La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/03/2007 | BELGIQUE | N°C.06.0134.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 mars 2007, C.06.0134.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0134.N

ESCO INTERNATIONAL SA,

Me Adolphe Houtekier, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. S. E.,

2. ANEXCO, s.p.r.l.,

3. L. G.,

4. D'H. C.,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation (3 et 4),

5. PARQUET GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES,

6. ETAT BELGE (Justice),

Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 2 novembre 2005par la cour d'ap

pel de Bruxelles.

Le conseiller Ghislain Londers a fait rapport.

L'avocat general Guy Dubrulle a conclu.

II. Le moyen de cassation

La de...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0134.N

ESCO INTERNATIONAL SA,

Me Adolphe Houtekier, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. S. E.,

2. ANEXCO, s.p.r.l.,

3. L. G.,

4. D'H. C.,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation (3 et 4),

5. PARQUET GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES,

6. ETAT BELGE (Justice),

Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 2 novembre 2005par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Ghislain Londers a fait rapport.

L'avocat general Guy Dubrulle a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 15 du Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques du 19 decembre 1966, fait à New York et approuve par la loi du15 mai 1981 ;

- article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, conclue à Rome le 4 novembre 1950 et approuveepar la loi du 13 mai 1955 ;

- articles 12, 14 et 190 de la Constitution ;

- article 2 du Code civil ;

- articles 2, 3, 4, 42.3DEG, 43bis, dernier alinea, 43ter et 100 du Codepenal (article 42, 3DEG, introduit par la loi du 17 juillet 1990 ; article43bis, dernier alinea, insere par la loi du 17 juillet 1990 ; article43ter insere par l'article 12 de la loi du 20 mai 1997) ;

- article 12 de la loi du 20 mai 1997 sur la cooperation internationale ence qui concerne l'execution de saisies et de confiscations ;

- article 4, alinea 2, de la loi du 31 mai 1961 relative à l'emploi deslangues en matiere legislative, à la presentation, à la publication età l'entree en vigueur des textes legaux et reglementaires ;

- articles 1er et 3 de l'arrete royal du 9 aout 1991 reglant le delai etles modalites du recours des tiers pretendant droit sur une choseconfisquee ;

- principe general du droit suivant lequel la loi n'a pas d'effetretroactif.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque declare non fondee la demande de la demanderesse tendantà l'annulation de la confiscation de la somme de 60.132.622 francs belgesou 1.490.648,80 euros au profit des troisieme et quatrieme defenderesses,ordonnee par l'arret du 24 decembre 1996 de la cour d'appel de Bruxelles,13eme chambre, siegeant en matiere penale, dans la cause du ministerepublic et de la deuxieme defenderesse et consorts contre le premierdefendeur (arret nDEG 1437), des lors que cette confiscation concerne desbiens se trouvant à l'etranger et à entendre ordonner que ce credit soitlibere et restitue integralement à la demanderesse, par les motifssuivants :

« 1. Le 12 mai 1997, la demanderesse a cite tous les defendeurs actuelsdevant le tribunal de premiere instance de Bruxelles.

2. Cette demande avait pour objet :

- l'annulation ou la reformation de l'arret du 24 decembre 1996 de la courd'appel de Bruxelles prononc,ant la confiscation de la somme de 60.132.622francs belges au profit des curateurs des societes faillies Matrim etTravco ;

- d'entendre dire pour droit que la demanderesse est la proprietaireexclusive de cette somme sous la forme d'avoir bancaire à concurrence dece montant aupres de l'Union Bancaire Privee à Zurich en Suisse ;

- d'entendre ordonner que cet avoir de 60.132.622 francs belges soitlibere et restitue integralement à la demanderesse.

3 .La demanderesse a invoque :

- l'article 43bis, dernier alinea, du Code penal, aux termes duquel toutautre tiers pretendant droit sur la chose confisquee pourra faire valoirce droit dans un delai et selon des modalites determinees par le Roi ;

- les articles 1er et 3 de l'arrete royal du 9 aout 1991 reglant le delaiet les modalites du recours des tiers pretendant droit sur une choseconfisquee, à savoir dans les nonante jours, à compter du jour ou lacondamnation emportant confiscation sera passee en force de chose jugee ;

- la non-expiration de ce delai des lors que la Cour de cassation, par sonarret du 25 fevrier 1997, a decrete le desistement du pourvoi de E.S.,etant la personne qui a ete condamnee par l'arret precite de la courd'appel de Bruxelles, à la suite de quoi la confiscation a ete prononceepar ce meme arret.

