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11/06/2007 | BELGIQUE | N°S.06.0090.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 juin 2007, S.06.0090.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGS.06.0090.N

B. I.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

MERCATOR VERZEKERINGEN, societe anonyme.

I. La procedure devant la Cour

III. IV. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le22 mai 2006 par la cour du travail d'Anvers.

V. Le president de section Robert Boes a fait rapport.

VI. L'avocat general Ria Mortier a conclu.

VII. II. Le moyen de cassation

* Le demandeur presente un moyen dans sa requete.

* Dispositions legales

violees

* article 17 de la loi du 11 avril 1995 visant àinstituer « la charte » de l'assure social ;

* pour autant que de ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGS.06.0090.N

B. I.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

MERCATOR VERZEKERINGEN, societe anonyme.

I. La procedure devant la Cour

III. IV. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le22 mai 2006 par la cour du travail d'Anvers.

V. Le president de section Robert Boes a fait rapport.

VI. L'avocat general Ria Mortier a conclu.

VII. II. Le moyen de cassation

* Le demandeur presente un moyen dans sa requete.

* Dispositions legales violees

* article 17 de la loi du 11 avril 1995 visant àinstituer « la charte » de l'assure social ;

* pour autant que de besoin, articles 24, alineas 1er, 2et 3, et 63, S:4, de la loi du 10 avril 1971 sur lesaccidents du travail, tant dans la version anterieureque dans la version posterieure à leur modificationpar la loi du 10 aout 2001, et, en ce qui concernel'article 24, alinea 1er, egalement dans la versionposterieure à sa modification par la loi du24 decembre 2002.

* * Decisions et motifs critiques

Par l'arret attaque, rendu le 22 mai 2006, la septieme chambre de la courdu travail d'Anvers declare l'appel de la defenderesse recevable et fonde,infirme la decision du premier juge et dit pour droit que le demandeur esttenu de rembourser à la defenderesse l'excedent des avances payees pourl'incapacite permanente de travail qui s'eleve à la somme de743, 41 euros, majoree des interets judiciaires du 14 septembre 2004 aujour du paiement definitif, par les motifs suivants :

« En l'espece, (la cour d'appel) est tenue d'examiner si les avances desindemnites pour incapacite permanente de travail (4 %), payees parl'assureur-loi à la victime sur la base de sa proposition de reglement (« l'accord d'indemnite » ) conformement à l'article 63, S:4, de la loidu 10 avril 1971 sur les accidents du travail, sont recuperables lorsqu'ilapparait ulterieurement, à la suite d'une decision judiciaire (enl'espece : le jugement rendu le 28 octobre 2003 par le tribunal du travailde Turnhout), que le taux de l'incapacite permanente de travail est reduità 0 %.

(...)

Les parties ne contestent pas que :

- l'assureur - loi a effectue les paiements en application del'article 63, S:4, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents dutravail ;

- en l'espece, le montant des avances des indemnites pour incapacitepermanente de travail s'eleve à 743, 41 euros.

L'article 63, S:4, de la loi du 10 avril 1971 precitee dispose :

'En cas de litige quant à la nature ou au taux d'incapacite de travail dela victime, l'entreprise d'assurances est tenue de payer à titre d'avancel'allocation journaliere ou annuelle visee aux articles 22, 23, 23bis ou24 sur la base du taux d'incapacite permanente (...) propose par elle'.

(...)

En outre, il ne peut etre perdu de vue que le reglement des indemnites enmatiere d'accident du travail interesse l'ordre public : le juge a pourmission de veiller à ce que la victime d'un accident du travail perc,oiveles indemnites auxquelles elle a droit, ni plus ni moins.

(...)

Comme il a ete expose ci-avant, la proposition de reglement ou l'accordd'indemnite ne lie pas l'assureur - loi.

(...)

Compte tenu de ce qui precede, (la cour d'appel) decide que les avancesdes indemnites pour incapacite permanente de travail s'elevant à la sommede 743, 41 euros (non contestee en soi) sont recuperables depuis que, parson jugement du 28 octobre 2003, passe en force de chose jugee, letribunal du travail de Turnhout a definitivement etabli les consequencesde l'accident du travail.

