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09/05/2008 | BELGIQUE | N°C.07.0438.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 mai 2008, C.07.0438.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.07.0438.F

W. A.,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il estfait élection de domicile,

contre

M. D.,

défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 5 avril 2007par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport.

L'avocat général André He

nkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violée...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.07.0438.F

W. A.,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il estfait élection de domicile,

contre

M. D.,

défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 5 avril 2007par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport.

L'avocat général André Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 208, 213, 221, 1349 et 1353 du Code civil ;

- article 1280 du Code judiciaire ;

- articles 6 et 23 du Code des impôts sur les revenus 1992, coordonné parl'arrêté royal du 10 avril 1992.

Décisions et motifs critiqués

Par l'arrêt attaqué, la cour d'appel déclare les appels introduits par lesparties à l'encontre de l'ordonnance rendue par le président du tribunalde première instance de Bruxelles le 18 novembre 2005, recevables etpartiellement fondés, réforme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle areçu et déclaré partiellement fondée la demande principale de ladéfenderesse et autorisé les parties à résider séparément.

Statuant par la voie de dispositions nouvelles pour le surplus, la courd'appel

- reçoit la demande reconventionnelle du demandeur et la déclare fondéedans la mesure ci-après,

- reçoit les demandes nouvelles des parties, mais les dit non fondées etles en déboute,

- condamne le demandeur à payer, à titre de provision alimentaire à ladéfenderesse, la somme de 850 euros par mois et ce, à dater du 1^er mai2005 jusqu'au 31 décembre 2005, sous déduction des sommes déjà versées àce titre,

- condamne le demandeur à payer, à titre de provision alimentaire à ladéfenderesse, la somme de 500 euros par mois et ce, à dater du 1^erjanvier 2006, sous déduction des sommes déjà versées à ce titre,

- dit que le montant de ces contributions et provision sera indexé unefois l'an, pour la première fois le 1^er mai 2008, conformément à l'indicedes prix à la consommation, l'indice de base étant celui du mois d'avril2007,

- autorise le demandeur à mettre en vente immédiatement ses biens propres,situés aux 10^e et 1^er étages de l'immeuble sis boulevard Mettewie,95/25, à 1080 Molenbeek-Saint-Jean ainsi que la cave et le garage dont ilest propriétaire dans le même immeuble,

- désigne le notaire Liliane Verbruggen, de résidence à 1070 Bruxelles,pour procéder aux opérations relatives à la vente de ces immeubles,

- ordonne le blocage du prix de vente des immeubles qui pourront êtrevendus (en ce compris l'acompte versé par l'acheteur) entre les mains dunotaire Liliane Verbruggen jusqu'à la clôture définitive de la liquidationdu régime matrimonial des parties,

- déboute les parties du surplus de leurs appels respectifs.

La cour d'appel déboute ainsi le demandeur de sa demande tendant àentendre condamner la défenderesse à lui payer une provision alimentairede 150 euros par mois à dater du 1^er septembre 2004 et à lui rembourserles sommes perçues indûment depuis le 1^er mai 2005.

La cour d'appel fonde sa décision sur les motifs suivants :

« Rappel des principes :

En ce qui concerne la provision alimentaire :

La provision alimentaire est une modalité du devoir de secours entre épouxqui ne prend pas en considération le train de vie durant la vie commune,mais bien celui qu'il aurait été si les époux ne s'étaient pas séparés.

Les critères de fixation de cette provision sont tributaires des besoinsde celui qui est économiquement le plus faible et qui la réclame ainsi quedes ressources de celui qui en est redevable.

Dans le cadre de l'appréciation des ressources des parties, il est tenucompte de leurs capacités financières possibles, de leurs charges fiscaleset de celles qui sont incompressibles.

Les charges incompressibles sont celles sur lesquelles les parties n'ontaucun pouvoir de réduction et qui doivent recevoir une priorité absolue.

Il convient donc, afin de statuer sur la provision réclamée par chaquepartie à l'égard de l'autre, d'analyser leur situation financièrerespective.

(...)

Application au cas d'espèce :

En ce qui concerne la provision alimentaire :

L'analyse des revenus respectifs des parties fait l'objet de contestationsréciproques.

(Le demandeur) expose avoir été contraint de mettre fin au mois deseptembre 2004 à son activité de médecin spécialisé en évaluation dudommage corporel, en raison de problèmes dépressifs préoccupants, pourlesquels il a été mis en incapacité de travail totale jusqu'en 2010.

(Le demandeur) soutient bénéficier de revenus de remplacement de l'ordrede 684 euros par mois et, depuis le mois de juin 2006, du revenu locatifcomplémentaire de l'un de ses immeubles, à concurrence de 550 euros parmois. Il prétend avoir pu rembourser anticipativement le prêt hypothécairegrevant la résidence conjugale et réaménager son ancien cabinet médicalsitué au 1^er étage du même immeuble, grâce à l'aide financière de sonpère qui lui aurait à cet effet prêté 73.500 euros (la cour [d'appel]remarque néanmoins que les quatre extraits de compte produits en pièce 16du dossier (du demandeur) n'atteignent que 65.000 euros).

Il explique enfin avoir récemment pu acquérir un studio, toujours dans lemême complexe immobilier, grâce à un don manuel de ses parents de 75.000euros, durant le mois de juillet 2006.

