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02/11/2007 | BELGIQUE | N°C.05.0379.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 novembre 2007, C.05.0379.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.05.0379.F

 1. V. A. et

 2. D. A.,

demandeurs en cassation,

représentés par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il estfait élection de domicile,

contre

 1. S. J. et

 2. L. L.,

défendeurs en cassation,

représentés par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est faitélection de domicile.


I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 18 avril 2005par la cour d'appel de Liège.

Le conseille...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.05.0379.F

 1. V. A. et

 2. D. A.,

demandeurs en cassation,

représentés par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il estfait élection de domicile,

contre

 1. S. J. et

 2. L. L.,

défendeurs en cassation,

représentés par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est faitélection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 18 avril 2005par la cour d'appel de Liège.

Le conseiller Christine Matray a fait rapport.

L'avocat général délégué de Koster a conclu.

II. Le moyen de cassation

Les demandeurs présentent un moyen libellé dans les termes suivants :

Disposition légale violée

Article 1347 du Code civil.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt, par confirmation du jugement dont appel, condamne les demandeursà payer diverses sommes aux défendeurs, étant les intérêts dus par lesdemandeurs sur divers prêts qui leur ont été consentis par les défendeurset le remboursement, en principal, de ces prêts.

La cour d'appel refuse de déduire de la condamnation prononcée diverspaiements que les demandeurs soutenaient avoir effectués et dont la preuverésultait, selon eux, de 72 lettres de change qu'ils ont versées auxdébats, par les motifs suivants :

« (Le demandeur) verse aux débats la photocopie de 72 lettres de change -dont la plupart sont antérieures à l'année 1983 et ne concernent enconséquence pas le présent litige - incomplètes (aucune mention relativeau tireur, aucune mention relative à la date et au lieu d'émission de latraite, ...), qui n'ont pas été présentées ;

Le seul fait d'avoir accepté ce titre n'établit pas, dans le chef (desdemandeurs), les paiements allégués ;

A cet égard, tant la demande d'expertise graphologique que la comparutionpersonnelle des parties sollicitée sont dénuées de toute pertinence ».

Griefs

Les demandeurs avaient soutenu en conclusions, s'agissant de ces lettresde change,

« Qu'il est primordial de tenir compte des lettres de change sus-vantées ;

Qu'en effet, il appartient de savoir que sur chacune d'entre elles figurel'écriture de (la défenderesse) elle seule (hormis la signature du[demandeur] et de feu son père), cette dernière ayant pour coutume de seservir de ces documents en tant que carnet à souche dont l'import totaléquivalait aux diverses sommes empruntées ;

Qu'en fonction d'une pratique sui generis, chaque écrit était remis enmains propres au (demandeur) à titre de valeur libératoire et probatoire ;

(…)

Que ces documents ne peuvent être écartés des débats ;

Qu'à titre subsidiaire, vu la position adverse récurrente, il va de soique la cour [d'appel] disposera de l'opportunité de faire appel à unexpert en graphologie afin d'établir à quelle(s) partie(s) appartientl'écriture des montants, présente sur les lettres de change».

Précédemment, dans leurs conclusions, les demandeurs avaient reconnu qu'enraison de l'absence des mentions prescrites à peine de nullité, leslettres de change litigieuses « ne peuvent nullement être analysées entant qu'effets de commerce » mais ajoutaient « que tant la jurisprudenceque la doctrine s'accordent pour reconnaître à de tels actes, imparfaitsen tant qu'instrumentum, un commencement de preuve par écrit valantindubitablement negotium ».

Dans leur requête d'appel (à laquelle se réfèrent expressément leursconclusions), les demandeurs, après avoir énuméré les lettres de changelitigieuses, dont le montant total s'élevait à 731.228 francs ou 18.126,67euros, avaient énoncé :

« Que tous (…) ces documents ont été chaque fois rédigés de la main mêmede (la défenderesse) (`élément capital !!!'), ce à l'exception bienentendu des signatures émanant des (demandeurs) ;

(…)

Que, quand bien même la cour [d'appel] ferait sienne l'argumentationdéveloppée en première instance par les (défendeurs) et tendant [à] dénierà ces écrits le caractère d'effets de commerce, il s'avère illogique de nepas les prendre en considération ;

Que les (demandeurs) estiment que de par leur instrumentum, ces écritss'apparentent à des commencements de preuve par écrit valant negotium ;

Que l'article 1347 du Code civil prévoit expressément ce genre d'hypothèsedestinée à rendre vraisemblable un fait allégué ou à créer ne fût-cequ'une simple apparente vérité : [...] ;

Que c'est dès lors à tort que les lettres de change produites furentrejetées des débats pour des motivations par trop synthétiques ;

Qu'un complément de preuve doit dès lors être admis sans opposition (...),ce si l'on sait que l'on a ici affaire à des tractations entre fermiers,lesquels ont souvent recours à des pratiques sui generis aux antipodes despratiques du monde du commerce ;

(…)

Que la cour [d'appel] disposera naturellement si elle le souhaite del'occasion de demander la comparution personnelle du (demandeur), chosequi ne manquera certainement pas de l'éclairer quant à la véracité de cesactes ;

Ce sans compter l'hypothèse d'une demande d'expertise graphologiquedestinée à prouver que les lettres de change versées aux débats n'émanentpoint des seuls (demandeurs) ».

