Cour de cassation de Belgique
Arret
**101
3298
3300
7427
**401
NDEG H.07.0001.F
ayant pour objet des questions prejudicielles posees sur la base desarticles 72 et 73 de la loi sur la protection de la concurrenceeconomique, par le Conseil de la concurrence, le 21 novembre 2007,
dans la procedure menee devant le Conseil de la concurrence,
entre
Tecteo, societe cooperative intercommunale à responsabilite limitee, dontle siege est etabli à Liege, rue Louvrex, 95,
Brutele, societe cooperative intercommunale à responsabilite limitee,dont le siege est etabli à Ixelles, chaussee d'Ixelles, 168,
et
Cable Wallon,
en presence de
BELGACOM, societe anonyme de droit public, dont le siege est etabli àSchaerbeek, boulevard du Roi Albert II, 27,
I. Objet de la saisine
1. La Cour est saisie de questions prejudicielles sur l'interpretation del'article 57, S: 2, alinea 3, de la loi sur la protection de laconcurrence economique, coordonnee le 15 septembre 2006 (ci-apres la«LPCE»).
2. Le 28 septembre 2007, les societes cooperatives intercommunales àresponsabilite limitee Tecteo et Brutele, ci-apres qualifiees « partiesnotifiantes », ont depose au greffe du Conseil de la concurrence unenotification de la concentration Tecteo/Brutele-Cable wallon.
3. Par lettre du 31 octobre 2007, le conseil de la s.a. de droit publicBelgacom a formule la demande suivante : « (...) conformement àl'article 57, S: 2, de la LPCE, Belgacom demande à etre entendue par leConseil de la concurrence et, s'il devait etre repondu favorablement àcette demande, à pouvoir disposer d'un acces au dossier et notamment aurapport d'enquete depose par l'auditorat dans cette affaire ».
4. Le 13 novembre 2007, l'auditeur a depose le rapport motive et ledossier d'instruction au Conseil de la concurrence, conformement àl'article 55, S: 3, de la LPCE.
Les entreprises parties à la concentration ont presente à l'auditeur desengagements, visant à obtenir une decision d'admissibilite, conformementà l'article 58, S: 2, alinea 1er, 1DEG, de la LPCE.
5. Le Conseil de la concurrence a decide, le 21 novembre 2007, d'entendrela s.a. de droit public Belgacom, de surseoir à statuer sur la demande decette societe d'avoir acces au dossier d'instruction et au rapport motivede l'auditeur et de poser les questions prejudicielles suivantes à laCour de cassation :
« 1. Les dispositions legales de la loi sur la protection de laconcurrence economique, coordonnee le 15 septembre 2006, relatives à laprocedure precedant la decision de la chambre du Conseil de la concurrenceen vertu de l'article 58, S: 1er et/ou S: 2, de cette loi, notammentl'article 57, S: 2, alinea 3, premiere phrase, et/ou le principe generaldu droit relatif au respect des droits de la defense, doivent-ils etreinterpretes en ce sens qu'un tiers, personne physique ou morale, qui n'estpas partie à la concentration et qui ne l'a pas notifiee, et qui justified'un interet suffisant pour etre entendu par la chambre du Conseil, a ledroit à avoir acces au rapport motive et/ou au dossier d'instructiondeposes par l'auditeur au Conseil de la concurrence conformement àl'article 55, S: 3, de la meme loi ?
La reponse à cette question est-elle differente suivant que lesentreprises parties à la concentration ont, oui ou non, presente desengagements à l'auditeur, conformement à l'article 56, alinea 2, de laloi, visant à obtenir une decision d'admissibilite en vertu de l'article58, S: 2, alinea 1er , 1DEG, de la loi ?
2. Si la reponse à la premiere question est negative, les dispositionslegales precitees et/ou le principe general du droit precite, peuvent-ilsetre interpretes en ce sens qu'un acces au rapport motive ou à certainesparties de celui-ci, et/ou au dossier d'instruction ou à certaines piecesqui y figurent, peut etre accorde au tiers precite ?
