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08/11/2007 | BELGIQUE | N°C.05.0567.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 novembre 2007, C.05.0567.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.05.0567.N

KRIGORI, societe anonyme,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

V. L.,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 juin 2005 parla cour d'appel de Bruxelles.

Le premier president Ghislain Londers a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes

suivants :

Dispositions legales violees

- articles 18, specialement S: 3, 19, 20, specialement alinea 5, 1DEG, 24,specialemen...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.05.0567.N

KRIGORI, societe anonyme,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

V. L.,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 juin 2005 parla cour d'appel de Bruxelles.

Le premier president Ghislain Londers a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 18, specialement S: 3, 19, 20, specialement alinea 5, 1DEG, 24,specialement S: 2, de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agencecommerciale ;

- article 1134 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

Les juges d'appel ont declare la demande du defendeur tendant à lacondamnation de la demanderesse au paiement d'une indemnite de preavis etau paiement d'une indemnite d'eviction fondee, ont condamne lademanderesse sur cette base au paiement au defendeur de respectivement2.285,20 euros à titre d'indemnite de preavis et de 6.500 euros à titred'indemnite d'eviction, les deux montants etant majores des interets etils ont rejete comme non fondee la demande de la demanderesse tendant àla condamnation du defendeur au paiement de dommages-interets pour causede violation de la clause de non-concurrence, par les motifs suivants :

« 3. Indemnite de preavis.

La (demanderesse) conteste que - comme l'a considere le premier juge -elle aurait mis fin au contrat d'agence commerciale en violation del'article 19 de la loi du 13 avril 1995 et qu'elle serait des lorsredevable d'une indemnite compensatoire egale à un mois de commissionsmoyennes.

La (demanderesse) pretend qu'elle a respecte le delai legal de sept joursouvrables entre la connaissance du manquement grave ou des circonstancesexceptionnelles mentionnes à l'article 19 de la loi du 13 avril 1995, etla resiliation.

A cet effet elle dement en degre d'appel les declarations faites par sonadministrateur delegue à l'audience du 20 novembre 2000 - cites par lepremier juge dans le jugement a quo - (...) dont il ressort que depuisplusieurs semaines celui-ci avait dejà connaissance des faits invoques,avant de resilier le contrat d'agence commerciale sans preavis le 24septembre 1999.

Elle invoque egalement l'existence de pretendues `circonstancesaggravantes' (specialement la vente d'un velo et de differentes piecesd'un concurrent immediat) impliquant, en cas de faits consecutifs, que ledelai de sept jours ouvrables ne prendrait cours qu'à partir de laconnaissance de ces circonstances aggravantes.

L'argument precedent ne permet toutefois pas à la (demanderesse) d'eviterle formalisme de l'article 19, alinea 2.

Le delai de sept jours ouvrables commence à courir des le moment ou lapartie qui resilie a suffisamment de certitude quant aux faits,accompagnes de circonstances aggravantes, qui constituent selon elle unmanquement suffisamment grave.

Dans sa declaration devant le premier juge, l'administrateur delegue de la(demanderesse) a confirme qu'au moment de la resiliation du contrat elleavait connaissance depuis plusieurs semaines des faits qu'elle consideraitcomme un manquement grave et il n'a pas fait mention de faits decouvertsulterieurement.

La (demanderesse) ne rend pas plausible que le premier juge a rendu comptede cette declaration de maniere erronee.

En outre, la cour d'appel constate que la (demanderesse) elle-memequalifie et a dejà qualifie de manquement grave la vente en nom proprepar le (defendeur) de produits concurrentiels et qu'il etait connu avecsuffisamment de certitude plus de sept jours ouvrables avant laresiliation et que, des lors, dans les circonstances presentes, il n'yavait pas lieu d'attendre de nouveaux faits ou des preuvessupplementaires.

