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25/01/2008 | BELGIQUE | N°C.07.0261.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 janvier 2008, C.07.0261.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.07.0261.F

AXA BELGIUM, société anonyme dont le siège social est établi àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, oùil est fait élection de domicile,

contre

S. G.,

défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 8 novembre2006 par

le tribunal de première instance de Nivelles, statuant en degréd'appel.

Le conseiller Albert Fettweis a fait rapport.

L'avo...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.07.0261.F

AXA BELGIUM, société anonyme dont le siège social est établi àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, oùil est fait élection de domicile,

contre

S. G.,

défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 8 novembre2006 par le tribunal de première instance de Nivelles, statuant en degréd'appel.

Le conseiller Albert Fettweis a fait rapport.

L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

Articles 2, § 1^er, et 29bis (tel qu'il a été modifié par la loi du 13avril 1995 mais avant sa modification par la loi du 19 janvier 2001) de laloi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de laresponsabilité en matière de véhicules automoteurs.

Décisions et motifs critiqués

Le jugement attaqué confirme le jugement dont appel en toutes sesdispositions sauf en ce qu'il a réservé à statuer sur l'éventuel préjudiceen droit commun, le met à néant pour le surplus et, émendant, déclare lademande non fondée en ce qui excède l'application de l'article 29bis de laloi du 21 novembre 1989, par les motifs :

« 2. En ce qui concerne l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989

que, selon l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative àl'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhiculesautomoteurs, `en cas d'accident de la circulation impliquant un ouplusieurs véhicules automoteurs, aux endroits visés à l'article 2, § 1^er,et à l'exception des dégâts matériels et des dommages subis par leconducteur de chaque véhicule automoteur impliqué, tous les dommages subispar les victimes et leurs ayants droit et résultant de lésions corporellesou du décès, y compris les dégâts aux vêtements, sont réparéssolidairement par les assureurs qui, conformément à la présente loi,couvrent la responsabilité du propriétaire, du conducteur ou du détenteurdes véhicules automoteurs' ;

qu'il en résulte que lorsqu'un véhicule est impliqué dans un accident dela circulation survenu sur `les terrains non publics mais ouverts à uncertain nombre de personnes ayant le droit de les fréquenter' (article 2,§ 1^er, de ladite loi), ce qui était le cas en l'espèce du terrain oùétait organisée la compétition en cause à laquelle le public pouvaitassister, et que la responsabilité à laquelle son usage peut donner lieuest couverte en application de la loi du 21 novembre 1989, l'article 29bisde ladite loi est applicable ;

qu'en l'espèce, [la demanderesse] ne conteste pas couvrir laresponsabilité civile des organisateurs et des participants de la courseen cause, conformément à l'obligation d'assurance indiquée par lesarticles 4, §§ 2 et 8, de la loi du 21 novembre 1989 qui soumetl'autorisation obligatoire de `l'organisation de courses ou de concours devitesse, de régularité ou d'adresse au moyen de véhicules automoteurs' àla condition qu'une àssurance spéciale répondant aux dispositions de laprésente loi, couvre la responsabilité des organisateurs et des personnesvisées à l'article 3, § 1^er, dont notamment celle de `tout conducteur duvéhicule assuré' ;

que le contrat d'assurance en cause garantit, à cet égard, laresponsabilité civile des dommages causés par les pilotes à desspectateurs pendant les compétitions organisées par le preneur d'assuranceselon la loi du 21 novembre 1989 ;

que les personnes lésées considérées par ladite loi sont toutes celles`qui ont subi un dommage donnant lieu à l'application de la présente loi,ainsi que leurs ayants droit' (article 1^er) ;

qu'en l'espèce, [le défendeur] est une telle personne lésée visée parl'article 8 de ladite loi ;

qu'en l'espèce, [la demanderesse] conteste cependant l'application decette loi au motif que, même si l'existence d'un accident de lacirculation est admise au sens de l'article 601bis du Code judiciaire,cette qualification ne serait pas établie au sens de l'article 29bis de laloi du 21 novembre 1989 ;

qu'il faut considérer que la loi a voulu `mettre en place un système danslequel celui qui met en circulation un véhicule automoteur, à savoir lepropriétaire ou le détenteur, est responsable pour les lésions corporellesrésultant d'un accident dans lequel son véhicule est impliqué sans qu'ilsoit nécessaire de prouver l'existence d'une faute dans son chef' du faitque ` le conducteur d'un véhicule met en oeuvre une énergie cinétiquetelle qu'elle crée un risque inéluctable même si ce conducteur fait preuvede toute la prudence voulue' et, cela pour atteindre une àmélioration dela situation de l'usager vulnérable' (cf. conclusions de l'avocat généralTh. Werquin avant Cass., 19 mars 2004, R.G. C.03.0037.F) ;

