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05/05/2008 | BELGIQUE | N°S.06.0036.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 mai 2008, S.06.0036.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° S.06.0036.F

D. D.,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Philippe Gérard, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est faitélection de domicile,

contre

SUEZ-TRACTEBEL, société anonyme dont le siège social est établi àBruxelles, place du Trône, 1,

défenderesse en cassation,

représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, oÃ

¹ il estfait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° S.06.0036.F

D. D.,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Philippe Gérard, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est faitélection de domicile,

contre

SUEZ-TRACTEBEL, société anonyme dont le siège social est établi àBruxelles, place du Trône, 1,

défenderesse en cassation,

représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il estfait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 18 mai 2004 parla cour du travail de Bruxelles.

Le conseiller Daniel Plas a fait rapport.

Le procureur général Jean-François Leclercq a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 2262bis, alinéa 1^er, du Code civil ;

- article 15 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.

Décision et motifs critiqués

L'arrêt attaqué déclare l'action du demandeur prescrite en tant qu'elle serapporte à l'exécution des plans d'option sur actions consentis auxmembres du comité de direction de la défenderesse les 30 janvier et 21décembre 2000. Il justifie cette décision par les motifs suivants :

« 9. Suivant l'article 15 de la loi du 3 juillet [1978] sur les contratsde travail, les actions naissant du contrat de travail sont prescrites unan après la cessation de celui-ci ou cinq ans après le fait qui a donnélieu à l'action, sans que ce dernier délai puisse excéder un an après lafin du contrat ;

Cet article déroge au droit commun de l'article 2262bis du Code civil,suivant lequel les actions personnelles se prescrivent par dix ans ;

10. L'action en exécution des plans d'option est soumise à la prescriptiond'un an de l'article 15 de la loi du 3 juillet 1978 (n^os 11-12), quicourt à partir du moment où le droit est né conformément à la règlegénérale inscrite notamment dans l'article 2257 du Code civil (n° 13) ;

11. Les actions naissant du contrat de travail, soumises à l'article 15 dela loi du 3 juillet 1978, sont celles qui trouvent leur source et leurcause dans le contrat de travail [...], celles qui n'auraient pu naîtresans ce contrat [...] ;

En règle générale, la prescription d'un an s'applique à l'action enexécution d'une convention qui règle les obligations des parties àl'occasion de la cessation du contrat de travail, sans opérer de novation[...] ;

12. En l'espèce, la convention du 25 mai 1999 règle les obligations desparties à l'occasion de la cessation du contrat de travail, en toutes sesdispositions ;

Certains articles traitent des obligations les plus classiques : solde derémunération, indemnité de préavis, plan de pension, outils de travail ;

Un autre article porte sur les mandats que [le demandeur] exerçait au seindes sociétés du groupe Tractebel pour représenter les intérêts de cedernier. Il exerçait ces mandats en exécution du contrat de travail. Illes exerçait en effet en raison de ses relations avec [la défenderesse],et à aucun autre titre (il n'était pas actionnaire et il ne représentaitaucun autre intérêt), et ces relations avec [la défenderesse] découlaientdu contrat de travail. L'article de la convention du 25 mai 1999 relatifaux mandats règle donc aussi une des conséquences de la cessation ducontrat de travail.

Enfin, l'article 8 règle également des obligations nées du contrat detravail. D'une part, l'obligation [du demandeur] de se comportercorrectement à l'égard de son ancien employeur et de ne pas poser d'actecontraire à ses intérêts est formée sur la base de deux obligations dutravailleur salarié, le respect du secret des affaires et l'interdictionde concurrence déloyale (article 17, 3°, de la loi du 3 juillet 1978) etelle est étendue. D'autre part, les options sur actions sont unerémunération, allouée en contrepartie du travail [...]. La convention du25 mai 1999 alloue [au demandeur] le bénéfice de celles qui seraientcréées peu de temps après la fin du contrat. [La défenderesse] a consenticet avantage en raison du contrat de travail et en contrepartie del'obligation contractuelle de se comporter correctement et de ne pas poserd'acte contraire aux intérêts de l'employeur ;