3. Si la reponse à la premiere ou à la deuxieme question est positive,dans le systeme de la loi sur la protection de la concurrence economique,coordonnee le 15 septembre 2006, suivant quelle procedure les donnees quisont confidentielles vis-à-vis du tiers doivent-elles etre enlevees durapport motive et du dossier d'instruction, et qui a le pouvoir de deciderau sujet de la confidentialite ? »
II. Procedure
6. Conformement à l'article 73, S: 2, de la loi sur la protection de laconcurrence economique, la Cour de cassation a fait parvenir une copie desquestions prejudicielles aux parties notifiantes, à la s.a. de droitpublic Belgacom, à la Commission europeenne et au ministre de l'Economie.
La Cour a invite les parties à deposer le cas echeant des observationsecrites et leur a donne l'occasion de consulter le dossier de laprocedure, tout en les avertissant de la date à laquelle les personnesconcernees pourraient etre entendues.
Des observations ecrites ont ete deposees le 21 decembre 2007 parl'auditeur pres du Conseil de la concurrence en charge du dossier, et le24 decembre 2007, par la s.a. de droit public Belgacom et par les partiesnotifiantes.
Les parties notifiantes et la s.a. de droit public Belgacom ont demande àetre entendues. Toutes les parties ont rec,u à nouveau une notificationde la date à laquelle elles seraient entendues.
7. Le 10 janvier 2008, l'avocat general delegue de Koster a presente desobservations orales et les parties notifiantes et la s.a. de droit publicBelgacom ont ete entendues ; l'auditeur aupres du Conseil de la concurencea egalement ete entendu de l'accord de toutes les parties concernees.
8. Le 15 janvier 2008, l'avocat general delegue de Koster a depose desconclusions ecrites au greffe de la Cour.
9. Le 18 janvier 2008, les parties notifiantes, la s.a. Belgacom et leministre de l'economie ont depose des observations ecrites en reponse àces conclusions.
III. Recevabilite
10. Les parties notifiantes soutiennent que s'agissant d'uneconcentration, aucune question prejudicielle ne pourrait etre posee par leConseil de la concurrence, celui-ci n'etant pas une « juridiction »lorsqu'il statue en matiere de concentration.
11. L'article 72 de la LPCE dispose en termes generaux que la Cour decassation statue à titre prejudiciel, par voie d'arret, sur les questionsrelatives à l'interpretation de la loi. En vertu de l'article 73, S: 1er,alinea 1er, de la LPCE, lorsque la solution d'un litige depend del'interpretation de cette loi, la juridiction saisie, dont le Conseil dela concurrence, peut surseoir à statuer et poser une questionprejudicielle à la Cour de cassation.
Le texte de cet article ne fait aucune distinction quant aux situationsdans lesquelles le Conseil de la concurrence peut poser une question, etparticulierement n'exclut pas que la question soit posee dans le cadred'une concentration.
En indiquant à l'article 73, S: 1er, alinea 2, que les delais et laprocedure sont suspendus devant le tribunal qui pose la questionprejudicielle, le legislateur a d'ailleurs implicitement confirme qu'unequestion peut etre posee dans le cadre d'une concentration des lors queces delais sont en fait essentiellement applicables en matiere deconcentration. Le fait que la Cour doive statuer « toutes affairescessantes » confirme que le legislateur a prevu qu'une question puisseetre posee dans ce contexte.
12. La procedure de controle de concentration est une procedured'autorisation administrative de nature differente des procedures enmatiere de pratiques restrictives ou en toutes matieres opposant desparties se pretendant titulaires d'un droit subjectif.
La procedure de concentration est en realite une procedure se deroulantentre les parties notifiantes et l'auditeur devant la chambre du Conseilde la concurrence qui traite le dossier, les tiers interesses pouvant etreentendus dans les limites de la loi.
Cette procedure peut etre comprise comme un litige au sens ou l'entendl'article 73, S: 1er, de la LPCE. Le legislateur a voulu qu'en matiered'interpretation de la LPCE ne subsiste aucune zone d'ombre et que toutediscussion pouvant naitre à propos de cette interpretation puissed'emblee etre soumise à l'appreciation de la Cour de cassation.
