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28/02/2008 | BELGIQUE | N°C.05.0216.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 février 2008, C.05.0216.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGC.05.0216.N

1. S. L.,

2. S. B.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

AQUAFIN, societe anonyme,

Me Johan verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 11 octobre2004 par le tribunal de premiere instance de Hasselt, statuant en degred'appel.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Les faits

Le

s faits sont decrits comme suit dans la requete :

Les demandeurs sont proprietaires de quelques parcelles de paturagessituees à Kuri...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGC.05.0216.N

1. S. L.,

2. S. B.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

AQUAFIN, societe anonyme,

Me Johan verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 11 octobre2004 par le tribunal de premiere instance de Hasselt, statuant en degred'appel.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Les faits

Les faits sont decrits comme suit dans la requete :

Les demandeurs sont proprietaires de quelques parcelles de paturagessituees à Kuringen-Hasselt, Albertkanaalstraat.

Par arrete ministeriel nDEG 20182 du 1er mars 2002 du ministre flamand del'Environnement et de l'Agriculture, la construction des infrastructuresd'epuration des eaux d'egout à Hasselt, « sous, sur ou au-dessus desterrains prives non batis qui ne sont pas enclos de murs ou de clotures" aete declaree d'utilite publique au profit de la defenderesse enapplication de l'article 10 de la loi du 12 avril 1965 relative autransport de produits gazeux et autres par canalisations et ladefenderesse a rec,u l'autorisation d'edifier des installations sur lesterrains prives non batis enumeres dans l'arrete, parmi lesquels lesparcelles appartenant aux demandeurs.

Dans le courant du mois d'aout 2000, la societe anonyme Kumpen a entame,sur l'ordre de la defenderesse, les travaux sur les parcelles desdemandeurs, nonobstant leur opposition expresse. Le collecteur d'epurationdes eaux d'egout a ete installe à travers la parcelle des demandeurs.

Par citation du 21 aout 2002, les demandeurs ont introduit une action enreintegration contre la defenderesse et la societe anonyme Kumpen.

Tel que cela fut rectifie ulterieurement dans les conclusions, lesdemandeurs ont reclame qu'interdiction soit faite à la defenderesse et àla societe anonyme Kumpen de prendre possession sous quelque forme que cesoit, en execution des travaux planifies, des proprietes des demandeurs,que la defenderesse et la societe anonyme Kumpen soient condamnees àpayer une contrainte de 5.000 euros par jour pendant lesquels l'uned'entre elle ou les deux, en violation du jugement à intervenir,prendrait possession des proprietes des demandeurs, que dans la mesure oudes travaux auraient dejà ete entames au moment du prononce du jugementà intervenir, la defenderesse et la societe anonyme Kumpen soientcondamnees à mettre fin au trouble possessoire illegal en enlevant lecollecteur installe illicitement sur leur terrain et ce à peine d'unecontrainte de 5.000 euros par jour pendant lesquels cet enlevementn'aurait pas eu lieu avec remise en etat des lieux dans les 20 jourssuivant la signification du jugement à intervenir.

Apres avoir ordonne une descente sur les lieux par un jugementinterlocutoire du 6 novembre 2002, le juge de paix du deuxieme canton deHasselt a considere dans son jugement definitif du 10 septembre 2003, quela defenderesse et la societe anonyme Kumpen s'etaient fait justice àelles-memes des lors que, se fondant sur la declaration d'utilitepublique, mais en l'absence de l'accord des demandeurs ceux-ci s'etantopposes aux travaux et en l'absence d'intervention judiciaire, elles ontprocede à l'execution des travaux. L'action possessoire a ete declareefondee et la defenderesse et la societe anonyme Kumpen ont ete condamnees« à mettre fin au trouble possessoire en enlevant les canalisations oule collecteur, installes sur le terrain des demandeurs et ce à peined'une contrainte de mille euros par jour si cet enlevement n'a pas lieuavec remise en etat des lieux dans les deux mois suivant la signifcationdu jugement à intervenir, à moins que la defenderesse et la societeanonyme Kumpen concluent une transaction avec les demandeurs à proposd'une date ulterieure de remise en etat des lieux ».

Suite aux appels de la defenderesse et de la societe anonyme Kumpen, letribunal de premiere instance de Hasselt a reforme la decision entreprisedans son jugement definitif du 11 octobre 2004 et a declare l'action enreintegration non fondee, apres avoir ordonne la reouverture des debatsdans son jugement interlocutoire du 8 mars 2004.

III. Le moyen de cassation

Les demandeurs presentent un moyen dans leur requete libelle dans lestermes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 105, 108 et 149 de la Constitution coordonnee ;

- articles 20 et 78 de la loi speciale de reformes institutionnelles du 8aout 1980 ;

- articles 1370 et 1371 du Code judiciaire ;

-articles 32septies, S: 2, et 32octies, S: 3, de la loi du 26 mars 1971sur la protection des eaux de surface contre la pollution ;

- articles 10 et 11 de la loi du 12 avril 1965 relative au transport deproduits gazeux et autres par canalisations ;

- article 1er de l'arrete de l'Executif flamand du 20 mars 1991 fixant lesregles relatives à l'execution de travaux par la S.A. Aquafin enapplication des articles 32septies et 32octies de la loi du 26 mars 1971sur la protection des eaux de surface contre la pollution ;

- principes generaux du droit relatifs à la force obligatoire d'un actejuridique administratif et au privilege du prealable qui se deduisent duprincipe general relatif à la continuite du service public, et ce dernierprincipe general cite.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque declare fonde l'appel de la defenderesse tendant àfaire declarer non fondee la demande initiale des demandeurs, reforme lejugement entrepris, et statuant à nouveau, declare l'action enreintegration introduite par les demandeurs non fondee et donne acte de lareserve à la defenderesse afin qu'elle puisse introduire une demanded'indemnisation à charge des demandeurs sur la base des motifs suivants :

« II. Quant au fond

1. La demande initiale des demandeurs

La demande initiale des demandeurs est fondee sur l'article 1370 du Codejudiciaire et tend à ce que la defenderesse et la societe anonyme Kumpensoient condamnees solidairement à mettre fin au trouble possessoireillicite par l'enlevement du collecteur installe illegalement sur leursproprietes, à peine d'une contrainte qui a ete fixee initialement par euxà 5.000 euros par jour de retard.

