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12/06/2006 | BELGIQUE | N°S.05.0064.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 juin 2006, S.05.0064.F


OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Lucien Simont, avocat à la Cour de cassation,
contre
A. Y.,
défenderesse en cassation.
La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 16 février 2005 par la cour du travail de Liège.
Le conseiller Philippe Gosseries a fait rapport.
Le premier avocat général Jean-François Leclercq a conclu.
Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen

libellé dans les termes suivants:
Dispositions légales violées
- article 100, § 1er, alinéas 1er ...

OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Lucien Simont, avocat à la Cour de cassation,
contre
A. Y.,
défenderesse en cassation.
La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 16 février 2005 par la cour du travail de Liège.
Le conseiller Philippe Gosseries a fait rapport.
Le premier avocat général Jean-François Leclercq a conclu.
Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants:
Dispositions légales violées
- article 100, § 1er, alinéas 1er et 3, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités;
- article 31, § 1er, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail;
- articles 27, 2°, a), 44, 60 et 61 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage.
Décisions et motifs critiqués
Par confirmation du jugement dont appel, l'arrêt annule la décision du directeur du bureau du chômage notifiée à la défenderesse le 5 juin 1998 et dit pour droit qu'elle est admissible au bénéfice des allocations de chômage temporaire à la date du 5 janvier 1998.
Pour en décider ainsi, l'arrêt se fonde sur les motifs suivants:
«La comparaison [de l'article 31, § 1er, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail et de l'article 100, § 1er, alinéas 1er et 3, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités] fait apparaître de notables différences, le premier traitant de l'impossibilité pour la personne de fournir son travail, alors que le second fait état d'un arrêt d'activité en conséquence d'une réduction de capacité de gain de plus des deux tiers; or, l'impossibilité de fournir son travail peut exister indépendamment d'une réduction de capacité de gain atteignant les deux tiers. Le premier texte apprécie l'impossibilité au regard du travail dans les circonstances très précises où le preste le travailleur, alors que l'alinéa 3 de l'article 100 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 fait référence, pour apprécier la réduction de capacité de gain, à la profession habituelle, se référant à un ensemble de tâches ou d'actes usuels dans un métier déterminé, mais sans que soient pris en compte les paramètres spécifiques et l'environnement précis dans lesquels une personne déterminée accomplit effectivement son travail;
Il est d'ailleurs notable que l'article 100, § 1er, définit l'incapacité de travail 'au sens de la présente loi coordonnée', c'est-à-dire sans prétendre à une définition universelle de l'incapacité de travail;
La notion d'impossibilité pour la personne de fournir son travail par suite de maladie ou d'accident est plus étendue que celle d'incapacité de travail déterminée par l'article 100 de la loi coordonnée et des hypothèses de suspension du contrat de travail en application de l'article 31 de la loi du
3 juillet 1978 sont susceptibles d'être rencontrées en dehors de cas d'application de l'article 100 de la loi coordonnée, fût-ce durant la première période de six mois d'incapacité de travail;
Une décision d'aptitude au travail prise par le médecin-conseil implique la cessation de l'octroi des indemnités dans le régime de l'assurance maladie-invalidité mais n'entraîne pas par elle-même la fin de la suspension du contrat de travail;
L'article 27, 2°, a), de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 définit le chômeur temporaire comme le chômeur lié par un contrat de travail dont l'exécution est temporairement, soit totalement, soit partiellement, suspendue. Il est notable que cette définition inclut toutes les hypothèses généralement quelconques de suspension du contrat de travail, à l'exclusion toutefois, en application de l'article 44 du même arrêté royal, de celles où la suspension du contrat de travail procéderait de la volonté du chômeur;
L'article 27, 2°, a), envisage notamment l'hypothèse de la suspension du contrat en application de l'article 31 de la loi du 3 juillet 1978 et ne fait en rien référence à l'incapacité de travail au sens de l'article 100 de la loi coordonnée, qui ne traite pas de la suspension du contrat mais évoque comme condition d'application l'arrêt d'activité;
L'article 60 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 dispose que, 'pour bénéficier des allocations, le travailleur doit être apte au travail au sens de la législation relative à l'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité'. Lorsque le travailleur est inapte au travail au sens de [cette] législation et pour autant qu'il remplisse les autres conditions d'octroi, il percevra les indemnités du régime de l'assurance maladie-invalidité ou, le cas échéant, d'un autre régime de sécurité sociale couvrant ce type de risque, tel le régime de la réparation des accidents du travail, l'article 61 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 prohibant, sauf les exceptions qu'il comporte, le cumul des allocations de chômage avec les indemnités versées dans le cadre d'un autre régime de sécurité sociale [...];
