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21/04/2008 | BELGIQUE | N°C.07.0223.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 avril 2008, C.07.0223.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.07.0223.F

ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITES CHRETIENNES, dont le siège est établi àSchaerbeek, chaussée de Haecht, 579,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il estfait élection de domicile,

contre

VIVIUM, société anonyme dont le siège social est établi àSaint-Josse-ten-Noode, rue Royale, 53,

défenderesse en cassation,

représentée par Maître Ant

oine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il estfait électi...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.07.0223.F

ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITES CHRETIENNES, dont le siège est établi àSchaerbeek, chaussée de Haecht, 579,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il estfait élection de domicile,

contre

VIVIUM, société anonyme dont le siège social est établi àSaint-Josse-ten-Noode, rue Royale, 53,

défenderesse en cassation,

représentée par Maître Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il estfait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le27 octobre 2006 par le tribunal de première instance de Mons, statuant endegré d'appel et comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Courdu 9 février 2004.

Par ordonnance du 3 avril 2008, le premier président a renvoyé la causedevant la troisième chambre.

Le conseiller Philippe Gosseries a fait rapport.

L'avocat général Jean-Marie Genicot a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

* articles 46, alinéa 1^er, 48, alinéa 1^er, 56, § 1^er, alinéa 1^er,76quater, § 2, alinéa 4, 87, dernier alinéa, et 100 de la loi du 9août 1963 instituant et organisant un régime d'assurance obligatoirecontre la maladie et l'invalidité, tels qu'ils ont été modifiés,l'article 46, alinéa 1^er, par l'arrêté royal n° 422 du 23 juillet1986, l'article 48, alinéa 1^er, par la loi du 27 juin 1969, l'article56,

§ 1^er, alinéa 1^er, par l'arrêté royal n° 22 du 23 mars 1982,l'article 76quater,§ 2, alinéa 4, par l'arrêté royal n° 19 du 4 décembre 1978, l'article87, alinéa 4, par l'arrêté royal n° 533 du 31 mars 1987, et l'article100, alinéa 1^er, par l'arrêté royal n° 22 du 23 mars 1982 ;

* articles 1382 et 1383 du Code civil.