Le premier juge a considere dans son jugement entrepris que :

- l'interdiction de se faire justice à soi-meme vaut aussi pour lesadministrations publiques et pour ceux qui agissent pour elles ;

- en matiere d'egouttage le legislateur n'a pas prevu l'execution allantà l'encontre de la volonte des interesses ;

- la defenderesse et la societe anonyme Kumpen ne demontrent pas qu'ellesdisposent d'une autorisation pour agir elles-memes à l `encontre d'uncitoyen recalcitrant et que, le cas echeant, elles auraient du s'adresserau juge afin d'obtenir un titre executoire ;

- ce n'est que lorsque l'autorite se trouve dans une situationexceptionnelle qui est urgente qu'il peut etre procede à une executionforcee, et meme dans ce cas l'execution ne peut exceder ce qui eststrictement necessaire pour atteindre l'objectif ;

- de telles circonstances exceptionnelles n'existent pas en l'espece et enoutre l'installation de la canalisation à travers les proprietes desdemandeurs etait plus que strictement necessaire ;

- en agissant ainsi la defenderesse et la s.a. Kumpen ont cause un dommageirreparable au bien des demandeurs ;

- la defenderesse et la societe anonyme Kumpen se sont fait justice àelles-memes des lors que se fondant sur une declaration d'utilitepublique, elles ont procede à l'execution des travaux sans l'accord etnonobstant l'opposition des proprietaires, ainsi qu'en l'absenced'intervention judiciaire ;

- une telle intervention concerne une voie de fait au sens de l'article1370 du Code judiciaire ;

- l'action des demandeurs etait des lors partiellement fondee et leurpropriete devait donc etre remise en etat par la defenderesse et lasociete anonyme Kumpen aux frais de celles-ci dans un delai de deux moissuivant la signification du jugement, à peine d'une contrainte de 1.000euros par jour de retard ;

- la societe anonyme Kumpen n'a agi qu'en tant qu'executrice conformementà la mission qu'elle s'est vue attribuer par la defenderesse, de sorteque la defenderesse etait tenue à garantie vis-à-vis de la societeanonyme Kumpen pour toutes les condamnations tant au principal, qu'auxinterets et frais ;

La defenderesse ne peut nullement se declarer d'accord avec cette decisionet insiste sur le fait que :

- les travaux qu'elle a execute ne peuvent etre consideres comme uneviolence ou une voie de fait au sens de l'article 1370 du Code judiciaire,mais ont eu lieu en execution d'un arrete ministeriel du gouvernementflamand du 1er mars 2002 declarant le projet Hasselt - collecteur tronc,on6 Stokrooie - d'utilite publique au profit de la defenderesse et luiaccordant le droit d'executer ces travaux sur les proprietes desdemandeurs ;

- la declaration d'utilite publique est expressement regie par lesarticles 9 et suivants de la loi du 12 avril 1965 relative au transport deproduits gazeux et autres par canalisations ; elle a ete legalement creeeen vue de l'implantation d'infrastructures d'epuration des eaux d'egouts ;

- l'article 1er de l'arrete de l'executif flamand du 20 mars 1991 rend lesarticles 9 et suivants de la loi du 12 avril 1965 applicables à ladefenderesse qui a le droit de demander une declaration d'utilite publiqueen vue de l'implantation d'infrastructures d'epuration des eaux d'egouts ;

- la seule condition pour entamer les travaux dans le cadre de ladeclaration d'utilite publique consiste en une notification auxproprietaires au moins deux mois avant le debut des travaux ;

- cette notification a ete faite aux demandeurs par lettre recommandee du6 mars 2002, alors que les travaux n'ont ete entames qu'en aout 2002 ;

- l'article 11 de la loi du 12 avril 1965 dispose que l'occupation d'undomaine prive n'entraine aucune depossession mais est constitutive d'uneservitude legale d'utilite publique ;

- elle exerc,ait une mission legale et sa methode de travail etaitconforme aux reglementations legales en la matiere ;

- elle ne devait des lors pas demander un titre executoire supplementaireen justice avant de proceder à l'execution des travaux sur les proprietesdes demandeurs ;

- les demandeurs etaient, en outre, parfaitement au courant des travauxenvisages et ils n'ont reagi à aucun moment dans le cadre de l'enquetepublique prealable et qu'ils n'ont pas davantage critique l'arreteministeriel du 1er mars 2002 devant le Conseil d'Etat ;

Dans les circonstances donnees, elle reclame des lors en ordre principalque la demande initiale des demandeurs soit rejetee comme etant nonfondee.

La societe anonyme Kumpen ne peut pas davantage accepter la decisionattaquee et elle precise que :

- elle a execute les travaux conformement au cahier des charges et auxdispositions conventionnelles du marche ;

- elle est etrangere à la discussion entre les demandeurs et ladefenderesse concernant le trace des travaux, leur conception, l'existencedes autorisations et/ou permis requis, (...) aucune faute ne lui estreprochee ;

- elle n'est pas proprietaire de la canalisation souterraine litigieuse etelle n'a, des lors, pas davantage le droit de l'enlever ;

- il n'est pas question, en l'espece, d'un trouble possessoire illegal ;il n'appartient en aucun cas à l'entrepreneur de controler si le maitrede l'ouvrage agit conformement à la legislation en vigueur et nid'examiner si son permis de batir et/ou autres droits sont ou non entachesd'un vice ;

-si une faute a ete commise, la responsabilite doit en incomber au maitrede l'ouvrage, c'est-à-dire à la defenderesse.

Elle conclut des lors aussi, en ordre principal, à l'absence de fondementde la demande initiale des demandeurs. En ordre subsidiaire, elle reprendsa demande en garantie à l'egard de la defenderesse.

Les demandeurs ont conclu à la confirmation du jugement entrepris et ilsprecisent que :

- la defenderesse ne conteste pas que la maniere dont elle a prispossession des proprietes des demandeurs est allee de pair avec des voiesde fait. Toutefois ces voies de fait seraient licites ;

- l'existence de voies de fait, qu'elles soient licites ou illicites,suffit pour introduire une action possessoire au sens de l'article 1370 duCode judiciaire ;

- l'execution de travaux sur leurs proprietes, nonobstant leur oppositionformelle à ces travaux et en l'absence de toute intervention judiciaire,doit etre qualifiee de voie de fait au sens de l'article 1370 du Codejudiciaire ;

- l'article 10 de la loi du 12 avril 1965 n'autorise pas une executionimmediate des travaux, ce qui serait d'ailleurs reconnu implicitement parla defenderesse par le fait qu'elle a demande un permis de batirnonobstant l'existence d'une decision ministerielle contenant unedeclaration d'utilite publique ;

- il etait des lors interdit à la defenderesse de proceder à la prise depossession de leurs proprietes sans leur consentement prealable et sansintervention judiciaire prealable ;

- les travaux sont effectues sur la base d'un permis de batir illegal dontils ont demande l'annulation devant le Conseil d'Etat ;

- la societe anonyme Kumpen a effectue les travaux en connaissance decause et est donc tenue solidairement avec la defenderesse.