13. Par ailleurs, le Conseil de la concurrence exerce, sur le planorganique, un pouvoir juridictionnel qu'il exerce en toute independance.En vertu de l'article 11 de la LPCE, le Conseil est une juridictionadministrative qui a la competence de decision et les autres pouvoirs quela loi lui confere. La circonstance que la question ait ete posee d'officepar le Conseil est sans incidence sur la nature juridictionnelle de samission. Le fait que le Conseil des Ministres pourrait prendre unedecision annihilant les effets de la decision du Conseil, n'enleve pas àcelui-ci son caractere juridictionnel, son independance et sonaffranchissement à l'egard de toute hierarchie. La possibilite pour leConseil de declarer admissible une concentration anterieurement declareeinadmissible et le fait que le Conseil soit tenu de statuer dans certainsdelais de rigueur ne sont pas davantage determinants pour exclure lecaractere juridictionnel du Conseil.
14. Les parties notifiantes soutiennent que la decision de renvoi proceded'un detournement de pouvoir et que le Conseil de la concurrence a creeartificiellement un litige qui n'existe pas, des lors que les partiesnotifiantes auraient remis le rapport motive de l'auditeur à Belgacom etqu'en fait, le Conseil de la concurrence, prive du droit de se pourvoircontre des arrets de la Cour d'appel de Bruxelles, n'aurait vu que cemoyen pour faire censurer la jurisprudence de la Cour d'appel en matiered'acces au dossier.
Le Conseil de la concurrence a pu legitimement constater qu'il y avaitmatiere à interpretation de la loi et poser des questions qui sont denature à eclairer ses decisions lors de l'examen de la concentration.L'allegation des parties notifiantes doit etre rejetee.
15. Dans le cadre de leur contestation de la recevabilite de la decisionde renvoi prejudiciel, les parties notifiantes invoquent enfin unemeconnaissance des exigences du contradictoire et une violation de leursdroits de defense au motif qu'elles n'ont pu faire valoir leur point devue sur ce renvoi.
La Cour n'etant pas saisie d'un recours contre la decision du Conseil, ilne lui appartient pas de se prononcer à cet egard.
16. Les parties notifiantes soutiennent qu'à la suite d'une decision dela Cour d'appel de Bruxelles du 27 decembre 2007, la decision de renvoiprejudiciel est devenue sans objet.
L'arret precite de la Cour d'appel de Bruxelles ne se prononce pas sur ladecision du Conseil de la concurrence de poser des questionsprejudicielles. Cette decision n'est d'ailleurs pas susceptible derecours.
Il n'appartient pas, en regle, à la Cour de cassation statuant surquestion prejudicielle de se prononcer sur l'utilite des questions posees.
La juridiction de renvoi a informe la Cour par missive remise à la Courle 7 janvier 2008 qu'elle maintenait ses questions prejudicielles.
17. Les parties notifiantes demandent que soit posee à la Courconstitutionnelle une question prejudicielle relative à la conformite desarticles 8, 57, 58, 59, 72, 73, 75, 76 et 78 de la LPCE ainsi que desarticles 608, 609 et 1073 du Code judiciaire aux articles 10 et 11 de laConstitution, pris isolement et en combinaison avec l'article 147 de laConstitution, de meme qu'avec l'article 6 de la Convention de sauvegardedes droits de l'homme et des libertes fondamentales.
Eu egard à l'obligation pour la Cour de statuer toutes affairescessantes, il n'y a pas lieu de poser la question prejudicielle.
18. Les questions prejudicielles sont recevables.
IV. Quant aux questions
Sur la premiere question
19. Par sa premiere question, le Conseil de la concurrence demande, ensubstance, si l'article 57, S: 2, alinea 3, premiere phrase, de la LPCE oule principe general du droit relatif au respect des droits de la defense,doivent etre interpretes en ce sens qu'un tiers, personne physique oumorale, qui n'est pas partie à la concentration et qui ne l'a pasnotifiee, mais justifiant d'un interet suffisant pour etre entendu par lachambre du Conseil, a le droit d'avoir acces au rapport motive ou audossier d'instruction deposes par l'auditeur.