Décisions et motifs critiqués

Le jugement attaqué, sur renvoi après cassation du jugement du tribunal depremière instance de Charleroi du 31 octobre 2000, après avoir rappelé lesfaits de la cause et les antécédents de la procédure et, à cet égard,avoir relevé que, « désigné par le tribunal de police de Thuin dans lecadre de la procédure pénale à charge du sieur [...], assuré de [ladéfenderesse], le docteur Schreiber a déposé un rapport médical [...]concluant, dans le chef de l'affilié de [la demanderesse], aux incapacitéssuivantes : - incapacité temporaire totale du 4 décembre 1991 au 14janvier 1992 ; - incapacité temporaire partielle à 75 p.c. du 15 janvier1992 au 31 janvier 1992 ;- incapacité temporaire partielle à 50 p.c. du 1^er février 1992 au 15février 1992 ; - incapacité temporaire partielle à 30 p.c. du 16 février1992 au29 février 1992 ; - incapacité temporaire partielle à 15 p.c. du 1^er mars1992 au 30 avril 1992 ; - incapacité temporaire partielle à 10 p.c. du1^er mai 1992 au 30 juin 1992 ; - consolidation le 1^er juillet 1992 avecune invalidité de 6 p.c. dont 4 p.c. ont une répercussion économique »,qu' « il est constant que, suite à l'accident dont fut victime sonaffilié, [la demanderesse] a réglé à ce dernier, à titre d'indemnités, unmontant total de 230.824 francs, soit 5.721,98 euros, et ce, pour lapériode du 4 décembre 1991 au 21 juin 1992 ; [...] que, par ailleurs,l'affilié de [la demanderesse] était, au moment de l'accident, chômeur delongue durée » et encore que, « sur la base des articles 60 et suivants del'arrêté royal du 25 novembre 1991, un chômeur qui devient inapte autravail perd le droit aux allocations de chômage parce qu'il n'est plustotalement disponible sur le marché du travail. En raison des incapacitésde travail subies à la suite de l'accident litigieux, [l'affilié de lademanderesse] a donc perdu son droit aux allocations de chômage. Lalégislation en vigueur ne prévoit pas que la victime de l'accident puisseêtre soumise en partie au statut du chômage et en partie au régime del'assurance maladie-invalidité. Ce régime s'applique donc pendant toutesles périodes d'incapacité temporaire de travail et, par conséquent, mêmeau-delà du 1^er février 1992 » et, encore, avoir reproduit textuellementla décision de la Cour du 9 février 2004, dit néanmoins l'appel de ladéfenderesse recevable et partiellement fondé, met à néant le jugemententrepris « sauf en tant que le premier juge a dit la demande originairerecevable et [a] condamné [la défenderesse] aux frais et aux dépens depremière instance, lui délaissant également ses propres dépens », dit lademande originaire de la demanderesse seulement fondée en partie et, enconséquence, condamne la défenderesse à payer à cette dernière la somme de2.033,51 euros augmentée « des intérêts à dater du 31 décembre 1991, autaux légal, sur la somme de 798,42 euros, à dater du 31 janvier 1992, autaux légal, sur la somme de 898,22 euros, à dater du 29 février (1992), autaux de 5 p.c. l'an sur la somme de 146,25 euros, à dater du 30 avril1992, au taux de 5 p.c. l'an, sur la somme de 114,37 euros et à dater du30 juin 1992, au taux de 5 p.c. l'an, sur la somme de 76,25 euros,jusqu'au présent jugement, ensuite des intérêts judiciaires jusqu'àparfait payement », déboutant la demanderesse du surplus de sa demande, etcondamne la demanderesse à la moitié des frais d'appel de la défenderesse,lui délaisse l'intégralité de ses dépens d'appel et compense les dépens decassation, aux motifs que

