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07/03/2008 | BELGIQUE | N°C.07.0244.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 mars 2008, C.07.0244.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.06.0379.F

V. P.,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il estfait élection de domicile,

contre

NICKEL CAR, société anonyme dont le siège social est établi àSaint-Gilles, rue Eugène Verheggen, 24-26,

défenderesse en cassation,

N° C.07.0244.F

NICKEL CAR, société anonyme dont le siège social est établi àSaint-Gilles, rue Eugène Verheggen, 24-26

,

demandeur en cassation,

représentée par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Brux...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.06.0379.F

V. P.,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il estfait élection de domicile,

contre

NICKEL CAR, société anonyme dont le siège social est établi àSaint-Gilles, rue Eugène Verheggen, 24-26,

défenderesse en cassation,

N° C.07.0244.F

NICKEL CAR, société anonyme dont le siège social est établi àSaint-Gilles, rue Eugène Verheggen, 24-26,

demandeur en cassation,

représentée par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où ilest fait élection de domicile,

contre

1. V. P.,

2. D. L.,

3. WATERLOO MOTORS, société anonyme dont le siège social est établi àWaterloo, chaussée de Bruxelles, 54,

défendeurs en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Les pourvois en cassation sont dirigés contre l'arrêt rendu le 14 novembre2005 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat général délégué Philippe de Koster a conclu.

II. Le moyen de cassation

En la cause n° C.06.0379.F, le demandeur présente un moyen libellé dansles termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 1146 à 1152, en particulier 1147 et 1148, 1245, 1302, 1789,1921, 1929, 1932 et 1933 du Code civil ;

- article 71 du Code pénal en tant qu'il définit la notion de forcemajeure.

Décisions et motifs critiqués

Réformant la décision du premier juge, l'arrêt déclare recevables mais nonfondées les demandes du demandeur contre la défenderesse, à savoir :

1. la demande de restitution du véhicule, fondée sur l'obligationcontractuelle de restitution s'imposant à la défenderesse en tantqu'obligation de résultat ;

2. les demandes de dommages-intérêts, à défaut d'exécution de l'obligationde restitution du véhicule,

en déboute dès lors le demandeur et le condamne aux dépens, par les motifssuivants :

« Il se déduit de (la situation litigieuse) que chacune des parties a, encascade, sous-traité le travail de réglage du moteur de la voiture (dudemandeur) ;

Juridiquement, cette analyse a pour conséquence que :

- (le demandeur) dispose bien d'une action contractuelle contre la(défenderesse), celle-ci répondant non seulement de sa propre faute maisaussi de celle de ses sous-traitants et agents d'exécution auxquels elles'est substituée pour exécuter le contrat ;

- (le demandeur) ne dispose, en principe, pas d'action contractuellecontre ces sous-traitants ou agents d'exécution avec lesquels il n'a pascontracté ;

- (le demandeur) n'a pas davantage d'action quasi délictuelle contre cessous-traitants ou agents d'exécution sauf à démontrer, soit que le faitreproché constitue une infraction pénale, soit que le manquement constitueégalement une violation de l'obligation générale de prudence et dediligence qui s'impose à tous même en dehors de tout contrat et que ledommage est distinct de celui découlant de la seule inexécution du contrat;

- en tout état de cause, la responsabilité d'aucun des intervenants nepourrait être retenue s'il apparaissait que les dégradations au véhiculetrouvaient leur cause dans un cas fortuit, sans qu'aucune faute ne puisseleur être reprochée ;

En l'espèce, il s'impose de constater que ni la [défenderesse] ni lesautres intervenants n'ont commis une quelconque faute à l'occasion del'exécution du contrat ;

Si chacun d'eux est, à l'égard de son cocontractant, débiteur d'uneobligation de restituer le véhicule, encore faut-il relever qu'enl'espèce, la [défenderesse] est bien en possession du véhicule et est enmesure de le restituer mais que ce véhicule a subi des dégradations, ensorte que c'est davantage sous l'angle de l'obligation de garde que saresponsabilité contractuelle devrait, le cas échéant, être envisagée ;

