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22/06/2007 | BELGIQUE | N°F.04.0011.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 juin 2007, F.04.0011.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.04.0011.N

METABOUW BOUWBEDRIJF, societe de droit neerlandais,

Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,

contre

ETAT BELGE, (Finances),

Me Ignace Claeys Bouuaert, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 12 novembre2003 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Les faits

La demanderesse, une soci

ete de droit neerlandais, est active dans lesecteur de la construction. Au cours des annees 1983 et 1984, elle aconstruit en Be...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.04.0011.N

METABOUW BOUWBEDRIJF, societe de droit neerlandais,

Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,

contre

ETAT BELGE, (Finances),

Me Ignace Claeys Bouuaert, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 12 novembre2003 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Les faits

La demanderesse, une societe de droit neerlandais, est active dans lesecteur de la construction. Au cours des annees 1983 et 1984, elle aconstruit en Belgique une blanchisserie sur la commande de la societeanonyme L.T. Medical Services. Apres enquete, l'administration a considereque la demanderesse avait un etablissement stable en Belgique. Sur la basedes articles 248, S: 2, du Code des impots sur les revenus (1964) et 146,S: 1er, 7DEG de l'arrete royal du 4 mars 1965 d'execution du Code desimpots sur les revenus (1964), un montant imposable de 8.902.248 francsbelges fut retenu.

III. Le moyen de cassation

La demanderesse presente trois moyens libelles dans les termes suivants :

(...)

Deuxieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 1er, 2, 58 et 59 du Traite du 3 fevrier 1958 instituant l'Unioneconomique Benelux, signe à`s Gravenhage, approuve par la loi du 20 juin1960 et entre en vigueur le 1er novembre 1960 ;

- articles 1er et 6 du Traite du 31 mars 1965 relatif à l'institution etau statut d'une Cour de Justice Benelux, signe à Bruxelles, approuve parla loi du 18 juillet 1969 et entre en vigueur le 1er janvier 1974 ;

- article 1er, A, 7DEG, du Protocole du 29 avril 1969 conclu en executionde l'article 1er, alinea 2 du Traite du 31 mars 1965 relatif àl'institution et au statut d'une Cour de Justice Benelux, signe à `sGravenhage, approuve par la loi du2 fevrier 1971 et entre en vigueur le 1er janvier 1974 ;

- articles 377 à 385 et 386 à 391, dans leur version anterieure àl'abrogation par la loi du 15 mars 1999, du Code des impots sur lesrevenus, coordonne par l'arrete royal du 10 avril 1992, sanctionne par laloi du 12 juin 1992 ;

- article 248 du Code des impots sur les revenus, coordonne par l'arreteroyal du 26 fevrier 1964 et pour autant que de besoin article 342 du Codedes impots sur les revenus, coordonne par l'arrete royal du 10 avril 1992,sanctionne par la loi du 12 juin 1992 ;

- article 146 de l'arrete royal du 4 mars 1965 pris en execution du Codedes impots sur les revenus (1964) et pour autant que de besoin article 182de l'arrete royal du 27 aout 1993 pris en execution du Code des impots surles revenus 1992.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque « Declare le recours fiscal recevable mais non fonde.Condamne la demanderesse aux depens du pourvoi liquide comme en matierepenale à 156,42 euros ».

Sur la base des motifs suivants :

« La demanderesse soutient que l'application de l'article 146 de l'arreteroyal du 4 mars 1965 qui, en application de l'article 248, S: 23 du Codedes impots sur les revenus, fixe le minimum des benefices imposables dansle chef des firmes etrangeres operant en Belgique, est contraire àl'article 25 du Traite de double imposition signe entre la Belgique et lesPays-bas, à l'article 52 du traite UE, au principe d'egalite et au Traiteinstituant l'Union economique Benelux (...).

Le principe de non-discrimination prevu par l'article 7 du traite UE, parles articles 2, 58-2 et 59-1 du Traite instituant l'Union economiqueBenelux à l'egard de la demanderesse, qui est une personne physique,n'est pas viole des lors que l'article 146 de l'arrete royal du 4 mars1965 s'applique sans distinction de nationalite à toutes les personnesphysiques meme celles de nationalite belge qui sont soumises à l'impotdes non-residents ».