« L'action subrogatoire de l'organisme assureur a donc pour objetl'ensemble des droits et actions que le bénéficiaire aurait pu, en raisondu dommage subi, exercer contre le tiers responsable dans les limitestoutefois des sommes dues par celui-ci pour la réparation du même dommage(Cass.,14 décembre 1981, Pas., 1982, I, 833). [...] L'organisme assureur n'exercepas une action distincte de celle de la victime mais, par une demandedistincte, exerce l'action en payement des indemnités de la victimeelle-même (Cass.,12 juin 1986, Pas., 1986, I, 1263) ; [...] l'organisme assureur est doncsubrogé de plein droit à la victime à concurrence de ses décaissementsmais aussi de la hauteur de l'indemnisation due par le tiers responsableen vertu du droit commun ou d'une autre législation (Cass., 20 mars 1998,Bull. Ass., 1999, 512). [...] Par conséquent, si l'article 70 de la loi du9 août 1963 [...] dispose que la subrogation de l'organisme assureur vaut,à concurrence du montant des prestations octroyées, pour la totalité dessommes dues par le tiers responsable, celui-ci ne peut être tenu au-delàde ce qu'il devrait payer à l'affilié s'il n'y avait eu d'intervention auprofit de ce dernier de l'organisme assureur. [...] Par son arrêt du 9février 2004, la Cour de cassation ne s'écarte pas de ces principes,qu'elle rappelle d'ailleurs expressément ou indirectement. (...) La Coursouligne en outre que, d'une part, la décision de l'organisme mutualistequi, dans le cadre de la loi de 1963, constate un état d'incapacité deplus de 66 p.c. ne peut être remise en cause par le juge du fond qui nepeut donc rejeter la subrogation par le simple fait qu'en droit commun,des taux inférieurs ont été retenus et que, d'autre part, les indemnitésversées par la mutuelle couvrent un dommage consistant dans une perte decapacité économique, soit le même dommage qu'en droit commun, de sorte quele seul fait que la victime soit chômeuse de longue durée n'exclut pas untel dommage. (...) Dans son arrêt du 21 octobre 1992 (Pas., I, 1178), laCour de cassation avait précisé que le dommage matériel résultant de laréduction de la capacité de travail de la victime consistait 'en unediminution de sa valeur économique sur le marché du travail et aussi,éventuellement, en la nécessité de fournir des efforts accrus dansl'accomplissement de ses tâches professionnelles normales'. [...] Le faitque l'affilié de [la demanderesse] ait la qualité de chômeur de longuedurée n'empêche donc pas cette dernière de se prévaloir de la subrogationpour les périodes d'incapacité temporaire retenues en droit commun. [...]Cependant, [la demanderesse] opère une interprétation excessive de l'arrêtdu 9 février 2004, dès lors qu'elle réclame, à titre principal,l'intégralité de ses débours sans opérer la moindre évaluation del'assiette de sa subrogation. [...] La Cour de cassation rappelleclairement que 'le montant de la demande de l'organisme assureur ne peutêtre supérieur à la totalité des sommes dues en vertu du droit commun', ensorte qu'il convient d'évaluer ce que l'affilié de [la demanderesse]aurait pu obtenir, en droit commun, en indemnisation de son dommagematériel consistant, durant les incapacités temporaires totales, en laperte de rémunération ou de revenu de remplacement et durant lesincapacités temporaires partielles, en la diminution de sa valeuréconomique sur le marché du travail. [...] Devant le premier juge, [ladéfenderesse] admettait que l'affilié de [la demanderesse] n'avait étéapte à la reprise du travail que le 1^er février 1992 [...]. En droitcommun, l'affilié de [la demanderesse] aurait dès lors pu prétendre, sansl'intervention de son organisme de mutuelle, à une perte de rémunérationpour la période du4 décembre 1991 au 31 janvier 1992, soit durant 59 jours. [...]L'intervention de [la demanderesse], pour cette période, couvre en effetune perte totale, pour son affilié, de la capacité d'acquérir des revenuspar un travail, résultant de la survenance de l'accident. [...] [Lademanderesse] est dès lors subrogée à son affilié, pour cette période, àconcurrence de ses débours, soit [...] 1.696,66 euros. [...] En ce quiconcerne la période postérieure au 1^er février 1992, il convient deconsidérer que [la demanderesse] a payé à son affilié des indemnités enraison d'une autre cause juridique que le fait du responsable del'accident, soit les réglementations de l'assurance obligatoire contre lamaladie et l'invalidité et sur le chômage. [...] Le lien de causalitéentre les indemnités versées et la faute de l'auteur de l'accident a étérompu par l'intervention d'une autre cause juridique. [...] Il n'en restepas moins qu'en droit commun, l'affilié de [la demanderesse] aurait puprétendre à l'indemnisation de la diminution de sa valeur économique,ainsi qu'il sera dit ci-avant. [...] C'est toutefois à juste titre que [ladéfenderesse] observe que dans le cas d'espèce, la diminution de la valeuréconomique indemnisable est très théorique, étant donné que l'affilié de[la demanderesse] était chômeur de longue durée. [...] Compte tenu de cecaractère théorique, il n'est pas adéquat de valoriser la diminution de lavaleur économique de l'affilié de [la demanderesse] sur le marché dutravail sur la base de ses revenus de remplacement. [...] La valorisationde cette diminution de la valeur économique doit être opérée sur une baseforfaitaire. [...] La situation de l'affilié de [la demanderesse] n'estpas similaire au travailleur qui reprend le travail durant les incapacitéstemporaires et fournit à ce moment des efforts accrus, lesquels sontgénéralement indemnisés, globalement avec la diminution de la valeuréconomique de la victime, à concurrence de 17,50 euros par jour à 100 p.c.[...] Le dommage [de l'affilié de la demanderesse], dans [les droitsduquel] est subrogée [cette dernière], peut être fixé, durant lesincapacités temporaires partielles postérieures au 1^er février 1992, à lasomme de 12,50 euros par jour, à 100 p.c. ».