La convention n'opère aucune novation. Son article 1^er constate que [ladéfenderesse] met fin au contrat, et les autres dispositions endéterminent les conséquences ;

En conclusion, toutes ces obligations trouvent leur cause dans le contratde travail et elles ne seraient pas nées sans lui. Elles sont doncsoumises à l'article 15 de la loi du 3 juillet 1978 ;

[…] 13. Suivant le texte de cet article 15, le délai d'un an court àpartir de la fin du contrat. Cependant, ce texte s'incline devant la règlegénérale dont l'article 2257 du Code civil constitue une application : laprescription ne commence à courir qu'au moment de la naissance du droit[...] ;

La prescription est en effet la conséquence de l'inaction du créancier[...]. Pour qu'elle courre, il faut donc que le créancier soit en mesured'agir, c'est-à-dire que le droit soit né ;

14. Certes, la Cour de cassation avait admis que les dommages et intérêtsdus par l'ouvrier qui a violé le secret des affaires après la cessation ducontrat de travail se prescrivaient suivant le délai de droit commun[...]. Pour autant que l'enseignement de cet arrêt soit susceptible des'appliquer à d'autres actions, la cour du travail s'en écarte pour lesmotifs qui précèdent ;

15. Il découle de ce qui précède que l'action en exécution des plans du 30janvier et du 21 décembre 2000 est prescrite. En effet, le droit auxoptions est né à l'expiration des délais pour acquérir les actions,c'est-à-dire respectivement le 30 mars 2000 et le 18 février 2001.L'action a été introduite par la citation du 28 février 2002, plus d'un anplus tard ».

Griefs

L'article 15 de la loi du 3 juillet 1978 dispose que les actions naissantdu contrat de travail sont prescrites un an après la cessation de celui-ciou cinq ans après le fait qui a donné naissance à l'action, sans que cedernier délai puisse excéder un an après la cessation du contrat. Cettedisposition consacre une exception au régime de droit commun de laprescription contenu dans l'article 2262bis, alinéa 1^er, du Code civil,selon lequel toutes les actions personnelles sont prescrites par dix ans.

La loi ne définit pas la notion d'action naissant du contrat de travail.Cette notion doit être comprise en ce sens que la prescription annale del'article 15 de la loi du 3 juillet 1978 s'applique lorsque le droitlitigieux trouve sa source dans le contrat de travail. Lorsque le droitrevendiqué découle d'actes distincts du contrat de travail, cetteprescription abrégée ne s'applique pas à l'action.

En l'espèce, la convention du 25 mai 1999 règle les obligations desparties à l'occasion de la cessation du contrat de travail. Certaines deces obligations trouvent leur source dans le contrat de travail auquel ilest mis fin : ainsi en est-il, comme le constate l'arrêt attaqué, dupaiement d'un solde de rémunération, du paiement d'une indemnité depréavis et de l'allocation d'un capital de pension. Le droit du demandeurde participer aux plans d'option sur actions mis en oeuvre pour lesexercices 1999, 2000 et 2001 ne trouve pas sa source dans le contrat detravail mais dans la convention du 25 mai 1999 elle-même. Sans doute, cedroit a-t-il été reconnu au demandeur à l'occasion de la cessation ducontrat de travail et en contrepartie de son engagement de ne pas nuire àla défenderesse après son départ, mais il n'existait pas, même en germe,dans le contrat de travail et découle exclusivement de la convention du 25mai 1999, à défaut de laquelle le demandeur n'aurait eu aucun titre àparticiper à des plans d'option sur actions postérieurs à la fin desrelations contractuelles entre les parties.