Dans le dispositif de leurs conclusions, les demandeurs demandaient à lacour d'appel d'ordonner une expertise graphologique, mission étant confiéeà l'expert de « déterminer l'identité du ou des auteurs ayant rédigé lessommes d'argent et les mois inscrits sur les lettres de change produitesaux débats par les (demandeurs) ».

Si, aux termes de l'article 1341 du Code civil, un acte juridique ne peutêtre prouvé (dès lors qu'il porte sur une valeur ou un montant supérieur à375 euros) que par un écrit conforme aux conditions énoncées, encore cetterègle reçoit-elle exception, par application de l'article 1347 du mêmecode, « lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit », étant« tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande estformée (...) et qui rend vraisemblable le fait allégué ».

La forme d'un tel écrit est sans incidence sur l'application de la règle :une lettre de change, même incomplète, même non présentée, étant un écritau sens du texte. Il n'est pas requis que l'écrit soit signé par la partieà laquelle il est opposé, dès lors qu'il est « émané » de cette partie etil en est ainsi notamment lorsqu'il est rédigé de la main de cette partie.

Le caractère probant de cet écrit n'est pas altéré par la circonstance quela signature de la partie qui invoque l'écrit figure sur cet écrit.

Il n'est pas requis, pour que l'article 1347 du Code civil trouveapplication, que l'écrit établisse le fait considéré : il faut mais ilsuffit qu'il rende ce fait « vraisemblable », la partie à qui en incombela charge étant alors reçue à apporter la preuve de ce fait par toutesvoies de droit.

Il s'ensuit qu'en refusant d'avoir égard aux lettres de change litigieusespar les constatations que les lettres sont incomplètes et n'ont pas étéprésentées et la considération que « le seul fait d'avoir accepté ce titren'établit pas, dans le chef des (demandeurs), les paiements allégués » eten déniant aux demandeurs le droit d'apporter la preuve, comme ils lesoutenaient en conclusions, que ces lettres de change, que les demandeursinvoquaient comme éléments de preuve de divers paiements effectués auxdéfendeurs à l'acquit de leur dette, avaient été rédigées de la main de ladéfenderesse, écartant comme « dénuées de toute pertinence » l'expertisegraphologique et la comparution personnelle des parties sollicitées parles demandeurs, l'arrêt méconnaît la notion de « commencement de preuvepar écrit » visée à l'article 1347 du Code civil et viole en conséquencecette disposition légale.

Si l'arrêt constate que les lettres sont produites en photocopie, encorecette circonstance ne paraît-elle nullement déterminante du refus de lacour d'appel d'avoir égard aux lettres et, en conséquence, cetteénonciation est-elle sans incidence sur la décision. En tout état decause, dès lors que les demandeurs avaient laissé entendre qu'ilsdétenaient les originaux des lettres et les tenaient à disposition (ce queconfirme leur demande que soit ordonnée une expertise graphologique,laquelle ne saurait porter que sur l'original de documents), l'arrêt nepouvait refuser d'avoir égard à ces lettres, pour cette raison, sauf àméconnaître, à nouveau, le même article 1347 du Code civil.

Même si l'arrêt relève que « la plupart » des lettres sont étrangères aulitige, encore l'illégalité dénoncée serait-elle avérée à tout le moinspour les autres lettres.

III. La décision de la Cour

L'article 1347, alinéa 2, du Code civil considère comme commencement depreuve par écrit tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequella demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rendvraisemblable le fait allégué.

Le juge du fond apprécie souverainement si l'acte qui lui est soumis rendvraisemblable le fait allégué et constitue, dès lors, un commencement depreuve par écrit, la Cour ayant le pouvoir de vérifier si le juge n'a pasméconnu cette notion légale.

L'arrêt constate que le demandeur « verse au débat la photocopie de 72lettres de change - dont la plupart sont antérieures à l'année 1983 et neconcernent en conséquence pas le présent litige - incomplètes (aucunemention relative au tireur, aucune mention relative à la date et au lieud'émission de la traite), qui n'ont pas été présentées ».

En énonçant que « le seul fait d'avoir accepté ce[s] titre[s] n'établitpas dans le chef des [demandeurs] les paiements allégués », l'arrêtconsidère, sur la base d'une appréciation qui gît en fait des élémentsconstatés par la cour d'appel, que les documents litigieux n'établissentpas la vraisemblance des paiements allégués.

L'arrêt a dès lors pu légalement décider, d'une part, que ces documents neconstituaient pas un commencement de preuve par écrit et en déduire,d'autre part, que l'expertise graphologique et la comparution personnelledes parties sollicitées par les demandeurs « étaient dénuées de toutepertinence ».

Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de six cent soixante euros neuf centimesenvers les parties demanderesses et à la somme de cinq cent trente-troiseuros soixante-trois centimes envers les parties défenderesses.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président Christian Storck, les conseillers Albert Fettweis,Christine Matray, Sylviane Velu et Philippe Gosseries, et prononcé enaudience publique du deux novembre deux mille sept par le présidentChristian Storck, en présence de l'avocat général délégué Philippe deKoster, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

2 NOVEMBRE 2007 C.05.0379.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.05.0379.F
Date de la décision : 02/11/2007

Analyses

PREUVE - MATIERE CIVILE - Preuve littérale


Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-11-02;c.05.0379.f ?
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