Griefs

Première branche

L'article 76quater, § 2, alinéa 4, de la loi du 9 août 1963 instituant etorganisant un régime d'assurance obligatoire contre la maladie etl'invalidité, applicable au moment des faits, prévoit que l'organismeassureur qui a octroyé au bénéficiaire de l'assurance contre la maladie etl'invalidité, dans les conditions déterminées par cette loi, lesprestations prévues, est subrogé de plein droit à ce bénéficiaire, àconcurrence du montant des prestations octroyées pour la totalité dessommes dues en vertu, notamment, du droit commun et qui réparentpartiellement ou totalement le même dommage.

Par ailleurs, en vertu des articles 46 et 56 de cette loi, pour pouvoirbénéficier des indemnités, le titulaire doit être en état d'incapacité detravail telle qu'elle est définie par ces dispositions et, spécialement,par l'article 56.

Il se déduit de la combinaison des dispositions visées au moyen quel'organisme assureur qui a accordé des prestations prévues par la loiorganisant le régime de l'assurance contre la maladie et l'invalidité à lavictime d'un accident, dans les conditions déterminées par la loi et parle Roi, est subrogé de plein droit au bénéficiaire à concurrence dumontant des prestations octroyées pour la totalité des sommes qui sontdues notamment en vertu d'une législation belge et qui réparent totalementou partiellement le même dommage.

Il s'ensuit que les conditions d'octroi des prestations accordées parl'organisme assureur pour lesquelles celui-ci dispose d'un droit légal desubrogation en vertu des dispositions précitées, ainsi que le montant deces prestations, sont régis par la législation en matière d'assuranceobligatoire contre la maladie et l'invalidité ; la décision de l'organismeassureur constatant l'état d'incapacité de travail ou d'invalidité, prisedans le cadre de l'application de la loi relative à l'assurance contre lamaladie et l'invalidité, ne peut ni être critiquée ni être remise encause, d'aucune manière, devant le juge qui statue sur l'action del'organisme assureur subrogé contre la partie responsable de l'accident ouson assureur en responsabilité civile, spécialement au motif que lesincapacités reconnues en droit commun seraient inférieures à l'incapacitéprimaire ou à l'invalidité admise par le médecin-conseil, dont lesdécisions s'imposent aux organismes assureurs et ne peuvent êtrecontestées que devant les tribunaux du travail en fonction des critèresadmis en matière d'assurance contre la maladie et l'invalidité.

Lorsque la victime émarge au chômage, dès que l'incapacité est reconnue auregard de la législation relative à l'assurance obligatoire, elle perd ledroit aux allocations de chômage, en totalité, peu important que, selon ledroit commun, elle ne soit pas atteinte d'une incapacité de travailler deplus de 60 p.c. (lire : 66 p.c.), l'organisme assureur étant tenu del'indemniser intégralement, jusqu'à ce qu'elle soit reconnue apte àreprendre le travail au regard du régime de l'assurance obligatoire ;cette obligation est sans doute imposée par cette législation, mais laperte des allocations de chômage est une conséquence de l'accident qui aentraîné l'incapacité.