Des lors, la cour d'appel constate avec le premier juge que la resiliationdu contrat d'agence commerciale par la (demanderesse) n'a pas eu lieuconformement à l'article 19, alinea 2, de la loi du 13 avril 1995 et quele (defendeur) a des lors droit à l'indemnite de preavis d'un mois prevuepar le contrat d'agence commerciale et par la loi relative au contratd'agence commerciale, calculee sur la base des commissions moyennes durantles mois precedant la resiliation.

Suivant les chiffres communiques par la (demanderesse) et non contestespar le defendeur, cette indemnite s'eleve à 2.285,20 euros.

(...)

5. Indemnite d'eviction.

Le (defendeur) reclame une indemnite d'eviction estimee à 36.000 euros.

Des lors que la (demanderesse) n'a pas resilie le contrat d'agencecommerciale conformement à l'article 19, alinea 2 de la loi du 13 avril1995 - voir supra : les faits justifiants la resiliation lui etaientconnus depuis plus de sept jours ouvrables - elle ne peut invoquerl'article 20, alinea 5, 1DEG de cette loi afin d'affirmer que l'indemnited'eviction n'est pas due.

Eu egard à la presence d'une clause de non-concurrence dans le contratd'agence commerciale, il y a lieu de presumer en vertu des articles 24, S:3, et 20, alinea 2, de la loi du 13 avril 1995 que le (defendeur) aapporte une clientele qui pouvait encore rapporter des avantagessubstantiels à la (demanderesse) apres la resiliation du contrat.

Cette derniere n'apporte pas la preuve contraire.

Eu egard aux pieces produites (liste de la clientele au debut de l'agencecommerciale et etats des commissions) et à defaut de criteres dechiffrage plus adequats, il y lieu de fixer equitablement le montant del'indemnite d'eviction à la somme de 6.500 euros.

B. La demande de la (demanderesse).

La demande de dommages-interets pour cause de violation de la clause denon-concurrence.

Le contrat d'agence commerciale conclu entre les parties contient uneclause de non-concurrence (article 25) qui est libelle comme suit :

`Durant six mois apres la cessation de l'agence commerciale, il estinterdit à l'agent commercial de negocier ou conclure des affaires dememe type dans la region ou avec la clientele, sous peine dedommages-interets equivalents à une annee de remuneration calculeed'apres la moyenne des cinq dernieres annees ou, si la duree du contratd'agence commerciale est inferieure à cinq ans, d'apres la moyenne desannees precedentes, sans prejudice d'une reparation superieure si lecommettant en justifie l'existence'.

Cette clause de non-concurrence satisfait aux conditions de validitedeterminees à l'article 24 de la loi du 13 avril 1995.

Vu que la (demanderesse) a resilie le contrat d'agence commerciale, maispas comme il est prevu à l'article 19 de la loi du 13 avril 1995 - voirsupra : les faits justifiants la resiliation lui etaient connus depuisplus de sept jours ouvrables - la clause de non-concurrence ne produit passes effets en vertu de l'article 24, S: 2, de cette loi, de sorte que surla base de cette clause, l'indemnite reclamee ne peut pas etreaccordee ».

Griefs

Premiere branche

Conformement à l'article 19 de la loi du 13 avril 1995 relative aucontrat d'agence commerciale, chacune des parties peut resilier le contratsans preavis ou avant l'expiration du terme en raison d'un manquementgrave de l'autre partie à ses obligations. Le contrat ne peut plus etreresilie sans preavis ou avant l'expiration du terme, lorsque le fait quil'aurait justifie est connu de la partie qui l'invoque depuis sept joursouvrables au moins.

Sur la base de l'article 18, S: 3, de ladite loi, la partie qui resilie lecontrat en raison d'un manquement grave n'est pas tenue de payer uneindemnite de preavis. Sur la base de l'article 20, alinea 5, 1DEG, decette meme loi, l'indemnite d'eviction n'est pas due si le commettant amis fin au contrat en raison d'un manquement grave prevu à l'article 19,alinea 1er, imputable à l'agent.

Lorsque le manquement grave justifiant la resiliation sans preavisconsiste en un manquement persistant de l'agent commercial, le commettantpeut toutefois resilier le contrat sur-le-champ tant que ce manquementpersiste et au plus tard dans les sept jours ouvrables apres que ce faitsoit connu du commettant.