En ce qui concerne son cabinet médical, (le demandeur) affirme que ledocteur A., qui en assure la gestion durant son incapacité, se voit àcette occasion attribuer la totalité des honoraires afférents aux dossiersen cours.

(Le demandeur) vit gracieusement chez ses parents depuis sa sortie del'hôpital `la Ramée'.

Il ne supporte dès lors, à titre de charges incompressibles, que cellesrelatives aux immeubles dont il est propriétaire boulevard Mettewie, n°95, à Molenbeek-Saint-Jean et qui s'élèvent globalement, selon son propredécompte, à 649,13 euros par mois.

(La défenderesse) fait toutefois observer avec pertinence qu'en raison dutemps écoulé depuis la mise en incapacité de travail de son époux (quire-monte pour rappel à deux ans et demi) et de celui qui reste à courirjusqu'à sa possible mais très aléatoire sortie d'incapacité (dans troisans), (le demandeur) a en réalité bel et bien remis son cabinet médical audocteur A.

La spécificité de la clientèle cédée, composée en grande partie de clientsinstitutionnels qui recouraient aux services du (demandeur) en sa qualitéd'expert en dommage corporel, n'autorise pas à avaliser telle quellel'affirmation du docteur A., selon laquelle la remise des dossiers s'estfaite sans contrepartie financière.

La cour [d'appel] observe à cet égard que les dispositions du code dedéontologie médicale qui traitent du « Médecin remplaçant », vantées par(le demandeur) pour accréditer son absence de revenus professionnelsdepuis le 1^er septembre 2004, n'apparaissent pas applicables aux donnéesconcrètes du cas d'espèce.

Ainsi, la procédure visée à l'article 155 dudit code, qui prescrit,lorsque le remplacement dépasse deux mois, de le faire constater dans unaccord écrit soumis préalablement à la signature du conseil provincial del'Ordre auquel ressortit le médecin remplacé, ne semble pas avoir étésuivie par les deux médecins concernés, aucune pièce consacrant un telaccord n'étant produite.

Enfin, les mentions de `prêt' figurant sur les quatre extraits de compte(du demandeur) qui enregistrent des crédits en provenance de son père pourun montant total de 65.000 euros entre les mois de janvier et juillet 2005sont, en l'absence d'une convention de prêt dûment signée entre le père etson fils, sans portée. La cour [d'appel] voit d'ailleurs dans larédaction, par les parents (du demandeur), d'un acte de confirmation de ladonation manuelle qu'ils ont faite à leur fils au mois de juillet 2006,leur souci scrupuleux de respecter, en matière contractuelle, la règle del'exigence de l'écrit qui est visée à l'article 1341 du Code civil.

Ces derniers constats joints à la circonstance que les expertisesmédicales font en règle générale, conformément à l'article 983 du Codejudiciaire, l'objet d'un rapport final à l'issue duquel l'état de frais ethonoraires de l'expert est seulement présenté aux parties, autorisentd'admettre que le (demandeur) a bénéficié d'honoraires, après sa mise enincapacité de travail.

La longueur de la plupart des expertises médicales explique en outre quecelles-ci ne sont souvent terminées et donc facturées (ce qui ne veut pasencore dire payées) qu'un, voire même deux ans après la désignation del'expert. Cette circonstance explique que la majorité des expertisesentamées par le (demandeur) dans l'année qui a précédé sa mise enincapacité, de même que celles qui ont été terminées dans les semaines quil'ont précédée, n'ont dû faire l'objet d'un paiement et, le cas échéant,même d'un état final reprenant ses prestations, qu'après sa mise en congépour raison de maladie.

Le décalage entre la réalisation des opérations d'expertise et leurpaiement, qui vient d'être mis en évidence, permet d'admettre, comme lesoutient (la défenderesse), que les quatre virements réalisés par le père(du demandeur) en sa faveur, durant l'année 2005, constituent en réalitédes restitutions d'honoraires déguisées.

En l'espèce, compte tenu du chiffre d'affaires préalable du cabinetmédical du (demandeur) (58.740,30 euros en 2003 et 45.330,07 euros pourhuit mois d'activité en 2004), la somme de 65.000 euros qui lui a étépayée en 2005 peut donc raisonnablement être retenue à titre d'arriérésd'honoraires.

La cour [d'appel] constate en outre, indépendamment des arriérésd'honoraires précités, que les capacités financières (du demandeur) sontsupérieures à celles qu'il veut bien admettre.

L'intéressé est en effet propriétaire d'un imposant patrimoine immobilier,laissé inexploité sans que les raisons qui en sont données apparaissentsérieuses. Ainsi, si l'obligation dans laquelle (le demandeur) dit s'êtretrouvé de ne pouvoir louer son cabinet médical (constitué d'ancienneschambres de bonne) qu'avec l'appartement du 10^e étage, dont il est aussipropriétaire, peut se comprendre à la lecture de l'acte de base de lacopropriété de l'immeuble, rien n'explique a priori qu'il n'ait pu trouverde locataire en plus de deux ans. Des familles dont un membre exerce uneprofession libérale à demeure ou qui emploient des gens de maison internespouvaient en effet précisément être intéressées par le type d'espaceproposé en location.