Dès lors, en considérant que toutes les obligations réglées par laconvention du 25 mai 1999 « trouvent leur cause dans le contrat de travailet [...] ne seraient pas nées sans lui » et, partant, « sont soumises àl'article 15 de la loi du 3 juillet 1978 », et en considérant, sur cefondement, que « l'action en paiement des plans du 30 janvier et du 21décembre 2000 est prescrite », l'arrêt attaqué viole cette dispositionlégale ainsi que l'article 2262bis du Code civil.

III. La décision de la Cour

Sur la première fin de non-recevoir opposée au moyen par la défenderesseet déduite du défaut d'intérêt :

Si, après avoir décidé que n'est pas fondée l'action du demandeur relativeà sa participation au plan d'option sur actions établi le 28 novembre 2001par la défenderesse, il dit l'appel de celle-ci « entièrement fondé »,l'arrêt du 20 septembre 2005 ne contient, s'agissant de l'action dudemandeur relative à sa participation aux plans d'option sur actions des30 janvier et 21 décembre 2000, que l'arrêt attaqué déclare prescrite,aucune décision que ce dernier arrêt ne comportât déjà.

Sur la seconde fin de non-recevoir opposée au moyen par la défenderesse etdéduite de sa nouveauté :

Le moyen qui, en en proposant une autre, critique l'interprétation quel'arrêt attaqué donne de l'article 15, alinéa 1^er, de la loi du 3 juillet1978 relative aux contrats de travail, sur la base duquel il dit lademande prescrite, n'est pas nouveau.

Les fins de non-recevoir ne peuvent être accueillies.

Sur le fondement du moyen :

Aux termes de l'article 15, alinéa 1^er, de la loi du 3 juillet 1978, lesactions naissant du contrat sont prescrites un an après la cessation decelui-ci ou cinq ans après le fait qui a donné naissance à l'action, sansque ce dernier délai puisse excéder un an après la cessation du contrat.

Cette disposition s'applique aux actions tendant à l'exécutiond'obligations qui prennent leur source dans le contrat de travail.

L'arrêt attaqué constate que les parties, liées par un contrat de travail,ont, à l'occasion de la cessation de celui-ci, conclu le 25 mars 1999 uneconvention dont l'article 8 accorde au demandeur, moyennant un engagementde loyauté, le droit de participer aux plans d'option sur actions que ladéfenderesse viendrait à établir en faveur des membres du comité dedirection générale pour les exercices 1999, 2000 et 2001.

En considérant que l'action du demandeur tendant à l'exécution del'obligation imposée à la défenderesse par ledit article 8 est soumise àla prescription de l'article 15, alinéa 1^er, de la loi du 3 juillet 1978,alors que, si elle a été contractée à l'occasion de la cessation ducontrat de travail ayant lié les parties, cette obligation n'y trouve passa source, l'arrêt attaqué viole cette disposition légale.

Le moyen est fondé.

La cassation de la décision de l'arrêt attaqué disant l'appel de ladéfenderesse partiellement fondé et prescrite l'action du demandeurentraîne l'annulation de l'arrêt du 20 septembre 2005 dans la mesure oùcelui-ci, en disant l'appel de la défenderesse entièrement fondé et enstatuant sur les dépens, est la suite de cette décision.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il dit l'appel recevable, et annulel'arrêt du 20 septembre 2005 en tant qu'il dit l'appel entièrement fondéet qu'il statue sur les dépens ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtpartiellement cassé et de l'arrêt partiellement annulé ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail de Mons.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président Christian Storck, les conseillers Daniel Plas,Christine Matray, Sylviane Velu et Philippe Gosseries, et prononcé enaudience publique du cinq mai deux mille huit par le président ChristianStorck, en présence du procureur général Jean-François Leclercq, avecl'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.

5 MAI 2008 S.06.0036.F/2



Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL - PRESCRIPTION


Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 05/05/2008
Date de l'import : 31/08/2018

Numérotation
Numéro d'arrêt : S.06.0036.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-05-05;s.06.0036.f ?
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