En tout état de cause, il ressort à suffisance du dossier répressif et despièces déposées par la société anonyme Waterloo Motors que le garageextérieur où était entreposé le véhicule était correctement gardé etprotégé et que l'intrusion de malfrats demeurés non identifiés, qui ont pudégrader et dépecer le véhicule, a constitué en l'espèce un cas fortuitexcluant toute responsabilité de la part des divers intervenants ;

En effet, le parking de la société anonyme Waterloo Motors était protégépar une grille d'entrée et était entouré de grillages ; des poteauxétaient plantés dans le sol à intervalles réguliers afin d'empêcher depouvoir quitter les lieux avec un véhicule en en forçant l'enceinte ; leslieux étaient équipés d'un système d'alarme dont il est établi qu'il estdemeuré en fonction d'une manière continue depuis le vendredi soirjusqu'au lundi matin, moment de la découverte des faits ;

Les intrus ont cisaillé le grillage entourant le parking et ont pénétrédans son enceinte au travers des faisceaux lumineux sans déclencherl'alarme ;

Force est d'admettre que tout système de protection contre le vol peutêtre déjoué par des personnes disposant d'une certaine habileté et d'uncertain professionnalisme ;

Il est ainsi établi à suffisance que les dégradations litigieuses trouventleur cause dans le fait d'un tiers, sans qu'il puisse être retenu unequelconque négligence, que ce soit dans le chef de la [défenderesse], deL. D. ou encore de la société anonyme Waterloo Motors ;

Il s'ensuit que la responsabilité de la [défenderesse] n'est pas engagéeenvers (le demandeur), ni pour faute personnelle, ni pour une faute deceux dont il aurait à répondre contractuellement, pas plus que ne peutêtre retenue la responsabilité des autres intervenants ».

Griefs

Le garagiste auquel un véhicule est confié pour réparations est lié par uncontrat d'entreprise comportant une obligation de restitution dans lecadre d'un contrat accessoire de dépôt volontaire.

Le garagiste n'est donc pas seulement tenu d'une obligation de garde, maiségalement d'une obligation de restitution.

Contrairement à ce qu'affirme l'arrêt, l'obligation de résultat incombantau garagiste n'est pas remplie par la restitution d'un véhicule réduit àl'état d'épave mais suppose une restitution de la voiture telle qu'il l'areçue, les réparations éventuelles mises à part.

Cette obligation de restitution du garagiste est une obligation derésultat dont il ne peut s'exonérer qu'en prouvant le cas fortuit ou lecas de force majeure, et non simplement l'absence de faute dans son chefou la faute d'un tiers.

Le cas fortuit est assimilable au cas de force majeure défini parl'article 71 du Code pénal, et constitue un événement qui doit êtreimprévisible, inévitable et ne doit pas être imputable au débiteur qui seprétend libéré, par cas fortuit ou force majeure, de l'obligationlitigieuse.

Le garagiste ne peut donc s'exonérer de son obligation de restitution, quiest de résultat, qu'en prouvant le cas fortuit ou de force majeure,c'est-à-dire une cause étrangère qui était totalement inévitable etimprévisible et ne pouvait lui être imputée.

Le juge qui constate cette libération d'un garagiste quant à sonobligation de restitution et quant aux conséquences de cette obligation,doit constater, dans les circonstances concrètes de l'espèce, l'existencedu cas fortuit ou de force majeure, et donc les caractères de cette causede justification.

Tel n'est pas le cas de l'arrêt.

