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22/11/2007 | BELGIQUE | N°F.06.0028.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 novembre 2007, F.06.0028.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.06.0028.N

ETAT BELGE (Finances),

contre

1. D. K. A.,

2. V. C.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 13 septembre2005 par la cour d'appel de Gand.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Les faits

Suivant l'arret les faits peuvent etre resumes de la maniere suivante.

Par acte notarie passe le 26 decembre 1996, les defendeurs ont acquis lanue-propriete d'un appart

ement situe dans la Residence Pacific BoulevardSylvain Dupuis nDEG 360 à Anderlecht. Par le meme acte, la societeanonyme New ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.06.0028.N

ETAT BELGE (Finances),

contre

1. D. K. A.,

2. V. C.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 13 septembre2005 par la cour d'appel de Gand.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Les faits

Suivant l'arret les faits peuvent etre resumes de la maniere suivante.

Par acte notarie passe le 26 decembre 1996, les defendeurs ont acquis lanue-propriete d'un appartement situe dans la Residence Pacific BoulevardSylvain Dupuis nDEG 360 à Anderlecht. Par le meme acte, la societeanonyme New Agir (dont les defendeurs sont les seuls actionnaires) ontacquis l'usufruit de cet appartement. Il a ete convenu que l'usufruit dela societe anonyme New Agir prendrait fin apres 10 ans à compter de ladate de l'acte. En outre, la detentrice de l'usufruit pouvait apporter, àses frais, des ameliorations au bien immobilier qui, à la fin del'usufruit, devaient etre attribues sans aucune indemnite, aux defendeurs.La detentrice de l'usufruit est contractuellement obligee de faire lesreparations necessaires et meme les grosses reparations et doit supporterles charges annuelles.

Le prix d'achat total s'elevait à 105.602,64 euros dont les defendeursont paye un montant de 21.120,53 euros pour la nue-propriete et la societeanonyme New Agir 84.482,11 euros pour l'usufruit.

Pour les exercices 1997 et 1998, les defendeurs ont rec,u un avis demodification dans lequel le demandeur a fait application de l'article 344,S: 1er, du Code des impots sur les revenus 1992 et l'acte notarieconcernant l'achat de la nue-propriete et de l'usufruit de l'appartementen question a ete requalifie en achat de la pleine propriete par lesdefendeurs avec location à la societe anonyme New Agir. Le demandeur asuppose que de simples motifs fiscaux constituaient le fondement de l'acteà requalifier et a decide qu'en derogeant aux operations normales (achaten pleine propriete et location) les defendeurs ont voulu eluder l'impotsur les revenus locatifs, respectivement les revenus professionnelsrequalifies. Des lors, les sommes payees par la societe anonyme New Agiront ete considerees comme des loyers et des charges locatives anticipatifspour la duree de l'acte (10 ans) et il y a eu une requalification du loyeren remunerations conformement à l'article 32 du Code des impots sur lesrevenus 1992.

Le 31 decembre 1998, les defendeurs ont acquis de la meme maniere unappartement situe rue Froissart 105 à Bruxelles (les defendeurs ontacquis la nue propriete et la societe New Agir a acquis l'usufruit). Pourdes raisons indentiques à celles des exercices 1997 et 1998, le demandeura procede à la requalification de l'acte en un achat en pleine proprietepar les defendeurs suivi par une location à la societe anonyme New Agir.

III. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen dans sa requete.

Dispositions legales violees

- article 344, S: 1er, du Code des impots sur les revenus 1992 tel qu'iletait applicable pour les exercices 1997, 1998 et 1999.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir declare que le systeme de l'usufruit constitue un moyen etablid'eviter l'impot et apres avoir constate que les actes juridiques poses sesituent dans la sphere economique, l'arret attaque decide que lesdefendeurs ne peuvent echapper à la requalification qu'en apportant lapreuve contraire que la qualification juridique repond à des besoinslegitimes de caractere financier ou economique;

L'Etat belge souscrit à ces conclusions de la cour d'appel ainsi qu'à laconsideration que selon la motivation figurant sous le point B.3.5. del'arret nDEG 188/2004 de la Cour d'arbitrage du 24 novembre 2004 (M.B. du11 janvier 2005) les defendeurs doivent justifier pourquoi ils ont optepour la qualification juridique rejetee par l'administration et non pourla qualification defendue par l'administration.