Le Conseil souhaite savoir si la reponse à cette question est differentesuivant que les entreprises parties à la concentration ont, ou n'ont pas,presente des engagements à l'auditeur, conformement à l'article 56,alinea 2, de la loi, visant à obtenir une decision d'admissibilite envertu de l'article 58, S: 2, alinea 1er, 1DEG, de la loi.
20. Les dispositions relatives à l'acces au dossier et au rapport motiven'ouvrent, en ce qui concerne les concentrations, cet acces qu'aux seulesparties notifiantes et aux representants des organisations les plusrepresentatives des travailleurs de ces entreprises ou à ceux qu'ilsdesignent (article 55, S: 5, alinea 1er, de la LPCE).
L'acces au dossier des tiers, au sens de l'article 57, S: 2, alinea 3,premiere phrase, de la LPCE, n'est pas prevu expressement par la loi.
La loi n'en dispose pas differemment lorsque la chambre du Conseilsouhaite prendre en consideration des conditions ou des charges qui nesont pas discutees dans le rapport.
21. La nature specifique du controle des concentrations explique que ledroit des parties intervenantes à prendre connaissance du dossier estlimite.
L'intervention des tiers peut permettre au Conseil de mieux evaluer leseffets d'une concentration sur le marche. Cette intervention ne procureaux tiers qu'un benefice indirect. Le Conseil apprecie si et dans quellemesure l'interet general est desservi par des restrictions de concurrenceimputables à la concentration. La seule hypothese d'une entrave àl'activite des tiers, resultant d'un eventuel abus de position dominanteou d'eventuelles autres pratiques restrictives de concurrence, n'est pasdeterminante.
22. La protection de la concurrence economique doit s'organiser dans lerespect des interets economiques legitimes.
La LPCE a des lors soumis le controle preventif de l'admissibilite desconcentrations à des delais stricts, compatibles à la fois avec lesexigences d'une bonne administration et avec celles de la vie desaffaires. Le non-respect par le Conseil de la concurrence de certains deces delais fait presumer l'admissibilite de la concentration.
Un acces systematique des tiers au rapport motive ou au dossierd'instruction deposes par l'auditeur, entraverait le deroulement efficacede la procedure en matiere de concentration en ce qu'il mettrait en perilla possibilite pour la chambre du Conseil de se prononcer surl'admissibilite d'une concentration dans le bref delai fixe par la loi.
Au surplus, un tel systeme pourrait inciter les concurrents des partiesnotifiantes à demander au Conseil de la concurrence à etre entendus,uniquement en vue d'avoir un acces absolu au dossier, ce qui ne peut etreaccepte.
23. Du rapprochement des dispositions legales concernant les pratiquesrestrictives de concurrence qui permettent un large acces au dossier et aurapport motive et de celles concernant les concentrations, il peut etrededuit que le legislateur a deliberement exclu un droit d'acces absolu aurapport motive et au dossier d'instruction par un tiers qui n'est paspartie à la concentration et qui ne l'a pas notifiee, meme si, justifiantd'un interet suffisant, il peut etre entendu par la chambre du Conseil.
24. Le respect des droits de la defense constitue un principe general dudroit, qui requiert que toute personne à l'encontre de laquelle unedecision lui faisant grief peut etre prise, soit mise en mesure de faireconnaitre utilement son point de vue au sujet des elements retenus à sacharge pour fonder la decision litigieuse.
Selon les travaux parlementaires de la LPCE, les droits de la defense desentreprises concernees commandent qu'elles puissent avoir acces au momentapproprie à toute l'information necessaire pour leur defense, à savoirl'ensemble des documents à charge et à decharge, rassembles par leservice de la concurrence au cours de l'instruction ou transmis auservice, à l'auditorat ou au Conseil au cours de la procedure.
Le principe general du droit relatif au respect des droits de la defensene peut cependant fonder l'acces au dossier en matiere de concentration enfaveur des tiers interesses.