Le montant de la demande de l'organisme assureur ne peut, certes, êtresupérieur à la totalité des sommes dues en vertu du droit commun.Néanmoins, l'évaluation des taux et la durée des incapacités en droitcommun ne permet pas de contester celle qui est retenue en assurancemaladie-invalidité et ne peut avoir pour conséquence de réduire les droitsde l'organisme subrogé à l'égard du responsable de l'accident ou de sonassureur de la responsabilité civile, le juge saisi de l'actionsubrogatoire ne pouvant rejeter, en tout ou en partie, celle-ci, conformeà la décision prise en exécution de la législation relative à l'assuranceobligatoire contre la maladie et l'invalidité et de celle régissant ledroit aux allocations de chômage, parce que les taux retenus selon ledroit commun seraient inférieurs à celui qui est admis en incapacitéprimaire ou en invalidité par le médecin-conseil.

Il s'ensuit que le jugement attaqué qui, par réformation de la décisionentreprise, estime que la demanderesse, qui a indemnisé son affilié,chômeur complet indemnisé au moment du sinistre, ayant perdu le droit auxallocations de chômage en raison de l'incapacité de travail due à la fautede l'assuré de la défenderesse, et reconnue, conformément à laréglementation de l'assurance obligatoire contre la maladie etl'invalidité, par le médecin-conseil, dont la décision s'imposait à lademanderesse jusqu'à la fin de la période d'incapacité admise par cemédecin-conseil, ne peut obtenir de la défenderesse, assureur de laresponsabilité civile de l'auteur responsable de l'accident dont futvictime l'affilié de la demanderesse, le remboursement intégral de sesdécaissements relatifs aux indemnités légalement payées à la victime parceque celle-ci n'a pas été reconnue inapte au travail dans la même mesurepar le médecin expert désigné en droit commun, dont l'évaluations'imposerait à la demanderesse à l'encontre de la décision dumédecin-conseil, conteste de la sorte illégalement la décision de lademanderesse de maintenir l'incapacité de la victime à plus de 66 p.c. auregard de la réglementation de l'assurance obligatoire au-delà de ce qu'adécidé l'expert désigné en droit commun, et ne décide pas légalement quel'action subrogatoire de la demanderesse ne peut être accueillie que dansla mesure où elle est conforme à et limitée par ce qui a été admis selonle droit commun (violation des dispositions de la loi du 9 août 1963instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire contre lamaladie et l'invalidité et, spécialement, de l'article 76quater, § 2,alinéa 4, de cette loi).

Seconde branche

Les prestations pour l'incapacité de travail résultant d'un accidentaccordées en vertu de la loi du 9 août 1963 et les indemnités d'incapacitéde travail dues en vertu du droit commun à la victime par le responsablede l'accident couvrent un même dommage ; celui-ci consiste en la perte oula réduction, subie par la victime, de la capacité d'acquérir grâce à sontravail des moyens contribuant à ses besoins alimentaires et à ceux de safamille ; la circonstance que l'affilié de la demanderesse était chômeurde longue durée n'a pas pour conséquence qu'il n'aurait subi qu'un dommagethéorique justifiant la réduction de son droit à indemnisation et que lesindemnités que la demanderesse a payées, à compter du moment où, selonl'évaluation qui a été faite en droit commun, l'incapacité a étéinférieure à 66 p.c., et dont elle demandait le remboursement, auraientune cause juridique autre que la faute commise par le tiers responsable del'accident.

Il s'ensuit que, en décidant qu'à partir du moment où les incapacités del'affilié de la demanderesse ont été réduites, selon l'évaluation en droitcommun, à des taux inférieurs à 66 p.c., les indemnités versées par lademanderesse avaient une cause juridique propre et étaient étrangères à lafaute de l'assuré de la défenderesse, en sorte que la demanderesse nepouvait plus prétendre à des remboursements tenant compte des indemnitésqu'elle avait payées à son affilié, dont le dommage était, à partir de cemoment, théorique, le jugement attaqué viole les dispositions de la loi du9 août 1963 instituant et organisant un régime d'assurance obligatoirecontre la maladie et l'invalidité, visées au moyen, et, en outre, lesarticles 1382 et 1383 du Code civil.

