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29/06/2007 | BELGIQUE | N°D.06.0012.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 juin 2007, D.06.0012.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG D.06.0012.N

R.E.,

Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,

contre

ORDRE DES MEDECINS

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre la decision rendue le 22 mai2006 par le conseil d'appel de l'Ordre des medecins, d'expressionneerlandaise.

Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.

L'avocat general Guy Dubrulle a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants.

Dispositions le

gales violees

- article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, signee le 4 nove...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG D.06.0012.N

R.E.,

Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,

contre

ORDRE DES MEDECINS

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre la decision rendue le 22 mai2006 par le conseil d'appel de l'Ordre des medecins, d'expressionneerlandaise.

Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.

L'avocat general Guy Dubrulle a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants.

Dispositions legales violees

- article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, signee le 4 novembre 1950, approuvee par la loi du13 mai 1955 ;

- principe general du droit relatif à la presomption d'innocence ;

- article 6 de l'arrete royal nDEG 79 du 10 novembre 1967 relatif àl'Ordre des medecins.

Decisions et motifs critiques

La decision attaquee : « Annule la decision attaquee. Statuant à lamajorite des deux/tiers des voix des membres presents lors de ladeliberation : declare les faits des preventions etablis. Ordonne laradiation du demandeur de la liste de l'Ordre des medecins ».

Sur la base des motifs figurant pages 4 et 5 :

« Les faits commis constituent en soi une atteinte grave portee àl'honneur et à la dignite de la profession medicale. Le demandeur a dejàfait l'objet de poursuites disciplinaires. Le conseil d'appel est tenud'intervenir et de prendre ses responsabilites afin de prevenir larecidive de tels faits. Ni le corps medical ni les patients ne profitentd'un tel exercice de l'art de guerir. A ce propos, il est encore faitreference à l'acte d'appel redige de la main du demandeur dans lequel ilinvoque qu'il doit comparaitre bientot devant le tribunal correctionnel duchef d'une double plainte `dont une concerne un homicide involontaire'. Ila confirme, sur interpellation à ce propos, qu'il a ete renvoye devant letribunal par la chambre du conseil et il a declare, sans entrer dans lesdetails, qu'il ne s'agissait pas d'un accident mais bien de l'exercice dela profession. L'ensemble de ces elements revele une dangerositeparticuliere de l'interesse. Les interets de la societe et les sienspropres requierent qu'il n'exerce plus l'art de guerir avec tous lesrisques et les dangers qui y sont lies ».

Griefs

En matiere disciplinaire, tout comme en matiere repressive, lors del'appreciation de la sanction à infliger, le juge du fond peut, enprincipe, tenir compte de tous les elements propres à la personnepoursuivie, mais il ne peut impliquer dans sa decision des faitspunissables et/ou pouvant etre poursuivis disciplinairement pour lesquelsla responsabilite de cette personne n'est pas irrevocablement etablie.

La presomption d'innocence, en vertu de laquelle une personne est declareeinnocente jusqu'à sa condamnation par une decision passee en force dechose jugee, s'y oppose.

Les juges d'appel ont deduit « la dangerosite particuliere dudemandeur », qui requiert sa radiation, « de l'ensemble de ceselements », soit non seulement « les faits commis en soi » mais aussila constatation que « le demandeur a dejà ete poursuividisciplinairement » et la reference à la circonstance que « ledemandeur a ete renvoye par la chambre du conseil » « du chef d'homicideinvolontaire » commis dans « l'exercice de sa profession ».

Il ne peut resulter d'aucune piece à laquelle la Cour peut avoirregulierement egard qu'une condamnation irrevocable du demandeur danscette procedure repressive etait soumise au conseil d'appel.

Il s'ensuit que la decision attaquee radie illegalement le demandeur de laliste de l'Ordre des medecins en fixant cette sanction disciplinaire aussien fonction de faits poursuivis penalement, à propos desquels laresponsabilite du demandeur n'a pas encore ete etablie de maniereirrevocable (violation de l'article 6.2 de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertes fondamentales, du principe general dudroit relatif à la presomption d'innocence et de l'article 6, 2DEG, del'arrete royal nDEG 79).

III. La decision de la Cour

En vertu de l'article 6, S: 2, de la Convention de sauvegarde des droitsde l'homme et des libertes fondamentales et du principe general du droitrelatif à la presomption d'innocence, toute personne qui est poursuiviedu chef d'un fait punissable est presumee innocente jusqu'à ce que saculpabilite soit etablie en vertu de la loi.

Cette regle et ce principe s'appliquent dans les procedures disciplinaireslorsque la procedure qui est menee concretement donne lieu ou peut donnerlieu à la radiation de celui qui exerce la profession.

2. La presomption d'innocence n'empeche pas que lors de la determinationdu taux d'une sanction disciplinaire, eu egard à l'importance d'une bonneadministration des soins de sante, le juge disciplinaire tienne compted'elements ou de faits qui lui ont ete regulierement communiques.

Il y a violation de cette presomption d'innocence lorsqu'une decisionjuridictionnelle admet qu'une personne s'est rendue coupable d'un faitpunissable, alors que sa culpabilite n'est pas ou n'est pas encore etablieconformement aux regles legales et que cela constitue le fondement decette decision.

3. La decision attaquee constate que :

- les faits mis à charge du demandeur sont particulierement graves etleur gravite a ete confirmee en toute serenite par toutes les partiesinteressees qui ont ete entendues à l'audience ;

- les faits commis constituent une atteinte grave portee à l'honneur età la dignite de la profession medicale ;

- le demandeur a dejà fait l'objet de poursuites disciplinaires et leconseil d'appel est tenu d'intervenir et de prendre ses responsabilitesafin de prevenir la recidive de tels faits;

- ni le corps medical ni les patients ne profitent d'un tel exercice del'art de guerir ;

- le demandeur invoque qu'il doit comparaitre devant le tribunalcorrectionnel du chef d'une double plainte dont une des plaintes concerneun homicide involontaire et il confirme qu'il a ete renvoye devant letribunal correctionnel par la chambre du conseil et que les faits neconcernent pas un accident mais l'exercice de sa profession.

L'arret attaque considere ensuite que l'ensemble de ces elements reveleune dangerosite particuliere de l'interesse et que les interets de lasociete et ceux du demandeur requierent qu'il n'exerce plus l'art deguerir avec tous les risques et les dangers qui y sont lies.

4. Il s'ensuit que la decision attaquee fonde aussi la sanctiondisciplinaire de la radiation sur des faits qui ne font pas l'objet depoursuites disciplinaires mais du chef desquels le demandeur est poursuivipenalement et à propos desquels le juge penal n'a pas encore statuedefinitivement.

En decidant ainsi, la decision attaquee viole l'article 6 de la Conventionde sauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales etmeconnait le principe general du droit relatif à la presomptiond'innocence.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse la decision attaquee ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de la decisionattaquee ;

Condamne le defendeur aux depens ;

Renvoie la cause devant le conseil d'appel de l'Ordre des medecinsd'expression neerlandaise, autrement compose.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le premier president Ghislain Londers, le president IvanVerougstraete, les conseillers Eric Stassijns, Beatrijs Deconinck et AlainSmetryns, et prononce en audience publique du vingt-neuf juin deux millesept par le premier president Ghislain Londers, en presence de l'avocatgeneral Guy Dubrulle, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Didier Batsele ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

29 JUIN 2007 D.06.0012.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : D.06.0012.N
Date de la décision : 29/06/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-06-29;d.06.0012.n ?
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