En effet, les tiers interesses ne sont pas les destinataires de ladecision finale de concentration. Leur point de vue est principalementpertinent afin de permettre à l'autorite de la concurrence de s'informersur l'impact de l'operation sur le marche. Dans une procedureadministrative de controle des concentrations, les droits des tiersn'entrent pas, en regle, en ligne de compte. Par consequent, le principegeneral du droit relatif au respect des droits de la defense ne peutjustifier, sans prejudice de ce qui sera dit ci-dessous, qu'il soit donneaux tiers, dans tous les cas, acces au rapport motive ou au dossierd'instruction.
25. La reponse à la question n'est pas differente suivant que les partiesnotifiantes ont presente ou non des engagements visant à obtenir unedecision d'admissibilite.
Sans doute, ces engagements sont-ils de nature à modifier l'equilibre dela concentration et plus specifiquement à avoir un impact sur les droitsdes tiers. Ils ne changent toutefois rien ni à la nature des droits deces tiers ni à la mission du Conseil de la concurrence.
26. A la lumiere de ce qui precede, il convient de repondre à la premierequestion que les dispositions legales de la LPCE relatives à la procedureprecedant la decision de la chambre du Conseil de la concurrence prise envertu de l'article 58, S: 1er ou S: 2, de cette loi, notamment l'article57, S: 2, alinea 3, premiere phrase, et le principe general du droitrelatif au respect des droits de la defense n'accordent pas, en principeet sous reserve de ce qui sera dit en reponse à la deuxieme question, ledroit à un tiers, personne physique ou morale, qui n'est pas partie à laconcentration et qui ne l'a pas notifiee, mais qui justifie d'un interetsuffisant pour etre entendu par la chambre du Conseil, à avoir acces aurapport motive et au dossier d'instruction, ou à l'un d'eux, deposes parl'auditeur au Conseil de la concurrence conformement à l'article 55, S:3, de la meme loi.
Cette reponse n'est pas differente selon que les entreprises parties à laconcentration ont presente des engagements à l'auditeur, conformement àl'article 56, alinea 2, de la loi, visant à obtenir une decisiond'admissibilite prise en vertu de l'article 58, S: 2, alinea 1er, 1DEG, dela loi.
L'exclusion du droit des tiers à obtenir communication de certainespieces n'est toutefois pas absolue et doit etre interpretee en liaisonavec les droits qui sont indissolublement lies au droit d'intervenir à laprocedure.
Sur la deuxieme question
27. Par sa deuxieme question, le Conseil de la concurrence souhaite savoirsi, au cas ou la reponse à la premiere question est negative, lesdispositions legales de la LPCE relatives à la procedure precedant ladecision de la chambre du Conseil de la concurrence en vertu de l'article58, S: 1er ou S: 2, de cette loi, notamment l'article 57, S: 2, alinea 3,premiere phrase, ou le principe general du droit relatif au respect desdroits de la defense, peuvent etre interpretes en ce sens qu'un acces aurapport motive ou à certaines parties de celui-ci, ou au dossierd'instruction ou à certaines pieces qui y figurent, peut etre accorde autiers, personne physique ou morale, qui n'est pas partie à laconcentration et qui ne l'a pas notifiee, et qui justifie d'un interetsuffisant pour etre entendu par la chambre du Conseil.
Il ressort de la reponse à la premiere question que le tiers precite n'apas, en principe, un droit d'acces au rapport motive ou au dossierd'instruction. Le refus de cet acces doit toutefois etre concilie avec lesdroits que le tiers peut puiser dans l'autorisation qui lui a ete donneed'etre entendu par le Conseil.
28. Le tiers qui justifie d'un interet suffisant est entendu par lachambre du Conseil (article 57, S: 2, de la LPCE).
Afin de garantir l'exercice effectif de son droit d'etre entendu, etuniquement s'il a formule la demande au Conseil, ce tiers peut avoir, danscertaines conditions, un droit d'acces limite au rapport motive ou àcertaines parties de celui-ci et au dossier d'instruction ou à certainespieces qui y figurent.