III. La décision de la Cour

Quant à la seconde branche :

L'article 76quater, § 2, de la loi du 9 août 1963 instituant et organisantun régime d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité, quiinterdit le cumul des prestations prévues par cette loi et des indemnitésdues en vertu du droit commun ou d'une autre législation, et en vertuduquel l'organisme assureur est subrogé au bénéficiaire, ne s'applique quelorsque lesdites prestations et indemnités couvrent le même dommage ou lamême partie du dommage.

Le dommage visé à l'alinéa 1^er de cet article 76quater, § 2, consiste, ence qui concerne les prestations pour incapacité de travail au sens del'article 56 de la loi précitée, en une réduction, consécutive à deslésions ou troubles fonctionnels, de la capacité de gain du travailleurqui a cessé toute activité à un taux égal ou inférieur au tiers suivantles critères déterminés par ledit article 56, § 1^er ; bien quel'indemnité de droit commun couvre aussi une réduction de capacité degain, elle ne répare cependant pas nécessairement la perte de la mêmepartie de cette capacité couverte par les prestations de l'assurance.

Les prestations pour incapacité de travail allouées en vertu de la loi du9 août 1963 couvrent le dommage de l'assuré consistant en la perte ou laréduction de la capacité d'acquérir par son travail des revenus pouvantcontribuer aux besoins alimentaires du travailleur et de sa famille ;cette règle s'applique aussi lorsque les prestations sont allouées entenant compte de la perte de rémunération subie en raison de l'incapacitéde travail.

L'indemnité d'incapacité de travail à laquelle le chômeur peut prétendrelorsqu'il perd son droit aux allocations de chômage en raison de sonincapacité de travail ne couvre pas un dommage autre que celui couvert parla prestation due au travailleur occupé qui est atteint d'une incapacitéde travail.

La victime d'un accident qui se trouve au jour de celui-ci en état dechômage de longue durée ne pourrait être considérée comme n'ayant subiqu'un dommage théorique justifiant la réduction de son droit àl'indemnisation en droit commun par le seul fait qu'à la date del'accident, elle était chômeuse de longue durée.

Le jugement attaqué considère qu' « en ce qui concerne la périodepostérieure au 1^er février 1992, [la demanderesse] a payé à son affiliédes indemnités en raison d'une autre cause juridique que le fait duresponsable de l'accident, soit les réglementations [de l'assuranceobligatoire contre la maladie et l'invalidité] et sur le chômage ; que lelien de causalité entre les indemnités versées et la faute de l'auteur del'accident a été rompu par l'intervention de cette autre cause juridique ;[…] que la diminution de la valeur économique indemnisable est […]théorique étant donné que l'affilié de la [demanderesse] était chômeur delongue durée ; […] qu'il n'est pas adéquat de valoriser la diminution dela valeur économique de l'affilié de [la demanderesse] sur le marché dutravail sur la base de ses revenus de remplacement ; que la valorisationde cette diminution […] doit être opérée sur une base forfaitaire […] etque le dommage […] dans lequel est subrogée [la demanderesse] peut êtrefixé, durant les incapacités temporaires partielles postérieures au 1^erfévrier 1992, à la somme de 12,50 euros par jour à 100 pour cent ».

En statuant ainsi, le jugement attaqué viole les dispositions légalesvisées au moyen, en cette branche.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Il n'y a pas lieu d'examiner la première branche du moyen, qui ne sauraitentraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaqué, sauf en tant qu'il reçoit l'appel ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugementpartiellement cassé ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instancede Tournai, siégeant en degré d'appel.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président Christian Storck, les conseillers Daniel Plas,Sylviane Velu, Philippe Gosseries et Martine Regout, et prononcé enaudience publique du vingt et un avril deux mille huit par le présidentChristian Storck, en présence de l'avocat général Jean-Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.

21 AVRIL 2008 C.07.0223.F/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 21/04/2008
Date de l'import : 31/08/2018

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.07.0223.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-04-21;c.07.0223.f ?
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