Les parties ne contestent pas que la demande initiale des demandeursconcerne une action possessoire, plus particulierement une action enreintegration, fondee sur l'article 1370 du Code judiciaire.

Le jugement interlocutoire du 8 mars 2004 a dejà decide que cette actionest recevable.

Il y a lieu d'examiner au fond si, en installant un collecteur sur lesterrains des demandeurs, les demanderesses en degre d'appel ont commis desviolences ou des voies de fait, causant ainsi un trouble possessoire dansle chef des proprietaires et s'ils ont le droit de reclamer la remise deleur terrain dans l'etat dans lequel il se trouvait avant que lesviolences ou les voies de fait aient ete commises.

La notion de `violence' ne requiert pas l'usage des armes ; elle doittoutefois etre de nature à faire impression sur un homme raisonnable etlui faire craindre que lui ou son patrimoine soient exposes à un malconsiderable et immediat.

La notion de `voie de fait' suppose un acte agressif visant à se fairejustice à soi-meme. Il s'agit d'un acte positif et materiel qui entraineune depossession ou une perte totale ou partielle de la jouissance d'unbien.

Les notions de voie de fait et de trouble possessoire sont totalementetrangeres à la bonne foi ou à la mauvaise foi. On peut meme commettreun trouble possessoire ou une voie de fait en etant tout à fait de bonnefoi. En outre, ces notions n'ont aucun rapport avec la question de savoirsi un acte determine est regulier ou non.

Dans leurs conclusions, les demandeurs reprochent à la defenderesse et àla societe anonyme Kumpen d'avoir commis une voie de fait des lorsqu'elles ont, sans titre ni droit et nonobstant l'opposition formelle desdemandeurs à la prise de possession de leurs terrains, pris possessiond'une partie des proprietes des demandeurs afin d'installer un collecteur.

Il n'est pas conteste qu'entre-temps le collecteur a ete installe entravers les terrains des demandeurs.

La societe anonyme Kumpen precise toutefois qu'elle a effectue les travauxuniquement sur l'ordre de la defenderesse.

La defenderesse soutient à son tour que les voies de fait qui sontinvoquees par les demandeurs ne peuvent etre considerees comme une voie defait au sens de l'article 1370 du Code judiciaire et elle invoqueexpressement à ce propos l'arrete ministeriel du Gouvernement flamand du1er mars 2002 declarant le projet Hasselt - collecteur tronc,on 6Stokrooie - d'utilite publique et lui accordant le droit d'effectuer lestravaux planifies sur une partie des terrains des demandeurs.

- Par arrete ministeriel nDEG 20182 du Gouvernement flamand du 1er mars2002 l'implantation d'infrastructures d'epuration des eaux d'egouts dansla ville de Hasselt est declaree d'utilite publique au profit de ladefenderesse.

L'article 2 de cet arrete ministeriel dispose que la declaration d'interetpublic pour l'acquisition et la prise de possession immediate des terrainsconcerne divers terrains non batis enumeres par l'arrete ministeriel parmilesquels les parcelles des demandeurs sur lesquelles les infrastructuresseront implantees.

Cet article dispose en outre qu'apres l'implantation des infrastructuresd'epuration des eaux d'egout une servitude legale d'utilite publiquereposera sur ces parcelles qui est necessaire au fonctionnement, à lasurveillance et à l'entretien des installations.

En outre, en vertu de l'article 2, 6DEG, les travaux ne pourraient etreentames qu'apres l'expiration d'un delai de deux mois apres lanotification par lettre recommandee aux proprietaires et locatairesinteresses.

Aucun recours en annulation devant le Conseil d'Etat n'a ete forme par lesdemandeurs contre cet arrete ministeriel.

Lors de l'enquete publique qui a ete organisee d'aout à septembre 2001par la ville d' Hasselt, ils n'ont pas davantage introduit de reclamation.

- La declaration d'utilite publique est reglementee par la loi du 12 avril1965 relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations.(modifiee par la loi du 28 juillet 1987) qui precise aussi les droits etobligations du titulaire d'une autorisation ou d'une permission detransport dans ses articles 9 et suivants.

L'article 1er de l'arrete de l'Executif flamand du 20 mars 1991 assimilela defenderesse au titulaire d'une autorisation ou d'une permission detransport vise à l'article 9 de la loi du 12 avril 1965.

Les articles 3 et suivants de l'arrete precite reglent specifiquement laprocedure à suivre pour la declaration d'utilite publique en matiered'edification et d'exploitation des infrastructures d'epuration des eauxd'egouts.

Comme il a ete dit ci-dessus, les demandeurs n'ont pas critique l'arreteministeriel du 1er mars 2002 devant le Conseil d'Etat.

En l'espece, aucune remarque n'est davantage formulee à ce propos, desorte qu'il y a lieu d'admettre que la procedure relative à ladeclaration d'utilite publique du projet Hasselt - collecteur 6 Strokooies'est deroulee correctement en l'espece.

Ni la loi du 12 avril 1965 ni l'arrete precite ne subordonnent les travauxà executer apres une declaration d'utilite publique à l'autorisationprealable des proprietaires ou des locataires interesses.

En cas d'opposition à la prise de possession des terrains par lesproprietaires et les locataires interesses, il n'est pas davantageprescrit qu'une autorisation judiciaire complementaire est requise avantde pouvoir entamer les travaux.

L'article 10 de la loi du 10 avril 1965 prevoit comme seule condition queles travaux ne peuvent etre entames qu'apres l'expiration d'un delai dedeux mois apres la notification aux proprietaires et locatairesinteresses.

Cette obligation de notification est aussi expressement prevue parl'article 2, 6DEG de l'arrete ministeriel du 1er mars 2002.