L'autorisation de prendre connaissance des documents strictementnecessaires pour permettre à ce tiers de faire utilement connaitre sonpoint de vue sur l'operation de la concentration notifiee et son impactsur la concurrence peut lui etre accordee.
L'etendue de l'acces à ces documents doit etre examinee par le Conseildans le contexte de l'ensemble de la procedure, compte tenu de lanecessite de l'information du tiers, de la nature confidentielle desdocuments et de la necessite de pouvoir decider de la concentration dansdes delais tres brefs.
Les documents contenant des secrets d'affaires ou les documents internesdu Conseil ne peuvent pas etre communiques.
29. A la lumiere de ce qui precede, il convient de repondre à la deuxiemequestion qu'eu egard au droit d'etre entendu accorde au tiers justifiantd'un interet suffisant, un droit d'acces au rapport motive ou à certainesparties de celui-ci et au dossier d'instruction ou à certaines piecesqui y figurent peut, à sa demande, etre accorde à ce tiers par leConseil de la concurrence, à l'exception toutefois des documentscontenant des secrets d'affaires ou des documents internes du Conseil, età condition que ces documents soient strictement necessaires pourpermettre à ce tiers de faire utilement connaitre son point de vue surl'operation de concentration notifiee et sur son impact sur laconcurrence.
Sur la troisieme question
30. Par sa troisieme question, le Conseil de la concurrence demande ensubstance suivant quelle procedure les donnees qui sont confidentiellesvis-à-vis du tiers doivent etre enlevees du rapport motive et du dossierd'instruction et qui a le pouvoir de decider de la confidentialite dans lesysteme de la LPCE.
Les articles 44, S: 6, et 55, S: 3, de la LPCE, prevoient qu'avant detransmettre le rapport motive au Conseil, l'auditeur etablit un inventairede tous les documents et donnees rassembles au cours de l'instruction, etse prononce sur leur confidentialite. Cet inventaire determine laconfidentialite des pieces à l'egard de chacune des parties ayant accesau dossier. Le caractere confidentiel des donnees et documents estdetermine à l'egard de chaque personne physique ou morale qui prendconnaissance du rapport motive.
31. L'article 44, S: 7, de la LPCE dispose que lorsque l'auditeur acceptele caractere confidentiel des donnees, il demande, dans le delai qu'ilfixe, à la personne physique ou morale ayant fourni les donnees,d'etablir un resume ou la version non confidentiels du document en cause,pour autant qu'un tel resume ou une telle version ne se trouvent pas dejàau dossier. Les documents confidentiels sont ensuite retires du dossier etremplaces par le resume ou la version non confidentiels.
Dans le cas ou d'autres personnes que les entreprises parties à laconcentration souhaitent communiquer au Conseil des informationsconfidentielles, l'article 57, S: 3, de la LPCE prevoit qu'un conseillerdu Conseil qui ne fait pas partie de la chambre qui prend la decision, seprononce sur la confidentialite, en application de la procedure prevue àl'article 44, S:S: 6 et 7. Les documents confidentiels ne sont pas jointsau dossier et sont remplaces par une version ou un resume nonconfidentiels. Cette decision n'est pas susceptible d'appel distinct. Ladecision du Conseil sur le fond de l'affaire ne peut s'appuyer sur lespieces qui ont ete apportees par des tiers et dont le caractereconfidentiel a ete accepte, de sorte que les parties notifiantes n'ont puen prendre connaissance (article 57, S: 4, de la LPCE).
32. Dans l'hypothese ou un tiers justifiant d'un interet suffisant pouretre entendu par la chambre du Conseil en vertu de l'article 57, S: 2,alinea 3, premiere phrase, de la LPCE, demande à avoir acces au rapportmotive ou au dossier d'instruction, le Conseil decide quels sont leselements de ce rapport ou dossier qui sont strictement necessaires pourpermettre à ce tiers de faire utilement connaitre son point de vue.
Le Conseil peut entendre les entreprises dont emanent les documents si undoute subsiste concernant le caractere confidentiel de certains documents.