La cour [d'appel] constate en outre que le cabinet médical a curieusementpu être loué seul, en juin 2006, (le demandeur) bénéficiant, pour ce seulbien, d'un loyer mensuel de 550 euros.

Compte tenu de la dimension réduite du bien loué, il est raisonnabled'avancer que le studio inoccupé dont (le demandeur) a récemment faitl'acquisition durant l'été 2006, devrait pouvoir lui rapporter une sommeéquivalente et que l'appartement du 10^e étage, beaucoup plus spacieux,devrait pouvoir être loué au prix mensuel de 1.100 euros.

En conclusion, la cour [d'appel] tiendra compte, pour évaluer lescapacités contributives (du demandeur), des montants suivants :

Pour 2005 :

684 euros par mois à titre de revenus de remplacement ;

5.416, 66 euros par mois à titre d'arriérés d'honoraires (65.000: 12);

- 649,13 euros de charges incompressibles mensuelles (118,93 euros deP.I., 137,27 euros de gaz et d'électricité, 392,93 euros de chargescommunes) ;

= 6.100, 66 euros par mois.

A dater de 2006 :

684 euros par mois à titre de revenus de remplacement ;

2.200 euros par mois à titre de revenus locatifs estimés ;

- 649,13 euros de charges incompressibles mensuelles (118,93 euros deP.I., 137,27 euros de gaz et d'électricité, 392,93 euros de chargescommunes) :

= 2.234, 87 euros par mois.

(La défenderesse) bénéficie également de revenus de remplacement. (Ledemandeur) établit que ceux-ci ont atteint 19.213, 63 euros en 2005, soit1.601 euros par mois.

(La défenderesse) ne produit aucun décompte détaillé de ses chargesincompressibles, se contentant de renvoyer à cet égard à un dossier depièces dont plusieurs n'apparaissent pas constitutives de charges quidevraient recevoir une priorité absolue.

Parmi les charges mensuelles auxquelles la cour [d'appel] estime pouvoiravoir égard, il y a lieu de retenir le paiement d'un loyer de 400 eurospar mois, des charges locatives de 65 euros par mois, une assuranceincendie de 14,93 euros par mois, une assurance soins de santé DKV de 33euros par mois, soit un total de 512,93 euros.

Sa capacité contributive peut donc être fixée pour l'année 2005 à 1.088,07euros par mois (1.601 euros - 512,93 euros).

Pour l'année 2006, (la défenderesse) ne produit pas de ficherécapitulative de l'ensemble de ses revenus de remplacement.

Ceux-ci, de l'ordre de 1.100 euros par mois, apparaissent donc, àl'exception de ceux payés pour le mois de mai 2006, inférieurs à ceuxversés en 2005. Il est toutefois vraisemblable que les revenus deremplacement dont elle a bénéficié au mois de mai intègrent, comme (ladéfenderesse) le soutient, ses congés payés.

C'est encore sans être utilement contredite que (la défenderesse) expliquesa diminution de revenus par la circonstance qu'en 2005, l'I.N.A.M.I. laconsidérait, du fait de l'incapacité de son époux, comme chef de ménage.La circonstance que l'ordonnance entreprise qui a autorisé les parties àrésider de manière séparée remonte au 18 novembre 2005 seulement,objective son explication.

Ces différents éléments permettent de fixer sa capacité contributivedepuis l'année 2006, à 587,07 euros par mois (1.100 euros - 512,93 euros).

Les éléments précités indiquent, en toute hypothèse, que les revenus (dudemandeur) sont très sensiblement supérieurs à ceux de (la défenderesse)tant pour l'année 2005 que pour les années subséquentes, même si ladifférence constatée pour l'année 2005 apparaît, en 1'espèce, commeparticulièrement significative.

Compte tenu des revenus respectifs des parties tels qu'analysés ci-dessuset des capacités contributives effectives (du demandeur), c'est l'octroid'une provision alimentaire en faveur de (la défenderesse) qui apparaîtseul fondé.

Cette provision est en outre due depuis le 1^er mai 2005, date à laquelle(le demandeur) a arrêté tout versement du secours alimentaire de 400 eurospar mois, qu'il payait spontanément à (la défenderesse), depuis la fin del'été 2004.

Le train de vie que (la défenderesse) aurait mené si les parties nes'étaient pas séparées aurait, du fait des arriérés d'honoraires dus (audemandeur) en 2005, été pour cette année, globalement similaire à celuiqu'il était du temps de la vie commune.

Dès lors que (le demandeur) reconnaît àvoir réalisé des apports en faveurde (la défenderesse) pour l'année 2004 à concurrence de 17.241 euros',soit 1.436 euros par mois, il y a lieu de fixer à 850 euros par mois laprovision alimentaire du 1^er mai 2005 au 31 décembre 2005 ;

A partir de l'année 2006, l'arriéré des honoraires restant dû étant àl'évidence réduit de manière significative, le train de vie des partiesaurait été bien moins aisé qu'il ne l'était du temps de la vie commune.

Eu égard aux capacités productrices de revenus du patrimoine immobilier(du demandeur) ainsi que du revenu qu'il pourrait tirer du placement avisédu prix de vente de ses biens immobiliers, le montant de 500 eurosapparaît en l'espèce justifié.

L'appel principal n'est donc, sur ce point, pas fondé tandis que l'appelincident l'est partiellement.