Griefs

Premiere branche

(...)

Deuxieme branche

En vertu des articles 1er et 2, f, du Traite du 3 fevrier 1958 instituantl'Union economique Benelux, les ressortissants de chacune des PartiesContractantes jouissent du traitement accorde aux nationaux en ce quiconcerne les impots et les taxes generalement quelconques.

En vertu de l'article 58, 2DEG, du meme Traite, les operations dessocietes constituees en conformite de la legislation d'une Haute PartieContractante lorsqu'elles s'exercent sur le territoire d'une autre PartieContractante soit directement soit par l'intermediaire de succursales ouagences, ne peuvent etre assujetties à des conditions plus lourdes quecelles appliquees aux societes nationales et en vertu de l'article 59,1DEG, du meme Traite, les societes ayant sur le territoire d'un des troisEtats membres leur domicile fiscal, ne sont pas soumises sur le territoiredes autres parties contractantes pour les operations exercees soitdirectement soit par l'intermediaire de succursales et d'agences, à unecharge fiscale plus elevee que celle qui est supportee par les societesnationales similaires.

La demanderesse qui est une societe de droit neerlandais visee par lesdispositions precitees, qui a son domicile fiscal aux Pays-Bas et qui aexerce des operations en Belgique par l'intermediaire d'une succursale oud'une agence au cours des annees civiles 1983 et 1984 doit, des lors,beneficier du meme traitement que les societes belges et ne peut etreassujettie en Belgique ni à des conditions plus lourdes ni à des chargesfiscales plus elevees que les societes belges.

C'est le cas lorsqu'en application de presomptions legales prevues parl'article 248 du Code des impots sur les revenus (1964) l'administrationdetermine, à defaut d'elements probants, fournis soit par les interessessoit par l'administration, le benefice imposable d'un contribuable demaniere differente selon qu'il s'agit d'une firme belge ou d'une firmeetrangere.

Le benefice imposable de chaque contribuable est en principe determine envertu de l'article 248, S: 1er, alinea 1er, du Code des impots sur lesrevenus (1964) eu egard aux benefices et profits normaux d'au moins troiscontribuables similaires et en tenant compte, suivant le cas, du capitalinvesti, du chiffre d'affaires, du nombre d'ouvriers, de la force motriceutilisee, de la valeur locative des terres exploitees ainsi que de tousautres renseignements utiles. Le benefice imposable obtenu en applicationde cette presomption legale constitue un benefice brut, sur lequel lesdepenses et les pertes professionnelles dument etablies et conformes auxexigences legales, sont deduites sans que le montant net imposable obtenupuisse etre inferieur à un minimum fixe.

En execution de l'article 248, S: 2, du Code des impots sur les revenus(1964) eu egard aux elements indiques au S: 1er, alinea 1er, le Roidetermine le minimum des benefices imposables dans le chef des firmesetrangeres operant en Belgique.

L'article 146, S: 1er, 7DEG, de l'arrete royal du 4 mars 1965 d'executiondu Code des impots sur les revenus (1964) fixe le minimum des beneficesimposables dans le chef des firmes etrangeres operant en Belgique qui sonttaxables selon la procedure de comparaison prevue à l'article 248, S:1er, alinea 1er, du Code des impots sur les revenus (1964) pour toutesautres exploitations et entreprises que celles visees à l'article 146, S:1er, 1DEG à 6DEG, à 80 francs belges par 1.000 francs belges de chiffred'affaires, avec un minimum de 140.000 francs belges. Ces minimalegalement presumes constituent des benefices nets qui valent absolumentsans possibilite pour les firmes etrangeres de deduire des depenses et despertes professionnelles dument etablies et qui ne peuvent etre refutes quepar la preuve contraire consistant dans le chiffre exact de leurs revenusimposables.

La demanderesse qui est imposee à concurrence de 80 francs belges par1.000 francs belges sur ses revenus obtenus pour les travaux deconstruction litigieux qu'elle a executes en Belgique est soumise à desconditions plus lourdes en ce qui concerne la preuve contraire de lapresomption legale et à une charge fiscale plus elevee que les firmesbelges actives en Belgique, qui ne sont jamais assujetties à ce minimumabsolu, avec la possibilite de deduire des depenses et pertesprofessionnelles dument etablies du benefice brut imposable legalementpresume.