L'arret attaque enonce toutefois que l'article 344, S: 1er, du Code desimpots sur les revenus 1992 ne peut s'appliquer que si les effetsjuridiques de l'acte juridique pose sont respectes. En d'autres termes,les effets lies à la qualification donnee par les parties à l'acte (...)sont similaires à ceux lies à la qualification qui lui est substitueepar l'administration.

En l'espece, la qualification de bail substituee à celle d'usufruitchoisie par les parties n'a pas les memes effets. Le remplacement de lanotion d'usufruit par celle de bail ne peut se faire sans toucher auxeffets juridiques. Le rapport de propriete est considerablement modifie.Les relations juridiques entre le tiers vendeur et la societe sont aussiconsiderablement negligees. En outre, l'usufruit et le bail sont deuxfigures juridiques distinctes comprenant des droits et obligationsdifferents.

Contrairement au premier juge, la cour d'appel considere que les acteslitigieux ne sont pas susceptibles de differentes qualifications.L'article 344, S: 1er, du Code des impots sur les revenus 1992 laisseintegralement subsister le principe de la voie la moins imposable, leprincipe de droit civil de la liberte de contracter et le principe quel'impot touche la realite (et pas la realite economique).

L'arret attaque declare, des lors, l'appel fonde.

Griefs

L'article 344, S: 1er, du Code des impots sur les revenus 1992 disposeque : « N'est pas opposable à l'administration des contributionsdirectes, la qualification juridique donnee par les parties à un acteainsi qu'à des actes distincts realisant une meme operation lorsquel'administration constate, par presomptions ou par d'autres moyens depreuve vises à l'article 340, que cette qualification a pour but d'eviterl'impot, à moins que le contribuable ne prouve que cette qualificationreponde à des besoins legitimes de caractere financier ou economique ».

Comme la Cour de cassation l'a decide dans son arret du 21 avril 2005(numero de role F.03.0065.F) cette disposition permet à l'administrationde requalifier dans son ensemble l'operation qui a ete artificiellementdecomposee en actes distincts, afin que soit imposee l'operation que lesparties ont reellement conclue.

Dans l'arret du 4 novembre 2005 (numero de role F.04.0056.F) la Cour decassation a aussi decide qu'il ressort du texte de l'article 344, S: 1er,du Code des impots sur les revenus 1992 ainsi que des travauxparlementaires de la loi du 22 juillet 1993 qui a insere cette dispositiondans le Code des impots sur les revenus 1992 que seule la qualificationd'un acte peut etre rendue inopposable à l'administration fiscale etcelle-ci ne peut lui donner une autre qualification qu'en respectant leseffets juridiques de cet acte.

Il ressort aussi de ce dernier arret que le juge du fond doit examiner siles effets de l'acte nouvellement qualifie et ceux de l'acte qualifieinitialement sont similaires, selon l'expression utilisee par cet arret.

En supposant dans l'arret attaque que les effets lies à la qualificationdonnee à l'acte par les parties doivent etre identiques à ceux lies àla qualification qui lui est substituee par l'administration, alors que laCour de cassation ne requiert qu'une similarite entre les effetsjuridiques et en n'examinant pas concretement la similarite des effetsjuridiques de l'acte qualifie initialement et de l'acte requalifie parl'administration, l'arret attaque viole l'article 344, S: 1er, du Code desimpots sur les revenus 1992 tel qu'il etait applicable pour les exercices1997, 1998 et 1999.