La demande nouvelle en remboursement de provisions versées, formée par (ledemandeur), n'est pas davantage fondée.

En ce qui concerne la demande d'autorisation de vente de plusieursimmeubles dont (le demandeur) est propriétaire :

(Le demandeur) souhaite pouvoir réaliser les bien suivants, qui lui sontpropres : l'ancienne résidence conjugale des parties, à savoirl'appartement qui est situé au 10^e étage de l'immeuble sis boulevardMettewie, n° 95/25, à 1080 Bruxelles ;

les chambres de bonne 1, 2, 3, 4 et 6 aménagées en cabinet médical puis enstudio au 1^er étage du même immeuble ;

la cave n° 6 et le garage n° 55 du 1^er sous-sol, situés dans le mêmeimmeuble .

La cour [d'appel] a déjà observé et tenu compte du fait que (le demandeur)s'est montré négligent dans la rentabilité de son patrimoine immobilier.

En l'espèce, la séparation des parties ne doit pas faire obstacle à unegestion diversifiée, pourvu qu'elle soit fructueuse, du patrimoine propre(du demandeur).

Concrètement, la dégradation progressive des immeubles dont l'autorisationde vente est sollicitée est liée à leur inoccupation de fait.

Par ailleurs, le niveau élevé du prix de vente des immeubles situés dansl'agglomération bruxelloise permet, à l'heure actuelle, de préférer cetteopération financière à celle de leur location.

La protection légale du logement familial, qui se poursuit durantl'instance en divorce, autorise le juge des référés à connaître du type demesure sollicité, en application de l'article 215, § 1^er, alinéa 3, duCode civil. Cette disposition l'autorise en effet expressément, en cas derefus du conjoint sans motif grave, à saisir le président du tribunald'une telle demande, en cas d'urgence.

(Le demandeur) motive l'urgence qui conditionne en l'espèce la compétencede la cour [d'appel], par l'approche providentielle d'un amateur fiabledes bien précités.

(La défenderesse), qui s'oppose à la vente, ne conteste pas cettecirconstance. Ses craintes ne sont en effet liées qu'à une disparitionultérieure du prix de vente des immeubles et de l'affectation qui pourraiten être donnée. Indépendamment du fait que les parties sont mariées sousle régime de la séparation de biens, (la défenderesse) estime pouvoirfaire valoir certaines demandes de comptes et de compensation lors desopérations de liquidation du régime matrimonial après divorce.

Dès lors que (le demandeur) accepte de bloquer le prix de vente del'immeuble entre les mains du notaire instrumentant et que la cour[d'appel] a constaté que le montant de 65.000 euros versé par le père (dudemandeur) à son fils constituait un arriéré d'honoraires et non un prêtdu père en faveur de son fils, les craintes de (la défenderesse) n'ontplus de raison d'être.

(Le demandeur) justifie encore l'urgence qui doit fonder la compétence dela cour [d'appel], par l'existence des difficultés préalables qu'il auraitrencontrées pour tenter de louer les biens.

Quelle que soit sa responsabilité dans l'échec de ses prétenduestentatives, la cour [d'appel] ne peut en l'espèce que constater qu'àl'heure actuelle, la solution de la vente de ces immeubles apparaît àbrève échéance souhaitable. Celle-ci libérera en effet (le demandeur) descharges de la copropriété, dont il a pu être constaté qu'elles étaientonéreuses.

Eu égard à la situation de la commune dans laquelle l'immeuble est situé(Molenbeek-Saint-Jean où le prix de vente du m^2 est inférieur à celuiatteint dans des communes comme Woluwe-Saint-Pierre, Ixelles ou Uccle),l'existence d'un amateur sérieux renforce l'urgence vantée par (ledemandeur).

Il conviendra néanmoins que le produit de la vente des immeubles restebloqué entre les mains du notaire instrumentant jusqu'à la liquidation descomptes entre les parties après divorce, ce dernier motif étant en outreexempt de toute considération d'apparence de fondement à l'égard desprétentions financières de (la défenderesse). II apparaît en outreprématuré, à défaut d'urgence, de faire droit à la demande de prise d'acted'un accord (du demandeur) relatif à l'octroi d'un montant provisionnel àvaloir sur la liquidation du régime matrimonial des parties en faveur de(la défenderesse).

Dès lors qu'il ne paraît pas justifié de craindre que (le demandeur)quitte le territoire belge pour se domicilier à l'étranger, c'est sansfondement que (la défenderesse) demande de dire sa créance alimentaireportable.

L'appel incident est donc en partie fondé ».

Griefs

1.1 L'article 213 du Code civil impose aux époux de se porter mutuellementsecours et l'article 221 de ce code impose à chacun des époux decontribuer aux charges du ménage selon ses facultés.

L'article 208 du Code civil dispose que les aliments ne sont accordés quedans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune decelui qui les doit.

La pension allouée au cours d'une instance en divorce par le président dutribunal de première instance, sur la base de l'article 1280 du Codejudiciaire, est une modalité d'exécution du devoir de secours qui, envertu de l'article 213 du Code civil, est imposé à chacun des époux.

Le montant de cette pension doit être fixé en tenant compte des besoins etdes ressources de chacun des époux.

