La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2008 | BELGIQUE | N°C.07.0528.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 avril 2008, C.07.0528.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.07.0528.F

V. P.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile,

contre

D. M.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 13 juin 2007par la cour d'appel de Liege.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

I

I. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

-...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.07.0528.F

V. P.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile,

contre

D. M.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 13 juin 2007par la cour d'appel de Liege.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 231 du Code civil, tel qu'il etait en vigueur avant sonabrogation par la loi du 27 avril 2007 reformant le divorce et demeure envigueur, par application de l'article 42, S: 2, de la meme loi, auxprocedures en divorce ou en separation de corps introduites avant l'entreeen vigueur de ladite loi pour lesquelles un jugement definitif n'a pas eteprononce ;

- article 1315 du Code civil ;

- article 870 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

L'arret, confirmant le jugement entrepris, prononce le divorce des partiesaux torts de la demanderesse sur la base de l'article 231 du Code civil,pour tous ses motifs et specialement aux motifs suivants :

« [La demanderesse] nie toute relation extraconjugale, qualifiant sesrapports avec le sieur A. C. d'amicaux. Par ailleurs, elle estime quel'intimite qu'elle aurait pu partager avec son ami ne pouvait en tout etatde cause avoir de caractere offensant des lors qu'au moment des faitsinvoques, [le defendeur] aurait dejà quitte le domicile conjugal pours'installer chez sa nouvelle compagne.

D'emblee, il y a lieu de souligner que la cour [d'appel] n'est pas saisiede l'action reconventionnelle originaire, basee sur une pretendue relationadultere [du defendeur], et que, par consequent, elle n'a pas à seprononcer, en l'etat actuel de la procedure, sur l'existence d'une tellerelation ni, le cas echeant, sur son caractere offensant. En tout etat decause, il ne peut y avoir compensation des torts.

[...] Compte tenu de ce qui precede, c'est à bon droit que le premierjuge a estime que, meme si ces photographies n'etablissent pas unerelation adultere au sens strict du terme, il en decoule un degred'intimite certain, constitutif d'injures graves au sens de l'article 231du Code civil.

Cette relation intime est, en outre, corroboree par les proces-verbauxdresses dans le cadre d'une plainte [du defendeur] pour tentatived'extorsion de fonds. Il ne peut etre question d'une mise en scene, ainsique tente de le faire croire [la demanderesse], au vu de la gravite detels faits. L'on ne conc,oit pas que le sieur N. S. se soit volontairementexpose à des poursuites judiciaires de ce chef dont l'issue sera, entoute hypothese, independante de la volonte [du defendeur].

Par ailleurs, le fait que M.-L. L. affirme en meme temps avoirconnaissance d'une relation intime entre [la demanderesse] et A. C. etd'une relation [du defendeur] avec une autre femme, alors qu'elle est auservice [du defendeur] et loue un immeuble lui appartenant, ne demontreque son independance morale vis-à-vis des deux parties. La circonstanceque [le defendeur] n'a pas licencie M.-L. L. n'est pas davantage un indiced'une complicite puisque M.-L. L. n'a pas hesite à rediger uneattestation allant dans le sens inverse des interets [du defendeur]. [Ledefendeur] n'a pas, non plus, reagi à cette attestation, de telle sortequ'aucune conclusion ne peut etre tiree de son inaction.

Sans prejuger du bien-fonde de la demande reconventionnelle, [lademanderesse] critique à tort le jugement entrepris en ce qu'il n'auraitpas ete tenu compte de la doctrine et de la jurisprudence recente enmatiere de divorce.

Le principe qu'il n'y a point de compensation des torts respectifs desepoux reste acquis tant par la jurisprudence que par la doctrine. Il enresulte que la simple anteriorite de l'infidelite du conjoint n'est passuffisante pour etablir l'absence d'offense, sous peine d'admettre laditecompensation des torts.