Il n'est pas conteste qu'en l'espece les travaux ont ete entames dans lecourant du mois d'aout 2002, alors que la notification prealable avaitdejà ete fait aux demandeurs par lettre recommandee à la poste du 6 mars2002, soit plus de deux mois avant le debut des travaux.

Les conditions de l'article 10 de la loi du 12 avril 1965 et de l'article2, 6DEG, de l'arrete ministeriel du 1er mars 2002 ont, des lors, eterespectees.

- Le tribunal constate en outre que les arrets du Conseil d'Etat produitspar les demandeurs, pour autant qu'il puisse le verifier, concernentprincipalement les discussions relatives aux declarations d'utilitepublique pour l'implantation des infrastructures d'epuration des eauxd'egout pour lesquelles les conditions d'installations des infrastructuresne prevoyaient pas l'acquisition et la prise de possession immediate desterrains, alors qu'en l'espece cela a ete expressement prevu par l'article2 de l'arrete ministeriel du 1er mars 2002, de sorte que la jurisprudenceproduite par les demandeurs est sans pertinence en l'espece.

- L'article 2 de l'arrete de l'Executif flamand du 20 mars 1991 disposeque sous reserve des dispositions legales et reglementaires applicablesaux travaux à executer et aux infrastructures d'epuration des eauxd'egouts à edifier et à exploiter, les prescriptions generales et lesmesures de securite doivent etre respectees par la defenderesse.

Cela explique aussi pourquoi la defenderesse devait demander un permis debatir prealablement à l'execution des travaux. C'est à tort que lesdemandeurs deduisent de cette demande de permis une reconnaissanceimplicite par la defenderesse du fait de ne pas disposer d'un titre pourproceder à une execution immediate des travaux.

- Le permis de batir litigieux a ete delivre à la defenderesse à lasuite d'une decision du fonctionnaire regional de l'urbanisme du 31 mai2001.

En l'espece, les demandeurs soutiennent que ce permis de batir seraitillegal, raison pour laquelle ils ont introduit une demande d'annulationde ce permis de batir devant le Conseil d'Etat par requete du 9 septembre2002.

Cette procedure est toujours pendante devant le Conseil d'Etat à ce jour.

Il n'appartient pas au present tribunal de s'approprier les competences duConseil d'Etat et de rendre une decision à propos des griefs invoques parles demandeurs dans le cadre de ladite procedure.

En outre, le recours en annulation devant le Conseil d'Etat n'a pasd'effet suspensif.

En l'espece, eu egard au principe de la separation des pouvoirs, il fautencore toujours supposer que la defenderesse disposait d'un permis debatir valable et prealable pour proceder à l'execution de travaux qui luietaient confies.

- L'article 11 de la loi du 12 avril 1965 dispose expressement quel'occupation partielle du domaine public ou prive doit respecter l'usageauquel celui-ci est affecte et qu'elle n'entraine aucune depossession maisest constitutive d'une servitude legale d'utilite publique.

Des lors qu'il ressort de ce qui precede que :

- la defenderesse, lorsqu'elle a pris partiellement possession desterrains des demandeurs, executait une mission legale ;

- il n'existait pas d'indications objectives que la methode de travailrespectee par la defenderesse n'aurait pas ete conforme auxreglementations legales en la matiere ;

- il n'existe pas de dispositions legales qui prescrivent qu'en casd'opposition des proprietaires interesses aux travaux declares d'utilitepublique, il faut demander une autorisation judiciaire complementaireavant d'entamer les travaux,

- l'arrete ministeriel du 1er mars 2002 prevoit en outre explicitement uneprise de possession immediate desdits terrains ;

le tribunal, contrairement au premier juge, estime que la defenderessen'etait pas tenue de demander en droit un titre executoire complementaireavant de proceder à l'execution des travaux sur les proprietes desdemandeurs.

En outre, l'article 11 de la loi du 12 avril 1965 (qui est aussiapplicable à la defenderesse comme il a ete dit ci-dessus) disposeexpressement que l'occupation de fonds prives à la suite de travaux,execute apres une declaration d'utilite publique, n'entraine aucunedepossession.

Dans les circonstances donnees, il ne peut etre question en l'espece devoies de fait commises par la defenderesse au sens de l'article 1370 duCode judiciaire.

L'action en reintegration introduite par les demandeurs, dans la mesure ouelle est dirigee contre la defenderesse est, des lors, non fondee.

L'appel (de la defenderesse) tendant à entendre declarer l'actioninitiale (des demandeurs) non fondee, est, des lors, fondee.

- Apres une adjudication publique, la societe anonyme Kumpen a etedesignee par la defenderesse comme entrepreneur charge des travaux.

Le fait que la societe anonyme Kumpen savait que les demandeurs voulaientobtenir une modification du trace des travaux et qu'ils n'etaient pasd'accord avec la prise de possession de fait de leurs terrains, ne suffitpas en soi pour qu'il soit question dans son chef d'une voie de fait ausens de l'article 1370 du Code judiciaire, d'autant plus qu'il n'est pasconteste que la societe anonyme Kumpen a agi sur l'ordre de ladefenderesse et qu'en outre elle a effectue les travaux conformement aucahier des charges et aux dispositions contractuelles de sa mission.

L'action en reintegration introduite par les demandeurs, dans la mesure ouelle est dirigee contre la societe anonyme Kumpen, est des lors aussi nonfondee.

L'appel de la societe anonyme Kumpen tendant à entendre declarer nonfondee la demande initiale des demandeurs es,t des lor,s aussi fondee.

(...)

3. La reserve reclamee par la defenderesse.

Conformement à ses conclusions du 12 decembre 2003, la defenderessereclame actuellement pour la premiere fois en degre d'appel qu'il lui soitdonne acte de sa reserve d'introduire une demande de dommages et interetsà charge des demandeurs sur la base du fait que :

- le jugement entrepris qui est executoire par provision, prevoyait uneremise en etat des terrains des demandeurs dans un delai de deux moisapres la signification du jugement, à peine d'une contrainte de 1.000euros par jour de retard ;

- le 10 octobre 2003 les demandeurs ont fait signifier le jugemententrepris aux deux demanderesses en degre d'appel ;

- il n'y a pas eu de reaction aux lettres officielles adressees par sonconseil au conseil des demandeurs quant à la realisation d'un accord àpropos de la non-execution de la contrainte si les travaux de reparationn'etaient pas executes dans le delai prevu par le premier juge ;

- elle s'est des lors vue dans l'obligation d'entamer tous les travauxpreparatoires en vue de l'execution du jugement attaque pendant laprocedure en degre d'appel.