La notion de besoin est relative et la pension doit être évaluée demanière à permettre à l'époux bénéficiaire de mener le train de vie quiserait le sien s'il n'y avait pas eu de séparation.

1.2 En vertu de l'article 1349 du Code civil, les présomptions sont desconséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un faitinconnu.

L'article 1353 du Code civil dispose que les présomptions qui ne sontpoint établies par la loi, sont abandonnées aux lumières et à la prudencedu magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, préciseset concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet les preuvestestimoniales, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude oude dol.

Dans les cas où la loi admet la preuve par présomptions, le juge apprécieen fait la valeur probante des présomptions sur lesquelles il se fonde. LaCour se borne à contrôler si le juge n'a pas violé la notion de« présomption de l'homme » et, notamment, s'il n'a pas déduit des faitsconstatés par lui des conséquences qui leur sont totalement étrangères,c'est-à-dire des conséquences qui ne seraient susceptibles, sur leurfondement, d'aucune justification.

Première branche

2.1 La cour d'appel condamne le demandeur à payer à la défenderesse lasomme de 850 euros par mois à titre de provision alimentaire à dater du1^er mai 2005 jusqu'au 31 décembre 2005.

Pour évaluer la capacité contributive du demandeur en 2005, et pour fixerdès lors la provision alimentaire due du 1^er mai au 31 décembre 2005, lacour d'appel tient compte des montants suivants :

684 euros par mois à titre de revenus de remplacement ;

5.416,66 euros par mois à titre d'arriérés d'honoraires (65.000: 12) ;

- 649,13 euros de charges incompressibles mensuelles (118,93 euros deP.I., 137,27 euros de gaz et d'électricité, 392,93 euros de chargescommunes) ;

= 6.100,66 euros par mois.

La capacité contributive de la défenderesse est fixée à 1088,07 euros parmois pour l'année 2005.

Selon la cour d'appel, le train de vie que la défenderesse aurait mené siles parties ne s'étaient pas séparées aurait, du fait des arriérésd'honoraires dus au demandeur en 2005, été pour cette année globalementsimilaire à celui qu'il était du temps de la vie commune. Compte tenu dece que le demandeur a reconnu avoir réalisé des apports en faveur de ladéfenderesse, pour l'année 2004 à concurrence de 17.241 euros, soit 1.436euros par mois, la cour d'appel fixe la provision alimentaire due par ledemandeur à 850 euros par mois du 1^er mai 2005 au 31 décembre 2005.

2.2 La cour d'appel fonde sa décision selon laquelle le demandeur a perçuen 2005 la somme de 65.000 euros à titre d'arriérés d'honoraires, sur lesmotifs suivants :

- le demandeur prétend avoir pu rembourser anticipativement le prêthypothécaire grevant la résidence conjugale et réaménager son anciencabinet médical, grâce à l'aide financière de son père, qui lui auraitprêté 73.500 euros,

- les quatre extraits de compte produits par le demandeur n'atteignent que65.000 euros,

- le demandeur a remis son cabinet médical au Dr. A. et il n'est pasautorisé à avaliser telle quelle l'affirmation de ce médecin, selonlaquelle la remise des dossiers s'est faite sans contrepartie financière,

- les mentions de « prêt » figurant sur les quatre extraits de compte dudemandeur qui enregistrent des crédits en provenance de son père pour unmontant total de 65.000 euros entre les mois de janvier et juillet 2005sont, en l'absence d'une convention de prêt dûment signée entre le père etson fils, sans portée,

- ces derniers constats joints à la circonstance que les expertisesmédicales sont en règle générale, conformément à l'article 983 du Codejudiciaire, l'objet d'un rapport final à l'issue duquel l'état de frais ethonoraires de l'expert est seulement présenté aux parties, autorisentd'admettre que le demandeur a bénéficié d'honoraires, après sa mise enincapacité de travail,

- la majorité des expertises entamées par le demandeur dans l'année qui aprécédé sa mise en incapacité, de même que celles qui ont été terminéesdans les semaines qui l'ont précédée, n'ont fait l'objet d'un paiement, etle cas échéant, même d'un état final reprenant ses prestations qu'après samise en congé pour raison de maladie.

La cour d'appel en conclut que

- le décalage entre la réalisation des opérations d'expertise et leurpaiement permet d'admettre que les quatre virements réalisés par le pèredu demandeur en sa faveur durant l'année 2005, constituent en réalité desrestitutions d'honoraires déguisées et non un prêt,

- compte tenu du chiffre d'affaires préalable du cabinet médical dudemandeur (58.740,30 euros en 2003 et 45.330,07 euros pour huit moisd'activité en 2004), la somme de 65.000 euros qui lui a été payée en 2005peut raisonnablement être retenue à titre d'arriérés d'honoraires.

En décidant

- d'une part, que la mention de « prêt » figurant sur les extraits decompte du demandeur enregistrant des crédits en provenance de son pèrepour un montant de 65.000 euros entre les mois de janvier et juillet 2005,est sans portée en l'absence d'une convention de prêt dûment signée entrele père et son fils,

- d'autre part, que la longueur de la plupart des expertises médicalesexplique que la majorité des expertises entamées par le demandeur dansl'année qui a précédé sa mise en incapacité, de même que celles qui ontété terminées dans les semaines qui l'ont précédée, n'ont fait l'objetd'un paiement et, le cas échéant, même d'un état final reprenant sesprestations qu'après sa mise en congé pour raison de maladie,

la cour d'appel a déduit des faits constatés des conséquences qui ne sont,sur leur fondement, pas susceptibles de justification.