S'il n'en reste pas moins que le juge doit apprecier les circonstances dela cause pour apprecier le caractere offensant de l'adultere ou, comme enl'espece, de la relation etroite qu'entretient [la demanderesse] avec unautre homme, il doit etre rappele qu'il appartient à [la demanderesse]d'etablir soit une volonte commune des parties de se rendre leur totaleliberte, soit que [le defendeur] s'est detache d'elle sans espoir dereconciliation, manifestant de la sorte la disparition de toute formed'affection à son egard. Cette preuve n'est pas apportee, des lors que[la demanderesse] n'invoque que l'anteriorite de la pretendue relationadultere [du defendeur], laquelle ne serait, au demeurant, que de quelquesmois, pour justifier son propre comportement. L'attitude que [ledefendeur] a pu adopter apres la decouverte de la relation de [lademanderesse] avec le sieur A. C. ne peut entrer en ligne de compte pourapprecier son caractere offensant. Au demeurant, la reaction [dudefendeur] face à cette situation denie son pretendu desinteret pour [lademanderesse].

Le divorce devant etre prononce sur la base de ce qui precede, il n'y apas lieu d'examiner le grief concernant les insultes et les menacesproferees au telephone ».

Griefs

Dans ses conclusions d'appel, la demanderesse a enonce, apres avoirrappele le principe de l'attenuation des torts consacre par lajurisprudence :

« qu'en supposant etablie, quod non, l'existence d'un `degre d'intimitecertain' entre la [demanderesse] et le sieur A. C., force est de constaterque ce fait n'a pu etre considere ou ressenti comme injurieux etoutrageant par [le defendeur] au sujet duquel est incontestablementetablie une relation adultere avec une dame A.-M. B., relation adultere àlaquelle il n'a en aucun cas mis un terme lorsqu'elle fut apprise par sonepouse, et la crise conjugale qui s'en est suivie ; que ce faisant, [ledefendeur] administrait necessairement la preuve de son souhait de changerde partenaire affectif et de s'affranchir definitivement des liens dumariage vis-à-vis de la [demanderesse] ; qu'il doit naturellement etretenu compte, pour apprecier la gravite de l'injure et son caractereoutrageant, de la longue anteriorite de l'adultere [du defendeur], lequel,selon un voeu manifestement conc,u de longue date, a progressivement sorticette relation de la clandestinite au point de l'afficher publiquementdans les revues dediees à son parti politique à la fin de l'annee 2005 ;qu'il doit egalement etre tenu compte de la volonte demontree de fac,onpersistante par [le defendeur] de ne donner aucune chance ni aucun avenirà son mariage ; que, des la mi-fevrier 2005, [le defendeur] n'a plus eude cesse que de tenter de reunir, par des moyens pour le moinsdiscutables, des elements dont il pourrait se servir dans le cadre d'uneprocedure en divorce et, parallelement, de faire deguerpir la[demanderesse] par tous moyens ». A ce dernier egard, la demanderesse sereferait à sa relation des faits, ou elle avait fait valoir que « cettevolonte persistante de [la] faire deguerpir s'exprime encore clairement end'autres occasions ; qu'ainsi, lorsque avec l'autorisation explicite [dudefendeur], la [demanderesse] decide de prendre un peu de recul dans laresidence secondaire de Bessan, elle a, à son retour et à plusieursreprises, l'occasion de constater que les serrures de la residenceconjugale ont ete changees, que le mobilier a ete demenage et que meme unepartie de ses effets personnels a disparu ; qu'en d'autres occasions, elleconstate que la moitie du lit conjugal qu'elle occupait ordinairement aete enlevee ».

L'arret considere que, sous peine d'admettre que les torts respectifs desepoux peuvent etre compenses, « la simple anteriorite de l'infidelite duconjoint n'est pas suffisante pour etablir l'absence d'offense ». Ilconstate que si, « pour apprecier le caractere offensant de l'adultereou, comme en l'espece, de la relation etroite qu'entretient [lademanderesse] avec un autre homme », « le juge doit apprecier lescirconstances de la cause », il subsiste qu'il appartient à lademanderesse « d'etablir soit une volonte commune des parties de serendre leur totale liberte soit que [le defendeur] s'est detache d'ellesans espoir de reconciliation, manifestant de la sorte la disparition detoute forme d'affection à son egard ».