En l'espece, la demanderesse a invoque de maniere circonstanciee dans sesconclusions d'appel que :

« (...) en cas de faits consecutifs, le delai de sept jours ouvrables neprend cours qu'à partir de la connaissance des circonstancesaggravantes ;

Qu'en l'espece l'on a d'abord appris que le (defendeur) facturait desbiens concurrentiels en nom propre à la clientele de la (demanderesse) etl'on a en outre appris un peu plus tard qu'il agissait egalement pour unconcurrent proche dont il vendait les produits à la clientele de lademanderesse ;

Qu'il est en effet etabli que le (defendeur) a vendu au moins un velo etdifferentes pieces sur ordre de la s.p.r.l. Formula Cycling, un concurrentimmediat de la (demanderesse).

Que le (defendeur) admet ceci dans sa requete d'appel, mais qu'il tentepar maints detours d'affirmer qu'un velo de prix inferieur ne constituepas un produit concurrentiel pour le commerce de la demanderesse ;

Que la constatation de cette circonstance aggravante a prevaludefinitivement en ce qui concerne la resiliation immediate du contratd'agence commerciale sur la base de l'article 21 du contrat afferent entreles parties ;

Qu'il s'agissait en l'espece de faits nouveaux ayant pour effet, avec lesfaits plus anciens, de rendre exceptionnels le manquement ou lacirconstance, nonobstant le caractere dejà grave des faits anterieurs.

Que meme s'il etait retenu que la resiliation sur-le-champ n'a pas eu lieudans les sept jours depuis la premiere prise de connaissance, lirepresomption, d'irregularites dans le chef du (defendeur), quod non, et quececi est en outre exige dans le cadre de l'article 19 de la loi du 13avril 1995, une resiliation sur-le-champ du contrat est malgre toutlegalement justifiee des lors que la denonciation a en tout cas ete faitedans les sept jours de la connaissance des circonstances aggravantesprecitees.

Des lors, la (demanderesse) n'a pas viole l'article 19 de la loi du 13avril 1995 et c'est a juste titre qu'elle a resilie le contrat sanspreavis ou indemnite de preavis pour cause de violation de la clause denon-concurrence, tel que prevu à l'article 25 du contrat d'agencecommerciale ».

Les juges d'appel ont considere que le delai de sept jours ouvrablescommence à courir à partir du moment ou la partie qui resilie asuffisamment de certitude quant aux faits, accompagnes de circonstancesaggravantes, qui constituent selon elle un manquement suffisamment grave.Ils ont en outre constate que dans sa declaration devant le premier juge,l'administrateur delegue de la demanderesse a confirme qu'au moment de laresiliation du contrat il avait connaissance depuis plusieurs semaines desfaits qu'elle considerait comme un manquement grave et il n'a pas faitmention de faits decouverts ulterieurement. La cour d'appel constate enoutre que la demanderesse elle-meme qualifie et a dejà qualifie demanquement grave la vente en nom propre par le defendeur de produitsconcurrentiels et qu'elle etait connue avec suffisamment de certitude plusde sept jours ouvrables avant la resiliation et que, des lors, dans lescirconstances presentes, il n'y avait pas lieu d'attendre de nouveauxfaits ou des preuves supplementaires. Les juges d'appel ont decide que lademanderesse n'a pas procede à une resiliation sans preavis reguliere enraison de manquements graves, au seul motif que la demanderesse nedemontre pas que la resiliation a eu lieu dans les sept jours ouvrablesdepuis qu'elle avait une connaissance suffisante des faits invoques.