4. Elle a fait valoir :

(...)

- le juge belge est sans competence pour prononcer la confiscation debiens se trouvant hors du territoire de la Belgique; la confiscationreleve de la souverainete de l'etat sur le territoire duquel se trouventles sommes d'argent ; la confiscation est illegale.

(...)

14. La demanderesse soutient que le juge belge est sans competence pour seprononcer sur la confiscation de biens qui se trouvent hors du territoirede la Belgique ; la loi belge n'a, en effet, pas prevu expressement cetteconfiscation et la modification legale ulterieure qui la prevoit ne peutetre appliquee de maniere retroactive ; cette modification legale prouvequ'il n'etait pas certain que le juge belge etait competent pour prononcerla confiscation de fonds qui se trouvent à l'etranger.

15. Cette affirmation est non fondee. Les regles en matiere deconfiscation speciale applicables à l'epoque n'excluaient pas que laconfiscation speciale put etre appliquee aux avantages patrimoniaux tiresdirectement de l'infraction, aux biens et valeurs qui leur avaient etesubstitues et aux revenus de ces avantages investis (voir article 42 duCode penal), meme s'ils ne se trouvaient pas sur le territoire de laBelgique. L'ajout ulterieur (voir article 43ter, insere par l'article 12de la loi du 20 mai 1997, M.B. 3 juillet 1997) que la confiscationspeciale s'appliquant aux choses visees à l'article 42 pourra egalementetre prononcee lorsque ces choses se trouvent hors du territoire de laBelgique, confirme l'intention du legislateur (Rapport de la Commission dela Justice, Doc. Parl. Chambre, 1989-90, 987, 6) de permettre laconfiscation, en vertu de l'article 42, 3DEG, du Code penal, de l'argentreinvesti à l'etranger.

(...)

25. Dans ces circonstances, il est etabli que la somme de 60.132.622francs belges declaree confisquee par la cour d'appel dans son arret du 24decembre 1996, soit les avoirs de la demanderesse dans une banque suisse,au profit des curateurs de la sprl Matrim et de la sprl Travco, correspondà ce qui pouvait etre confisque en vertu de l'article 42, 3DEG, du Codepenal ».

Griefs

En vertu de l'article 42, 3DEG, du Code penal, insere par la loi du 17juillet 1990 la confiscation speciale s'applique aux avantagespatrimoniaux tires directement de l'infraction, aux biens et valeurs quileur ont ete substitues et aux revenus de ces avantages investis.

Eu egard à l'effet territorial de la loi penale belge, tel qu'il estinscrit dans les articles 3 et 4 du Code penal, la confiscation specialene peut etre ordonnee lorsque ces biens se trouvent hors du territoire dela Belgique, sauf si la loi l'autorise expressement.

Cette autorisation n'a ete donnee que par la loi du 20 mai 1997 sur lacooperation internationale en ce qui concerne l'execution de saisies et deconfiscations, qui a cree un fondement de droit interne pour l'applicationdes conventions internationales concernant la saisie et la confiscation,en inserant l'article 43ter dans le Code penal et en permettant laconfiscation speciale de biens se trouvant hors du territoire de laBelgique.

La cour d'appel de Bruxelles ne pouvait des lors ordonner la confiscationdes avoirs de la demanderesse dans une banque suisse par son arret du 24decembre 1996, la loi du 20 mai 1997 n'existant pas à ce moment-là, deslors que la confiscation n'etait pas autorisee par une conventioninternationale et que, partant, la cour d'appel de Bruxelles ne pouvaitordonner la confiscation de biens se trouvant en Suisse en raison del'effet territorial de la loi penale belge.

En decidant que les regles en matiere de confiscation speciale applicablesà l'epoque n'excluaient pas que la confiscation speciale put s'appliqueraux avantages patrimoniaux meme s'ils se trouvaient hors du territoire dela Belgique, l'arret attaque a meconnu l'effet territorial de la loipenale belge tel qu'il est inscrit dans les articles 3 et 4 du Code penal,et a applique l'article 42, 3DEG, du Code penal à des biens se trouvanthors du territoire de la Belgique alors que la loi ne le permettait pas àce moment-là (violation des articles 3, 4 et 42, 3DEG, du Code penal).