Si la cour d'appel a, sur la base des faits constatés, légalement pudécider, d'une part, qu'il ne paraît pas que la somme de 65.000 eurosversés au demandeur par son père l'était à titre de prêt et, d'autre part,que le demandeur a encore perçu des honoraires en 2005, elle n'a cependantpas légalement pu déduire des faits constatés que ces honorairess'élevaient à 65.000 euros et que le père du demandeur lui a versé desarriérés d'honoraires.

Les arriérés d'honoraires auxquels le demandeur aurait encore eu droitpour les prestations effectuées avant sa mise en incapacité, étaient eneffet dus au demandeur par sa clientèle, qui était - selon la cour d'appel- composée en grande partie de clients institutionnels qui recouraient àses services en sa qualité d'expert en dommage corporel. Ces honorairesétaient partant dus au demandeur par sa clientèle, et non pas par laclientèle du demandeur à son père, ni au demandeur par son père.

Sur la base des constatations que

- le demandeur a dû percevoir des honoraires durant l'année 2005 qui luiétaient dus en vertu de prestations effectuées avant sa mise enincapacité,

- le père du demandeur lui a versé entre janvier et juillet 2005 la sommede 65.000 euros et les mentions de « prêt » sur les extraits de compteafférents à ces versements sont sans portée,

- le chiffre d'affaires du cabinet du demandeur s'élevait à 58.740,30euros en 2003 et 45.330,07 euros pour huit mois d'activité en 2004,

la cour d'appel n'a pu légalement déduire qu'une somme de 65.000 euros luia été payée en 2005 à titre d'arriérés d'honoraires et que les quatrevirements effectués par le père du demandeur constituent des restitutionsd'honoraires déguisées.

En décidant ainsi que le demandeur a perçu en 2005 la somme de 65.000euros à titre d'arriérés d'honoraires (soit 5.416,66 euros par mois), lacour d'appel a dès lors déduit des faits constatés une conséquence quin'est, sur leur fondement, susceptible d'aucune justification et a méconnula notion légale de "présomption de l'homme" (violation des articles 1349et 1353 du Code civil).

En condamnant le demandeur à payer à la défenderesse une pensionalimentaire de 850 euros par mois à dater du 1^er mai 2005 jusqu'au 31décembre 2005 et ce, en tenant compte d'arriérés d'honoraires de 65.000euros que le demandeur aurait perçus en 2005, pour fixer la capacitécontributive du demandeur et pour évaluer le train de vie que ladéfenderesse aurait mené si les parties ne se seraient pas séparées, lacour d'appel viole en outre les articles 208, 213, 221 du Code civil et1280 du Code judiciaire.

Deuxième branche

3.1 La pension alimentaire allouée à un époux au cours d'une instance endivorce doit être fixée en tenant compte des besoins et des ressources dechacun des époux.

Dans le cadre de l'appréciation des ressources des époux il est, comme ledécide la cour d'appel, tenu compte de leurs capacités financièrespossibles, de leurs charges fiscales et de celles qui sontincompressibles, ces charges étant portées en déduction des revenus desépoux.

3.2 La cour d'appel décide que la capacité contributive du demandeur en2005 est de 6.100,66 euros par mois. Pour fixer ce montant, la courd'appel prend, entre autres, en considération des arriérés d'honoraires de5.146,66 euros par mois (65.000 euros : 12).

La cour d'appel considère à ce sujet que, compte tenu du chiffred'affaires préalable du cabinet du demandeur (58.740,30 euros en 2003 et45.330,07 euros pour huit mois d'activité en 2004), la somme de 65.000euros [qui] lui [a été] payée en 2005 peut être retenue à titre d'arriérésd'honoraires.

Ce chiffre d'affaires, retenu par la cour d'appel pour les années 2003 et2004 (exercices d'imposition 2004 et 2005), soit respectivement 58.740,30euros et 45.330,07 euros, correspond au montant des recettes du demandeur,figurant sous la rubrique « Profits des prof. libérales... » du détail ducalcul de l'imposition fiscale afférente à ces années sous le n° 650 (pourl'exercice 2004) et 1650 (pour l'exercice 2005).

Ces « recettes » sont, comme le précise le demandeur en ses conclusions desynthèse, des montants bruts, dont le fisc déduit ensuite les cotisationssociales et les charges professionnelles pour arriver au résultat net,c'est-à-dire au revenu imposable, qui, en vertu de l'article 6 du Code desimpôts sur les revenus 1992, coordonné par l'arrêté royal du 10 avril1992, est constitué de l'ensemble des revenus nets, diminué des dépensdéductibles.

Lesdits revenus nets comportent entre autres les revenus professionnelsqui, conformément à l'article 23, § 1^er, du Code des impôts sur lesrevenus 1992, comprennent notamment les revenus d'une profession libérale,et dont le montant net est défini au paragraphe 2 dudit article 23, quiprévoit notamment la déduction des charges professionnelles relativementauxdits revenus professionnels.

C'est ce revenu net qui est ensuite pris en considération pour le calculde l'imposition.