Par la motivation susvisée, l'arrêt se borne :

- à relever d'abord

« Que ni la [défenderesse] ni les autres intervenants n'ont commis unequelconque faute à l'occasion de l'exécution du contrat ;

Que, si chacun d'eux est, à l'égard de son cocontractant, débiteur d'uneobligation de restituer le véhicule, encore faut-il relever qu'enl'espèce, la [défenderesse] est bien en possession du véhicule et est enmesure de le restituer, mais que ce véhicule a subi des dégradations » ;

- à constater ensuite « qu'en tout état de cause, il ressort à suffisancedu dossier répressif et des pièces déposées par la société anonymeWaterloo Motors que le garage extérieur où était entreposé le véhiculeétait correctement gardé et protégé et que l'intrusion de malfratsdemeurés non identifiés, qui ont pu dégrader et dépecer le véhicule, aconstitué en l'espèce un cas fortuit excluant toute responsabilité de lapart des divers intervenants » ;

- et à conclure enfin « qu'il est ainsi établi à suffisance que lesdégradations litigieuses trouvent leur cause dans le fait d'un tiers, sansqu'il puisse être retenu une quelconque négligence, que ce soit dans lechef de la [défenderesse], de L. D. ou encore de la société anonymeWaterloo Motors ».

Ce faisant, l'arrêt se borne à constater l'absence de faute ou denégligence de la défenderesse et de ses sous-traitants dans la garde duvéhicule et le fait d'un tiers, qualifié de «cas fortuit», mais cescirconstances n'impliquent pas que la défenderesse se serait trouvée dansun cas de force majeure ou un cas fortuit rendant totalement impossible larestitution du véhicule.

Or, celui qui est tenu d'une obligation de restitution - obligation derésultat - n'en est libéré que par la restitution de la chose ou la preuved'une impossibilité de restitution, découlant non pas d'une absence defaute de sa part mais d'un cas de force majeure.

Le fait qu'un sous-traitant auquel un véhicule a été confié soit intervenudans l'exécution des prestations du garagiste originaire et n'ait commisaucune faute dans la garde du véhicule, ne constitue pas pour le garagistedépositaire un cas de force majeure ou, en d'autres termes, une causeétrangère le libérant de son obligation de résultat de restituer levéhicule.

Par ailleurs, la circonstance que des voleurs ont, malgré une alarme,brisé la clôture du parking extérieur d'un garagiste sous-traitant, où levéhicule était entreposé, n'est pas un événement imprévisible etinsurmontable, seul constitutif de cas fortuit ou de force majeure.

L'arrêt viole dès lors :

1. les dispositions relatives à la responsabilité contractuelle inscritesdans les articles 1146 à 1152 du Code civil, et en particulier l'article1147 qui prévoit que le débiteur est condamné s'il y a lieu au paiement dedommages-intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation, toutes lesfois qu'il ne justifie pas que l'exécution provient d'une cause étrangèrequi ne peut lui être imputée, et l'article 1148 précisant que le débiteurn'est exonéré que par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit,l'empêchant de donner ou de faire ce à quoi il était obligé ;

2. les articles 1245 et 1302 du Code civil prévoyant que le débiteur d'uncorps certain n'est libéré (théorie des risques) de la remise de la choseque s'il démontre que les détériorations ou la perte de la chose ne sontpoint de son fait ou de sa faute, c'est-à-dire découlent d'un cas fortuitou de force majeure ;

3. l'article 1789 du Code civil, prévoyant en matière de contratd'entreprise que, « dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travailou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que desa faute », et n'est donc libéré que s'il prouve le cas fortuit ou deforce majeure ;

4. en matière de dépôt volontaire, les articles 1921, 1929, 1932 et 1933du Code civil, qui définissent le contrat de dépôt volontaire - liant legaragiste à son client - (cfr l'article 1921) et l'obligation derestitution du dépositaire, lequel « doit rendre identiquement la chosemême qu'il a reçue » (cfr l'article 1932, alinéa 1^er), obligation derésultat dont le dépositaire ne peut s'exonérer qu'en prouvant le cas deforce majeure (cfr les articles 1929 et 1933 du Code civil);

5. l'article 71 du Code pénal qui érige en cause d'excuse de l'infractionet d'exonération de la responsabilité le cas où le contrevenant « n'a purésister ».