En decidant que l'introduction ulterieure par l'article 12 de la loi du 20mai 1997 de l'article 43ter du Code penal, suivant lequel la confiscationspeciale s'appliquant aux choses visees à l'article 42 pourra egalementetre prononcee lorsque ces choses se trouvent hors du territoire de laBelgique, confirme l'intention du legislateur de permettre laconfiscation, en vertu de l'article 43, 2DEG, du Code penal, de sommesreinvesties à l'etranger et en decidant que, dans ces circonstances, ilest etabli que la somme de 60.132.622 francs belges declaree confisqueepar la cour d'appel par son arret du 24 decembre 1996, soit les avoirs dela demanderesse dans une banque suisse, correspond à ce qui pouvait etreconfisque en vertu de l'article 42, 3DEG, du Code penal, l'arret attaque aconfere à tort un effet retroactif à l'article 12 de la loi du 20 mai1997 inserant l'article 43ter dans le Code penal (violation de l'article 2du Code civil, 42.3DEG et 43ter du Code penal, 12 de la loi du 20 mai 1997sur la cooperation internationale en ce qui concerne l'execution desaisies et de confiscations et du principe general du droit suivant lequella loi n'a pas d'effet retroactif) et l'arret attaque a donne effet àl'article 43ter du Code penal avant que cet article entre en vigueur(violation des articles 190 de la Constitution, 4, alinea 2, de la loi du31 mars 1961, 42.3DEG et 43ter du Code penal et 12 de la loi du 20 mai1997).

L'article 43ter du Code penal, insere par la loi du 20 mai 1998, etend parailleurs le champ d'application de la confiscation speciale, quis'applique aux biens vises à l'article 42 du Code penal se trouvant horsdu territoire de la Belgique, de sorte que l'article 43ter nouveau du Codepenal ne pouvait etre declare applicable retroactivement à uneconfiscation speciale ordonnee par l'arret du 24 decembre 1996 des lorsque seule la loi penale la moins severe a un effet retroactif (violationdes articles 15 du Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques, 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, 12 et 14 de la Constitution, 2, 42, 3DEG, 43ter et100 du Code penal et 12 de la loi du 20 mai 1997).

En rejetant par ces motifs la demande en restitution des avoirs de lademanderesse confisques dans une banque suisse, l'arret attaque n'a pasjustifie legalement sa decision (violation des articles 43bis, dernieralinea, du Code penal, 1er et 3 de l'arrete royal du 9 septembre 1991).

III. La decision de la Cour

1. Contrairement à ce que le moyen soutient, les juges d'appel n'ont pasfonde leur decision sur l'application de l'article 43ter du Code penalmais ont complete surabondamment leur decision par le motif quel'insertion de cette disposition legale par la loi du 20 mai 1997 neconstituait que la confirmation de l'intention du legislateur de permettrela confiscation, en vertu de l'article 42, 3DEG, du meme code, de l'argentreinvesti à l'etranger.

Le moyen manque, des lors, en fait dans la mesure ou il suppose quel'arret a applique l'article 43ter du Code penal avec effet retroactif.

2. Les articles 3 et 4 du Code penal determinent le pouvoir de juridictiondu juge penal belge.

Lorsque, en vertu de ces dispositions, le juge penal belge a le pouvoir dejuridiction pour connaitre d'une infraction determinee, elle est punieconformement aux dispositions des lois belges en vertu de l'article 3precite.

Conformement à l'article 42, 3DEG, du Code penal, la confiscationspeciale s'applique aux elements du patrimoine tires directement del'infraction, aux biens et valeurs qui leur ont ete substitues et auxrevenus de ces avantages investis.

3. Il resulte du rapprochement des dispositions legales precitees et de lagenese de la loi du 17 juillet 1990 ayant introduit l'article 42, 3DEG,dans le Code penal que, lorsque le juge penal belge a le pouvoir dejuridiction pour connaitre d'une infraction determinee et qu'il la declareetablie, il peut appliquer la confiscation speciale des elementspatrimoniaux, meme s'ils se trouvent hors du territoire de la Belgique,cette possibilite n'eut-elle pas ete expressement prevue avant l'insertionde l'article 43ter du Code penal.

Dans cette mesure, le moyen, qui repose sur le soutenement juridiquecontraire, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Ernest Wauters, les conseillersGhislain Londers, Eric Dirix, Eric Stassijns et Alain Smetryns, etprononce en audience publique du deux mars deux mille sept par lepresident de section Ernest Wauters, en presence de l'avocat general GuyDubrulle, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Sylviane Velu ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

2 MARS 2007 C.06.0134.N/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 02/03/2007
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.06.0134.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-03-02;c.06.0134.n ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award