qu'à cet égard, rien ne justifie a priori de restreindre la notiond'accident de la circulation retenue pour l'application de l'article601bis du Code judiciaire, même si, au contraire de cet article, la loi du21 novembre 1989 ne concerne pas les accidents survenus `dans un lieu quin'est pas accessible au public' ;

que la circonstance qu'au contraire de l'article 601bis du Codejudiciaire, l'article 29bis de ladite loi s'applique aussi aux dommagescausés volontairement par un conducteur est sans pertinence pour endéduire que la définition d'un accident de la circulation seraitdifférente pour l'application de ladite loi de celle qui a déjà étéconsidérée en l'espèce pour établir la compétence du tribunal de police,dès lors que les dommages causés volontairement ne résultent pasd'accidents mais d'un fait intentionnel et ne concernent donc pas lanotion d'accident ;

que c'est sans davantage de pertinence que [la demanderesse] compare lacirculation d'un véhicule durant une course automobile à un mouvement d'unvéhicule utilisé comme engin de travail et qui, dans ces conditions, neparticipe pas à la circulation en manière telle qu'un accident impliquantun véhicule dans ces circonstances est exclu de l'application de la loi du21 novembre 1989 qui `ne couvre pas les dommages qu'un véhicule automoteurpeut causer lorsqu'il est utilisé uniquement comme engin mécanique pourdes opérations d'exploitation' (cf. en ce sens, Cass., 5 décembre 2003 ;Cass., 26 octobre 1972, Pas., I, p. 202) ;

qu'il faut considérer, au contraire, que dans les circonstances concrètesde l'accident litigieux survenu dans les abords d'un circuit automobilefermé mais accessible au public, [le défendeur] y a été victime d'unaccident de la circulation impliquant un véhicule conduit par un assuré de[la demanderesse] et qu'il est fondé à se prévaloir, dans ces conditions,de l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 ;

que c'est sans pertinence, compte tenu du droit direct à l'égard del'assureur que confère à certaines victimes ledit article 29bis, que [lademanderesse] prétend opposer [au défendeur] qui peut bénéficier de cettedisposition un abandon de recours contre les assurés en cause qu'il asigné avant l'accident litigieux ;

que [la demanderesse] ne peut écarter l'application dudit article 29bis dela loi du 21 novembre 1989 que si elle établit une faute inexcusable dansle chef de la victime auquel elle peut opposer l'exception qui existait àcet égard lors de l'accident en cause (alinéa 6 du § 1^er dudit article) ;

que [la demanderesse] offre, à cet égard, d'établir, par toutes voies dedroit, que [le défendeur] se trouvait dans une zone interdite entre deuxcordes ;

qu'en l'espèce, il est cependant établi, par les déclarations concordantesproduites aux débats, que l'accident litigieux s'est produit en dehors dela piste de compétition, derrière des cordes balisant cette piste ;

que, selon des témoins, l'endroit en cause était accessible auxspectateurs ;

que la seule déclaration imprécise du motocycliste en cause, selonlaquelle [le défendeur] se trouvait entre deux délimitations, confirme sasortie de piste mais n'établit pas que l'endroit en cause était interditau public ou particulièrement dangereux ;

qu'il faut considérer, quoi qu'il en soit, `qu'en vertu de l'article29bis, § 1^er, alinéa 6, de la loi du 21 novembre 1989 relative àl'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhiculesautomoteurs, tel qu'il est applicable en l'espèce, la faute inexcusablequi prive la victime du droit à l'indemnisation visé au premier alinéa dece paragraphe est la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité,exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dûavoir conscience' (Cass., 10 mars 2006, R.G. C.05.0228.F, J. T., 2006, p.625) ;

qu'en fait, la circonstance éventuelle qu'un conducteur en course perde lecontrôle de son véhicule et quitte la piste est certes une éventualité àconsidérer par les spectateurs d'une telle course, mais son caractèrerelativement exceptionnel ne permet pas de considérer qu'à un endroitséparé de la piste de course par des cordes, le fait de s'y trouver commespectateur constituerait une faute inexcusable d'une exceptionnellegravité ;

que si ce risque est certes augmenté aux endroits interdits au public, laprésence même fautive à de tels endroits ne peut être considérée commeconstitutive d'une faute inexcusable en l'absence de circonstancesparticulières non alléguées en l'espèce ;

qu'en ce qui concerne le montant de l'indemnisation due, il faut constaterque rien n'établit le paiement d'indemnités par des tiers et que lescertificats médicaux produits font état de plusieurs mois d'incapacité, cequi justifie la provision de 4.000 euros allouée par le premier juge et sadécision d'ordonner une mesure d'expertise médicale dont la confirmationimplique de lui renvoyer la cause, en application de l'article 1068,alinéa 2, du Code judiciaire ».