La demande initiale tendant à donner acte de la reserve pour introduireune demande reconventionnelle tendant à la condamnation des demandeurs aupaiement de tous les depens et amendes dont elle est redevable en raisondu retard et/ou de la cessation des travaux dus au fait des demandeurs,introduite par la defenderesse dans ses conclusions deposees devant lepremier juge le 11 septembre 2002, n'est pas maintenue en degre d'appel etest donc en tout etat de cause sans objet en ce moment - apres la cloturedes debats.

Les demandeurs n'ont pas conclu à propos de la nouvelle demande tendantà faire donner acte de la reserve introduite par la defenderesse dans sesconclusions d'appel du 12 decembre 2003.

Le tribunal ne remarque pas en l'espece l'existence d'exceptionsd'incompetence ou d'irrecevabilite à soulever d'office.

A defaut de toute contestation par les demandeurs, il est donne acte de lareserve reclamee par la defenderesse.

Le tribunal rejette toutes les conclusions ulterieures et contraires desparties comme etant non fondees ou sans pertinence ».

Dans son jugement interlocutoire du 8 mars 2004, le tribunal de premiereinstance de Hasselt a aussi constate à propos des faits servant defondement au litige que :

« 1.6. Par arrete ministeriel du 1er mars 2002, l'edification desinfrastructures d'epuration des eaux d'egouts dans la ville de Hasseltconformement aux plans annexes a ete declaree d'utilite publique.

Cet arrete ministeriel a ete notifie aux demandeurs par lettre recommandeedu 6 mars 2002.

1.7. Dans une lettre du 7 mars 2002 la defenderesse a informe le seconddemandeur du fait que l'implantation du collecteur a ete decidee surl'avis de la section `Natuur, Bos en Groen'.

Dans une lettre du 14 mars 2002, les demandeurs ont communique à nouveauleurs remarques à la defenderesse concernant le trace des travaux.

1.8. Au cours du mois d'aout 2002, la societe anonyme Kumpen a entamel'execution du projet 20.182 sur l'ordre et pour le compte de ladefenderesse, apres une adjudication publique.

Dans une telecopie du 5 aout 2002 adressee à la societe anonyme Kumpenles demandeurs s'opposent une nouvelle fois au trace des travaux et ilsfont savoir qu'ils ont depose plainte aupres de la police de Hasselt »(...).

Griefs

Premiere branche

L'action en reintegration qui est regie par les articles 1370 et 1371 duCode judiciaire vise le maintien de l'ordre public et protege leproprietaire d'un bien immobilier contre le trouble possessoire ou ladepossession causes par violence ou voie de fait.

La violence ou les voies de fait sont des actes agressifs par lesquels onse fait justice à soi-meme, de sorte que l'execution d'un jugement oud'un autre titre executoire ne constitue pas une voie de fait ou untrouble de possessoire illegal pouvant justifier l'action enreintegration. L'execution d'un droit à l'encontre de la volonte dudebiteur, allant de pair avec les actes agressifs, sans que le creancierdispose d'un titre executoire, constitue bien une voie de fait« illegale ».

En application du principe general du droit relatif à la forceobligatoire d'un acte administratif (la presomption de legalite ou leprivilege du prealable) qui se deduit du principe general du droit relatifà la continuite du service public, les decisions administrativesdefinitives sont considerees comme etant conformes au droit etobligatoires à l'egard des personnes interessees. Cette presomption estapplicable sans que l'autorite doive faire appel prealablement au jugepour obtenir la confirmation de la legalite de l'acte.

La force obligatoire de l'acte administratif ne signifie pas que,lorsqu'un particulier refuse de respecter une obligation qui lui estimpose, l'autorite puisse proceder elle-meme à l'execution materielleforcee ou y faire proceder par le beneficiaire de l'acte administratif,sans recours prealable au juge afin d'obtenir un titre executoire.

Les actes administratifs ne beneficient qu'à certaines conditions duprivilege de l'execution d'office, denomme aussi le privilege del'execution immediate, qui permet l'execution materielle forcee, sansintervention judiciaire prealable et à l'encontre de l'opposition ducitoyen interesse, et qui, tout comme le privilege du prealable, estjustifiee par l'interet general et particulierement par la continuite duservice public.

Le privilege du prealable n'existe que dans la mesure ou le legislateur leprevoit expressement. Cette regle est notamment fondee sur l'article 105de la Constitution en vertu duquel le Roi n'a d'autres pouvoirs que ceuxque lui attribuent formellement la Constitution et les lois particulieresportees en vertu de la Constitution meme, sur l'article 108 de laConstitution aux termes duquel le Roi fait les reglements et arretesnecessaires pour l'execution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendreles lois elles-memes, ni dispenser de leur execution, sur l'article 78 dela loi speciale du 8 aout 1980 de reformes institutionnelles aux termesduquel le Gouvernement flamand n'a d'autres pouvoirs que ceux que luiattribuent formellement la Constitution et les lois et decrets portes envertu de celle-ci et sur l'article 20 de la loi speciale du 8 aout 1980precitee aux termes duquel le Gouvernement flamand fait les reglements etarretes necessaires pour l'execution des decrets, sans pouvoir jamais nisuspendre les decrets eux-memes, ni dispenser de leur execution.

En-dehors d'une autorisation legale expresse d'execution d'office,l'autorite ne peut proceder à une execution d'office en cas de refus ducitoyen interesse que lorsque cela constitue la seule possibilite eu egardà la necessite et à l'urgence de la mesure.

Aux termes de l'article 32septies, S: 2, de la loi du 26 mars 1971 sur laprotection des eaux de surface contre la pollution, la defenderesse, lasociete anonyme Aquafin, a pour mission legale notamment l'edification desinfrastructures d' epuration des eaux d'egout, specialement desinstallations d'epuration des eaux d'egout, des collecteurs, des stationsde pompage et des egouts prioritaires, conformement, conformement auprogramme d'investissement fixe par l'Executif flamand, et l'exploitationde ces installations.

Aux termes de l'article 32octies, S: 3, de la loi du 26 mars 1971 sur laprotection des eaux de surface contre la pollution et de l'article 1er del'arrete de l'Executif flamand fixant les regles relatives à l'executionde travaux par la S.A. Aquafin en application des articles 32septies et32octies de la loi du 26 mars 1971 sur la protection des eaux de surfacecontre la pollution, la defenderesse se voit appliquer les droits etobligations prevus par les articles 9 à 16 de la loi du 12 avril 1965relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations.