La victime se refere egalement aux articles 17 et 18bis de la loi du11 avril 1995 (visant à instituer la « charte » de l'assure social) etallegue que ces dispositions prevoient essentiellement que si, de touteevidence, la decision d'une institution de securite sociale qui a commisune erreur quant aux droits du beneficiaire peut etre rectifiee, larevision defavorable au beneficiaire ne peut produire ses effets que pourl'avenir, en d'autres termes, n'a pas d'effet retroactif. La victime faitensuite valoir que la revision defavorable n'a un effet retroactif ques'il y a eu mauvaise foi ou, encore, si la victime savait ou devait savoirque les indemnites n'etaient pas dues, ce qui n'est pas le cas enl'espece.

(La cour d'appel) considere qu'en principe, la charte de l'assure socialest applicable aux indemnites prevues en matiere d'accident du travail.

Les articles 17 à 18bis de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer« la charte » de l'assure social disposent :

Il y a lieu de constater que l'assureur - loi n'a commis aucune 'erreur'et qu'il n'a pas davantage 'rapporte sa decision'.

Les avances ont ete payees en application de l'article 63, S:4, de la loidu 10 avril 1971 sur les accidents du travail ; l'assureur - loi qui avaitemis une proposition de reglement (taux d'incapacite permanente de travailde 4 %) etait oblige de payer par voie d'avances les indemnites decoulantde sa proposition.

La proposition ayant ete rejetee, le tribunal du travail de Turnhout a etesaisi et, à la suite de cette procedure, le taux d'incapacite permanentede travail a ete definitivement reduit à 0 %. Il ne peut etre deduit dufait que les avances payees excedent ce qui est du que l'assureur - loi acommis une 'erreur' ou qu'il a 'rapporte sa decision originaire'.

Par sa proposition de reglement, l'assureur - loi ne prend pas de'decision' : en effet, la proposition de reglement emanant d'uneinstitution de securite sociale n'equivaut pas à une 'decision' de cetteinstitution.

L'article 15 de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer « lacharte » de l'assure social, qui regle la repetition de l'indu, n'est pasdavantage applicable en l'espece, des lors qu'eu egard à l'arret precitede la Cour de cassation, auquel (la cour d'appel) se rallie, le paiementd'avances effectue par l'assureur - loi en application de l'article 63,S: 4, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail n'est pas unpaiement 'indu'.

(La cour d'appel) constate qu'aucune regle de la charte de l'assure socialne prevoit qu'une 'decision de repetition' ou une 'decision rectificative'doit etre prise lors de l'imputation des avances payees sur les indemnitesfinalement dues.

L'article 63, S:4, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travailprevoit uniquement un regime d'avances (sur les indemnites finalementdues) qui, selon (la cour d'appel), sont recuperables à partir du momentou les consequences de l'accident du travail sont definitivement etabliespar l'homologation de l'accord d'indemnite ou par une decision judiciaire.

En consequence, (la cour d'appel) decide (contrairement aux premiersjuges) que (le demandeur) est tenu de rembourser à l'assureur - loil'excedent des avances pour incapacite permanente de travail, savoir lasomme de 743, 41 euros, que la victime ne conteste pas, en soi (...).L'appel est fonde (...) » .

* Griefs

* Il se peut qu'au moment de regler les indemnites, lavictime d'un accident du travail et l'assureur - loi tenu d'intervenir neparviennent pas à conclure un accord quant à la nature ou au taux del'incapacite de travail de la victime. Dans ce cas, conformement àl'article 63, S:4, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents dutravail, tel qu'il etait applicable avant (et apres) sa modification parla loi du 10 aout 2001, « l'assureur - loi (l'entreprise d'assurances)est tenu(e) de payer à titre d'avance l'allocation journaliere ouannuelle visee aux articles 22, 23, 23bis ou 24 sur la base du tauxd'incapacite permanente propose par lui (elle) » .

