoir se prescrire avantl'action publique.

2. Cette disposition a ete declaree inconstitutionnelle par la Courconstitutionnelle dans son arret du 21 mars 1995.

3. Lorsque l'inconstitutionnalite de l'article 26 de la loi du 17 avril1878 est invoque, la prescription de l'action civile resultant d'uneinfraction est, avant l'entree en vigueur de la loi du 10 juin 1998modifiant certaines dispositions en matiere de prescription, regie par ledelai de prescription trentenaire de droit commun prevu à l'article 2262du Code civil avant sa modification par l'article 4 de cette loi.

4. L'article 2262bis, alinea 2, du Code civil, insere par la loi du 10juin1998, dispose que toute action en reparation d'un dommage fondee surune responsabilite extracontractuelle se prescrit par cinq ans à partirdu jour qui suit celui ou la personne lesee a eu connaissance du dommageou de son aggravation et de l'identite de la personne responsable.

L'alinea 3 de cet article dispose que ces actions se prescrivent en toutcas par vingt ans à partir du jour qui suit celui ou s'est produit lefait qui a provoque le dommage.

5.L'article 10 de la loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositionsen matiere de prescription dispose que, lorsque l'action a pris naissanceavant l'entree en vigueur de cette loi, les nouveaux delais deprescription ne commencent à courir qu'à partir de son entree envigueur. Toutefois, la duree totale du delai de prescription ne peutdepasser trente ans.

6. L'action civile resultant d'une infraction commise avant l'entree envigueur de la loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositions enmatiere de prescription, qui est introduite au moment ou elle seraitprescrite en vertu de l'article 26 de la loi du 17 avril 1878, avant samodification par l'article 2 de la meme loi, mais dont la prescriptionn'est pas constatee par une decision judiciaire definitive, n'esttoutefois pas prescrite dans la mesure ou elle est exercee au cours dudelai trentenaire prevu par l'article 2262 du Code civil, avant samodification par l'article 4 de la meme loi, et au cours des delais prevuspar l'article 2262bis, S: 1er, alineas 2 et 3, du Code civil, quicommencent à courir à partir de l'entree en vigueur de la loi du 10 juin1998, en vertu de l'article 10 de cette loi.

7. Les juges d'appel n'ont pu decider, sans violer les dispositionslegales citees par le moyen, en cette branche, que l'action resultantd'une infraction qui s'est prolongee jusqu'en 1978 etait dejà prescriteen 1983 et que, en tenant compte du delai de vingt ans, la prescriptionetait, en tout etat de cause, acquise en 1998.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Gand.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient les presidents de section Robert Boes et Ernest Wauters, lesconseillers Eric Stassijns, Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, etprononce en audience publique du quinze mai deux mille huit par lepresident de section Robert Boes, en presence de l'avocat generalChristian Vandewal, avec l'assistance du greffier adjoint Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du president Christian Storck ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le president,

15 MAI 2008 C.06.0069.N/12



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 15/05/2008
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.06.0069.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-05-15;c.06.0069.n ?
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