En application de l'article 10 de la loi du 12 avril 1965 des droitsspeciaux peuvent, des lors, etre conferes à la defenderesse pourl'utilisation de terrains prives « qui sont non batis et qui ne sont pasenclos de murs ou de clotures conformes aux reglements de batisse oud'urbanisme » pour edifier des infrastructures d'epuration des eauxd'egouts.

Conformement à l'article 3, S: 1er, de l'arrete de l'Executif flamand du20 mars 1991, la defenderesse doit adresser à cet effet une demande auMinistre communautaire ayant l'environnement dans ses attributions.

La declaration d'utilite publique delivree par le ministre confere autitulaire de la declaration, en vertu des dispositions expresses del'article 10, alinea 2, de la loi du 12 avril 1965, « le droit d'etablirdes installations de transport de gaz sous, sur ou au-dessus de terrainsprives, d'en assurer la surveillance et executer les travaux necessairesà leur fonctionnement et à leur entretien, le tout aux conditionsdeterminees dans ladite declaration ».

Aux termes de l'article 10, alinea 3, de la loi du 12 avril 1965 « lestravaux ne peuvent etre entames qu'apres l'expiration d'un delai de deuxmois à dater de la notification qui en est faite aux proprietaires etlocataires interesses, par lettre recommandee à la poste » (article 10,alinea 3, de la loi du 12 avril 1965).

Il resulte, des lors, de ces prescriptions que la defenderesse peutacquerir des droits sur des terrains prives et qu'en raison de la forceobligatoire de la declaration d'utilite publique, ces droits s'imposentaux proprietaires et aux autres titulaires de droits sur les biens enquestion sans intervention judiciaire prealable.

Ni les dispositions precitees de la loi du 12 avril 1965 ni la loi du 26mars 1971 qui declare la loi du 12 avril 1965 applicable à ladefenderesse, ni aucune autre disposition legale, n'autorise toutefoisl'execution d'office sans intervention judiciaire prealable, lorsque lesproprietaires des terrains en question, comme en l'espece les demandeurs,s'opposent à l'execution des travaux sur leurs terrains.

Le jugement attaque considere que, contrairement à ce que le premier jugea decide et à ce que les demandeurs ont invoque, « la defenderesse nedoit pas demander en justice un titre complementaire avant de proceder àl'execution des travaux sur les proprietes des demandeurs, et decide« que dans les circonstances donnees il ne peut etre question en l'especede voies de fait ».

Le jugement attaque se fonde à ce propos sur la consideration « qu'iln'existe pas de dispositions legales qui prescrivent qu'en casd'opposition des proprietaires interesses aux travaux declares d'utilitepublique, il faut demander une autorisation judiciaire complementaire,avant d'entamer les travaux ».

Des lors qu'une prescription legale expresse est requise pour que,nonobstant l'opposition du proprietaire des terrains, les travaux puissentetre executes sur ces terrains par le titulaire de la declarationd'utilite publique au sens de l'article 10 de la loi du 12 avril 1965, ladeclaration d'utilite publique faite par arrete ministeriel ne constituepas un titre executoire qui autorise une execution d'office et que lejugement attaque n'admet pas davantage qu'il existe en l'espece descirconstances exceptionnelles pouvant justifier par l'urgence l'executiond'office des travaux à l'encontre de la volonte des demandeurs, lejugement attaque n'a pu considerer legalement, sur la base de laconsideration precitee, que la defenderesse ne devait pas obtenir un titreexecutoire complementaire avant d'entamer les travaux, et qu'en executantles travaux nonobstant l'opposition formelle des demandeurs contre laprise de possession de leurs terrains et l'installation d'un collecteur àtravers leurs terrains, elle ne s'est pas rendue coupable d'une voie defait au sens de l'article 1370 du Code judiciaire (violation des articles105 et 108 de la Constitution coordonnee, des articles 20 et 78 de la loispeciale de reformes institutionnelles du 8 aout 1980, de l'article 1370du Code judiciaire, des articles 32septies, S: 2 et 32octies, S: 3, de laloi du 26 mars 1971 sur la protection des eaux de surface contre lapollution, de l'article 10 de la loi du 12 avril 1965 relative autransport de produits gazeux et autres par canalisations, de l'article 1erde l'arrete de l'Executif flamand du 20 mars 1991 fixant les reglesrelatives à l'execution de travaux par la S.A. Aquafin en application desarticles 32septies et 32octies de la loi du 26 mars 1971 sur la protectiondes eaux de surface contre la pollution, des principes generaux du droitrelatifs à la force obligatoire d'un acte juridique administratif et duprincipe du prealable qui se deduisent du principe general du droitrelatif à la continuite du service public, ainsi que de ce dernierprincipe general).

Les autres circonstances, admises par le jugement attaque, selonlesquelles, lorsqu'elle a pris possession partiellement des terrains desdemandeurs, la defenderesse executait une mission legale, qu'il n'existepas d'indications objectives que la methode de travail respectee par ladefenderesse n'aurait pas ete conforme aux reglementations legales en lamatiere, que l'arrete ministeriel du 1er mars 2002 prevoit en outre demaniere explicite une prise de possession immediate des terrains enquestion, et que les demandeurs n'ont pas introduit de recours enannulation contre cet arrete ministeriel, ne derogent pas à l'illegaliteprecitee pour les motifs invoques ci-dessus (violation des memesdispositions et des memes principes generaux du droit).

Pour les motifs invoques par le moyen en cette branche, le jugementattaque ne pouvait pas davantage « rejeter legalement toutes lesconclusions ulterieures et contraires » des demandeurs « comme etantnon fondees ou sans pertinence », dans la mesure ou elles ont invoque quela defenderesse ne pouvait beneficier d'une execution immediate (...)(violation des memes dispositions legales et des memes principesgeneraux). Le tribunal manque à tout le moins à son devoir de motivationen omettant d'enoncer les motifs sur lesquels il fonde sa decision(violation de l'article 149 de la Constitution coordonnee) et ne permetpas à la Cour d'exercer, en l'espece, son controle de legalite (violationde l'article 149 de la Constitution coordonnee).

(...)

Quatrieme branche

L'action en reintegration vise, aux termes de l'article 1370, in fine, duCode judiciaire, la protection de la propriete contre la depossession etle trouble cause par violence ou voir de fait.