Il s'ensuit que l'arret attaque laisse subsister illegalement l'impositionde la demanderesse qui est imposee sur la base d'un benefice minimumlegalement presume qui est fixe de maniere nette, ce qui constitue unecharge fiscale plus elevee que celle subi par les firmes belges quipeuvent deduire leurs depenses et pertes professionnelles regulierementetablies (violation des articles 1er, 2, f et 59, 1DEG, du Traite du 3fevrier 1958 instituant l'Union economique Benelux, de l'article 248 duCode des impots sur les revenus (1964) et pour autant que de besoin del'article 342 du Code des impots sur les revenus (1992), de l'article 146de l'arrete royal du 4 mars 1965 et pour autant que de besoin de l'article182 de l'arrete royal du 27 aout 1993 et qui assujettit la demanderesse àdes conditions plus lourdes que les firmes belges en ce qui concerne lapreuve contraire de la presomption legale instauree (violation desarticles 1er, 2, f et 58, 2DEG, du Traite du 3 fevrier 1958 instituantl'Union economique Benelux, de l'article 248 du Code des impots sur lesrevenus (1964) et pour autant que de besoin de l'article 342 du Code desimpots sur les revenus (1992), de l'article 146 de l'arrete royal du 4mars 1965 et pour autant que de besoin de l'article 182 de l'arrete royaldu 27 aout 1993).

Troisieme moyen

(...)

IV. La decision de la Cour

Sur le deuxieme moyen :

Quant à la seconde branche :

1. En vertu de l'article 2, a, du Traite du 3 fevrier 1958 instituantl'Union economique Benelux, les ressortissants de chacune des HautesParties Contractantes se trouvant sur le territoire des autres PartiesContractantes jouissent du traitement accorde aux nationaux en ce quiconcerne la liberte d'etablissement.

Suivant l'article 2, f, de ce Traite, l'egalite de traitement vaut aussipour les impots et les taxes generalement quelconques.

Cet article entend ainsi garantir dans un Etat contractant le traitementnational dans le domaine des impots generalement quelconques.

2. En vertu de l'article 59.1, de ce Traite, les societes constituees enconformite de la legislation d'une Haute Partie Contractante et ayant leurdomicile fiscal sur le territoire d'une des Hautes Parties Contractantes,ne sont pas soumises, sur le territoires des autres Parties Contractantes,à une charge fiscale plus elevee que celle qui est supportee par lessocietes nationales similaires.

Cet articles implique pour les personnes morales le principe du traitementnational en matiere fiscale.

3. En vertu de l'article 248, S: 1er, alinea 1er, du Code des impots surles revenus (1964), à defaut d'elements probants fournis soit par lesinteresses soit par l'administration, les benefices ou profits vises àl'article 23, S: 1er, 1DEG et 2DEG du meme code, sont determines pourchaque contribuable, eu egard aux benefices ou profits normaux d'au moinstrois contribuables similaires et en tenant compte, suivant le cas, ducapital investi, du chiffre d'affaire, du nombre d'ouvriers, de la forcemotrice utilisee, de la valeur locative des terres exploitees ainsi que detous autres renseignements utiles.

En vertu du S: 2 de cette disposition legale, le Roi determine, eu egardaux elements indiques au S: 1er, alinea 1er, du Code des impots sur lesrevenus (1964), le minimum des benefices imposables dans le chef desfirmes etrangeres operant en Belgique et dont les revenus sont plusdifficilement controlables.