En l'espèce, le médecin-conseil a estimé que l'inaptitude au travail au sens de l'article 100 de la loi coordonnée [du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités] affectant [la défenderesse] prenait fin à la date du 5 janvier 1998, décision que n'a pas contestée [la défenderesse] et qu'elle n'avait aucune raison de contester puisque son médecin traitant l'estime apte également. Elle remplit dès lors la condition d'aptitude évoquée à l'article 60 [de l'arrêté royal du 25 novembre 1991] précité et ne se trouve plus en période d'incapacité primaire au sens de la législation de l'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité, laquelle a pris fin à la suite de la décision du médecin-conseil lorsqu'elle sollicite l'octroi des allocations pour chômage temporaire en raison d'une force majeure;
Toutefois, son employeur n'a pu lui permettre de reprendre le travail en raison des restrictions apportées à l'exercice de son activité, de l'avis du médecin traitant et du médecin du travail. Dans ces conditions, [la défenderesse], apte au travail au sens de l'article 100 de la loi coordonnée du
14 juillet 1994, s'est trouvée privée de travail et de rémunération pour une cause indépendante de sa volonté, le fait que son employeur ne la remettait pas au travail, de sorte qu'elle remplissait les conditions d'octroi des allocations de chômage;
Dans la mesure où son contrat de travail était temporairement et totalement suspendu, conformément à l'article 31 de la loi du 3 juillet 1978 [relative aux contrats de travail], puisqu'il lui était impossible en raison d'une maladie ou d'un accident d'exécuter son contrat de travail, elle répondait à la définition du chômeur temporaire donnée par l'article 27, 2°, a), de l'arrêté royal du 25 novembre 1991. Elle devait en conséquence bénéficier des allocations de chômage à dater du 5 janvier 1998».
Griefs
En vertu de l'article 100, § 1er, alinéa 1er, de la loi coordonnée du
14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, est reconnu incapable de travailler, au sens de cette loi, le travailleur qui a cessé toute activité en conséquence directe du début ou de l'aggravation de lésions ou de troubles fonctionnels dont il est reconnu qu'ils entraînent une réduction de sa capacité de gain à un taux égal ou inférieur [au tiers] de ce qu'une personne de même condition ou de même formation peut gagner par son travail dans le groupe de professions dans lesquelles se range l'activité professionnelle exercée par l'intéressé au moment où il est devenu incapable de travailler ou dans les diverses professions qu'il a ou qu'il aurait pu exercer du fait de sa formation professionnelle. En son alinéa 3, l'article 100, § 1er, dispose que, toutefois, pendant les six premiers mois de l'incapacité primaire, ce taux de réduction de capacité de gain est évalué par rapport à la profession habituelle de l'intéressé, pour autant que l'affection causale soit susceptible d'évolution favorable ou de guérison à plus ou moins brève échéance.
Il découle de l'alinéa 3 de cet article 100, § 1er, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 qu'en principe, pendant les six premiers mois de l'incapacité primaire, aucune allocation de chômage temporaire pour force majeure résultant de raisons médicales ne peut être octroyée, les raisons médicales qui empêchent l'exercice de la profession habituelle impliquant un taux d'inaptitude au travail qui rend possible l'octroi des indemnités de maladie. La règle est applicable même si, comme en l'espèce, au cours des six premiers mois d'incapacité primaire, le médecin-conseil de la mutualité du travailleur déclare celui-ci de nouveau apte au travail, pareille décision étant prise nécessairement par référence à la profession habituelle du travailleur et donc par rapport à toutes les exigences normales des tâches qu'il exerçait au service de son employeur.
Il s'ensuit que l'arrêt, qui reconnaît que les six premiers mois d'incapacité de la défenderesse n'étaient pas écoulés lors de sa demande d'allocations de chômage temporaire pour force majeure et qui constate que la défenderesse n'a pas contesté la décision du médecin-conseil de la mutualité la déclarant apte à reprendre le travail à partir du 5 janvier 1998 mais qui décide néanmoins qu'elle doit être admise au bénéfice de ces allocations, viole l'article 100, § 1er, alinéas 1er et spécialement 3, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, méconnaît la règle selon laquelle l'impossibilité pour le travailleur de fournir son travail par suite de maladie ou d'accident suspend l'exécution du contrat (violation de l'article 31, § 1er, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail), considère à tort la défenderesse comme une chômeuse liée par un contrat de travail dont l'exécution était temporairement suspendue (violation de l'article 27, 2°, a), de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage), méconnaît la règle que, pour pouvoir bénéficier d'allocations de chômage, le chômeur doit être privé de travail et de rémunération par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, ce qui n'était pas le cas eu égard à la décision du médecin-conseil de la mutualité déclarant la défenderesse apte au travail (violation de l'article 44 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 précité) et en outre la règle que, pour bénéficier des allocations de chômage , le travailleur doit être apte au travail au sens de la législation relative à l'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité (violation des articles 60 et 61 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 précité).