Au sens de l'article 1370, in fine, du Code judiciaire, les voies de faitssont des actes agressifs qui constituent un trouble de la possession.

L'article 11, alinea 1er, de la loi du 12 avril 1965 dispose que :« L'occupation partielle du domaine public ou prive doit respecterl'usage auquel celui-ci est affecte. Elle n'entraine aucune depossessionmais est constitutive d'une servitude legale d'utilite publiqueinterdisant tout acte de nature à nuire aux installations de transport degaz ou à leur exploitation ».

L'article 11, alinea 2, de la meme loi dispose que : « Le proprietaire dufonds prive greve de cette servitude peut, dans le delai fixe par le Roi,informer le Ministre qui a l'energie dans ses attributions qu'il demandeau beneficiaire de cette servitude d'acheter le terrain occupe ».

L'alinea 1er de l'article 11 precite concerne, suivant ses termesexplicites « le domaine public et prive » soit les proprietes de l'Etatqu'elles soient ou non, en application des articles 537 et 538 du Codecivil, destinees en vertu d'une decision expresse ou implicite del'autorite competente à l'usage de tous, sans distinction de personnes,alors que le deuxieme alinea concerne « les fonds prives » soit lesproprietes des personnes privees.

La distinction qui est ainsi faite entre le domaine public et le domaineprive, d'une part, et les fonds prives, d'autre part, est aussi confirmeepar d'autres prescriptions de la loi du 12 avril 1965, specialementl'article 16, in fine, aux termes duquel « le Roi determine en outrel'echelle des redevances maximales que l'Etat, la province ou la communesont autorises, conformement à l'article 13, à percevoir au titred'indemnite pour l'occupation de leur domaine public ou prive, ainsi quel'echelle des redevances minimales dues à des personnes privees en vertudu meme article ». L'article 13 de la loi du 12 avril 1965 auquel il estfait reference concerne l'obligation du beneficiaire d'une servitude depayer une indemnite « au profit du proprietaire du fonds greve de cetteservitude ou de detenteurs de droits reels attaches à ce fonds ».

Le jugement attaque conclut, en l'espece, à l'absence « de toute voie defait commise par la defenderesse au sens de l'article 1370 du Codejudiciaire », compte tenu de la circonstance « que l'article 11 de laloi du 12 avril 1965 (...) dispose expressement que l'occupation de fondsprives à la suite de travaux, executes apres une declaration d'utilitepublique, n'entraine pas une depossession' (...).

Le jugement attaque meconnait ainsi la disposition de l'article 11 de laloi du 12 avril 1965, qui, en matiere d'absence de « depossession », nefait etat que du domaine public et prive, et pas des fonds prives, commeen l'espece les fonds des demandeurs (violation de l'article 11 de la loidu 12 avril 1965) et ne pouvait, des lors, pas conclure legalement sur labase de cette disposition à l'absence de toute voie de fait au sens del'article 1370 du Code judiciaire (violation de l'article 1370 du Codejudiciaire).

Pour les memes motifs, le jugement ne pouvait rejeter legalement « toutesles conclusions autres et contraires » des demandeurs « comme etant nonfondees ou sans pertinence », dans la mesure ou ils ont invoque le champd'application limite de l'article 11 de la loi du 12 avril 1965 (...)(violation de la meme disposition legale). A tout le moins, le tribunalmanque à son devoir de motivation en omettant d'enoncer les motifs surlesquels il fonde sa decision (violation de l'article 149 de laConstitution) et il ne permet pas à la Cour d'exercer son controle delegalite en la matiere (violation de l'article 149 de la Constitutioncoordonnee).

(...)

IV. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

1. En vertu de l'article 1370 du Code judiciaire, l'action enreintegration utilisee comme action possessoire visant le maintien del'ordre public, peut etre introduite par tout detenteur d'un bien immeubleou par tout titulaire d'un droit immobilier, dont la jouissance esttroublee par violence ou par voie de fait. Le trouble possessoire visepar cette disposition legale peut entrainer une depossession à lacondition qu'elle aille de pair avec la prise de possession totale oupartielle de la propriete d'un tiers.

2. En vertu de l'article 32octies, S: 3, de la loi du 26 mars 1971 sur laprotection des eaux de surface contre la pollution, les droits etobligations fixes par les articles 9 à 16 inclus de la loi du 12 avril1965 relative au transport de produits gazeux et autres par canalisationss'appliquent à la societe qui est chargee de l'implantation notamment denouvelles infrastructures d'epuration des eaux d'egout, des collecteurs,des stations de pompage et des egouts prioritaires lors del'accomplissement des missions qui lui sont confies en application decette loi.

3. En vertu de l'arrete de l'Executif flamand du 20 mars 1991 fixant lesregles relatives à l'execution de travaux par la S.A. Aquafin enapplication des articles 32septies et 32octies de la loi du 26 mars 1971sur la protection des eaux de surface contre la pollution, pourl'application des dispositions de l'article 32octies, S: 3, de la loi du26 mars 1971 sur la protection des eaux de surface contre la pollution, ilfaut entendre respectivement, par le titulaire d'une permission et letitre de permission vises à l'article 9 de la loi du 12 avril 1965relative au transport de produits gazeux et autres par canalisation, laS.A. Aquafin, creee le 25 avril 1990, et la convention entre la Regionflamande et la S.A. Aquafin, signee par les deux parties le 11 janvier1991, ainsi que les programmes d'investissements confies à cette societeen application de ladite convention.

4. En vertu de l'article 10, alinea 1er, de ladite loi du 12 avril 1965,lu en combinaison avec l'article 32octies, S: 3, de la loi precitee du 26mars 1971, le Gouvernement flamand peut declarer d'utilite publique, apresenquete, l'installation des infrastructures d'epuration des eaux d'egoutsous, sur ou au-dessous de ces terrains prives, non batis qui ne sont pasenclos de murs ou de clotures conformes aux reglements de batisse oud'urbanisme.

5. En vertu de l'article 10, alinea 2, de la loi du 12 avril 1965 lu encombinaison avec l'article 32octies, S: 3, de la loi du 26 mars 1971,cette declaration d'utilite publique confere à la societe anonymeAquafin, le droit d'implanter des infrastructures d'epuration des eauxd'egout sous, sur ou au-dessous de ces terrains prives, d'en assurer lasurveillance et d'executer les travaux necessaires à leur fonctionnementet à leur entretien, le tout aux conditions determinees dans laditedeclaration.