4. L'article 146, S: 1er, de l'arrete royal du 4 mars 1965 d'execution duCode des impots sur les revenus (1964) dispose que le minimum desbenefices imposables dans le chef des firmes etrangeres operant enBelgique qui sont taxables selon la procedure de comparaison prevue àl'article 248, S: 1er, alinea 1er, de meme code, est fixe comme suit :

1DEG fabriques, ateliers de construction, carrieres, tuileries,briqueteries, exploitations de chemin de fer : 90.000 francs belges paremploye et ouvrier (nombre moyen pour l'annee envisagee) ;

2DEG exploitations agricoles, exploitations horticoles ou maraicheres,pepinieres : bareme forfaitaire etabli pour les contribuables belges de laregion avoisinante qui exercent une profession similaire ;

3DEG banques, etablissements de credit et de change : 250.000 francsbelges par employe (nombre moyen pour l'annee envisagee) ;

4DEG assurances-vie : 100 francs belges par 1.000 francs belges de primesencaissees ;

5DEG. assurances maritimes : 70 francs belges par 1.000 francs belges deprimes encaissees ;

6DEG assurances autres : 75 francs belges par 1.000 francs belges deprimes encaissees ;

7DEG toutes autres exploitations et entreprises : 80 francs belges par1.000 francs belges de recettes avec minimum de 145.000 francs belges paremploye et ouvrier (nombre moyen pour l'annee envisagee).

En vertu du S: 2 de cette disposition legale en aucun cas, le montant desbenefices imposables determines au S: 1er ne peut etre inferieur à140.000 francs belges.

5. Il ressort de ces dispositions qu'à defaut d'elements probants, lesentreprises belges sont imposees autrement que les entreprises etrangeresauxquelles s'applique un regime de benefices forfaitaires allant de pairavec un benefice minimum.

6. Dans son arret du 19 mars 2007, la Cour de justice Benelux, repondantà la question prejudicielle posee, a declare en droit : « Les articles2, alinea 2, sous a et f, et 59, alinea 1er, du Traite UEB doivent etreinterpretes en ce sens qu'ils font obstacle à l'application dedispositions fiscales d'un des trois Etats contractants, qui reglentdifferemment des cas dont la caracteristique commune est le defautd'elements probants pour determiner le benefice en ce sens qu'elles fixentun revenu imposable forfaitaire minimum qui n'est applicable aux societesde son droit national mais qui l'est uniquement à des societes similairesconstituees en conformite de la legislation d'un des autres Etatscontractants et ayant leur domicile fiscal sur le territoire d'un desautres Etats contractants, meme si ces dispositions n'ont pasnecessairement pour effet de soumettre toujours la societe etrangere àune charge fiscale plus lourde que la societe nationale ».

Il s'ensuit que les articles 2, alinea 2, a et f, et 59, alinea 1er, dutraite UEB s'opposent au calcul du benefice imposable dans le chef d'unesociete de droit neerlandais ayant un etablissement stable en Belgiquesuivant le regime des benefices minimum contenu aux articles 248, S: 2, duCode des impots sur les revenus (1964) combine à l'article 146 del'arrete royal du 4 mars 1965 d'execution du Code des impots sur lesrevenus (1964).

7. L'arret considere que « le principe de non-discrimination prevu parles articles 2, (58-2) et 59-1, du traite du 3 fevrier 1958 instituantl'Union economique Benelux à l'egard de la demanderesse n'est pas violedes lors que l'article 146 de l'arrete royal du 4 mars 1965 portantexecution du Code des impots sur les revenus (1964) s'applique sansdistinction de nationalite à toutes les personnes physiques, meme cellesde nationalite belge qui sont soumises à l'impot des non-residents » et« qu'il n'apparait pas que le calcul forfaitaire du benefice pour lademanderesse en particulier ou meme pour les non-residents en general,rend plus difficile l'acces à une activite protegee par le droit de libreetablissement en imposant une charge fiscale plus elevee qu'auxressortissants belges se trouvant dans les memes circonstances ».

8. L'arret viole ainsi les articles 2, alinea 2, a et f, et l'article 59,alinea 1er, du Traite UEB en refusant le traitement national à lademanderesse.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Quant au surplus des griefs :

(...)

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel d'Anvers.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, le president de section EdwardForrier, les conseillers Luc Huybrechts, Christine Matray et AlainSmetryns, et prononce en audience publique du vingt-deux juin deux millesept par le president Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat generalDirk Thijs, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.

Traduction etablie sous le controle du president Ivan Verougstraete ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le president,

22 JUIN 2007 F.04.0011.N/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 22/06/2007
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : F.04.0011.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-06-22;f.04.0011.n ?
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