33. A la lumiere de ce qui precede, il convient de repondre à latroisieme question que, dans l'hypothese ou un tiers justifiant d'uninteret suffisant pour etre entendu par la chambre du Conseil en vertu del'article 57, S: 2, alinea 3, premiere phrase, de la LPCE, demande àavoir acces au rapport motive ou au dossier d'instruction, le Conseildecide quels sont les elements de ce rapport ou de ce dossier qui sontstrictement necessaires pour permettre à ce tiers de faire utilementconnaitre son point de vue et statue sur le caractere confidentiel desinformations à l'egard du tiers concerne ou sur le caractere interne auConseil des documents.
Le Conseil peut entendre les entreprises dont emanent les documents si undoute subsiste concernant le caractere confidentiel de ceux-ci.
Sur les depens
34. La procedure n'implique pas de depens taxables devant la Cour decassation.
Par ces motifs,
la Cour dit pour droit :
Quant à la premiere question
Les dispositions legales de la LPCE relatives à la procedure precedant ladecision de la chambre du Conseil de la concurrence prise en vertu del'article 58, S: 1er ou S: 2, de cette loi, notamment l'article 57, S: 2,alinea 3, premiere phrase, et le principe general du droit relatif aurespect des droits de la defense, n'accordent pas en principe, et sousreserve de ce qui sera dit en reponse à la deuxieme question, le droit àun tiers, personne physique ou morale, qui n'est pas partie à laconcentration et qui ne l'a pas notifiee, mais qui justifie d'un interetsuffisant pour etre entendu par la chambre du Conseil, à avoir acces aurapport motive et au dossier d'instruction, ou à l'un d'eux, deposes parl'auditeur au Conseil de la concurrence conformement à l'article 55, S:3, de la meme loi.
Cette reponse n'est pas differente selon que les entreprises parties à laconcentration ont presente des engagements à l'auditeur, conformement àl'article 56, alinea 2, de la loi, visant à obtenir une decisiond'admissibilite prise en vertu de l'article 58, S: 2, alinea 1er, 1DEG, dela loi.
Quant à la deuxieme question
Eu egard au droit d'etre entendu accorde au tiers par l'article 57, S: 2,alinea 3, premiere phrase, de la LPCE, au tiers justifiant d'un interetsuffisant, un droit d'acces au rapport motive ou à certaines parties decelui-ci et au dossier d'instruction ou à certaines pieces qui yfigurent peut, à sa demande, etre accorde à ce tiers par le Conseil dela concurrence, à l'exception toutefois des documents contenant dessecrets d'affaires ou des documents internes du Conseil, et à conditionque ces documents soient strictement necessaires pour permettre à cetiers de faire utilement connaitre son point de vue sur l'operation deconcentration notifiee et sur son impact sur la concurrence.
Quant à la troisieme question
Dans l'hypothese ou un tiers justifiant d'un interet suffisant pour etreentendu par la chambre du Conseil en vertu de l'article 57, S: 2, alinea3, premiere phrase, de la LPCE, demande à avoir acces au rapport motiveou au dossier d'instruction, le Conseil decide quels sont les elements dece rapport ou dossier qui sont strictement necessaires pour permettre àce tiers de faire utilement connaitre son point de vue, et statue sur lecaractere confidentiel des informations à l'egard du tiers concerne ousur le caractere interne au Conseil des documents.
Le Conseil peut entendre les entreprises dont emanent les documents si undoute subsiste concernant le caractere confidentiel de ceux-ci.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, les conseillers Paul Maffei,Christine Matray, Sylviane Velu et Martine Regout, et prononce en audiencepublique du vingt-deux janvier deux mille huit par le president IvanVerougstraete, en presence de l'avocat general delegue Philippe de Koster,avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
* +-----------------------------------------------------+
|-----------+-----------------+-----------------------|
| T. Fenaux | * M. Regout | * S. Velu |
|-----------+-----------------+-----------------------|
| C. Matray | * P. Maffei | * I.Verougstraete |
+-----------------------------------------------------+
22 JANVIER 2008 H.07.0001.F/1