En l'espece, la cour du travail a constate que la defenderesse a paye desindemnites posterieurement à la date de la consolidation (14 aout 2000)sur la base d'un taux d'incapacite de travail de 4 % que le demandeur n'apas accepte, ouvrant ainsi la voie à la procedure devant le tribunal dutravail.

Ainsi, considerant que les sequelles subies par le demandeur à la suitede l'accident du travail etaient une incapacite permanente de travail de4 %, l'assureur - loi a paye des indemnites sur cette base. En d'autrestermes, l'assureur - loi a decide à ce moment que le demandeur etaitfrappe d'une incapacite permanente de travail de 4 %, taux qu'il alui-meme propose en application de la loi du 10 avril 1971 sur lesaccidents du travail.

Cette decision n'empeche pas l'assureur - loi de modifier ulterieurementsa position originaire (sur la base de laquelle il a paye les indemnitesprevues par la loi) à la suite de la procedure engagee par la victimequant au taux d'incapacite permanente de travail propose et, le casecheant, d'acquiescer à la decision judiciaire suivant laquelle lavictime souffre d'une incapacite permanente de travail inferieure à cellequ'il avait lui-meme proposee anterieurement.

L'assureur - loi dont l'appreciation de la nature et/ou du tauxd'incapacite de travail en vertu de laquelle, le cas echeant, il est tenud'intervenir est modifiee ulterieurement par une decision judiciaire,passee en force de chose jugee, qui etablit une nature ou un tauxd'incapacite de travail autre que ce qu'il a lui-meme propose enapplication de l'article 63, S:4, de la loi du 10 avril 1971 sur lesaccidents du travail, a necessairement commis une « erreur » . Lacirconstance que son appreciation originaire de la nature et du taux del'incapacite de travail ne donne lieu qu'à un reglement provisoire, dansl'attente de la decision definitive sur la nature et le taux del'incapacite de travail, n'empeche pas qu'il a commis une erreurd'appreciation s'il s'avere que son appreciation provisoire n'est pasretenue ulterieurement dans la decision definitive.

Ainsi, la cour du travail n'a pas decide legalement que « l'assureur -loi n'a commis aucune 'erreur' », des lors que celui-ci a propose unreglement provisoire sur la base du taux (propose) d'incapacite permanentede travail de 4 % alors que, comme la cour du travail l'a constate, letribunal du travail de Turnhout a decide dans son jugement du 28 decembre2003, passe en force de chose jugee, qu'il n'y avait pas d'incapacitepermanente de travail.

Aux termes de l'article 17, alinea 1er, de la loi du 11 avril 1995 visantà instituer « la charte » de l'assure social, qui, comme la cour dutravail l'a expressement constate sans etre critiquee sur ce point, « est en principe applicable aux indemnites prevues en matiere d'accident dutravail » (...), lorsqu'il est constate que la decision est entacheed'une erreur de droit ou materielle, l'institution de securite socialeprend d'initiative une nouvelle decision produisant ses effets à la dateà laquelle la decision rectifiee aurait du prendre effet, et ce sansprejudice des dispositions legales et reglementaires en matiere deprescription. Aux termes du deuxieme alinea du meme article, sansprejudice de l'article 18, la nouvelle decision produit ses effets, en casd'erreur due à l'institution de securite sociale, le premier jour du moisqui suit la notification, si le droit à la prestation est inferieur àcelui reconnu initialement.

En l'espece, l'institution de securite sociale, la defenderesse, aconsidere originairement que, posterieurement à la date de laconsolidation du 14 aout 2000, le taux d'incapacite permanente de travailetait de 4 % alors que, par jugement du 28 decembre 2003, passe en forcede chose jugee, le tribunal du travail de Turnhout a reduit l'incapacitede travail à 0 %. Ainsi, conformement à l'article 24 de la loi du10 avril 1971 sur les accidents du travail, le droit à la prestationreconnu au demandeur etait inferieur à celui qui avait ete reconnuinitialement.

