Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.06.0633.F
BOELPAEPE Luc, avocat, médiateur de dettes, dont le cabinet est établi àMarche-en-Famenne, rue du Petit-Bois, 31,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11,où il est fait élection de domicile,
contre
1. B. M. et
2. S. C.,
défendeurs en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'ordonnance rendue le 23 août2006 par le juge des saisies du tribunal de première instance deMarche-en-Famenne, statuant en dernier ressort.
Le conseiller Albert Fettweis a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- article 1675/19 du Code judiciaire ;
- articles 4, 2°, et 5 de l'arrêté royal du 18 décembre 1998 établissantles règles et tarifs relatifs à la fixation des honoraires, des émolumentset des frais du médiateur de dettes ;
- article 149 de la Constitution.
Décisions et motifs critiqués
Pour taxer à 7.387,74 euros les honoraires, émoluments et frais dudemandeur, en sa qualité de médiateur de dettes, pour la période du 3juillet 2000 au 17 mars 2006, l'ordonnance attaquée déduit de la sommedemandée 2.879,46 euros pour le poste « courriers circulaires ».
Cette décision est fondée sur tous les motifs de l'ordonnance réputés iciintégralement reproduits et spécialement sur les motifs que :
« Nous ne pouvons pas suivre le médiateur de dettes dans sa réclamation de3.879,46 euros pour les 694 courriers circulaires envoyés aux créanciers.Nous avons examiné ces circulaires. Pas moins de 21 lettres circulairesont été envoyées à 30 à 33 créanciers déclarants, ces créanciers étant 48en début de procédure tant que les déclarations de créances n'étaient pasrentrées. Le médiateur justifie ces lettres circulaires par le soucid'informer les créanciers de l'évolution du règlement collectif de dettesen cause qui a eu d'ailleurs une durée tout à fait anormale, lesprorogations de délais n'étant d'ailleurs pas demandées chaque fois querequis ...
Certes, l'on peut comprendre que presque tous les créanciers comme c'estsouvent le cas ne soient pas présents ni représentés aux audiences euégard au coût que cela représenterait pour eux. Mais, les lettrescirculaires apparaissent tout à fait superflues dans de nombreux cas.Ainsi pouvons-nous ranger celles du 7 février 2001, du 4 novembre 2003, du19 décembre 2003 (information relative à des requêtes en prorogation dedélai), celles relatives à des dépenses sollicitées en faveur des médiés(achat de matériel, avances pour frais et honoraires d'avocats, etc...)d'ailleurs stigmatisées par la cour d'appel de Liège dans son arrêt du 17janvier 2006 (circulaire des 5 décembre 2003, 12 janvier 2004, 8 avril2004, ...), celles relatives à la vente de l'immeuble de Jodoigne (4 avril2003, 21 mai 2003, 22 octobre 2003, celles relatives à des remisessollicitées (14 décembre 2004, 20 juin 2005), celles faisant rapport avantou après les audiences (18 janvier 2005, 26 mai 2005, 29 juin 2005, 24janvier 2006), celles ayant pour objet de faire connaître les notesd'audience à déposer par le médiateur et même par le conseil des médiés(!) (14 janvier 2005, 30 mai 2005, 9 juin 2005). Nous avons ainsi compté677 lettres circulaires à taxer à 5,59 euros soit 3.784,43 euros ! Ceposte doit être fortement réduit et ramené à une somme qui ne peutdépasser une taxation ex aequo et bono de 1.000 euros ».
Griefs
En vertu de l'article 1675/19 du Code judiciaire, les règles et tarifsfixant les honoraires, émoluments et frais du médiateur sont déterminéspar le Roi (alinéa 1^er), tandis que le juge délivre un titre exécutoirepour la provision qu'il détermine ou pour le montant des honoraires,émoluments et frais qu'il fixe (alinéa 3).
L'article 4 de l'arrêté royal du 18 décembre 1998 établissant les règleset tarifs relatifs à la fixation des honoraires, des émoluments et desfrais du médiateur de dettes prévoit qu'outre les honoraires etémoluments, le médiateur « a droit à des indemnités distinctes etforfaitaires pour les frais administratifs dont la liste est reproduiteci-après, lesquels sont destinés à couvrir des dépenses qui présentent unlien direct avec la médiation de dettes dont il est chargé ».
Le « tarif forfaitaire » établi par cette disposition comprend :
« 2°. Frais pour une lettre circulaire ordinaire adressée à troisdébiteurs ou créanciers, ou plus : 200 francs (...) », soit actuellement5,59 euros en vertu de l'indexation prévue à l'article 5 dudit arrêté.
Il se déduit de ces dispositions que le juge des saisies chargé dedélivrer un titre exécutoire pour le montant des frais administratifsqu'il fixe est tenu d'établir cette taxation sur la base des montantsprévus à l'article 4 de l'arrêté royal du 18 décembre [1998] et qu'il nepeut y substituer sa propre estimation en allouant au médiateur de dettesune indemnité fixée ex æquo et bono.
Le juge peut certes décider que les frais réclamés pour une lettrecirculaire ne sont pas justifiés parce que ladite lettre n'a pas étéadressée à 3 créanciers ou débiteurs, ou plus, ou parce qu'elle neprésente pas de lien direct avec la médiation de dettes dont le médiateurest chargé et, dans ce cas, refuser toute taxation mais s'il estime qu'uneindemnité est due, celle-ci doit être calculée conformément aux articles 4et 5 de l'arrêté royal du 18 décembre 1998.