En évaluant les ressources du demandeur ainsi que le train de vie que ladéfenderesse aurait mené si les parties ne s'étaient pas séparées, entenant compte des arriérés d'honoraires perçus par le demandeur, soit deson chiffre d'affaires, c'est-à-dire de ses revenus bruts, sans avoirégard aux charges professionnelles et fiscales y afférentes, et encondamnant le demandeur à payer à la défenderesse à titre de provisionalimentaire la somme de 850 euros par mois à partir du 1^er mai 2005jusqu'au 31 décembre 2005 en tenant compte d'un montant de 5416,66 eurospar mois (soit un douzième de 65.000 euros), perçu par le demandeur àtitre d'arriérés d'honoraires, la cour d'appel viole les articles 208, 213et 221 du Code civil, 1280 du Code judiciaire, 6 et 23 du Code des impôtssur les revenus 1992, coordonné par l'arrêté royal du 10 avril 1992.

3.3 Au cas où la Cour estimerait que le montant de 65.000 euros que lacour d'appel prend en considération pour évaluer les ressources dudemandeur ainsi que le train de vie que la demanderesse aurait mené si lesparties ne s'étaient pas séparées, constitue le montant net des arriérésd'honoraires que le demandeur aurait perçus en 2005, quod non, la décisionattaquée n'est pas davantage légalement justifiée.

La cour d'appel décide en effet que, compte tenu du chiffre d'affairespréalable du cabinet du demandeur (58.740,30 euros en 2003 et 45.330,07euros pour huit mois d'activité en 2004), la somme de 65.000 euros [qui]lui [a été] payée en 2005 peut être retenue à titre d'arriérésd'honoraires, c'est-à-dire des honoraires dus pour la majorité desexpertises entamées dans l'année qui a précédé la mise en incapacité dudemandeur et celles terminées dans les semaines qui l'ont précédée).

En décidant que, compte tenu du chiffre d'affaires - c'est-à-dire desrevenus bruts - préalable du cabinet du demandeur (58.740,30 euros en 2003et 45.330,07 euros pour huit mois d'activité en 2004), la somme de 65.000euros (c'est-à-dire un montant supérieur au montant des revenus bruts desannées 2003 et 2004) [qui] lui [a été] payée en 2005 peut être retenue àtitre d'arriérés d'honoraires nets, la cour d'appel a déduit des faitsconstatés une conséquence qui n'est, sur leur fondement, susceptibled'aucune justification et a méconnu la notion légale de « présomption del'homme » (violation des articles 1349 et 1353 du Code judiciaire [lire :civil]).

En condamnant le demandeur à payer à la défenderesse à titre de provisionalimentaire la somme de 850 euros par mois à partir du 1^er mai 2005jusqu'au 31 décembre 2005 en tenant compte d'un montant de 5.416,66 eurospar mois perçu par le demandeur à titre d'arriérés d'honoraires, la courd'appel viole ainsi également les articles 208, 213 et 221 du Code civil,1280 du Code judiciaire, 6 et 23 du Code des impôts sur les revenus 1992,coordonné par l'arrêté royal du 10 avril 1992.

Troisième branche

4. La cour d'appel condamne, d'une part, le demandeur à payer la somme de500 euros par mois à titre de provision alimentaire à la défenderesse àdater du 1^er janvier 2006.

Pour évaluer la capacité contributive du demandeur à partir de 2006 etpour fixer la provision alimentaire due à partir du 1^er janvier 2006, lacour d'appel tient compte des montants suivants :

684 euros par mois à titre de revenus de remplacement ;

2.200 euros par mois à titre de revenus locatifs estimés ;

- 649,13 euros de charges incompressibles mensuelles (118,93 euros deP.I., 137,27 euros de gaz et d'électricité, 392,93 euros de chargescommunes) ;

= 2.234,87 euros par mois .

Le train de vie que les époux auraient mené à partir de l'année 2006 s'ilsne s'étaient pas séparés aurait, selon la cour d'appel, été bien moinsaisé qu'il ne l'était du temps de la vie commune, l'arriéré des honorairesrestant dû étant à l'évidence réduit de manière significative.

Le montant de 500 euros de la pension alimentaire mensuelle due à ladéfenderesse à partir du 1^er janvier 2006 est justifié par la courd'appel eu égard aux capacités productrices de revenus du patrimoineimmobilier du demandeur ainsi que du revenu qu'il pourrait tirer duplacement avisé du prix de vente de ses biens immobiliers.

La cour d'appel déclare, d'autre part, la demande du demandeur tendant àl'autoriser à mettre en vente ses biens situés aux 10^e et 1^er étagesainsi que la cave et le garage situés boulevard Mettewie, 95/25, à 1080Molenbeek-Saint-Jean, fondée en considérant que les craintes de ladéfenderesse n'ont plus de raison d'être dès lors que le demandeur acceptede bloquer le prix de vente de l'immeuble entre les mains du notaireinstrumentant.