L'arret decide que « cette preuve n'est pas rapportee, des lors que [lademanderesse] n'invoque que l'anteriorite de la pretendue relationadultere [du defendeur], laquelle ne serait, au demeurant, que de quelquesmois, pour justifier son propre comportement », que « l'attitude que le[defendeur] a pu adopter apres la decouverte de la relation de [lademanderesse] avec le sieur A. C. ne peut entrer en ligne de compte pourapprecier son caractere offensant » et qu' « au demeurant, la reaction[du defendeur] face à cette situation denie son pretendu desinteret pour[la demanderesse] ».

En decidant que « la simple anteriorite de l'infidelite du conjoint n'estpas suffisante pour etablir l'absence d'offense », sauf à admettre, cequ'il exclut, la compensation des torts respectifs entre les conjoints,l'arret ne justifie pas legalement sa decision. Il ne peut certes y avoirde compensation des torts entre les conjoints, savoir l'effacement de lafaute d'un conjoint par celle, posterieure, de l'autre conjoint. Il nepeut davantage y avoir d'annulation reciproque des manquements commis parles conjoints l'un à l'egard de l'autre. Il peut en revanche se produire,en raison du comportement anterieur d'un conjoint, une attenuation destorts de l'autre conjoint. Le comportement fautif de celui-ci peut ainsiperdre son caractere outrageant ou constitutif d'injure grave en raisondes comportements anterieurs ou concomitants de l'autre conjoint. Enrefusant d'avoir egard à la defense opposee par la demanderesse aucaractere outrageant de l'injure qui lui etait reprochee, en raison de larelation adultere anterieure qu'entretenait le defendeur, l'arret violel'article 231 du Code civil.

En refusant ainsi à la demanderesse la possibilite d'etablir la realiteet la gravite du comportement anterieur du defendeur, l'arret denie à lademanderesse le droit de prouver les faits qu'elle invoquait. Il violeainsi par surcroit les articles 1315 du Code civil et 870 du Codejudiciaire.

III. La decision de la Cour

Le caractere injurieux du comportement d'un epoux et la gravite de cecaractere injurieux ne resultent pas exclusivement du manquementintrinseque aux devoirs nes du mariage, mais doivent etre apprecies entenant compte de toutes les circonstances propres à la cause, notammentde leur caractere d'offense à l'egard du conjoint. Cette appreciation giten fait.

Il n'y a point, en matiere de divorce, compensation des torts, de sorteque la simple constatation de l'anteriorite de l'infidelite d'un epoux nesuffit pas à enlever tout caractere injurieux à la faute de l'autre.

Apres avoir enonce que, si « le juge doit apprecier les circonstances dela cause pour apprecier le caractere offensant (...) de la relationetroite qu'entretient [la demanderesse] avec un autre homme, il doit etrerappele qu'il appartient à [la demanderesse] d'etablir soit une volontecommune des parties de se rendre leur totale liberte, soit que [ledefendeur] s'est detache d'elle sans espoir de reconciliation, manifestantde la sorte la disparition de toute forme d'affection à son egard »,l'arret considere que « cette preuve n'est pas apportee, des lors que [lademanderesse] n'invoque que l'anteriorite de la pretendue relationadultere [du defendeur], laquelle ne serait, au demeurant, que de quelquesmois, pour justifier son propre comportement » et que « la reaction [dudefendeur face à la decouverte de la relation de la demanderesse avec lesieur Alexandre C.] denie son pretendu desinteret pour [la demanderesse]».

L'arret examine ainsi le caractere injurieux du comportement de lademanderesse au regard de toutes les circonstances propres à la cause.

Sur la base de son appreciation de ces circonstances, qui git en fait, ilfait une exacte application de l'article 231 du Code civil sans denier àla demanderesse le droit d'etablir la realite et la gravite ducomportement anterieur du defendeur.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de six cent nonante-cinq euros dix centimesenvers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Claude Parmentier, les conseillersDidier Batsele, Albert Fettweis, Philippe Gosseries et Martine Regout, etprononce en audience publique du vingt-cinq avril deux mille huit par lepresident de section Claude Parmentier, en presence de l'avocat generalAndre Henkes, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

25 AVRIL 2008 C.07.0528.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.07.0528.F
Date de la décision : 25/04/2008

Analyses

DIVORCE ET SEPARATION DE CORPS - PROCEDURE EN DIVORCE - Divorce pour cause déterminée


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-04-25;c.07.0528.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award