Il s'ensuit que :
Première branche
L'ordonnance attaquée qui, considère que « certes, on peut comprendre quepresque tous les créanciers comme c'est souvent le cas ne soient pasprésents ni représentés aux audiences eu égard aux coûts que celareprésenterait pour eux » et que « les lettres circulaires apparaissenttout à fait superflues dans de nombreux cas ; (qu') ainsi pouvons-nousranger celles du 7 février 2001, du 4 novembre 2003, du 19 décembre 2003(information relative à des requêtes en prorogation de délai), cellesrelatives à des dépenses sollicitées en faveur des médiés (achat dematériel, avances pour frais et honoraires d'avocats, etc...) d'ailleursstigmatisées par la cour d'appel de Liège dans son arrêt du 17 janvier2006 (circulaire des 5 décembre 2003, 12 janvier 2004, 8 avril 2004, ...),celles relatives à la vente de l'immeuble de Jodoigne (4 avril 2003, 21mai 2003, 22 octobre 2003), celles relatives à des remises sollicitées (14décembre 2004, 20 juin 2005), celles faisant rapport avant ou après lesaudiences (18 janvier 2005, 26 mai 2005, 29 juin 2005, 24 janvier 2006),celles ayant pour objet de faire connaître les notes d'audience à déposerpar le médiateur et même par le conseil des médiés (!) (14 janvier 2005,30 mai 2005, 9 juin 2005). Nous avons ainsi compté 677 lettres circulairesà taxer à 5,59 euros soit 3.784,43 euros ! » et décide que « Ce poste doitêtre fortement réduit et ramené à une somme qui ne peut dépasser unetaxation ex æquo et bono 1.000 euros », pour réduire de 2.879,46 euros lasomme de 3.879,46 euros postulée par le demandeur pour les 694 courrierscirculaires envoyés aux créanciers, n'est pas légalement justifiée(violation de l'article 1675/19 du Code judiciaire et 4, 2°, de l'arrêtéroyal du 18 décembre 1998).
et que :
Seconde branche
Le montant de 1.000 euros fixé par l'ordonnance attaquée pour le poste« lettres circulaires » (article 4, 2°, de l'arrêté royal du 18 décembre1998) n'est pas susceptible de représenter la taxation d'un nombredéterminé de courriers circulaires, lequel ne peut être qu'un nombreentier.
Si néanmoins, l'ordonnance attaquée devait être lue en ce sens que le jugedes saisies a considéré que certaines des lettres circulaires devaientêtre écartées, les considérations reproduites au moyen - et tenues icipour entièrement reproduites - ne permettent pas de déterminer lesquelles,parmi celles (677) dont le juge des saisies indique qu'elles luiapparaissent « tout à fait superflues » ont été écartées et celles qui nel'ont pas été en sorte que le contrôle de la légalité de la décisionfixant pour ce poste les indemnités dues au demandeur à 1.000 euros estimpossible. Dans cette lecture, l'ordonnance attaquée n'est, partant, pasrégulièrement motivée (violation de l'article 149 de la Constitution).
III. La décision de la Cour
Quant à la première branche :
L'article 1675/19, alinéa 1^er, du Code judiciaire dispose que les règleset tarifs fixant les honoraires, émoluments et frais du médiateur dedettes sont déterminés par le Roi.
En vertu de l'article 4, alinéa 1^er, de l'arrêté royal du 18 décembre1998 établissant les règles et tarifs relatifs à la fixation deshonoraires, des émoluments et des frais du médiateur de dettes, lemédiateur a droit à des indemnités distinctes et forfaitaires pour lesfrais administratifs destinés à couvrir des dépenses présentant un liendirect avec la médiation de dettes dont il est chargé.
Le second alinéa du même article fixe un tarif forfaitaire, qui pour unelettre circulaire ordinaire adressée à trois débiteurs ou créanciers, ouplus s'élève à 200 francs, le cas échéant, majorés des frais d'envoi parrecommandé, ce montant étant adapté à l'évolution de l'indice des prix àla consommation suivant les modalités prévues à l'article 5.
Il suit de ces dispositions que le juge, chargé de la taxation deshonoraires, émoluments et frais du médiateur de dettes, qui considèrequ'une partie des lettres circulaires pour lesquelles la taxation desfrais est demandée ne présente pas un lien direct avec la médiation dedettes, est tenu de déterminer le nombre de lettres justifiant unetaxation et d'y appliquer le tarif forfaitaire prévu par l'article 4,alinéa 2, précité.
L'ordonnance attaquée qui, après avoir considéré que la réclamation dudemandeur « de 3.879,46 euros pour les 694 courriers circulaires envoyésaux créanciers » doit être réduite au motif que « les lettres circulairesapparaissent tout à fait superflues dans de nombreux cas », décide que ceposte doit être ramené « à une somme qui ne peut dépasser une taxation exaequo et bono de 1.000 euros », viole les dispositions légales visées aumoyen, en cette branche.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Sur les autres griefs :
Il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du moyen, qui ne sauraitentraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'ordonnance attaquée sauf en tant qu'elle exclut de mettre lataxation à charge du Fonds de traitement du surendettement ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'ordonnancepartiellement cassée ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instanced'Arlon.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillersDidier Batselé, Albert Fettweis, Christine Matray et Philippe Gosseries,et prononcé en audience publique du vingt-neuf février deux mille huit parle président de section Claude Parmentier, en présence de l'avocat généralThierry Werquin, avec l'assistance du greffier adjoint Tatiana Fenaux.
29 FEVRIER 2008 C.06.0633.F/1