IV. La decision de la Cour

Sur la fin de non-recevoir :

1. Les defendeurs invoquent que le pourvoi en cassation est irrecevable enapplication de l'article 378 du Code des impots sur les revenus 1992. Ilsconsiderent qu'en matiere fiscale l'Etat belge ne peut former un pourvoien cassation recevable que si la requete est signee et deposee par unavocat ou un avocat à la Cour de cassation.

2. L'article 1080 du Code judiciaire prevoit notamment que la requete parlaquelle le pourvoi en cassation est forme est signee tant sur la copieque sur l'original par un avocat à la Cour de cassation. Par derogationà cette disposition, l'article 378 du Code des impots sur les revenus1992, tel qu'il a ete remplace par la loi du 27 decembre 2004, prevoit quela requete introduisant le pourvoi en cassation et la reponse au pourvoipeuvent etre signes et deposes par un avocat. Il s'ensuit qu'en matiered'impots sur les revenus, la requete introduisant le pourvoi en cassationet le memoire en reponse du contribuable doivent, en tout cas, etre signeset deposes par un avocat.

3. En vertu de l'article 379 du Code des impots sur les revenus 1992applicable en l'espece, dans les contestations relatives à l'applicationd'une loi d'impot, la comparution en personne au nom de l'Etat peut etreassuree par tout fonctionnaire d'une administration fiscale.

4. Il ressort de cette disposition legale que l'Etat belge estlegitimement represente par un fonctionnaire d'une administration fiscaleau cours de chaque phase d'une contestation relative à l'applicationd'une loi d'impot. Des lors, en matiere d'impots sur les revenus larequete introduisant le pourvoi en cassation de l'Etat belge peut etresignee et deposee par un fonctionnaire d'une administration fiscale.

La fin de non-recevoir opposee au pourvoi ne peut etre accueillie.

Sur le moyen meme :

5. En vertu de l'article 344, S: 1er, du Code des impots sur les revenus1992 n'est pas opposable à l'administration des contributions directes,la qualification juridique donnee par les parties à un acte ainsi qu'àdes actes distincts realisant une meme operation lorsque l'administrationconstate, par presomptions ou par d'autres moyens de preuve vises àl'article 340 du meme code que cette qualification a pour but d'eviterl'impot, à moins que le contribuable ne prouve que cette qualificationrepond à des besoins legitimes de caractere financier ou economique.

6. En application de cette disposition legale l'administration descontributions directes peut requalifier dans son ensemble l'operation quia ete artificiellement decomposee en actes distincts et modifier ainsi laqualification qui a ete donnee par les parties à chaque acte distinctlorsqu'elle constate que les actes visent la meme operation d'un point devue economique. Elle peut etablir l'impot sur la base de cette nouvellequalification, à moins que le contribuable ne prouve que cettequalification reponde à des besoins legitimes de caractere financier oueconomique.

L'administration ne peut toutefois proceder à la requalification del'operation que si la nouvelle qualification a des effets juridiques nonfiscaux similaires resultat final des actes juridiques poses par lesparties.

7. Les juges d'appel ont constate en fait que la qualification de bail quia ete substituee à la qualification d'usufruit choisie par les partiesn'a pas les memes effets, que le rapport de propriete a eteconsiderablement modifie et que les relations juridiques entre le tiersvendeur et la societe sont aussi negliges.

Ils ont considere sur cette base que les actes contestes ne sont passusceptibles de faire l'objet de differentes qualifications de sorte quel'article 344, S: 1er, du Code des impots sur les revenus 1992 ne peuts'appliquer.

8. L'arret justifie ainsi legalement sa decision.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, le president de section EdwardForrier, les conseillers Luc Huybrechts, Eric Dirix et Pierre Cornelis, etprononce en audience publique du vingt-deux novembre deux mille sept parle president Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat general DirkThijs, avec l'assistance du greffier adjoint Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du president Ivan Verougstraete ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le president,

22 NOVEMBRE 2007 F.06.0028.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.06.0028.N
Date de la décision : 22/11/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-11-22;f.06.0028.n ?
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