La cour d'appel autorise ainsi le demandeur à mettre en venteimmédiatement ses biens propres, situés aux 10^e et 1^er étages del'immeuble sis boulevard Mettewie, 95/25, à 1080 Molenbeek-Saint-Jean,ainsi que la cave et le garage dont il est propriétaire dans le mêmeimmeuble, désigne le notaire Liliane Verbruggen pour procéder auxopérations relatives à la vente de ces immeubles et ordonne le blocage duprix de vente des immeubles qui pourront être vendus (en ce comprisl'acompte versé par l'acheteur) entre les mains du notaire LilianeVerbruggen, jusqu'à la clôture définitive de la liquidation du régimematrimonial des parties.

Alors que le prix de vente des biens immobiliers, appartenant au demandeurdoit, en vertu de la décision de la cour d'appel, rester bloqué entre lesmains du notaire désigné par les juges d'appel, le demandeur ne peutdisposer ni de ce prix ni d'éventuels revenus d'un placement de ce prix devente.

La cour d'appel ne peut, dès lors, pour la fixation du montant de laprovision alimentaire due pendant la procédure de divorce par le demandeurà la défenderesse, avoir égard au revenu que le demandeur pourrait tirerdu placement avisé du prix de vente de ses biens immobiliers, alors queces éventuels « revenus » sont bloqués entre les mains du notaire jusqu'àla clôture définitive de la liquidation du régime matrimonial des parties,et ne constituent dès lors point des ressources du demandeur.

L'arrêt, en ce qu'il condamne le demandeur à payer à la défenderesse àtitre de provision alimentaire la somme de 500 euros par mois à dater du1^er janvier 2006, viole partant les articles 208, 213, 221 du Code civilet 1280 du Code judiciaire.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

Aux termes de l'article 1349 du Code civil, les présomptions sont desconséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un faitinconnu.

En vertu de l'article 1353 de ce code, les présomptions qui ne sont pasétablies par la loi sont abandonnées à la lumière et à la prudence dumagistrat.

Dans les cas où la preuve par présomptions est légalement admise, le jugeapprécie en fait la valeur probante de celles sur lesquelles il se fonde.

La Cour vérifie toutefois si le juge n'a pas violé la notion légale deprésomption et si, notamment, il n'a pas déduit des faits constatés parlui des conséquences qui ne sont susceptibles, sur leur fondement,d'aucune justification.

Ayant constaté, après avoir relevé que le demandeur a « été contraint demettre fin au mois de septembre 2004 à son activité de médecin spécialiséen évaluation du dommage corporel, en raison de problèmes dépressifspréoccupants, pour lesquels il a été mis en incapacité de travail totalejusqu'en 2010 », et qu'il « vit gracieusement chez ses parents depuis sasortie de l'hôpital », que « les mentions de `prêt' figurant sur lesquatre extraits de compte [du demandeur] qui enregistrent des crédits enprovenance de son père pour un montant total de 65.000 euros entre lesmois de janvier et juillet 2005 sont, en l'absence d'une convention deprêt dûment signée entre le père et son fils, sans portée », que ledemandeur a dû percevoir en 2005 des honoraires pour les prestations qu'ilavait effectuées avant le début de son incapacité de travail, en septembre2004, et que son chiffre d'affaires était de 58.740,30 euros en 2003 et de45.330,07 euros pour huit mois d'activité en 2004, la cour d'appel n'a pulégalement déduire de ces faits, sans violer la notion légale deprésomption, que les quatre virements réalisés par son père en faveur dudemandeur constituaient des restitutions d'honoraires déguisées et que lasomme de 65.000 euros devait être retenue à titre d'arriérés d'honorairesperçus durant l'année 2005 dans le cadre de l'appréciation de sesressources au cours de cette période.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Quant à la troisième branche :

L'arrêt fixe, d'une part, à 500 euros la pension mensuelle due par ledemandeur à partir de janvier 2006 en prenant en compte, parmi sesressources, 2.200 euros à titre de revenus locatifs estimés susceptiblesd'être produits, pour une part importante, par lesdits immeubles et enayant égard « aux capacités productrices de revenus [de son] patrimoineimmobilier […] ainsi que du revenu qu'il pourrait tirer du placement avisédu prix de vente de ses biens immobiliers ».

L'arrêt autorise, d'autre part, le demandeur à mettre en venteimmédiatement ses biens propres, situés aux 1^er et 10^e étages del'immeuble sis à Molenbeek-Saint-Jean, 95/25, boulevard Mettewie, etordonne le blocage du prix de vente des immeubles qui pourront être vendusentre les mains du notaire qu'il désigne, jusqu'à la clôture définitive dela liquidation du régime matrimonial des parties.

L'arrêt, qui retient ainsi, dans le chef du demandeur, des ressources dontil ne pourra bénéficier à partir de la réalisation de ladite vente enraison du blocage du prix qu'il prévoit, ne justifie pas légalement sadécision.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner la deuxième branche du moyen, qui ne sauraitentraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il reçoit l'appel incident et lademande nouvelle de la défenderesse et qu'il autorise les parties àrésider séparément ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtpartiellement cassé ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillersDidier Batselé, Albert Fettweis, Sylviane Velu et Philippe Gosseries, etprononcé en audience publique du neuf mai deux mille huit par le présidentde section Claude Parmentier, en présence de l'avocat général AndréHenkes, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.

9 MAI 2008 C.07.0438.F/24


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.07.0438.F
Date de la décision : 09/05/2008

Analyses

PREUVE - MATIERE CIVILE - Présomptions


Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-05-09;c.07.0438.f ?
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