Il s'ensuit que les avances payees par la defenderesse en application del'article 63, S:4, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travailsur la base de sa propre appreciation, manifestement erronee, du tauxd'incapacite permanente de travail, excedait ce qui etait reellement du.Conformement à l'article 17, alinea 2, de la loi du 11 avril 1995 visantà instituer « la charte » de l'assure social, la constatation de cetteerreur ne pouvait produire ses effets qu'à partir du premier jour du moisqui suit la notification.

Dans ces circonstances, la cour du travail ne decide pas legalement que ledemandeur est tenu de rembourser à la defenderesse l'excedent des avancespayees pour l'incapacite permanente de travail.

Ainsi, la cour du travail viole l'article 17 de la loi du 11 avril 1995visant à instituer « la charte » de l'assure social, et, pour autantque de besoin, les articles 24 et 63, S:4, de la loi du 10 avril 1971 surles accidents du travail, tant dans la version anterieure que dans laversion posterieure à leur modification par la loi du 10 aout 2001, et,en ce qui concerne l'article 24, alinea 1er, egalement dans la versionposterieure à sa modification par la loi du 24 decembre 2002.

III. La decision de la Cour

1. En vertu de l'article 63, S:4, de la loi du 10 avril 1971 sur lesaccidents du travail, l'entreprise d'assurances est tenue, en cas delitige quant à la nature ou au taux d'incapacite de travail de lavictime, de payer à titre d'avance l'allocation journaliere ou annuellevisee aux articles 22, 23, 23bis ou 24 sur la base du taux d'incapacitepermanente propose par elle.

2. L'article 17, alinea 1er, de la loi du 11 avril 1995 visant àinstituer « la charte » de l'assure social dispose que, lorsqu'il estconstate que la decision est entachee d'une erreur de droit ou materielle,l'institution de securite sociale prend d'initiative une nouvelle decisionproduisant ses effets à la date à laquelle la decision rectifiee auraitdu prendre effet, sans prejudice des dispositions legales etreglementaires en matiere de prescription.

Le deuxieme alinea de ce meme article dispose que, sans prejudice del'article 18, la nouvelle decision, en cas d'erreur due à l'institutionde securite sociale, produit ses effets le premier jour du mois qui suitla notification si le droit à la prestation est inferieur à celuireconnu initialement.

3. Le paiement obligatoire d'avances vise à l'article 63, S:4, de la loidu 10 avril 1971 sur les accidents du travail est effectue dans l'attentede la determination des sommes definitivement dues à la suite del'accident du travail, doit etre impute sur ces sommes et doit etrerembourse, dans la mesure ou il excede les sommes definitivement dues.

Ni le paiement des avances ni le montant de ces avances ne sont remis enquestion par cette imputation ou ce remboursement, seule l'imputation surle montant inchange des avances a lieu.

La decision qui determine l'etendue des droits à la suite d'une decisionprovisoire sur ces droits ne constitue pas une nouvelle decision au sensdes articles 17 et 18 precites. En effet, cette decision ne rectifie pasune erreur de droit ou une erreur materielle.

4. Le moyen qui fait valoir que la demande en remboursement du montant desavances qui excede les sommes definitivement dues, constitue en realiteune rectification de la decision concernant les avances à la suite d'uneerreur de droit ou d'une erreur materielle et, en consequence, constitueune nouvelle decision au sens de l'article 17, manque en droit.

Sur les depens :

5. En vertu de l'article 68 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidentsdu travail, les depens sont à la charge de la defenderesse.

* Par ces motifs,

* * La Cour

* * Rejette le pourvoi ;

* Condamne la defenderesse aux depens.

* (...)

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient les presidents de section Robert Boes, president et ErnestWauters, les conseillers Eric Stassijns, Alain Smetryns et Koen Mestdagh,et prononce en audience publique du onze juin deux mille sept par lepresident de section Robert Boes, en presence de l'avocat general RiaMortier, avec l'assistance du greffier adjoint Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Philippe Gosseries ettranscrite avec l'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.

Le greffier, Le conseiller,

11 JUIN 2007 S.06.0090.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.06.0090.N
Date de la décision : 11/06/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-06-11;s.06.0090.n ?
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