N'est par conséquent pas légalement justifiée la décision de l'arrêt quidéclare les demandes en responsabilité contractuelle du demandeur contrela défenderesse non fondées et l'en déboute (violation de l'ensemble desdispositions légales citées en tête du moyen).

III. La décision de la Cour

Les pourvois sont dirigés contre le même arrêt. Il y a lieu de lesjoindre.

Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.06.0379.F :

Sur le moyen :

La personne qui reçoit une chose en dépôt est tenue de la restituer.

Le dépositaire est exonéré de sa responsabilité contractuelle lorsqu'ilapporte la preuve qu'ensuite d'une cause étrangère, il est dansl'impossibilité de restituer la chose et qu'il n'a pas commis de fautedans la garde de celle-ci.

La cause étrangère suppose un événement indépendant de la volonté humaineque l'homme n'a pu prévoir ni prévenir.

L'arrêt considère que « des individus ont pénétré dans le parkingextérieur de la société anonyme Waterloo Motors et y ont dépecé levéhicule » du demandeur, qu'« il ressort à suffisance du dossier répressifet des pièces déposées par la société anonyme Waterloo Motors que legarage extérieur où était entreposé le véhicule était correctement gardéet protégé », qu' « en effet, le parking de la société anonyme WaterlooMotors était protégé par une grille d'entrée et entouré de grillages ; quedes poteaux étaient plantés dans le sol à intervalles réguliers afind'empêcher de pouvoir quitter les lieux avec un véhicule en en forçantl'enceinte ; que les lieux étaient équipés d'un système d'alarme dont ilest établi qu'il est demeuré en fonction d'une manière continue depuis levendredi soir jusqu'au lundi matin, moment de la découverte des faits ;que les intrus ont cisaillé le grillage entourant le parking et ontpénétré dans son enceinte au travers des faisceaux lumineux sansdéclencher l'alarme » et que « force est d'admettre que tout système deprotection contre le vol peut être déjoué par des personnes disposantd'une certaine habileté et d'un certain professionnalisme ».

L'arrêt a pu légalement déduire de ces considérations que « l'intrusion demalfrats non identifiés, qui ont pu dégrader et dépecer le véhicule, aconstitué en l'espèce un cas fortuit », et que la responsabilitécontractuelle de la défenderesse n'est pas engagée envers le demandeur.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.07.0244.F :

Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par le ministère publicconformément à l'article 1097 du Code judiciaire et déduite du défautd'intérêt :

Le pourvoi est dirigé contre l'absence de décision de l'arrêt sur lesdemandes en garantie formées par la demanderesse contre le seconddéfendeur et la défenderesse.

Cette absence de décision ne porte pas préjudice à la demanderesse.

La demanderesse, qui n'a pas été condamnée aux dépens, n'a aucun intérêt àintroduire un pourvoi en cassation.

La fin de non-recevoir est fondée.

Par ces motifs,

La Cour

Joint les pourvois inscrits au rôle général sous les numéros C.06.0379.Fet C.07.0244.F ;

Rejette les pourvois ;

Condamne chacun des demandeurs aux dépens de son pourvoi.

Les dépens taxés dans la cause C.06.0379.F à la somme de cinq centdix-neuf euros soixante-neuf centimes envers la partie demanderesse etdans la cause C.07.0244.F à la somme de cinq cent quarante-deux euroscinquante-six centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président Christian Storck, les conseillers Didier Batselé,Albert Fettweis, Christine Matray et Martine Regout, et prononcé enaudience publique du sept mars deux mille huit par le président ChristianStorck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistancedu greffier Marie-Jeanne Massart.

7 MARS 2008 C.06.0379.F/

C.07.0244.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.07.0244.F
Date de la décision : 07/03/2008

Analyses

CONVENTION - FORCE OBLIGATOIRE (INEXECUTION)


Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-03-07;c.07.0244.f ?
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