6. En vertu de l'article 10, alinea 3, de la loi du 12 avril 1965 lu encombinaison avec l'article 32octies, S: 3, de la loi du 26 mars 1971, lestravaux ne peuvent etre entames qu'apres l'expiration d'un delai de deuxmois à dater de la notification qui en est faite aux proprietaires etlocataires interesses, par lettre recommandee à la poste.

7. En vertu de l'article 11 de la loi du 12 avril 1965 lu en combinaisonavec l'article 32octies, S: 3, de la loi du 26 mars 1971, l'usage auquelle domaine public ou le domaine prive est affecte doit etre respecte.Cette occupation n'entraine aucune depossession mais est constitutived'une servitude legale d'utilite publique interdisant tout acte de natureà nuire aux infrastructures d'epuration des eaux d'egout ou à leurexploitation.

8. Il ressort des travaux parlementaires de l'article 10 de la loi du 12avril 1965 que la declaration d'utilite publique confere au beneficiairele droit d'installer des canalisations sur des fonds prives. Lelegislateur a prevu ce procede juridique parce qu'il s'est realise qu'iln'est pas toujours possible d'atteindre un accord à l'amiable si le tracepasse par des proprietes privees et qu'il voulait remedier à cet obstacleeventuel à l'installation de canalisations.

9. L'article 10 de la loi du 12 avril 1965 confere ainsi au titulaired'une declaration d'utilite publique l'autorisation d'exercer les droitsqui sont lies à la servitude legale apres l'obtention de cettedeclaration et des autorisations eventuellement necessaires et moyennantle respect du delai de notification au proprietaire interesse.

Le titulaire d'une declaration d'utilite publique se voir ainsi confererpar cette disposition legale le droit d'executer les travaux concernantl'exercice de la servitude legale meme en cas d'opposition du proprietaireinteresse.

L'execution de travaux par le titulaire d'une declaration d'utilitepublique moyennant le respect de ces conditions n'a pas pour consequenceque le proprietaire, qui doit supporter la servitude, soit depossede parviolence ou voie de fait.

10. Le moyen, en cette branche, est fonde sur la supposition que lestravaux qui sont executes par la defenderesse sur la base d'unedeclaration d'utilite publique, entrainent la depossession dans le chefdes proprietaires des fonds sur lesquels les travaux sont executes, desorte qu'ils peuvent etre contestes par une action possessoire.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en droit.

11. Les juges d'appel ont considere que :

* ni la loi du 12 avril 1965 ni l'arrete de l'Executif flamand nesubordonnent les travaux à executer apres une declaration d'utilitepublique au consentement prealable des proprietaires et locatairesinteresses ;

* en cas d'opposition par les proprietaires ou les locataires interessescontre la prise de possession des terrains, il n'est pas davantageprescrit qu'une autorisation judiciaire supplementaire est requiseavant de pouvoir entamer les travaux ;

* la defenderesse ne doit pas demander un titre executoirecomplementaire en justice avant de proceder à l'execution des travauxsur les proprietes des demandeurs.

12. Ils ont rejete et repondu ainsi, sans aucune imprecision, au moyen dedefense vise par le moyen en cette branche suivant lequel la defenderessene peut beneficier d'une execution immediate.

Dans la mesure ou le moyen, en cette branche, invoque la violation del'article 149 de la Constitution, il manque en fait.

(...)

Quant à la quatrieme branche :

16. En vertu de l'article 10, alinea 2, de la loi du 12 avril 1965 lu encombinaison avec l'article 32octies, S: 3, de la loi du 26 mars 1971,cette declaration d'utilite publique confere à la societe anonyme Aquafinle droit d'installer des infrastructures d'epuration des eaux d'egoutsous, sur ou au-dessus de ces terrains prives, d'en assurer lasurveillance et d'executer les travaux necessaire à leur fonctionnementet à leur entretien, le tout aux conditions determinees dans laditedeclaration.

17. En vertu de l'article 10, alinea 3, de la loi du 12 avril 1965 lu encombinaison avec l'article 32octies, S: 3, de la loi du 26 mars 1971, lestravaux ne peuvent etre entames qu'apres l'expiration d'un delai de deuxmois à dater de la notification qui en est faite aux proprietaires etlocataires interesses, par lettre recommandee à la poste.

18. En vertu de l'article 11, alinea 1er, de la loi du 12 avril 1965 lu encombinaison avec l'article 32octies, S: 3, de la loi du 26 mars 1971,l'usage auquel est affecte le domaine public ou prive doit etre respecte.Cette occupation n'entraine aucune depossession mais est constitutived'une servitude legale d'utilite publique interdisant tout acte de natureà nuire aux installations d'epuration des eaux d'egouts ou à leurexploitation.

En vertu de l'alinea 2 de cette disposition legale, le proprietaire dufonds prive greve de cette servitude peut, dans le delai fixe par leGouvernement flamand, informer le Ministre qui a l'installation desinfrastructures d'epuration des eaux d'egout dans ses attributions qu'ildemande au beneficiaire de cette servitude d'acheter le terrain occupe.

19. Il ressort de la combinaison de ces dispositions legales qu'en usantde la notion de « domaine prive » dans l'article 11 de la loi du 12avril 1965, le legislateur ne se refere pas uniquement au domaine prive del'Etat mais aussi aux fonds prives des citoyens.

Le moyen, en cette branche, manque en droit.

20. Les juges d'appel ont rejete le moyen de defense vise par le moyen encette branche et y ont repondu, sans aucune imprecision, en considerantque « l'article 11 de la loi du 12 avril 1965 dispose expressement quel'occupation de fonds prives à la suite de travaux, executes apres unedeclaration d'utilite publique, n'entraine pas une depossession ».

Dans la mesure ou le moyen, en cette branche, invoque la violation del'article 149 de la Constitution, il manque en fait.

(...)

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, le president de section ErnestWauters, les conseillers Eric Dirix, Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns,et prononce en audience publique du vingt-huit fevrier deux mille huit parle president Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat general ChristianVandewal, avec l'assistance du greffier adjoint Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du president de section ClaudeParmentier et transcrite avec l'assistance du greffier JacquelinePigeolet.

Le greffier, Le president de section,

28 FEVRIER 2008 C.05.0216.N/27



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 28/02/2008
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.05.0216.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-02-28;c.05.0216.n ?
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