Griefs

Dans sa version applicable aux faits, l'article 29bis, §1^er, alinéa 1^er,de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de laresponsabilité en matière de véhicules automoteurs dispose qu'en casd'accident de la circulation impliquant un véhicule automoteur, l'assureurcouvrant la responsabilité civile du conducteur ou du détenteur doitréparer les dommages corporels, y compris les dégâts aux vêtements subispar les victimes ou leurs ayants droit.

Pour pouvoir bénéficier de ce régime d'indemnisation, la victime doitprouver notamment qu'il s'agit d'un accident de la circulation dans lequelest impliqué un véhicule automoteur ainsi qu'une relation causale entrel'accident et la lésion corporelle subie.

La notion d'accident de la circulation ne doit certes pas être interprétéede manière restrictive mais il faut néanmoins qu'au moment de l'accident,le véhicule impliqué participe ou se rattache directement ou indirectementà la circulation comme instrument de déplacement.

Un véhicule (en l'occurrence une moto) utilisé pour la participation à unecourse se déroulant en circuit sportif fermé, même si le terraincomportant le circuit est accessible aux spectateurs, ne peut êtreconsidéré comme un véhicule participant à la circulation pourl'application de l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989.

En particulier, lorsqu'en se déplaçant sur un terrain non public maisouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de le fréquenter ausens de l'article 2, § 1^er, de la loi du 21 novembre 1989, tel un circuitde concours de compétition sportive fermé mais accessible au public, levéhicule automoteur cause un dommage durant le déroulement de l'épreuve,et dès lors lorsque ce véhicule est alors utilisé comme instrument de jeusportif, un tel accident ne répond pas à la notion d'accident de lacirculation au sens de l'article 29bis, § 1^er, de ladite loi.

En l'espèce, il ressort des motifs du jugement attaqué que l'accidents'est produit durant le déroulement d'une compétition de motocross à lasuite de la perte de contrôle par son conducteur du véhicule ayant causéle dommage.

Ce faisant, le juge d'appel a constaté que le véhicule était alors utilisécomme instrument de sport, non comme instrument de déplacement, et qu'ilne participait donc pas à la circulation.

Le jugement attaqué ne pouvait en conséquence, sans violer les articles 2,§ 1^er, et 29bis, §1^er, de la loi du 21 novembre 1989 cités en tête dumoyen, décider que la moto participait à la circulation et que l'accidentétait un accident de la circulation au sens de ces dispositions.

Il n'a dès lors pas légalement justifié sa décision.

III. La décision de la Cour

Dans sa version applicable aux faits, l'article 29bis, § 1^er, alinéa1^er, de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire dela responsabilité en matière de véhicules automoteurs dispose que, àl'exception des dégâts matériels, tous les dommages résultant de lésionscorporelles ou du décès, causés à toute victime d'un accident de lacirculation ou à ses ayants droit, dans lequel est impliqué un véhiculeautomoteur, sont indemnisés par l'assureur qui couvre la responsabilité dupropriétaire, du conducteur ou du détenteur de ce véhicule conformément àcette loi.

La notion d'accident de la circulation au sens de cette disposition viseaussi bien un accident de la circulation routière impliquant un véhiculeautomoteur empruntant la voie publique que pareil accident survenu sur lesterrains ouverts au public et les terrains non publics mais ouverts à uncertain nombre de personnes. 

De la circonstance que le véhicule automoteur impliqué participe au momentde l'accident à une compétition sportive, il ne peut se déduire quel'accident ne constitue pas un accident de la circulation au sens de ladisposition précitée.

Le moyen, qui soutient qu'« un véhicule utilisé pour la participation àune course se déroulant en circuit sportif fermé, même si le terraincomportant le circuit est accessible aux spectateurs, ne peut êtreconsidéré comme un véhicule participant à la circulation pourl'application de l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 », manqueen droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de six cent six euros six centimes envers lapartie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président Christian Storck, les conseillers Albert Fettweis,Christine Matray, Sylviane Velu et Martine Regout, et prononcé en audiencepublique du vingt-cinq janvier deux mille huit par le président ChristianStorck, en présence de l'avocat général Damien Vandermeersch, avecl'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

25 JANVIER 2008 C.07.0261.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.07.0261.F
Date de la décision : 25/01/2008

Analyses

ASSURANCES - ASSURANCE AUTOMOBILE OBLIGATOIRE


Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-01-25;c.07.0261.f ?
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