Les juges d'appel n'ont pas verifie et ils n'ont nullement constate que ledefendeur avait mis fin à la vente de produits concurrentiels plus desept jours ouvrables avant la resiliation du contrat en raison d'unmanquement grave. Il s'ensuit qu'en decidant que la vente de produitsconcurrentiels par le defendeur etait connue de la demanderesse avecsuffisamment de certitude plus de sept jours ouvrables avant laresiliation et que, des lors, dans les circonstances presentes, il n'yavait pas lieu d'attendre de nouveaux faits ou des preuves supplementaireset qu'à ce motif, la resiliation faite sur la base d'un manquement graveest non valable, les juges d'appel n'ont pas legalement justifie leurdecision, des lors qu'ils n'ont pas constate que le defendeur avait misfin aux manquements qui lui etaient reproches plus de sept jours ouvrableavant la resiliation et par cette decision ils ont egalement viole ledroit de principe de la demanderesse de decider en personne quand lacollaboration n'est plus possible et de resilier des lors le contratd'agence commerciale en raison d'un manquement grave. Ceci est d'autantplus vrai des lors que la demanderesse avait precisement invoque que lavente par le defendeur de produits d'un concurrent immediat avaitdefinitivement prevalu (violation de l'article 19 de la loi du 13 avril1995 relative au contrat d'agence commerciale). Il s'ensuit que les jugesd'appel n'ont pas legalement condamne la demanderesse au paiement d'uneindemnite de preavis (violation des articles 18, S: 3, et 19 de la loi du13 avril 1995).

(...)

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

1. L'article 19, alinea 1er, de la loi du 13 avril 1995 relative aucontrat d'agence commerciale, dispose que chacune des parties peut, sousreserve de tous dommages-interets, resilier le contrat sans preavis ouavant l'expiration du terme, lorsque des circonstances exceptionnellesrendent definitivement impossible toute collaboration professionnelleentre le commettant et l'agent ou en raison d'un manquement grave del'autre partie à ses obligations.

L'alinea 2 de l'article precite dispose que le contrat ne peut plus etreresilie sans preavis ou avant l'expiration du terme, lorsque le fait quil'aurait justifie est connu de la partie qui l'invoque depuis sept joursouvrables au moins.

En vertu de l'article 18, S: 3, de la loi du 13 avril 1995, la partie quiresilie le contrat sans invoquer un des motifs prevus à l'article 19,alinea 1er, ou sans respecter le delai de preavis fixe au S: 1er, alinea2, est tenue de payer à l'autre partie une indemnite egale à laremuneration en cours correspondant soit à la duree du preavis, soit àla partie de ce delai restant à courir.

2. Il suit des dispositions legales precitees que lorsque le commettantresilie le contrat sans preavis ou avant l'expiration du terme en raisonde manquements graves qui lui sont connus depuis plus de sept joursouvrables, il est tenu de payer une indemnite de preavis à l'agentcommercial.

Le fait qui donne lieu à la resiliation sans preavis ou avantl'expiration du terme du contrat d'agence commerciale conformement àl'article 19, alinea 2, de la loi du 13 avril 1995, est connu ducommettant lorsque celui-ci a acquis quant à l'existence du fait et descirconstances qui peuvent constituer un motif de resiliation sans preavissuffisamment de certitude pour pouvoir prendre une decision enconnaissance de cause, specialement pour fonder sa propre conviction ainsiqu'à l'egard des autres parties et de la justice.

Ceci est egalement le cas lorsque les manquements graves justifiant laresiliation sans preavis persistent entre le moment ou ils sont connus ducommettant au sens precite et la resiliation du contrat.

3. Le moyen, en cette branche, qui suppose que lorsque le manquement gravejustifiant la resiliation sans preavis ou avant l'expiration du termeconsiste en un manquement persistant de la part de l'agent commercial, lecommettant peut toujours resilier le contrat dans le delai legal tant quece manquement persiste, manque en droit.

(...)

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le premier president Ghislain Londers, les conseillers EtienneGoethals, Eric Dirix, Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, et prononce enaudience publique du huit novembre deux mille sept par le premierpresident Ghislain Londers, en presence de l'avocat general ChristianVandewal, avec l'assistance du greffier adjoint Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du premier president Ghislain Londers et transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le premier president,

8 NOVEMBRE 2007 C.05.0567.N/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 08/11/2007
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.05.0567.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-11-08;c.05.0567.n ?
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