PROCUREUR DU ROI PRES LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE D'YPRES,
contre
D. V. M. J. R.,
prévenu.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 26 mai 2005 par le tribunal correctionnel d'Ypres, statuant en degré d'appel.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Luc Huybrechts a fait rapport.
L'avocat général Patrick Duinslaeger a conclu.
III. Les moyens de cassation
Le demandeur présente deux moyens dans une requête.
IV. La décision de la Cour
A. Examen des moyens
1. Sur le premier moyen
Attendu que le moyen invoque la violation de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit à la vie privée;
Attendu que si la constatation, par des agents compétents de l'autorité, d'une infraction à la police de la circulation routière sur la voie publique est une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée qui est autorisée par l'article 8, alinéa 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce droit est toutefois violé lorsque la constatation de l'infraction à la police de la circulation routière a été réalisée dans une voiture équipée de trois caméras et en présence de tiers incompétents qui font partie d'une maison de production de programmes télévisés et qui, depuis le début, suivaient en "live" tout mouvement, de sorte que la prérogative de la police est ainsi délibérément partagée avec des tiers qui, d'entrée de jeu, étaient impliqués d'une manière active dans la phase initiale de recherche;
Attendu que le moyen ne peut être accueilli;
2. Sur le deuxième moyen
Attendu que l'usage d'une preuve que l'autorité chargée de la recherche, de l'enquête et de la poursuite des infractions ou qu'un dénonciateur, en vue de fournir cette preuve, ont recueillie à la suite d'une infraction, en violation d'une règle de la procédure pénale, à la suite d'une atteinte portée au droit à la vie privée, en violation des droits de la défense ou en violation du droit à la dignité humaine, n'est en principe pas autorisé;
Que le juge ne peut toutefois écarter une preuve recueillie illégalement que:
- soit lorsque le respect de certaines conditions de forme est prescrit à peine de nullité;
- soit lorsque l'illégalité commise a entaché la fiabilité de la preuve;
- soit lorsque l'usage de la preuve viole le droit à un procès équitable;
Attendu qu'il appartient au juge d'apprécier l'admissibilité de la preuve recueillie illégalement à la lumière des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en tenant compte des éléments de la cause prise dans son ensemble, y compris la manière dont la preuve a été recueillie et les circonstances dans lesquelles l'illégalité a été commise;
Attendu qu'aux fins de cette appréciation, le juge peut prendre en considération, entre autres, la totalité ou une partie des circonstances suivantes:
- soit le fait que l'autorité chargée de la recherche, de l'enquête et de la poursuite des infractions a commis l'illégalité intentionnellement ou non;
- soit le fait que la gravité de l'infraction excède de loin l'illégalité commise;
- soit le fait que la preuve recueillie illégalement ne concerne qu'un élément matériel de l'existence de l'infraction;
Attendu que le juge apprécie souverainement quelles sont les circonstances dans lesquelles l'usage d'une preuve recueillie illégalement viole le droit à un procès équitable, pour autant que les circonstances sur lesquelles il fonde cette appréciation soient de nature à justifier sa décision;
Attendu que, contrairement à ce que le moyen soutient, le jugement attaqué indique les motifs pour lesquels il considère qu'en l'espèce, la preuve recueillie illégalement ne peut être utilisée;
Attendu que, contrairement aussi à ce que le moyen soutient, le jugement attaqué examine si le droit à un procès équitable a été mis en péril et mesure à cet effet l'illégalité commise à l'aune de la gravité de l'infraction;
Attendu qu'en soupesant, d'une part, le droit à la vie privée et, d'autre part, la gravité de l'infraction à la police de la circulation routière commise, le jugement attaqué a légalement justifié sa décision;
Que le moyen ne peut être accueilli;
B. Examen d'office de la décision rendue sur l'action publique
Attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi;
Laisse les frais à charge de l'Etat.
(.)
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Edward Forrier, les conseillers Luc Huybrechts, Jean-Pierre Frère, Paul Maffei et Luc Van hoogenbemt, et prononcé en audience publique du huit novembre deux mille cinq par le président de section Edward Forrier, en présence de l'avocat général Patrick Duinslaeger, avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Jean de Codt et transcrite avec l'assistance du greffier adjoint principal Patricia De Wadripont.
Le greffier adjoint principal, Le conseiller,