La décision de la Cour
En vertu de l'article 100, § 1er, alinéa 1er, de la loi coordonnée du
14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, est reconnu incapable de travailler, au sens de cette loi, le travailleur qui a cessé toute activité en conséquence directe du début ou de l'aggravation de lésions ou de troubles fonctionnels dont il est reconnu qu'ils entraînent une réduction de sa capacité de gain à un taux égal ou inférieur au tiers de ce qu'une personne de même condition et de même formation peut gagner par son travail, dans le groupe de professions dans lesquelles se range l'activité professionnelle exercée par l'intéressé au moment où il est devenu incapable de travailler ou dans les diverses professions qu'il a ou qu'il aurait pu exercer du fait de sa formation professionnelle.
Le troisième alinéa de ce paragraphe dispose que, toutefois, pendant les six premiers mois de l'incapacité primaire, le taux de réduction de la capacité de gain est évalué par rapport à la profession habituelle de l'intéressé, pour autant que l'affection causale soit susceptible d'évolution favorable ou de guérison à plus ou moins brève échéance.
L'article 31, § 1er, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail énonce que l'impossibilité pour le travailleur de fournir son travail par suite de maladie ou d'accident suspend l'exécution du contrat.
L'impossibilité visée à cette disposition, qui est appréciée par rapport au travail convenu, ne se confond pas avec l'incapacité de travail primaire au sens de l'article 100, § 1er, alinéa 3, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994, dès lors que la profession habituelle par référence à laquelle la réduction de la capacité de gain doit être évaluée durant cette incapacité n'est pas nécessairement la profession exercée en dernier lieu par le travailleur.
Il s'ensuit que le fait pour un travailleur d'être, au cours des six premiers mois d'incapacité primaire, déclaré apte au travail, au sens de l'article 100, § 1er, alinéa 3, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994, par le médecin-conseil de son organisme assureur, n'exclut pas que ce travailleur soit dans l'impossibilité de fournir son travail à la suite d'une maladie ou d'un accident au sens de l'article 31, § 1er, de la loi du 3 juillet 1978.
L'arrêt, qui constate que si, au moment de sa demande d'allocations de chômage temporaire pour force majeure, la défenderesse avait été déclarée apte au travail au sens de l'article 100, § 1er, alinéa 3, de la loi coordonnée du
14 juillet 1994 mais qui considère qu'elle se trouvait alors dans l'impossibilité de fournir son travail, son employeur n'ayant pu le «lui permettre [.] en raison des restrictions apportées à l'exercice de son activité de l'avis du médecin traitant et du médecin du travail», justifie légalement sa décision que la défenderesse «[doit] bénéficier des allocations de chômage à dater du 5 janvier 1998».
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de trois cent soixante-huit euros septante-deux centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Philippe Echement, les conseillers Daniel Plas, Christine Matray, Sylviane Velu et Philippe Gosseries, et prononcé en audience publique du douze juin deux mille six par le président de section Philippe Echement, en présence du premier avocat général Jean-François Leclercq, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.


3e chambre (sociale)

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL - SUSPENSION - Travailleur - Maladie - Accident - Impossibilité de fournir son travail - Assurance maladie-invalidité - Assurance indemnités - Incapacité de travail primaire - Profession - Chômage - Droit aux allocations de chômage - Aptitude au travail -Chômeur temporaire /

L'impossibilité pour le travailleur de fournir son travail par suite de maladie ou d'accident, qui suspend l'exécution du contrat de travail et qui est appréciée par rapport au travail convenu, ne se confond pas avec l'incapacité de travail primaire au sens de la législation relative à l'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité, dès lors que la profession habituelle de l'intéressé par référence à laquelle la réduction de la capacité de gain doit être, en règle, évaluée durant les six premiers mois de cette incapacité primaire n'est pas nécessairement la profession exercée en dernier lieu par le travailleur ; ce travailleur n'est dès lors pas obligatoirement exclu du bénéfice des allocations de chômage temporaire.


Références :

Voir les concl. du M.P.


Origine de la décision
Date de la décision : 12/06/2006
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : S.05.0064.F
Numéro NOR : 145709 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2006-06-12;s.05.0064.f ?
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